lundi 12 décembre 2016

Crise de vers - compte rendu : La Vieillesse d'Alexandre de Jacques Roubaud, partie 1 Rimbaud

En guise de préambule
Tout au long du vingtième siècle, dans le contexte scolaire, la plupart d'entre nous ont appris les règles suivantes en ce qui concerne la versification. Au-delà de huit syllabes, les vers ont une césure et sont composés d'hémistiches. Le vers de dix syllabes possède en général un premier hémistiche de quatre syllabes et un second de six syllabes, mais, selon cet enseignement, il peut arriver que la distribution soit inversée avec un premier hémistiche de six syllabes et un second de quatre syllabes, tandis qu'un décasyllabe aux deux hémistiches de cinq syllabes est également très courant. Et si jamais votre vers ne semble pas correspondre à l'une de ces trois mesures, c'est qu'il faut le découper autrement. Quant à l'alexandrin, il a deux hémistiches de six syllabes en principe, mais il peut aussi prendre la forme d'un trimètre (trois segments de quatre syllabes). Si aucun de ces deux découpages ne semble s'imposer, c'est qu'une autre formule binaire doit être proposée pour l'occasion. Mais ce n'est pas tout, nous avons appris que l'alexandrin comportait quatre accents, deux accents fixes à la fin des hémistiches, et deux accents mobiles, un à l'intérieur de chaque hémistiche. Nous supposons que le trimètre fait exception avec trois accents fixes exclusifs et nous nous posons alors la question des accents mobiles dans les décasyllabes. Est-on obligé d'avoir un accent mobile dans un hémistiche de quatre syllabes ? N'oublions pas qu'il existe une quantité importante d'arts poétiques et de traités de versification venant du Moyen Âge, de la Renaissance, du classicisme ou du siècle des Lumières, où il n'est jamais question d'accents, qu'ils soient fixes ou mobiles, dans la conception du vers français. Ce sont pourtant les traités et arts poétiques qui ont été suivis par tous nos grands poètes du Moyen Âge et de l'Ancien Régime : Rutebeuf, Alain Chartier, Charles d'Orléans, François Villon, Clément Marot, Joachim du Bellay, Pierre de Ronsard (qui a lui-même écrit un abrégé des règles de versification), Agrippa d'Aubigné, François de Malherbe, Mathurin Régnier, Vincent Voiture, Saint-Amant, Théophile de Viau, Pierre Corneille, Jean Racine, Molière, Jean de La Fontaine, Nicolas Boileau, Voltaire, André Chénier, etc. Même au dix-neuvième siècle, les traités ne parlent pas toujours d'accents dans le vers, à commencer par celui de Ténint qui se veut un manifeste de la nouvelle école romantique ou par celui de Banville, un des poètes en vue de la seconde moitié du dix-neuvième siècle et un versificateur reconnu par des pairs tels que Baudelaire ou Verlaine. La théorie des accents dans le vers français ne vient pas des poètes, elle est apparue au dix-neuvième siècle sous l'influence italienne de l'abbé Scoppa, et ses promoteurs ne furent pas non plus des poètes : Quicherat ou Philippe Martinon. Cette théorie anachronique est insoutenable et elle s'est pourtant imposée comme une fausse évidence dans l'enseignement scolaire, surtout au vingtième siècle quand il ne devint plus question d'apprendre à écrire des poèmes dans les classes. Nous devons aux travaux de Benoît de Cornulier et de Jean-Michel Gouvard la mise à mort de la théorie des accents dans le vers, mais nous pouvons encore citer à l'appui le travail immense de George Lote qui relate une dispute entre Pierre Corneille et un grand nom savant hollandais, où l'auteur du Cid réfute l'idée qu'il y ait des accents dans le vers français. Je n'ai pas la référence exacte du passage, mais je peux garantir que cela se trouve dans la monumentale Histoire du vers français par Georges Lote.
Voilà un avertissement nécessaire ! Passons maintenant à la question du déplacement de la césure. Nous savons que dans le dernier quart du dix-neuvième siècle une révolution du vers s'est opérée dans laquelle Rimbaud, Verlaine et Mallarmé ont joué un grand rôle. C'est depuis cette époque que l'analyse de poèmes en alexandrins ou en vers de dix syllabes pose problème. Deux analyses ont été possibles. Soit nous lisions ces vers en considérant qu'ils n'avaient plus de césure, soit nous nous fondions sur la forme grammaticale du vers pour envisager que la césure avait été déplacée d'une sorte non traditionnelle. De 1978 à 1982, les publications sur le vers de Jacques Roubaud et Benoît de Cornulier ont remis cette conception paresseuse en cause. Penchons-nous dès à présent sur le travail du premier de ces deux auteurs.
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En 1978, Jacques Roubaud a publié un livre La Vieillesse d'Alexandre qu'il a sous-titré "Essai sur quelques états récents du vers français" (collection "action poétique" dirigée par Henry Deluy et Jacques Roubaud, François Maspéro éditeur, Paris). Il existe une édition plus récente avec un portrait de Victor Hugo, l'édition que je possède me semble l'édition originale avec en couverture une "Figure représentant l'hiver" et en quatrième de couverture une accroche, hélas en novlangue!, de Jean Tortel. Le titre est un jeu de mots qui rappelle l'origine du nom "alexandrin" et le sujet du livre est la destruction de la forme de l'alexandrin venu du Moyen Âge par Rimbaud, plus encore que par Mallarmé, lequel se voit consacré un chapitre en tant que témoin privilégié.
Au plan de l'analyse rimbaldienne, un certain manque de rigueur historique caractérise la démarche de Jacques Roubaud. Il fait d'autorité du poème sans titre "Qu'est-ce pour nous, mon Coeur,..." l'origine de la révolution métrique opérée par Rimbaud, se fiant aveuglément au discours critique des éditions courantes de son époque. En réalité, nous ignorons la date exacte de composition de ce poème et rien ne permet de le dissocier des autres poèmes à la versification déroutante datés du printemps et de l'été 1872 pour l'essentiel. Il opère ainsi une séparation chronologique entre les deux derniers poèmes en alexandrins de Rimbaud "Qu'est-ce pour nous, mon Coeur,..." et Mémoire. Cela n'empêche pas heureusement un travail emblématique sur ce poème "Qu'est-ce pour nous, mon Coeur,...", travail qui sera prolongé par Benoît de Cornulier qui a visiblement emboîté le pas en réservant une étude à part à ce poème. Ce n'est que beaucoup plus récemment que Benoît de Cornulier s'est mis à travailler sur la relation métrique étroite sensible entre les deux poèmes "Qu'est-ce..." et Famille maudite / Mémoire, même si l'idée de relation en miroir avait été très tôt pressentie. L'autre grande erreur de méthode de Jacques Roubaud vient de ce qu'il se sert anachroniquement du témoignage de Mallarmé dans "Crise de vers" pour attribuer à Rimbaud un travail de déconstruction d'un alexandrin qui serait incarné par Victor Hugo. Pourtant, dans son ouvrage, Jacques Roubaud finit par constater que l'assouplissement de l'alexandrin venait très largement d'un premier vent d'audace des romantiques et notamment de Victor Hugo. Il convient donc ici de citer le passage du texte pédant fort mal écrit, malgré quelques fulgurances, qu'est "Crise de vers" de Mallarmé : c'est cet écrit qui a entraîné Jacques Roubaud sur la pente de considérations théoriques erronées ou en tout cas abusives :

