Le poème "A une Raison" possède un titre qui interpelle et qui provoque presque plus de réflexion critique que le poème proprement dit, lequel est fortement délaissé par les rimbaldiens en général. Le mot "Raison" est flanqué d'une majuscule : il désigne une allégorie, un principe divin, et finalement une divinité comparable à la Vénus pour laquelle le poète clame sa foi dans "Credo un unam". Ce mot "Raison" est précédé d'un déterminant indéfini "une". Les lecteurs envisagent l'idée que, dans une concurrence entre plusieurs conceptions de la raison, le poète en privilégie une qu'il oppose polémiquement aux autres conceptions. Et les rimbaldiens font la revue historique des notions de raison. Mais, ce déterminant a une valeur d'exclusivité, il sous-entend aussi qu'elle est unique, que cette "Raison" est la seule vraie, et c'est bien ce qui justifie la nature polémique de ce titre après tout.
Mais cette Raison unique que célèbre le poète, c'est celle du monde lui-même. Dans "Voyelles", Rimbaud énumère les cinq voyelles de l'alphabet pour en faire cinq "couleurs" à partir desquelles on peut composer l'ensemble des visions du réel et aussi des possibles en esprit. Le noir et le blanc ne sont pas des couleurs à proprement parler, sauf dans la langue des peintres, mais Rimbaud unit bien sûr l'opposition du noir et du blanc à la trichromie positive du rouge, du vert et du bleu qui s'est développée en science de la vision humaine de Young à tout récemment à l'époque Helmholtz. Le premier vers de "Voyelles" correspond à une sorte de définition des cinq éléments premiers qui permettent ensuite de tout fonder, un peu comme dans l'Antiquité grecque, certains émettaient l'idée que le monde était constitué de quatre éléments premiers : le feu, l'air, la terre et l'eau. Et comme dans le cas de la trichromie en optique avec les avancées d'Helmholtz, cette idée des briques fondamentales est dans l'air du temps, puisque c'est en 1869 que Mendeleïev dresse le tableau périodique des éléments. Rimbaud invente en poète, bien sûr, mais son poème mime l'idée scientifique d'établir la table des éléments premiers du monde, et en l'occurrence une liste d'éléments pour créer toutes les paroles et toutes les visions.
Rimbaud ne se leurre pas sur la facticité de son invention, il ne veut ni faire passer cela pour une découverte authentique, ni se faire dérisoirement applaudir pour l'exhibition d'une thèse gratuite, et il ne cherche pas non plus à trop facilement se moquer par sa variante des exemples d'audaces de poètes qui ont chanté avant Rimbaud une science du monde qui n'était qu'illusion. Rimbaud imite la production d'une synthèse de résultats scientifiques, et ce qu'il va dire d'intéressant va être au-delà.
Il y a à l'évidence quelque chose qu'il croit en écrivant ses poèmes, quelque chose qui l'engage. Rimbaud croyait-il en un message ésotérique développé par ses poèmes ou relayé par ses poèmes ? Il faut ouvrir quelques tiroirs. Nous avons quelques attestation d'un intérêt pour les lectures ésotériques. Selon un témoignage attribué à Henri Mercier et rapporté par Darzens, Rimbaud s'intéressait à la lecture de Swedenborg, et ce fait est confirmé plus directement encore par le journal de sa sœur Vitalie Rimbaud qui n'a aucune raison de mentir quand elle confie par écrit que Rimbaud en Angleterre, du temps où il est encore quelque peu lié à la poésie, lui a prêté un ouvrage de Swedenborg précisément. Hugo, qui se laissait captiver par les tables tournantes, et Balzac, d'autres écrivains encore, permettent d'envisager la possibilité d'un intérêt de la part de Rimbaud pour l'ésotérisme, et cela s'amplifie avec ce qu'on peut savoir de zutistes comme Antoine Cros et Ernest Cabaner. Il y a un deuxième tiroir à ouvrir, celui de l'état de la science à l'époque de Rimbaud. Rimbaud vit une époque où la représentation du monde change rapidement : il connaît