Le premier recueil de poésies d'Alfred de Musset est celui qui contient l'ensemble de ses audaces en fait de césures et entrevers audacieux. Il s'agit du recueil Contes d'Espagne et d'Italie paru à la toute fin de l'année 1829. Alfred de Musset était par son âge et l'école en relation avec le beau-frère de Victor Hugo, Paul Foucher, lequel est lié à la genèse de la pièce Amy Robsart de 1828. Musset assistait aux soirées du Cénacle et avait des relations privilégiées avec des auteurs romantiques en vue de l'époque, par exemple Ulric Guttinguer.
Musset connaissait donc avant le grand public les vers révolutionnaires de Victor Hugo pour ses deux drames Cromwell et Marion de Lorme, ainsi que les vers des Orientales. Dans tous les cas, faisons ici les rappels nécessaires.
A la fin du dix-huitième siècle, trois poètes reviennnent à une versification plus souple se rapprochant de la Renaissance. Même Mathurin Régnier, contemporain de Malherbe, était déjà un classique en fait de versification. Chénier revient à la versification des poètes du XVIe siècle, après deux audaces marquantes de Malfilâtre à l'entrevers dans sa traduction des Géorgiques de Virgile, sachant que les latins pratiquaient une versification plus souple encore qu'un Ronsard, qui lui-même le faisait remarquer dans sa préface à sa Franciade. Après Malfilâtre, Chénier et Roucher donnaient une nouvelle impulsion, mais ils furent tués le même jour sous la Révolution, en 1794. Il faut bien comprendre qu'eux morts les poètes en vue Delille, Parny (qu'admirait Lamartine), Millevoye, etc., pratiquaient une versification rigoureusement classique, sans souplesse à la Chénier ou à la manière des poètes de la Renaissance ou à la manière d'Agrippa d'Aubigné. C'était comme s'il ne s'était rien passé avec Roucher, Malfilâtre et André Chénier. Seuls deux poèmes d'André Chénier avaient été publiés de son vivant, le discours selon lequel ses poèmes étaient connus avant la publication de 1819 en volume est une fadaise critique sur laquelle ne pas rester assis un instant.
Avant 1819, ni Lamartine, ni Hugo, ni même Vigny n'écrivaient des vers à la Chénier. Le recueil des Méditations poétiques de Lamartine rassemble des poèmes composés dans les années qui précèdent, c'est une publication qui vient déjà sur le tard dans la vie de l'auteur avec des poèmes mûris depuis quelques années. Le recueil des Méditations poétiques ne compte que trente poèmes qui sont pratiquement l'essentiel de la poésie de Lamartine. Je referai prochainement un article pour montrer tout ce que lui doivent Vigny ("Eloa"), Hugo (des Feuilles d'automne aux Contemplations), Musset ("La Nuit de mai", etc.), Baudelaire ("Au lecteur", "Bénédiction", "Litanies de Satan", etc.), Rimbaud ("Credo in unam", "L'Eternité", etc.). Les universitaires ont complètement ignoré la valeur séminale des Méditations poétiques. Ils n'ont rien compris à l'histoire du romantisme et de la poésie du dix-neuvième siècle.