Un lecteur français, ses habitudes interrompues à la mort de Victor Hugo, ne peut que se déconcerter. Hugo, dans sa tâche mystérieuse, rabattit toute la prose, philosophie, éloquence, histoire au vers, et, comme il était le vers personnellement, il confisqua chez qui pense, discourt ou narre, presque le droit à s'énoncer. Monument en ce désert, avec le silence loin ; dans une crypte, la divinité ainsi d'une majestueuse idée inconsciente, à savoir que la forme appelée vers est simplement elle-même la littérature ; que vers il y a sitôt que s'accentue la diction, rythme dès que style. Le vers, je crois, avec respect attendit que le géant qui l'identifiait à sa main tenace et plus ferme toujours de forgeron, vint à manquer ; pour, lui, se rompre. Toute la langue, ajustée à la métrique, y recouvrant ses coupes vitales, s'évade, selon une libre disjonction aux mille éléments simples ; et, je l'indiquerai, pas sans similitude avec la multiplicité des cris d'une orchestration, qui reste verbale.

La variation date de là : quoique en dessous et d'avance inopinément préparée par Verlaine, si fluide, revenu  à de primitives épellations.
Il s'agit de deux des paragraphes les plus lisibles de l'essai mallarméen. Le second paragraphe, très court, devait être cité, puisqu'il contient en germe la contradiction du précédent. Mallarmé évoque ici la figure d'un Hugo qui pouvait s'exprimer avec aisance et profusion sur tout sujet au moyen d'alexandrins et d'octosyllabes. Mallarmé joue ici sur une coïncidence : peu après la mort de Victor Hugo et les grandes commémorations qui l'ont accompagnée, une génération de poètes ne respectant pas les règles traditionnelles pour les rimes et les césures surgit. Même si Mallarmé serait bien en peine d'expliquer en quoi la mort d'Hugo a pu libérer les audaces des nouveaux poètes, cela a certes un sens dans une conception de la crise de vers comme renoncement au vers dans l'expression poétique, il s'agit là d'un contrepoint, mais dans l'optique de Jacques Roubaud de remise en cause de la césure ça ne fonctionne plus aussi bien, d'autant que Roubaud lui-même va envisager qu'Hugo a assoupli l'alexandrin.
Le troisième problème que pose l'ouvrage de Roubaud, c'est qu'il se concentre exclusivement sur l'alexandrin, alors qu'il ne manquait pas de poèmes de Rimbaud à étudier sous l'angle de la remise en cause de la métrique traditionnelle qui n'étaient pas en alexandrins (Larme, Michel et Christine, Tête de faune, etc.).
Enfin, nous remarquons au passage que Jacques Roubaud était encore victime de l'illusion d'une sorte de temps égal entre chaque syllabe, il voudrait que nous nous intéressions à l'emploi d'un métronome et à une "diction monotone à syllabes d'instants égaux appuyées aux endroits osulignés", ce qui est complètement vain et absurde.
Maintenant que nous avons énuméré nos principales préventions, voyons ce qu'apporte de décisif l'étude de Jacques Roubaud.
Je laisse de côté le chapitre introductif "Un récit formel" pour m'intéresser d'emblée au chapitre de 17 pages consacré au poème "Qu'est-ce pour nous, mon Coeur,..." (pages 19-35). Le discours est le suivant. En faisant abstraction du poème "Mémoire" à tout le moins, Jacques Roubaud est fondé à constater que le poème "Qu'est-ce pour nous, mon Coeur,..." a mis un terme à l'histoire de l'alexandrin régulier et que le chahut métrique du poème coïncide avec un propos révolutionnaire, la teneur communarde du poème étant manifeste. Pour Roubaud, le sens du poème est clair : suite à "la défaite du mouvement révolutionnaire", c.-à-d. la répression de la Commune en mai 1871, le poète "appelle à la destruction de cette société et constate, à la fin, l'impossibilité actuelle de son espoir". Et, Roubaud lie alors le contenu à la forme : "ce poème, parole de destruction, imprécation utopique, est en même temps poème premier d'une autre destruction, la destruction métrique ; premier parce, pour la première fois, certaines caractéristiques essentielles du vers alexandrin s'y trouvent massivement niées." Jacques Roubaud va tout simplement comparer le poème aux autres oeuvres en alexandrins de son époque. Il va comparer le poème de Rimbaud à un ouvrage contemporain de Victor Hugo L'Année terrible et aux précédents poèmes en alexandrins de Rimbaud lui-même. Evidemment, Roubaud ne fait rien d'autre que relever les proscriptions bien connues à la césure : pas d'enjambement d'un mot à la césure, pas de "e" avant ou après la césure, et présence à la césure uniquement d'une "grande" catégorie syntaxique : verbe, substantif, adjectif, adverbe, ce qui veut dire proscription à la césure des prépositions, déterminants, conjonctions et interjections, sans oublier les pronoms personnels sujets ou compléments puisque Roubaud nous en donne quelques exemples. Les définitions données là par Roubaud manquent de rigueur, mais permettent de toute façon de cerner l'originalité du poème "Qu'est-ce pour nous, mon Coeur,..."
Comme le précise soigneusement l'auteur de cette Vieillesse d'Alexandre, "aucune de ces violations n'est une invention de Rimbaud et de ce poème ; il en a déjà lui-même écrit, et quelques exemples isolés s'en trouvent chez d'autres poètes". L'originalité est la suivante : "ce qui compte ici [en termes de violations métriques], c'est leur nombre, leur apparition massive dans le même court poème". Citons ici ce poème de 25 vers, le vingt-cinquième étant inachevé.

   Qu'est-ce pour nous, mon Coeur, que les nappes de sang
   Et de braise, et mille meurtres, et les longs cris
   De rage, sanglots de tout enfer renversant
   Tout ordre ; et l'Aquilon encor sur les débris

   Et toute vengeance ? Rien !... - Mais si, toute encor,
   Nous la voulons ! Industriels, princes, sénats
   Périssez ! puissance, justice, histoire, à bas !
   ça nous est dû. Le sang ! le sang ! la flamme d'or !

    Tout à la guerre, à la vengeance, à la terreur,
    Mon Esprit ! Tournons dans la Morsure : ah ! passez,
    Républiques de ce monde ! Des empereurs,
    Des régiments, des colons, des peuples, assez !

    Qui remuerait les tourbillons de feu furieux,
    Que nous et ceux que nous nous imaginons frères ?
    A nous ! Romanesques amis : ça va nous plaire.
    Jamais nous ne travaillerons, ô flots de feux !

    Europe, Asie, Amérique, disparaissez.
    Notre marche vengeresse a tout occupé,
    Cités et campagnes ! - Nous serons écrasés !
    Les volcans sauteront ! et l'océan frappé...

    Oh ! mes amis ! - mon Coeur, c'est sûr, ils sont des frères :
    Noirs inconnus, si nous allions ! allons ! allons !
    O malheur ! je me sens frémir, la vieille terre,
    Sur moi, de plus en plus à vous ! la terre fond,

    Ce n'est rien ! j'y suis ! j'y suis toujours.