vaguement le sujet des animaux antédiluviens, il connaît sans doute les descriptions de Buffon sur la formation de la Terre, il sait que le monde n'a plus l'âge court biblique qu'on lui prêtait, mais Rimbaud n'a pas notre bagage intellectuel de gens du vingtième siècle. Nous parlions plus haut des avancées majeures de Mendeleiev ou de Helmhotz qui sont de son époque. Rimbaud est d'un monde où il y a encore un certain mystère antique sur l'origine du monde. Le troisième tiroir qu'il faut ouvrir, c'est que Newton et Leibniz, deux des plus grands génies de l'humanité, étaient encore partisans de recherches ésotériques, Newton sur la lecture de la Bible ou Leibniz sur l'alchimie, et à la fin du dix-neuvième siècle et au début du vingtième siècle encore, quelqu'un comme Camille Flammarion, lequel était d'ailleurs douze ans plus vieux qu'Arthur Rimbaud en fait, alliait son intérêt pour la science à sa foi en une possibilité de science ésotérique. En clair, il y a un danger d'anachronisme à trouver évident que Rimbaud n'avait pas un support de pensée ésotérique et que, dès lors, par la force des choses, sa poésie n'en garderait aucune trace. Pourtant, je suis très réservé quant à l'idée que Rimbaud fasse passer un tel profil de savoir ésotérique dans sa poésie. Je suis loin de pouvoir le prouver pour l'instant, mais spontanément je n'y crois pas du tout, et ma connaissance affinée de son œuvre ne m'y conduit pas apparemment. Pour moi, Rimbaud a beau parler avec une certaine conviction d'une connaissance qu'il formulerait dans ses poèmes hermétiques, je n'identifie pas un tel développement de sciences occultes. D'une part, quoi qu'ait pensé Rimbaud, pour moi, le discours de "Voyelles" ou de certains passages du livre Une saison en enfer n'étalent pas tant des révélations du monde que des représentations très bien conçues, ce qui n'a du coup rien à voir avec l'établissement tangible d'un savoir. D'autre part, le poème "Voyelles" demeure isolé. Il y a bien des liens de "Voyelles" avec des poèmes antérieurs et aussi des poèmes postérieurs. Il y a bien une convocation de "Voyelles" dans "Alchimie du verbe". Mais, objectivement, "Voyelles" expose une thèse à cinq éléments qui n'est développée nulle part ailleurs dans ses poésies, à l'exception de la cinquième partie de "Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs" qui lui fait nettement écho. Si Rimbaud avait découvert quelque chose, nous aurions des poèmes de tâtonnement, nous sentirions une progression de poème à poème, alors que sur le sujet des "Voyelles" les poèmes offrent des reflets de miroir, pas l'histoire d'une recherche.
Il y a pourtant une recherche, des constantes, mais elles sont à formuler différemment en tout cas.
Et j'en arrive au point de rapprochement qui m'intéresse et donne son titre à cet article. Dans "Voyelles", je le dis depuis 2003 et cela est de plus en plus répercuté dans les écrits des rimbaldiens depuis, il y a une idée de "Verbe de Lumière", nous avons une correspondance terme à terme de cinq voyelles et de cinq formes élémentaires de la vision, cinq formes de perception autrement dit de la lumière : le noir, l'absence de lumière, le blanc, la lumière et la réunion de toutes les couleurs, puis donc la tripartition du rouge, du vert et du bleu-violet. Ce n'est pas tant une vérité de l'univers, qu'une vérité de notre organe humain de perception qu'est l'œil. Or, cette idée de bijection permet d'établir un rapport systématique entre la parole et la lumière, et cette idée rejoint l'idée biblique, développée dans l'évangile selon saint Jean, d'un Verbe divin qui est dans l'univers et dans la lumière : "Au commencement était le Verbe, et le Verbe était Dieu", et une des premières paroles de Dieu est "Que la lumière soit", avec sa conséquence instantanée : "Et la lumière fut." Et pour saint Jean, la vie de l'homme est l'expression intérieure d'une lumière.