Avant 1824, Hugo n'a jamais composé un vers avec un rejet d'épithète, il commence dans "Le Chant du cirque" en 1824 et en 1825 dans "Mon enfance" Hugo pratique le "comme si" à la césure dans une autre de ses odes. Sa révolution dans le vers a commencé avec Cromwell qui date de 1827, il y a eu ensuite les vers courts des "ballades" apportées à l'édition définitive des Odes et ballades en 1828, puis il y a eu ses Orientalesen 1829 où il se restreint tout de même un peu en comparaison de ce qu'il osait pour le théâtre. je cite aussi Marion de Lorme, car si la pièce n'a été créée sur le théâtre qu'en 1831, un an après la bataille d'Hernani, en réalité elle a été composé en 1829 et lue en juillet devant un parterre de privilégiés dont Musset faisait partie, et c'est à cause de la censure royale que la pièce n'a pu être représentée dans la foulée. Musset écrit "Don Paez" parce qu'il est admiratif de Cromwell et Marion de Lorme, et ça les universitaires ils se gardent bien de l'afficher publiquement. Son recueil s'intitule Contes d'Espagne et d'Italie, parce que Victor Hugo a fait la couleur exotique avec ses Orientales où d'ailleurs l'Espagne est incluse. Musset compose pas mal de chansons, parce que Victor Hugo a publié des chansons des fous dans Cromwell, puis a lancé des "ballades" en complément de ses odes et on songe évidemment à "Sara la baigneuse" et aux "Djinns" dans le cas des Orientales. Et ça, les critiques universitaires, ils s'assoient dessus. Ils font ça sans arrêt. Ils ont décidé de bâtir la légende de Musset, comme celle de Baudelaire. Et ils ignorent aussi superbement l'influence séminale des Méditations poétiques, puisqu'ils en limitent la portée à trois ou quatre poèmes "Le Lac", "L'Isolement", "Le Vallon" et "L'Automne". Les critiques universitaires ont éliminé de l'histoire littéraire les poèmes de Lamartine que sont "L'Homme", "Le Soir", "L'Immortalité", "Le Désespoir", "Souvenir", et aussi "Philosophie", "Hymne au soleil", "Le Temple" et "Dieu". Ces poèmes qui ont été éliminés de l'histoire littéraire ont eu une influence considérable sur Musset, Baudelaire, Hugo, Vigny et Rimbaud, et Sainte-Beuve, et Arvers (ce dernier s'étant pour son célèbre sonnet inspiré plus directement d'un poème des Harmonies poétiques et religieuses). Le "que me veux-tu" de Sainte-Beuve et de Verlaine, il vient du poème en octosyllabes "Le Soir" de Lamartine. Le titre "Souvenir" de Lamartine deviendra le titre d'un poème "Souvenir" de Musset dont Rimbaud s'inspirera pour son "Là tu te dégages / Et voles selon." Dans le poème de Musset, c'est la Lune qui se "dégage". Il va de soi que le poème "L'Eternité" décrit une aube annulant le couchant (n'est-ce pas les rimbaldiens Bardel, Nicole et compagnie ?), et selon des schémas de pensée qui sont dans plein de vers de poèmes des Méditations poétiques. Et dans son poème "Souvenir", en octosyllabes, Lamartine offre l'expression justement "l'aube qui se dégage" qui devient lune qui se dégage en montant au ciel chez Musset, et Rimbaud s'est forcément intéressé au poème "Souvenir" puisque dans ce poème des Méditations poétiques vous avez ce vers : "Du zéphyr l'amoureuse haleine" et l'expression "suaves odeurs". Certes, Lamartine fait écho à des clichés de vers du dix-huitième siècle et Rimbaud s'inspire directement de Banville dans les vers qu'il attribue à son Léonard dans Un cœur sous une soutane. Mais vous croyez quoi ? que Rimbaud ne sait pas multiplier les allusions en un poème ? Vous croyez qu'il relève de votre médiocrité ? La poésie du "coeur" de Léonard, c'est Lamartine et Musset les modèles de référence. On parle de la mort toute récente de Lamartine dans Un coeur sous une soutane, œuvre où Ascione a identifié plein d'allusion à Jocelyn.
Ah oui, le poème "L'Eternité" c'est trop sérieux pour faire référence à un prédécesseur, à part à Baudelaire que vous aimez bien. Ben non, vous ne comprenez strictement rien à rien.