Selon Jacques Roubaud, 7 vers seulement sont acceptables dans la tradition classique. Il les énumère, il s'agit des vers 1, 4, 8, 20, 21, 23 et 24. Trois vers sont considérés ensuite comme acceptables malgré tout dans la tradition du dix-neuvième siècle qui englobe Hugo et Baudelaire : les vers 9, 14 et 22. Remarquons déjà que Roubaud qui avait souligné que les deux derniers alexandrins complets, les vers 23 et 24, étaient acceptables au plan de la versification classique, s'embrouille quelque peu et oublie de réévaluer l'ensemble du dernier quatrain du poème, puisque des vers 20 à 24 les césures sont toutes acceptables au plan de la tradition issue d'Hugo et Baudelaire. Ce regain de régularité métrique en fin de poème ne recevra pas l'attention méritée.
Jacques Roubaud distingue ensuite trois catégories de violations qui ne correspondent plus à aucune tradition autorisée. Sous prétexte que la position 6 est plus faible que la position 5 "...tournons dans...", Roubaud isole abusivement le vers 10 de la tradition que je dirai "parnassienne". En revanche, il énumère deux listes résiduelles importantes. D'une part, pas moins de sept vers ont un "e" à l'hémistiche : les vers 3, 5, 7, 11, 12, 15 et 19, tandis que six autres vers témoignent d'un enjambement de mot à la césure : les vers 6, 12, 13, 16, 17 et 18.
Un oubli important caractérise la recension de Jacques Roubaud, il ne dit rien de la césure du vers final : "Ce n'est rien ! j'y suis ! j'y suis toujours." Certains lecteurs sont convaincus qu'il s'agit d'une ligne de prose en guise de commentaire final. Si tel était le cas, l'émargement de cette ligne ultime serait particulier. Or, la marge est la même pour cette ligne que pour les vingt-quatre autres vers. La conclusion est sans appel, il s'agit bien d'un vers du poème. Deux possibilités alors, soit il s'agit d'une conclusion brève anormale en un vers de neuf syllabes, ce qui serait pour lors franchement audacieux et révolutionnaire, soit il s'agit d'un vers inachevé. Bien qu'étrangement il ne considère pas non plus la ligne ultime comme vers, Benoît de Cornulier a su apporter la réponse. Le poème est interrompu par la mort du poète qui au moment où il s'écrie "j'y suis toujours" se fait ensevelir. Nous lisons bien dans les vers qui précèdent une actualisation inquiétante : "la vieille terre, / Sur moi, de plus en plus à vous ! la terre fond, / [....]" Il faut lire la réfutation "Ce n'est rien !" comme un déni de réalité. Nous avons le début d'un vingt-cinquième alexandrin et partant le début d'un nouveau quatrain, mais le débit du poète est interrompu par la mort. Ceci a échappé à l'attention de Jacques Roubaud, ce qui aurait dû l'amener à considérer que la césure de ce vingt-cinquième vers est à tout le moins repérable et qu'elle concerne très précisément une occurrence du pronom adverbial "y" calé comme par hasard à la césure. Ce "y" est l'endroit précis sur lequel la terre retombe en écrasant le poète : "Ce n'est rien ! j'y suis ! j'y.... suis toujours." et fin.
Il y a eu assassinat du frère s'en attaquant à l'ordre des césures. Etrangement, cette analyse de détail qui aurait excellemment servi à appuyer la thèse de Roubaud sur la signification des audaces métriques du poème n'a pas été perçue à l'époque.
Face à cette abondance de vers déclarés anomaux, quatorze soutient Roubaud au lieu de treize, puisqu'il inclut le cas de la césure sur la préposition "dans", nous avons droit à une pétition de principe qui ne sera pas contestée par les analyses métriques à venir : "dans ce poème on peut dire qu'il n'y a plus de césure à l'alexandrin (à ma connaissance, aucun autre poème antérieur ne permet, même d'assez loin, cette conclusion)." Les métricométriciens qui suivront proposeront une méthode plus rigoureuse et plus nuancée pour analyser le vers, mais ils maintiendront cette conclusion selon laquelle il n'est plus de césures dans le poème "Qu'est-ce..." du fait de l'abondance de vers anomaux. Je ne partage pas cette conclusion. La césure sur "e" existait au Moyen Âge, elle est illustrée par la poésie de Villon. Peu impore que ce soit pour des raisons différentes du poème de Rimbaud. Moi, ce que je remarque, c'est que la répétition des mots "vengeance" et "vengeresse" coïncide avec trois violations particulières à la césure !