Rimbaud s'empare de ce mode de représentation métaphorique. Cela ne concerne pas seulement "Voyelles", la Raison est aussi du domaine de la parole, et donc le poème "A une Raison" peut se comprendre comme une prière ou une célébration adressée à un Verbe divin. Et "Alchimie du verbe" est un titre qui associe l'idée d'alchimie, de recherche donc du divin, à l'étude du verbe lui-même, et la notion d'alchimie est mobilisée explicitement dans "Voyelles" même, tandis que le sonnet "Voyelles" est exhibé en premier lieu en tant qu'exemple poétique rimbaldien de tentative d'alchimie du verbe dans la section du livre Une saison en enfer qui porte précisément ce titre.
Prenons précisément ce tercet du "U vert" dans lequel il est question d'alchimie. Le "U" va définir l'image des cycles. Le mot "cycle" nous fait sans doute plus volontiers songer à la figure du cercle, ce que renforceraient de proches parents lexicaux : cyclopède ou forme cyclique, etc. Toutefois, Rimbaud a lui affirmé que le "U" était la figure du cycle, mot qui au demeurant contient la lettre y associable à un "u" par référence étymologique, et il l'a associé au mouvement répété des vagues, à une oscillation. Et en effet, si nous traçons une ligne droite du temps, nous n'avons pas la lettre O pour former un cycle : soit nous avons la succession d'un demi-cercle courant sous la ligne et d'un demi-cercle passant au-dessus de la ligne, d'un u et d'un n, soit la succession inverse, d'un n puis d'un u, soit plus minimalement, plus simplement, nous avons la forme d'un "u" qui demi-cercle par demi-cercle s'éloigne de la ligne en descendant, puis y remonte, mais dès qu'il remonte sur la ligne, il redescend et ainsi de suite. La succession de la lettre "U" convient parfaitement pour figurer le mouvement cyclique. Mais, ce que dit en même temps le poète, c'est que les vibrations maritimes sont du coup une parole, puisque c'est un cycle continu de la voyelle "U". On connaît le mouvement de la vie avec les animaux, mais ici nous avons le mouvement de la mer qui n'est pas définie en tant qu'être vivant, mais qui, dans le mystère de l'univers, se perçoit aisément comme un rythme physique premier auquel notre sort est lié. Rimbaud aurait pu parler du mouvement des astres, il le fait d'ailleurs quelque peu au vers 13 de "Voyelles" avec les "Mondes" et les "Anges", sachant que les anges sont aussi au plan biblique et johannique une création de la parole divine, mais il garde l'idée du mouvement des astres pour la contemplation céleste du "O" bleu-violet, et dans le tercet du U consacré au monde sublunaire marqué par le dépassement humain il valorise donc l'idée assez évidente, proche des idées de "Soleil et Chair", qu'il y a un lien de sympathie entre l'oscillation des océans et le tout de la vie qui s'est continuée sur la terre avec les "animaux". Il y a aussi un autre aspect important du tercet du "U", dans la mesure où les mers offrent un mouvement d'une parole qui se répète, tandis que l'humaine transforme cette répétition éternelle en une connaissance qui s'imprime dans les livres, car il y a à l'évidence un tel jeu de mots quand Rimbaud écrit à cheval sur les vers 10 et 11 : "Paix des rides / Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux." Le plan de la connaissance va alors engager une plus-value pour l'humain, comme dans la progression "A noir", "E blanc", "I rouge", nous passions d'un état inerte à des actions de colère, de désir de beauté, d'ivresse, etc.