Et "Sensation" et "Credo in unam", mais je vais vous faire un article pour vous citer tous les échos avec des poèmes de Lamartine, avec des poèmes des Méditations poétiques pour l'essentiel avec une petite thèse d'influence du poème "La Mort de Socrate" à cause d'Endymion. Le poème "Credo in unam" parle de mythologie grecque, de Lucrèce, et vous avez déjà les parnassiens, les Banville et Leconte de Lisle, mais le discours de "Credo in unam" c'est une mise en boîte du discours chrétien de Lamartine dans ses Méditations poétiques et quand vous verrez des rapprochements à faire avec des vers de Musset ("Rolla" ou autre) et de Victor Hugo, mais c'est que Musset et Hugo s'inscrivent dans la continuité admirative des Méditations poétiques.
Vous ne voyez pas ça, ah bon ? Mais c'est quand la dernière fois que vous avez lu les Méditations poétiques ? Vous achetez des volumes de poésies que vous ne lisez jamais, que vous posez sur des étagères... Je ne suis même pas sûr que vous lisez jamais en intégralité "Le Lac" de Lamartine, en-dehors de contraintes pour donner des cours.
Parce que moi je ne m'explique pas que vous soyez incapable de voir toutes les allusions à Lamartine dans "Credo in unam", ça me dépasse. Et Baudelaire, c'est encore plus flagrant. Son poème "Bénédiction", mais vous l'avez remarqué que ça commence avec le même "Lorsque" que le poème "Le Désespoir" des Méditations poétiques. Est-ce que ça vous a déjà traversé l'esprit ?
Vous êtes là à pérorer sur la théorie des correspondances qui en réalité est repiquée à E. T. A. Hoffmann, ce dont Baudelaire ne s'est même pas caché, il l'a écrit lui-même ! Le sonnet "Les Correspondances", vous avez un article d'Antoine Fongaro qui vous a déjà averti qu'il était saturé d'emprunts à Chateaubriand et à Victor Hugo, mais ça ne s'arrête pas là : "La Nature est un temple" son premier hémistiche il est tout entier dans les Méditations poétiques. C'est un tic d'écriture de Lamartine de faire une métaphore sur un hémistiche en liant par la forme "est" la comparant et le comparé. C'est même justement ce que reprend Arvers dans le célèbre vers que tout le monde lui connaît et qui en fait vient directement de Lamartine. C'est même encore plus marrant comme Lamartine a repris à un autre son célèbre vers : "Un seul être vous manque et tout est dépeuplé" en ne modifiant qu'un pronom, le "vous" qu'il apporte", Baudelaire change l'hémistiche suivant du poème "L'Immortalité" : "la nature est ton temple !" qui devient "La Nature est un temple..." Et le mot "symbole(s)", ben lisez les derniers poèmes des Méditations poétiques pour apprendre d'où il vient, ar exemple le poème "La Foi" offre la rime "parole"/"symbole" :
[...]Son flambeau dans les cœurs précéda la raison.L'enfant, en essayant sa première parole,Balbutie au berceau son sublime symbole,[...]
Vous pensez que ça n'a rien à voir ? J'ai une autre citation antérieure dans l'économie du recueil de 1820, dans le poème "La Prière", et ce que je vais citer suppose un lien qui relie "La Prière" de Lamartine à la fois au sonnet "Les Correspondances" et à "Credo in unam", sans oublier Hugo et ses Contemplations :
Sous tous ces nos divers je crois en toi, Seigneur ;Et, sans avoir besoin d'entendre ta parole,Je lis au front des cieux mon glorieux symbole.
Et la série : "Les parfums, les couleurs et les sons", vous l'attribuez à Baudelaire ? Malheur à vous, ça vient aussi de Lamartine, mais il est vrai pas directement des Méditations poétiques, puisqu'il faut ici citer des vers de "La Mort de Socrate" :
Les formes, les couleurs, les sons, les nombres même,Tout me cachait mon dieu ! tout était son emblème !