    Et toute vengeance ? Rien !... - Mais si, toute encor,
    Tout à la guerre, à la vengeance, à la terreur,
     Notre marche vengeresse a tout occupé,
 Jacques Roubaud et Benoît de Cornulier sont passés à côté d'une lecture motivée des césures. Ce constat d'une reprise voulue des mots "vengeance" et "vengeresse" invite à ne pas considérer qu'il y a trimètre au vers 9 et absence de césure aux vers 5 et 18, mais bien plutôt qu'il y a un jeu de tension entre l'idée de vengeance et la métrique du poème, avec d'abord un "e" à la césure au vers 5, ensuite un glissement après la césure du nom "vengeance" rattaché au déterminant "la", et enfin un adjectif "vengeresse" qui enjambe la césure dans un vers qui parle d'une "marche" ayant "tout occupé". Ensuite, dans la mesure où aucun "e" de fin de mot n'apparaît à la septième syllabe d'un quelconque vers, il est aisé de considérer comme fait exprès tous les "e" à la césure, que la tradition les entérine (lisez Villon) ou pas. Dans de telles conditions, il ne reste que le cas des mots qui chevauchent la césure, sauf que le mot "vengeresse" donne déjà une idée de la manière de les lire au plan métrique. Rimbaud agite la césure avec des "tourbillons" ou il y brise des symboles d'ordre : "colons", "industriels" et "Amérique", sans oublier le refus du travail: "travaillerons". L'opposition à la rébellion se manifeste précisément au vers 19 à partir duquel les audaces métriques refluent : plus aucun enjambement de mots, plus aucun "e" à la césure après l'exemple de "campagnes". Il ne surgit plus alors que deux exemples de césures admises par les parnassiens, l'une pour signifier la déperdition du mouvement de révolte : "si nous + allions ! allons ! allons!", l'autre pour signifier le cri ultime de la lutte à mort avant justement qu'elle ne mette un terme à la révolte : "j'y... suis toujours", mais la terre fond sur le poète inexorablement.
Jacques Roubaud a très bien constaté un certain nombre de faits. Premièrement, le poème de Rimbaud nous fait accomplir un saut historique important dans "la voie du brouillage métrique", même s'il faut réévaluer la prétendue antériorité de "Qu'est-ce..." sur tous les autres poèmes rimbaldiens du printemps et de l'été 1872, même si L'Année terrible de Victor Hugo n'était pas le recueil le plus indiqué pour opérer une comparaison d'époque, il aurait fallu comparer la pièce de Rimbaud avec les publications parnassiennes! Deuxièmement, "L'essentiel de l'attaque porte sur la sixième syllabe et son environnement immédiat (cinquième et septième syllabes du vers), c'est-à-dire sur la nature de ce qui peut se trouver en fin d'hémistiche et assurer (ou non) l'identité et la coordination des deux segments égaux qui doivent composer le vers." Troisièmement, et en contradiction avec sa thèse d'un assaut contre l'alexandrin hugolien, Roubaud constate la continuité du travail de sape d'Hugo à Rimbaud : "on constate qu'un des traits du vers hugolien, qui l'oppsoe au vers classique dans l'histoire [de l'alexandrin], l'enjambement excessif [sic !] des frontières d'hémistiche ou de vers, est là aussi poussé à l'extrême quantitativement." Quatrièmement, Roubaud a très bien vu que la forme orthographique à la rime "encor" servait à manifester la tension du poème entre le respect métrique et l'apparence de chahut anti-métrique, d'autant que la forme "encor" apparaît à deux reprises au début du poème, dans deux vers consécutifs : les vers 4 et 5. Il remarque assez finement la diérèse maintenue au mot "industriels" malgré l'enjambement de la césure et cela peut être rapproché de la non traditionnelle absence de césure à "furieux" dans un vers où un autre mot enjambe la césure "tourbillons". Enfin, en constatant cette "concentration des refus de la règle" dans un poème de révolte, Roubaud formule une équation décisive selon laquelle "alexandrin = ordre social". De ce point de vue-là, nous ne souffrons plus de l'anachronisme des considérations de Mallarmé sur le vers d'Hugo, et nous ne pouvons qu'adhérer à une juste prise en compte de la signification du geste de déstabilisation métrique dans l'oeuvre de Rimbaud, à tout le moins à partir de 1872.