Cette plus-value se retrouve dans le poème "A une Raison". L'adhésion divine permet d'obtenir un crible du temps qui permet de fixer, d'imprimer une "nouvelle harmonie". Et l'idée subtile de Rimbaud, c'est que la divinité sollicitée est certes éternelle, mais quelque peu prise dans une sorte de conflit du type du yin et du yang. Elle circule en toutes choses, à tout instant : "Arrivée de toujours, qui t'en iras partout." Cela n'empêche pas que la Raison ait un flux et un reflux en nous. Ce que veut Rimbaud, c'est que nous nous battions pour le flux contre l'abandon au reflux. Ceci est justifié par le poème "L'Eternité", le poète définit que cette permanence existe à condition de bien s'en saisir. Il faut se dégager des "communs élans". Et cette éternité n'est pas dans la totalité du monde perçue comme perfection, elle est dans le mouvement du monde qu'on ne laisse pas retomber, et c'est ce qui est explicitement formulé par images avec l'idée de "la mer / Allée avec le soleil", où le verbe "aller" suppose une volonté, une action, mais aussi la possibilité de son contraire : la mer qui ne va pas avec le soleil. Rimbaud définit une éternité en tant que modalité d'action, en tant qu'affirmation du désir de vivre. Il y aurait des tas de choses à préciser sur ce désir, mais je ne le ferai pas ici. On verra ça une autre fois. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est ce rapport immédiat d'adhésion au monde et le fait que le poète veut se distinguer des autres auteurs en tant qu'il ne va pas prétendre découvrir la vérité par hasard, mais par application, en tant qu'il va chercher une sorte de sens commun cosmique des êtres humains dans un faux naïf, dans un faux "exprès trop simple". Il cherche sa vérité dans une évidence première qui l'amène à être au plus près des sens premiers, pour mieux sentir le réel. Et je ne pense pas que son hermétisme était voulu, qu'il transformait en discours hermétique une pensée qu'il aurait pu formuler autrement, même s'il est assez vrai qu'il aurait toujours pu formuler les choses autrement, mais je considère plutôt qu'il assumait son hermétisme et le laissait dominer sa façon de se confronter à une recherche d'une émotion accessible un jour à l'autre à tous les sens. Il cherchait à sentir les choses, ce qui n'allait pas sans une contrepartie d'hermétisme à la lecture de ses poèmes. Mais, à la limite, peu importe pour notre sujet de réflexion du jour. On gagne un substantiel confort de lecture à bien jauger de cette idée d'immédiateté du rapport au monde qui fonde la dynamique divine positive des poésies rimbaldiennes.
Maintenant, nous pouvons en revenir quelque peu à ce problème de compréhension de la profondeur philosophique du texte rimbaldien. Rimbaud croit quelque peu aux idées qu'il exprime dans plusieurs de ses écrits fondamentaux où il réfléchit sur sa possibilité d'être un mage, et donc en particulier à ce qu'il peut écrire dans "Credo in unam", dans "Génie" et "A une Raison", dans "L'Eternité", dans plusieurs moments du livre Une saison en enfer, et notamment dans les premiers alinéas célèbres de "Alchimie du verbe" ou dans "L'Impossible". Rimbaud révèle-t-il un système qu'il a trouvé, formule-t-il une mise au point qui correspondrait à une conviction réelle de découverte ? Je veux évidemment rester prudent et réservé quant à de telles prétentions, qui, au passage, nous rapprochent de la question de l'ésotérisme. Dans "Voyelles", Rimbaud décrit le "A noir" comme une matrice, le "E blanc" comme le don de la grâce sur les êtres, le "I rouge" comme en retour l'affirmation des êtres, puis le "U vert" comme le développement du monde sublunaire du rythme initial lanceur de vie des mers à la fixation de la pensée dans les livres, puis le "O bleu-violet" est le moment de contemplation où l'alchimiste croise le regard érotisé du divin. Il va de soi que c'est une magnifique conception, que cela dit beaucoup de choses de pertinent sur le monde, c'est d'une très grande beauté et d'une très grande justesse, mais cela demeure forcément une représentation personnelle, une élaboration qui permet d'apprécier le monde, sans arriver au statut de découverte scientifique. Et cela, Rimbaud le savait, et il n'est pas possible qu'il l'ait pu en faire fi quel qu'ait pu être son intérêt à la lecture par exemple d'un Swedenborg. Et, en tout cas, même si dans l'Antiquité grecque, on applaudissait à l'exposé d'une thèse sur les quatre éléments à l'origine de toutes les réalités du monde (eau, fer, feu, terre) ou à l'exposé de diverses autres thèses du même genre, avec le Timée socratique de Platon, etc., etc., il n'en reste pas moins que, moi, je ne reconnais ni aux théories antiques, ni au sonnet "Voyelles", un statut de découverte, l'acquisition d'une connaissance réelle. Je vois des représentations subtiles et intéressantes, c'est différent.