Il manque la mention du parfum, ne vous inquiétez pas il y en a quelques-unes dans les Méditations poétiques. Mais lisez "La Prière", "Le Temple", "La Foi", etc. Dans le poème intitulé "Dieu" qui fait partie des poèmes sources au morceau "Elévation" de Baudelaire (il y en a d'autres dans le corpus lamartinien), ça parle de la création par Dieu de "deux langages divers" et il est question alors du "langage inné de toute intelligence". Lamartine développe l'idée du jour comme regard de Dieu avec ce tic d'écriture dont je parlais plus haut : "Le jour est son regard, le monde est son image[.]" Toujours dans ce poème, nous avons la comparaison "comme un encens" que Lamartine emploie à au moins une autre reprise. J'ai déjà indiqué que Baudelaire réécrivait des vers ou hémistiches de Lamartine : "Vous avez pris pitié de sa longue douleur ! " ("Hymne au soleil"), "la nature est ton temple" ("L'Immortalité") et "Homme, semblable à moi, mon compagnon, mon frère !" ("La Foi").
Je rappelle que Lamartine a mis dans son recueil un poème sulfureux "Le Désespoir" et pour le faire accepter il la fait suivre à contre-coeur de "La providence à l'homme". Vous avez un poème sur "Sapho" au début des Nouvelles méditations poétiques. Lamartine n'arrête pas au nom de l'amour de contester Dieu, il n'arrête pas de dire qu'il veut la mort en tant que néant. A un moment donné, c'est difficile à comprendre que derrière le vernis chrétien Lamartine est le modèle du désespoir exprimé par Musset et de la poétique des Fleurs du Mal ? Et c'est difficile pour vous de comprendre que le vernis chrétien Baudelaire va s'y attaquer quelque peu aussi ou va éviter de l'exhiber comme une contre-partie maladroite à son discours du Mal ?
C'est difficile à comprendre ? "Houla, j'ai mal à ma tête..." Avouez que vous êtes nuls. Le poème "L'Homme" il est sur Byron, mais lisez-le. Musset et Vigny s'en sont inspirés et ont réécrit des vers de ce poème.
Je ne sais pas quoi faire avec votre manque de vivacité d'esprit. Il y a plein de vers des Méditations poétiques qui sont réécrits par Rimbaud dans "Sensation" et "Credo in unam". Je vais vous faire un article dessus. J'annonce ça depuis des années, vous n'avez pas encore eu l'idée de vous en emparer ?
Et j'en profite aussi pour dire que même la théorie du souvenir de Baudelaire vient de vers très précis de Lamartine que je vais vous citer prochainement...
Enfin, bref !
J'ai digressé.
Donc, les rejets d'épithètes sont inconnus de Lamartine avant 1825, alors qu'il s'autorise une césure derrière la préposition "après" dans ses Méditations poétiques et une derrière "avant " dans La Mort de Socrate. Racine s'autorise une césure derrière la préposition "après" dans Iphigénie, sur une réplique d'Achille. Notons tout de même que Lamartine n'ignore pas tout des rejets à la manière de Chénier, je crois que j'en ai repéré un dans un poème inédit antérieur aux Méditations poétiques, mais il ne s'agit pas d'épithètes. Lamartine pratique parfois le rejet verbal d'un vers à l'autre. Il faut éviter de le confondre avec le relief d'un verbe en début de vers, car si la suite de l'hémistiche est du même ordre syntaxique ce n'est pas un rejet, mais j'ai repéré deux ou trois cas. Par exemple, dans le poème "L'Isolement", le verbe "Monte" est en relief mais il ne s'agit pas d'un rejet :
Et le char vaporeux de la reine des ombresMonte, et blanchit déjà les bords de l'horizon.
Vous pouvez lire "Monte" de manière expressive, mais ce n'est pas un rejet vu l'unité de l'hémistiche : "Monte, et blanchit déjà". Vous n'avez pas non plus de rejet dans les vers suivants du poème "L'Immortalité" :
Ah ! si dans ces instants où l'âme fugitiveS'élance et veut briser le sein qui la captive,[...]
En revanche, vous en avez un dans le poème "La Gloire" publié pour la première fois en 1818 dans une version à laquelle je n'ai pas encore eu accès :
Ainsi l'aigle superbe au séjour du tonnerreS'élance ; et, soutenant son vol audacieuxSemble dire aux mortels [...]