A suivre...

dimanche 4 décembre 2016

Conférence prochaine

J'ai été invité à participer à une conférence en mars prochain à Paris et ce sera une mise au point sur l'Album zutique en privilégiant mes récentes découvertes sur le sonnet monosyllabique. Ma série va se poursuivre sur ce blog, mais à son rythme. J'ai juste une date-butoir pour en finir avec l'approfondissement de mes recherches.
Du point de vue de la réflexion, je suis très content de mon article sur la "jeune Oise". Il est à mettre en relation avec ce que j'ai pu écrire sur "Juillet" et notamment avec l'identification de cette "Henriette" qui rebutait tant les lecteurs. Je pense que je vais travailler une prochaine série d'articles sur les poèmes de 1872.
J'ai d'autres projets d'articles plus ponctuels.
Je constate qu'il est question de la vente d'un revolver qui serait celui que Verlaine aurait acheté et utilisé pour blesser Rimbaud. Je considère que ça manque de preuves et je n'y crois pas trop. J'ai l'impression qu'on donne des indices qui présentent la chose comme évidente, tout en avouant du bout des lèvres que ce n'est pas limpide. Des gens ne font-ils pas taire leurs doutes pour ne pas gêner la vente ?
De toute façon, cette vente n'a aucun intérêt.
Passons.
Je ne résiste pas à présenter l'équivalence de ma situation de chercheur dans le domaine du rock. Il est vrai que cette fois je n'ai jamais profité d'aucun canal officiel pour publier mes découvertes. J'ai diffusé cela sur le net, sur des forums, comme d'habitude dans le plus grand mépris.
Comme tout cela est assez symptomatique des sociétés malades dans lesquelles nous vivons et comme cela ressemble au manque d'engouement spontané des gens pour ce que je mets au points sur Rimbaud ou d'autres sujets, je vais étaler ici un peu de cette autosatisfaction que tout le monde m'envie.

Accrochez-vous. Pour vérifier mes dires, vous pouvez utiliser les moteurs de recherche sur internet et le livre suivant qui vient de sortir : Les Rolling Stones - La Totale par Philippe Margotin et Jean-Michel Guesdon.
Donc, j'ai découvert l'origine de plusieurs chansons des Rolling Stones, mais aussi des Who. Ce débat rend mal à l'aise depuis quelque temps dans la mesure où il est devenu de notoriété publique que le groupe Led Zeppelin a plagié la plupart de ses titres célèbres sur d'autres groupes. Ils s'en sortis dans le cas de la célèbre chanson "Stairway to heaven" dans la mesure où la justice américaine n'était pas saisie par l'auteur de la chanson plagiée, Randy California qui est décédé, mais par ses ayant droits. Il y a visiblement un fonctionnement de la justice américaine qui consiste à considérer que les ayant droits cherchent à récupérer un peu d'argent par ce qu'ils ont hérité et qu'à moins qu'ils soient en situation de force par leur fortune il n'y a pas de raison de leur accorder ce qu'ils réclament. Les justices américaine et française ont également une conception étrange du jugement quand dans les parties civiles la famille défend celui que tout accuse, un exemple flagrant vient des situations où les enfants prennent la défense de leur père accusé du meurtre de leur mère. Enfin bref. Personne ne saurait mettre en doute que la chanson "Stairway to heaven" est un plagiat de la chanson "Taurus" du groupe Spirit. Un nombre considérable de chansons de Led Zeppelin sont du plagiat pur et simple. De son côté, le chanteur George Harrison a été condamné pour plagiat. Il s'agit de la chanson "My sweet lord" qui fut un de ses succès après la séparation des Beatles, et effectivement la mélodie est identique à "He's so fine" du groupe de filles The Chiffons. Pour être honnête, même si l'ex-Beatles a été condamné, l'idée d'une réminiscence inconsciente n'est pas à exclure.
Passons aux Rolling Stones et aux Who. Ils n'ont pas été aussi plagiaires et malhonnêtes que Led Zeppelin. Ils ont même retravaillé leurs sources d'inspiration, et je ne suis pas pour courir systématiquement sur tout motif venant d'un tel autre artiste, cela contribuerait à tuer la création et on sait que les vers de Rimbaud, Baudelaire, Verlaine réécrivent bien souvent les vers de prédécesseurs, ce qui nous ramène à une même problématique de la création qui ne se fait pas ex nihilo.
Les Stones et les Who ont tout de même leurs petites cachotteries. J'en ai trouvé un paquet. Je mets l'essentiel ici.
Il y a quelques années, j'ai lancé sur le net que le motif joué sur une espèce de xylophone dans "Under my thumb" était la reprise des notes d'introduction d'un célèbre "It's the same old song" du groupe soul The Four Tops, titre connu en français (C'est la même chanson). J'ai également signalé à l'attention que le titre "Paint it black" reprenait la mélodie d'une chanson des Supremes "My world is empty without you" et que le martèlement du "Paint it Paint it" venait du martèlement doucereux de Diana Ross "Baby baby" sur ce succès des mêmes Supremes "Where did our love go". J'ai ajouté que le célèbre "Pinball Wizard" des Who s'inspirait du titre "London social degree" de Billy Nicholls, sachant que l'album de Billy Nicholls n'est pas sorti à l'époque, mais que Pete Townshend en possédait un exemplaire et que Billy Nicholls est devenu par la suite le producteur des Who dans les années 70. Sous forme d'énigme, j'avais laissé entendre que "London social degree" s'inspirait d'un titre sixties dont le souvenir m'échappait... Il s'agissait de "You keep me hangin' on", une chanson célèbre s'il en est dans le répertoire des Supremes dont ne pas oublier qu'elles eurent une flopée de hits dans les années soixante.
Récemment, dans un livre, je ne sais plus lequel, mais pas celui que j'ai référencé plus haut, j'ai lu que les deux références sur "Under my thumb" et "Paint it black" étaient citées par des internautes, blogueurs, et par des journalistes. Celui qui a lancé ses identifications, c'est moi.
Là, tout récemment, j'ai remis le couvert sur les forums de fans des Rolling Stones. Cela fait grincer des dents, cela m'attire un certain mépris malgré les évidences.
 
La chanson de 1968 "Jumpin' Jack Flash" s'inspire de la chanson "Before it's too late" de Jackie Day parue fin 66 début 67 sur un catalogue soul anglais très connu d'un certain Guy Stevens. Cela explique le mystère du titre "Day" devient "Flash", "it's a gas" vient quelque peu de "it's too late". Le motif de guitare vient du motif soul de Jackie Day, et même si Keith Richards a retravaillé le motif la liaison est plus qu'évidente. Il n'y a pas besoin de faire histoire de la musique pour s'en rendre compte, sauf que comme d'habitude je ne rencontre que du silence ou de la mauvaise foi sur le net. Imaginez-vous combien c'est agréable de partager mes découvertes. Cerisqe sur le gâteau, n'étant pas un découvreur passif, j'ai rermarqué un point intéressant dans la structure des chansons. J'avais depuis longtemps remarqué un point commun sensible entre les deux titres de 68 des Stones Jumpin' Jack Flash et Street fighting man, titres bruyants pour certaines oreilles mais réellement très beaux pour le mélomane que je suis. Ces deux titres sont accompagnés de maracas, ce qui rappelle l'influence de leur idole Bo Diddley, mais surtout vers la fin des deux chansons, aux deux tiers, nous avons une saturation soudaine, soit par un clavier au son d'harmonica sur Jumpin' Jack Flash, soit par un hautbois indien dans Street fighting man. Les deux chansons ont en plus une ressemblance d'allure générale dans le mode refrain-couplets. Bref. Or, cette astuce de l'effet sonore de saturation apparaît aux deux tiers de la chanson It's too late au moyen cette fois d'un saxophone. Quand j'étais petit, je croyais que face à une telle évidence tout le monde plie, personne n'a envie de passer pour sot. Depuis maintenant pas mal d'années, je sais que je me trompais. Le premier réflexe humain pour se défendre, c'est le mutisme, le second c'est la mauvaise foi. En revanche, le temps passant, l'humain finit toujours par reprendre ce que vous lui avez appris sans exprimer de reconnaissance, sans avouer qu'il a eu des réticences, ou bien en cloisonnant le monde. Il y aura les gens devant lesquels ne rien reconnaître et ceux devant lesquels se libérer et se confier.

 

Autre coup de tonnerre, le riff de "Satisfaction". Je ne sais pas si c'est moi qui avais émis l'hypothèse que c'était peut-être une accélération des notes de cuivre du titre Nowhere to run du groupe Martha (Reeves) and the Vandellas, groupe soul que j'aime beaucoup, célèbre aussi, groupe très apprécié des Stones, des Who et d'autres. Car, il faut préciser que si les fans actuels ou même anciens des Stones et des Who n'écoutent quasi tous que du rock, voire du gros rock au son lourd, les Stones, les Who écoutaient énormément de soul. C'est aussi une raison des réticences propres aux fans vénérant le rock stonien, vénération coupée des sources considérées comme compromettantes dans le cas d'une rock attitude en gros. Keith Richards a témoigné qu'au début le morceau était un peu dans le style du "Dancing in the street" de Martha and the Vandellas, titre repris dans les années 80 en duo par David Bowie et justement Mick Jagger, sauf que la comparaison entre Dancing in the streets et Satisfaction, je ne la vois pas trop, à la limite dans la manière de chanter, mais superficiellement. Ce que je cherche, c'est le motif à la guitare, et les notes lentes de cuivre de Nowhere to run sont un meilleur candidat. Néanmoins, la liaison ne me paraissait pas du tout évidente. J'ai trouvé un rapprochement cette fois autrement décisif. "Satisfaction" est à peu près le rock le plus célèbre de la planète avec "Johnny B Goode", c'est l'un des plus grands succès commerciaux en 45 tours, il est sur le podium en gros. Or, il s'agit d'un titre du début des Stones, et c'est un peu une situation similaire à ma recherche sur "Lys" parodie d'Armand Silvestre par Rimbaud dans l'Album zutique. Je n'avais eu qu'à relire les premières publications d'Armand Silvestre, deux minces recueils lus en deux heures de temps. J'y trouvai le modèle des vers de la parodie et le mot "étamines" à la rime, dans un seul sonnet.
J'ai passé en revue les chansons jouées par les Stones à leurs débuts. Il y avait un projet avorté de 45 tours avec un titre des Coasters, Poison Ivy, et au même moment un titre qu'ils ont joué en studio sans le sortir sur aucun album Love potion number 9. Ce titre a été d'abord joué par les Clovers en 59, et il a eu un succès avec la reprise par le groupe anglais The Searchers. Mais entre ces deux versions, il y a eu une interprétation par les Coasters. Un an avant Satisfaction, on entend son célèbre motif mais coincé dans je ne sais pas comment une ambiance calypso (j'exagère bien sûr). J'aime beaucoup les Coasters, rock avec des bases simples mais c'est très bien fait, mais quand je parle d'ambiance calypso on comprend que mon rapprochement soit mortel à bien des coeurs de fans ne jurant que par le rock tiré du côté du gros rock. Il est évident que les Stones connaissaient cette version et donc cette antériorité du motif sur Satisfaction. Au passage, le motif s'entend sur une seule des trois versions de la chanson. On m'a proposé de publier un livre sur une telle découverte, mais les réactions sur les forums stoniens ont été tout autres : froid glacial et refus. En prime, je dirais que l'instrumental à jeu de mots "Stoned" en face de leur deuxième 45 tours en 63 coïncide là encore avec le titre "Let's go get stoned" joué par les Coasters comme par Ray Charles. En même temps, la refonte du motif nous met au-delà du plagiat passif.



Pour info et comparaison : Martha and the Vandellas - Nowhere to run

J'ai plusieurs autres découvertes sur les origines des chansons des Stones. Sur le forum anglais, un intervenant veut bien admettre que la chanson "It's only rock'n'roll" ressemble à la fin de la chanson "Blues power" jouée par Clapton en janvier 73 sur scène avec un futur membre des Stones, Ron Wood, réputé avoir inspiré le morceau. Personne dans la presse n'avait vu que la source était ce titre Blues power joué en live et le fan ne concède que la ressemblance, il n'ira pas jusqu'à dire ah ben oui c'est la source. J'en ai d'autres encore des sources à donner. J'en viens maintenant à un plagiat des Who qui va nous ramener à l'actualité.
Le titre "Magic bus" est très célèbre et très prisé parmi les fans des Who. Sa version sur scène dans l'album Live at Leeds est mythique. Le titre est sorti en 1968 et il passe pour une création originale, mais dans le style de Bo Diddley.
C'est faux. Il s'agit d'une reprise ou plagiat du titre "Catfish Blues" de Robert Petway. Comme dans le cas de Jackie Day, on peut jouer à établir des échos : "Magic" pour "Catfish" (avec "Mannish" du "Mannish boy" en intermédiaire) et "Bus" pour "Blues" (ou pour "boy" en filant l'idée d'un titre conçu à partir de deux titres de blues).




Robert Petway est un inconnu. Il a joué avec Tommy McClennan, puis il est entré deux fois en studio pour enregistrer une poignée de titres à son nom dont "Catfish Blues", superbe blues comme on peut en juger, superbe blues qui a inspiré des variantes à deux bluesmen plus connus, Elmore James et Muddy Waters. La variante de Muddy Waters, qui conserve des paroles de "Catfish Blues", s'intitule Rolling Stone : c'est cette variante qui a donné son nom aux Rolling Stones. Or, à l'époque même où Pete Townshend enregistre son "Magic bus" avec les Who, lequel est une reprise claire et nette de Robert Petway jamais identifiée par quiconque à part moi, Jimi Hendrix et les Rolling Stones eux-mêmes reprennent le titre "Rolling Stone" ou "Rolling' Stone blues" de Muddy Waters mais avec le titre Catfish. Le titre des Stones restera une chute de studio, celui de Jimi Hendrix est disponible partout. Et si j'ai parlé d'une double réécriture de filou "Magic bus" étant inspiré de deux titres "Catfish Blues", la chanson reprise, et "Mannish boy", c'est que "Mannish boy" était elle-même comme "Magic bus" une chanson revisitée, le "I'm a man" de Bo Diddley avec son riff célèbre de guitare. Un an avant Bo Diddley, Willie Dixon avait enregistré un "Hoochie coochie man", mais l'hommage de Muddy Waters invite à penser que Bo Diddley a joué le titre sur son premier enregistrement officiel, alors que l'année précédente en 54 les portes lui étaient fermées. Il est délicat d'affirmer l'antériorité pure et simple de Willie Dixon. Et de toute façon, ce" célèbre riff de "I'm a man" n'est pas une création telle quelle de Muddy Waters, Bo Diddley ou Willie Dixon, c'est un motif blues qui a déjà quelques décennies qui a fini par être isolé et rendu plus percutant. Il se trouvait déjà dans le "Policy dream blues" de 1935, et je pourrais lancer toute une étude sur l'origine des chansons de Bo Diddley, de Chuck Berry et de plusieurs bluesmen réputés. Il y a de quoi tomber de haut, vu que personne ne montre jamais l'histoire réelle et sensible des motifs musicaux.
Mais, revenons à l'actualité. Les Rolling Stones viennent de faire sortir le 2 décembre un album de reprises de blues. L'opération est franchement commerciale comme les Stones nous y ont habitués ces dernières années. Ce nouvel album contient quatre reprises de Little Walter, joueur d'harmonica pour Muddy Waters notamment, quelques reprises de Willie Dixon dont on a parlé et une reprise Ride 'em on down d'Eddie Taylor qui a les honneurs d'un clip vidéo, encore que les bruits mêlés au clip ne soient pas très heureux. Or, il y a un titre "Ride 'em on down" dans le maigre répertoire de Robert Petway. Les deux chansons se ressemblent, mais il y a des différences qui pourront laisser planer un doute chez certains, alors je fais tomber ma carte maîtresse, les notes du livret accompagnant mon CD de chansons blues de Tommy McClennan et Robert Petway, Cotton Pickin' Blues : "Ride 'em on down would also be recorded in Chicago by Eddie Taylor" Et dans la foulée je cite aussi ceci à propos de l'ami bluesman de Robert Petway, car si ce derneir a disparu de la circulation, Tommy a été pris en photo en belle compagnie à Chicago : "Little was heard of McClennan too, although Broonzy photographed him, Sonny Boy Willimason, Elmore James and Little Walter in 1953, walking down a south side Chicago street".
Je m'en garde sous le coude, si mes rapprochements ne vous semblent pas assez accablants ils ne le seront jamais.

Voilà le monde dans lequel je vis, malgré internet et la possibilité d'écrire en français ou en anglais sur des plateaux où les fanas doivent inévitablement graviter.

Before it's too late a inspiré Jumpin' Jack Flash. Un fan : Peut-être.
Catfish Blues a inspiré Magic bus. Un fan : Peut-être.
Le riff de Satisfaction est né d'une interprétation de Love potion number 9 que le groupe connaissait bien. Un fan ou mille fans : Peut-être.
Il y a une coquille dans Une saison en enfer "autels" doit corriger "outils". Des inconditionnels de la poésie rimbaldienne : Peut-être.
Il faut lire "ou daines" dans L'Homme juste. Les mêmes inconditionnels : Peut-être.
La "strideur des clairons" en commun à "Paris se repeuple" et "Voyelles", d'autres éléments en ce sens, le fait que le clairon soit un instrument militaire pour avertir et rassembler les troupes, cela veut bien dire que "Voyelles" est un hommage aux morts de la Commune. Les admirateurs de Rimbaud : c'est à voir.
Il n'y a aucune anomalie de la ponctuation dans "Barbare" de Rimbaud, juste qu'il a hésité quant à la ponctuation à l'intérieur de la parenthèse "(elles n'existent pas) contre (elles n'existent pas.)". Les fans de Rimbaud : Peut-être.
Le "gagne la mort" dans la bouche de "Satan" c'est une inversion de "perds la vie". Les mêmes : Peut-être.
Vous parlez entre fans de groupes et chanteurs rock ou blues, mais écoutez-vous souvent du blues, du rock, de la musique ? Les fans : oui, sûrement. (J'écoute la radio, je fredonne un morceau qui passe à la télé, je dis "ah!" quand on parle des stones au journal de vingt heures, je vais sur des forums, je collectionne, et j'écoute du gros rock dont parler entre amis)
Vous aimez Rimbaud et en parlez bien souvent, mais vous le lisez parfois ? Les fans : oui, peut-être.

Quel monde, mais quel monde ! Pfffh!....