Pourtant, il y a un point d'ancrage à déterminer où Rimbaud finit bel et bien par se dire "voyant". Il ne faut pas perdre de vue non plus que nous lisons Rimbaud plutôt du côté des poètes du vingtième siècle. Nous lisons Rimbaud, puis nous lisons Reverdy, Breton, Michaux, Saint-John Perse, Char, Apollinaire, Saint-Pol-Roux, Supervielle, etc., etc. Or, la littérature française a connu deux siècles où les poètes ont été quelque peu envisagés comme des mages. Il y a une partie du seizième siècle avec Ronsard et du Bellay, en sachant que Ronsard, pendant les guerre de religion, va produire une poésie ayant vocation à secouer les masses avec les Discours sur les misères de ce temps, ce qui sera prolongé, mais dans l'opposition religieuse, par Les Tragiques d'Agrippa d'Aubigné, et cette idée de magistère revient sur la scène avec la poésie romantique. Lamartine ne fut pas que le seul poète du "Lac", et il a connu une carrière politique importante, jusqu'à un rôle de sorte de "chef du gouvernement" (et non pas de président) au moment de proclamer la seconde République en 1848. Toutefois, les poèmes les plus célèbres de Lamartine ne sont pas tellement ceux qui expriment une vision politique. Le cas est différent pour plusieurs autres poètes. Il n'est même pas besoin de rappeler ce qu'il en est pour Victor Hugo, mais il ne faut pas perdre de vue que, même en retrait sur l'emballement au romantisme, Musset a écrit des poèmes politiques connus, tandis que Vigny travaillait à exprimer une grande pensée dans ses pièces. Bien que prônant l'impersonnalité et le refus de l'actualité par le refuge dans les mythologies anciennes, Leconte de Lisle était aussi en quelque sorte un mage tenant un discours pour notre monde. Et nous pourrions aller très loin, jusqu'à rappeler que, même si, à part André Chénier, la poésie du dix-huitième siècle est frappée d'un certain discrédit, de son vivant, Voltaire fut moins célèbre pour ses écrits philosophiques et son art d'écrire des contes en prose que pour ses tragédies et ses poèmes en vers, et l'inspiration politique n'était pas absente de ses poésies, ainsi que l'atteste le poème sur le tremblement de terre de Lisbonne. Banville suppose aussi une critique de la société avec une vision de poète pour le monde dans ses différents recueils. Et même Baudelaire, s'il ne traite pas de l'actualité, parle pour ce monde et décrit notre présent selon ses vues dans Les Fleurs du Mal, puis ses "Petits poèmes en prose". Seulement, à partir de 1872, Rimbaud délaisse la rhétorique et les poèmes longs. Et ceci peut effacer le lien pourtant évident qu'avait Rimbaud avec l'idée du magistère romantique du poète. Or, au-delà de la question d'une recherche qui se veut différente en puisant à une idée de rapport au monde parfois dans l'exprès trop simple et le faux naïf, parfois dans la prose descriptive pince-sans-rire ou fantasmagorique du monde moderne, Rimbaud peut parler de vérité de sa dimension de mage et partant de sa parole remuante pour les foules parce qu'il y a l'idée d'une liaison métaphorique reprise à la Bible, puis à des auteurs tels que Victor Hugo, entre la parole du poète qui sait parler aux foules et donc imprimer sa marque au mouvement du monde et l'idée que la physique de ce monde est déjà un langage, un langage de lumière et de vibrations, et c'est dans cette liaison métaphorique que très visiblement Rimbaud engageait l'idée d'une vérité de son magistère, indépendamment d'une quelconque illusoire prétention à exposer une révélation, une synthèse ésotérique. C'est dans l'identification de ce qui justifie ce noyau dur métaphorique de la composition rimbaldienne que peut s'évaluer ce qui fonde l'éthique du voyant.