Et cela concerne aussi un poème en octosyllabes "Le Génie" avec les vers suivants :
Le chêne aux profondes racinesDemeure ; et le fleuve a passé !
Et je relève un troisième rejet verbal à la Chénier pour ce recueil dans "La Poésie sacrée", de nouveau sur une forme pronominale :
De son sein bouillonnant la menace à longs flotsS'échappe ; un Dieu l'appelle, il s'élance, il s'écrie :[...]
Et j'ajoute ce quatrième, toujours avec un verbe pronominal dans "Le Golfe de Baya", poème en octosyllabes :
Le sein des fleurs demi-ferméesS'ouvre, et de vapeurs embauméesEn ce moment remplit les airs ;[...]
Il y en a un aussi dans les poèmes antérieurs inédits mais datés, soit dans une tragédie, soit dans un poème. En clair, Lamartine connaît le procédé pour les verbes et il le pratique, mais il ne le fait pas pour les adjectifs épithètes ou attributs. J'ai aussi relevé un rejet à la Chénier de complément prépositionnel à la césure, mais ça doit être dans "La Mort de Socrate" ou "Le Chant du sacre".
Bref, Lamartine ne pratique que trois rejets d'épithètes, tous trois en 1825 un sur "chrétien" dans "Le Chant du sacre", deux autres dans Le Dernier chant de pèlerinage de Harold. Après, Lamartine qui dira ne pas aimer Chénier renoncera aux rejets d'épithètes.
J'ai aussi un "tout" placé en relief autour de la césure, mais je le citerai une autre fois, ça doit être dans "La Mort de Socrate".
Après 1825, Lamartine va laisser les césure à la Chénier à Vigny et Hugo, puis à Musset, Sainte-Beuve, Gautier et ainsi de suite.
Musset est donc disciple de Victor Hugo et Alfred de Vigny qu'il fréquente tous deux en 1829 !
Vigny est moins prégnant sur la question des vers de chanson, mais il faut citer le poème "La Frégate La Sérieuse".
Donc, on a tout pour s'expliquer les audaces de versification de Musset que les métriciens et autres, Gouvard, Chevrier, attribuent pourtant à Musset lui-même. Non ! C'est faux ! Il suffit de lire les vers des grands romantiques. Pour un universitaire, lire Hugo et Vigny, c'est la base, non ? Ils les ont lus en plus, puisqu'il les cite. Mais on ne sait pas par quel prodige Musset et Baudelaire ne doivent rien à personne.
Quel cirque, mais quel cirque !
En tout cas, on a aussi une biographie d'Alfred de Musset par son frère, écrivain moins réputé, Paul de Musset. Et comme Lamartine dans ses poèmes inédits de jeunesse écrit en vers qu'il respecte la cadence monotone bien frappée des hémistiches, Alfred de Musset nous apprend que le poème "Mardoche" a été écrit exprès en urgence pour arriver aux cinq cent vers de plus justifiant la publication d'un recueil et qu'en ultime lecture publique Musset a lu "Don Paez" et "Portia" que le parterre connaissait déjà, et puis "Mardoche" qu'ils découvrirent avec enthousiasme.
Vous en connaissez beaucoup des spécialistes de Musset qui vantent "Don Paez" ou "Portia" ? Il se trouve qu'à part les chansons et la célèbre "Ballade à la Lune", les poèmes importants du premier recueil de Musset c'était une comédie en vers Les Marrons du feu qui a été éjectée de l'édition des Poésies complètes de Musset dans la collection Poésie Gallimard et trois poèmes "Don Paez", "Portia" et "Mardoche". Les poèmes des "Nuits", "Namouna", "Rolla", "Le Saule", tout ça c'est postérieur.
J'ai déjà expliqué l'intérêt pour l'histoire du vers de "Don Paez". Musset n'y invente rien, mais il pratique à quatre reprises le rejet d'épithète d'une syllabe dans la continuité de Victor Hugo. La comédie Les Marrons du feu dont il écorcherait la gueule des métriciens, des baudelairiens et des rimbaldiens (parce qu'on en est littéralement là !) de dire qu'il contient le "Comme une" à la rime que Baudelaire a repris à la césure dans "Voyage à Cythère".
La comédie "Les Marrons du feu" a l'intérêt d'exhiber plusieurs mots grammaticaux mis à la césure ou à la rime, par défi au classicisme, mais une série de mots qui n'entrent pas dans l'épuration théorique des critères retenus par les métriciens... Et Musset s'intéresse à des cas très intéressants, j'ai parlé de la conjonction "si" pour "Don Paez". Mais lisez "Les Marrons du feu". Evidemment, on relève la césure sur un pronom préverbal dans "Mardoche". Gouvard et Cornulier le relèvent, mais par un raisonnement farfelu sur les mondes parallèles, ils évitent de dire que Musset imite Cromwell et Marion de Lorme, ce qui me laisse pantois.
Et, donc, avec sa biographie, Paul de Musset nous apprend qu'immédiatement après ce premier recueil son frère a été pris de remords et a arrêté les césures audacieuses. Je cite le discours de Paul de Musset lui-même dans la deuxième partie de la biographie :
Tandis que le servum pecus des imitateurs se jetait sur les Contes d'Espagne et se mettait en mesure de les copier de cent façons, Alfred de Musset méditait une réforme et changeait si bien d'allure que Les Vœux stériles, Octave et Les Pensées de Rafaël, premiers morceaux qu'il publia dans la Revue de Paris, après un intervalle de réflexions sérieuses ne contenaient déjà plus ni négligences de style ni vers brisés.
Ce qui est vrai, c'est que Musset cesse de pratiquer les "vers brisés". Mais il y a une imposture intellectuelle dans les propos du frère biographe, puisque Musset copiait Victor Hugo. Quant au reflux des audaces, il n'a pas concerné que Musset, puisque Sainte-Beuve déconseillait à Hugo d'aller plus loin, puisque Victor Hugo n'a pas osé aller aussi loin dans ses recueils de poésies lyriques. Même pour le théâtre il s'est modéré, et Hernani a moins d'audaces de versification que Cromwell et Marion de Lorme. Gautier et les autres aussi se modéreront sur certaines pratiques strophiques. Pour sa part, Musset va rester irrégulier au plan des strophes. Méfions-nous du discours du frangin. Il n'en reste pas moins que pour étudier l'histoire du vers c'est le recueil Contes d'Espagne et d'Italie qui est important. Or, les métriciens étudient les recueils tardifs qui mélangent tout et ont quelques suppressions. On ne peut pas étudier l'histoire du vers si on ne voit pas que Vigny a supprimé "Héléna" de son premier recueil, si on ne voit pas qu'il manque "Les Marrons du feu" dans les poésies complètes de Musset.
Cet article est assez conséquent. Vous aurez bientôt la suite sur Musset avec "Les Marrons du feu" et "Portia". Je cite quand même aussi "Les Pensées de Rafaël" à cause d'une dernière pichenette métrique avec le suspens à la césure de la préposition "sur", mais pour un titre abrégé. Je vais traiter des chansons, il y a des trucs très intéressants à dire, et bien sûr je vais vous apporter des articles conséquents sur l'influence profonde du premier recueil de Lamartine. Je n'ai pas tout dit là au-dessus.
- Allô, allô ! David ! Attention, je crois qu'il y a des collaborateurs de la revue Parade sauvage qui vont lancer un site internet d'études rimbaldiennes dans les prochains jours. Ils veulent battre le fer tant qu'il est chaud, ils ont de nouvelles idées inédites sur des sources du côté de Lamartine, Musset, Desbordes-Valmore... Ils ont de quoi faire un truc énorme il paraît !
- Ahahahah ! Comme dit dans le film "Il bidone", ils sont frais tes amis !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire