vendredi 21 août 2020

Archipels sidéraux et îles-univers ?

J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îlesDont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :- Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,Millions d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?
Pour commenter ce quatrain, deux approches peuvent prédominer. Soit on relève tout ce qui relève de l'influence de Victor Hugo, puisque, bien évidemment, les "millions d'oiseaux d'or", etc., c'est en résonance avec la lecture de passages très précis de l'auteur des Contemplations et de La Légende des siècles. Soit on aborde l'angle métaphorique explicite du texte. On a des archipels du côté des astres, et donc toute une transposition du langage décrivant des îles à un ciel étoilé. Les nuits sans fonds vont alors correspondre non à un gouffre sur le sol de notre planète, mais aux gouffres infinis du ciel. Les oiseaux d'or sont des étoiles dans le ciel, les îles aussi, et les archipels sidéraux un lecteur contemporain va y voir un amas d'étoiles et donc une nébuleuse.
En fait, jusqu'à Galilée, il n'y avait pas de distinction entre les étoiles et les nébuleuses. Galilée a observé la Voie Lactée, concentré d'étoiles qu'on a supposé être le tout de l'univers. Mais, parmi les étoiles, il y a les nébuleuses. Aujourd'hui, on parle de la Voie Lactée comme d'une galaxie (au passage, on a "lactescent" dans le texte du "Bateau ivre") et les nébuleuses sont d'autres galaxies, mais c'est une mise au point du vingtième siècle, des années 1920 et de Hubble.
Hubble a identifié des étoiles bien plus grosses que le soleil dans la célèbre nébuleuse d'Andromède et comme plus un objet est éloigné de nous plus ses ondes virent au rouge, il a pu démontrer que les étoiles de la nébuleuse d'Andromède étaient plus loin que les étoiles non impliquées dans des nébuleuses, si j'ai bien compris, et du coup, on a compris que quand on scrute le ciel, parmi les étoiles, il y a des nébuleuses qui sont en réalité des amas d'étoiles comparables à la Voie Lactée. Et il y en a des milliards finalement, on sait qu'il y a des milliards de galaxies comme notre Voie Lactée. Rimbaud avec ses millions, il peut revoir sa copie !
Evidemment, à l'époque de Rimbaud, on ignore qu'il y a plusieurs galaxies et on ne se pose pas du coup la question si la Voie Lactée c'est l'essentiel ou le tout de l'univers ou si ce n'en est qu'une infirme partie. Toutefois, Hubble est l'héritier de Kant. C'est Kant, le premier, qui a compris qu'il y avait plusieurs galaxies, mais il n'a pas su le prouver, ce sera le fait de Hubble, et surtout il l'a fait avec un langage métaphorique aujourd'hui désuet, celui des îles-univers. Les nébuleuses seraient des îles-univers. Je me demandais si Rimbaud pouvait s'être référé à ce concept kantien qui pour une fois fleure bon la poésie ?


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Bien sûr, je lis clairement les cent vers du "Bateau ivre" comme un récit de l'adhésion du poète Rimbaud à la Commune du mois de mars aux lendemains de la Semaine sanglante. Je ne crois pas à un texte qu'on lit de plusieurs façons différentes. Ma pensée précise est la suivante : je considère que Rimbaud se sert du renouvellement dans l'étude des astres pour exalter l'espérance d'un renouveau des perspectives dans l'adhésion à la Commune comme mouvement politique révolutionnaire.

Il y a 150 ans... retour critique sur les premiers articles de l'été

Bon, c'est la catastrophe, là en ce moment même, j'ai mal à la tête, je suis incapable de suivre un travail organisé. Tout peut aller à vau-l'eau, puisque j'ai en permanence cette sensation désagréable tout autour du crâne.
Ceci dit, essayons une reprise en main.
Je voudrais revenir sur quelques petites choses que j'ai pu lancer.
D'abord, au sujet du prénom "Césarin", c'est le livre de Thierry Nélias que j'ai finalement acheté qui m'a mis la puce à l'oreille au sujet de George Sand. Le livre s'intitule L'Humiliante défaite. 1870, la France à l'épreuve de la guerre. Ce titre est un clin d'oeil à celui de l'historien Marc Bloch L'Etrange défaite, ouvrage que j'ai lu, je me rappelle les pages sur le bruit assourdissant des avions, etc. Enfin, bref ! Dans cet ouvrage, que j'ai d'abord consulté en librairie, j'ai appris que en juillet George Sand travaillait sur un roman Césarine Dietrich. Puis, j'ai vu que ce roman a été publié en 1871, restait le cas des prépublications. J'ai acheté finalement le livre de Thierry Nélias et donc là j'ai mon information. Le début du roman a été publié dans la Revue des deux Mondes à partir du numéro du 15 août 1870. Bon à savoir. Je vais continuer d'enquêter à ce sujet et lire bien évidemment très attentivement ce périodique qui a eu un regain d'intérêt présidentiel ces dernières années.
C'est intéressant, car si une influence de Sand se confirmait cela inviterait à considérer que la nouvelle Un coeur sous une soutane est plutôt un écrit de la seconde moitié de l'année 1870. Pour rappel, j'ai moi-même signalé à l'attention un rapprochement troublant entre une page manuscrite d'Un coeur sous une soutane et la fin d'un vers du sonnet "Le Châtiment de Tartufe". On le sait, le premier vers ouvre une rime fondée sur la préposition monosyllabique "sous" : "Tisonnant, tisonnant son coeur amoureux sous / Sa chaste robe noire..." Steve Murphy qui envisage aussi le lien entre les deux textes mais pas au sujet de la préposition "sous" a considéré que l'ordre chronologique des inventions devait être que la nouvelle avait été antérieure au sonnet, parce que le titre Un coeur sous une soutane est moins développée que la périphrase "chaste robe noire". Mais Bruno Claisse a fait remarquer que l'argument n'était pas convaincant. Rimbaud peut très bien avoir conçu une phrase plus étoffée au départ et puis la réduire au titre de sa nouvelle. En revanche, ce que j'ai signalé à l'attention, c'est que sur la première page du récit, on a un truc étonnant aux cinquième et sixième lignes, puisque l'écrit est en prose, mais on a quand même une coïncidence avec le sonnet dans le retour à la ligne. On a une formulation similaire à celle du sonnet, et la préposition "sous" est en fin de ligne. Par chance, la page manuscrite en question est aisément consultable sur le site d'Alain Bardel.


On a une lignée étirée : "Fit battre mon coeur de jeune homme sous", puis un retour à la ligne et la fin de la phrase : "ma capote de séminariste !"
Le rapprochement entre les deux textes est évident, il est traité par Steve Murphy, mais, à ma connaissance, personne n'a réagi avant moi au sujet de la préposition "sous" sur le manuscrit.
Il y a des enjeux de datation des textes, et aussi des enjeux de sources lues par Rimbaud. Il est évident que je vais continuer à creuser cette piste.
Au passage, j'en profite pour signaler à l'attention que le sonnet "Rages de Césars" pose lui aussi un redoutable problème de datation qui peut même m'amener à rebattre certaines de mes conclusions.
J'ai écrit un article sur le blog Rimbaud ivre de Jacques Bienvenu intitulé "La Légende du Recueil Demeny" où j'ai mis en pièces la thèse profondément débile d'un recueil voulu par Rimbaud. J'ai montré des choses très fines au sujet des manuscrits, et pourtant, le sonnet "Rages de Césars" pourrait remettre en cause certaines de mes idées et aboutir à un truc inattendu, puisqu'André Guyaux est le seul à soutenir que tous les manuscrits douaisiens ont été remis à Demeny lors du second séjour à Douai d'octobre.
L'idée pour l'instant, c'est que Rimbaud remettait par petits groupements et au fur et à mesure les manuscrits de ce qu'il avait composé avant septembre et en septembre même, et il avait juste recopier certains vers au crayon et sur la copie de "Soleil et Chair", il avait annoncé son départ avec un "sauf-conduit", puis lors de la seconde fugue, il a composé sept sonnets et les a remis à Demeny qui les a joints au reste.
Mais, dans cette optique, il faut donc considérer que Rimbaud a fugué le 29 août avec tous ses vers sur lui, et que cela lui a été rendu à sa sortie de prison, puisqu'ainsi il a pu recopier ses poèmes pour Demeny dont "Le Forgeron", "Soleil et Chair", "A la Musique", "Ophélie", etc. Dans cette première liasse, on a aussi "Les Effarés" et "Roman" datés du 20 et du 29 septembre, donc du premier séjour.
Or, le sonnet "Rages de Césars" fait partie du premier ensemble, celui donc que tout le monde, à part Guyaux, considère avoir été remis à Demeny en septembre. Or, le sonnet "Rages de Césars" parle des "soirs de Saint-Cloud" et de souvenirs qui partent en fumée "De son cigare en feu un fin nuage bleu". Or, un événement majeur de la guerre franco-prussienne a eu lieu le 14 octobre 1870, c'est l'incendie et du coup la destruction définitive du château de Saint-Cloud. Et le 14 octobre, ça correspond à la seconde fugue. Bref, on a réussi à réduire en miettes les thèses de Brunel et Murphy sur l'idée d'un recueil de Douai ou recueil Demeny, bon débarras ! on a réussi aussi à signaler à l'attention que le "Vous m'écrirez ? Pas" du message de Rimbaud à Demeny prouve qu'il n'y a pas de recueil, puisque notre ardennais se demande si Demeny va daigner lui adresser la parole à l'avenir. Demeny n'a jamais pris Rimbaud au sérieux, ce que la critique rimbaldienne attachée béatement à la lettre du 15 mai a refusé de comprendre. Le "bonne chance", je l'ai dit, est bien plutôt une allusion aux amours de Demeny avec une jeune fille très jeune de Douai dont il aura justement un enfant très précisément neuf mois plus tard, en juillet 1871, femme dont il est d'ailleurs question dans la lettre de Rimbaud à Demeny du 17 avril 1871 avec la mention importante pour nous du thème de la soeur de charité.
Mais, il y a un énorme enjeu de datation sur les manuscrits remis à Demeny, "Rages de Césars" c'est carrément la compréhension du sonnet qui est en jeu !!! Il y a un enjeu aussi pour le manuscrit de la nouvelle Un coeur sous une soutane.

Revenons sur d'autres points des articles précédents de notre série "Il y a 150 ans la guerre franco-prussienne".
D'abord, sur le poème "A la Musique", il faut que je nuance mon propos. Le poème évoque des tensions entre prussiens et français sur le mode du persiflage "La musique française et la pipe allemande", mais si j'ai raison de dire que la composition date de juin et n'évoque pas le rapide emballement du conflit en deux semaines au cours du mois de juillet, il n'en reste pas moins que des bruits de guerre sont déjà évoqués en avril ou en mai à cause de la candidature du prince de Hohenzollern. En juin, dans "A la Musique", version remise à Izambard, Rimbaud fait allusion à ces tensions, mais des tensions qui n'étaient sans doute pas prises très au sérieux comme pouvant déboucher sur un conflit imminent. Les tensions étaient en train de retomber à ce moment-là.
Sur la dépêche d'Ems, j'y reviendrai plus tard, car il y a un vrai problème de manipulation médiatique a posteriori par Bismarck. Dès que je serai en forme, je ferai un travail suivi là-dessus.
Mais, un autre point sur lequel je veux revenir, c'est le sonnet "Morts de Quatre-vingt-douze..." en réplique à une invitation de Paul de Cassagnac faite aux républicains de se joindre aux bonapartistes. Bien sûr, dans son sonnet, Rimbaud mobilise le souvenir de l'armée révolutionnaire avec l'année clef de 1792 qui a lancé toute l'épopée. Mais, je voulais préciser certains points. L'article de Cassagnac est du 16 juillet, le sonnet de Rimbaud aurait été remis le 18 à Izambard selon celui-ci, et le 19 c'était la déclaration de guerre, et ce sonnet contient en outre des allusions à "La Marseillaise", chant autorisé à nouveau. Mais il faut aller jusqu'au bout du raisonnement. Le 14 juillet n'est pas fête nationale en 1870 et en même temps pour un républicain l'invitation le 16 des messieurs de Cassagnac est piquante à proximité de la date du 14 juillet lui-même.
Mais, dans la foulée, au sujet des incertitudes quant à la victoire, parce que moi le père Bismarck il m'impressionne pas, c'est une tête à claques comme une autre, en fait, une des raisons pour lesquelles les allemands ne devaient certainement pas être certains de gagner d'avance malgré les signes d'impréparation française, c'est que justement les allemands pouvaient craindre une levée en masse du peuple français dans une fièvre révolutionnaire comme en 1792, ce qui pouvait changer la donne. précisons d'ailleurs que vers la fin du mois d'août 1870 les allemands tuèrent des francs-tireurs dans les villes françaises. Ils étaient attaqués, ils ne les ont pas considérés comme des civils, et ils les ont tués. Cette façon de faire allemande a choqué en 70 comme en 40-45. Ne jugeons pas ce qui s'est passé en 70 sur un parallèle avec 40-45, mais l'idée du peuple qui fait la Révolution par la guerre avec l'Allemagne, ce n'était pas pour les rassurer non plus.
Justement, dans les choses qu'il est regrettable de ne pas avoir traités dans mon dossier ce mois d'août, il y a les réactions de la foule autour du 9 août justement. La France a subi des défaites sévères en trois grandes batailles du 4 au 6 août, une défaite le 4, deux autres le 6, et l'impératrice a écrit le 7 pour ressaisir tout le monde en prenant acte des défaites. Le 9 août, ce n'est qu'une semaine après Sarrebruck, et surtout ce n'est que cinq jours après la première défaite, et on avait déjà des troubles révolutionnaires importants. Le sonnet "Morts de Quatre-vingt-douze", on voit donc bien que, derrière la réplique où on prend la balle au bond, il y a des préoccupations révolutionnaires immédiates dans la population.
Les batailles ont violemment repris autour du 18 août, et j'ai là aussi le regret de ne pas avoir parlé de Gravelotte, etc.
Je vais me rattraper avec des dossiers rétrospectifs, mais le 18 août il y a eu le Reichshoffen allemand. On a un ancien officier allemand, un vétéran ayant jadis combattu contre Napoléon Premier, Steinmetz, je crois qu'il se prénommait Johan-Ludwig Steinmetz (eheh! le critique rimbaldien auquel je pense n'a pas internet, il ne me fera pas de procès pour les conneries que je raconte), enfin non, plus sérieusement, ce vétéran Steinmetz a envoyé sa cavalerie sur un coup de tête et cela a été une boucherie qui a indigné l'état-major prussien inévitablement. Reichshoffen et le 18 août de Steinmetz, c'est deux des dernières charges de cavalerie de l'histoire. Les gens comprennent que les dreyse et les chassepots sont redoutables à la cavalerie, et même c'est le 18 août que l'utilisation des mitrailleuses, avantage de l'armée française puisque les prussiens n'en avaient pas, c'était un moyen de carnage phénoménal. Les français eurent le tort de s'en servir dans l'artillerie, mais dès qu'ils s'en servaient pour l'infanterie comme le 18 août ils faisaient des dégâts vertigineux.
Bref, là encore, on comprend que le sonnet "Le Mal" c'est pas un texte banal (zut ! j'ai des rimes merdiques) c'est un document historique à part entière. Reste à savoir si Rimbaud l'a écrit suite aux événements des 4-6 août ou bien suite à la nouvelle phase meurtrière du conflit autour du 18 août.
Je devrais faire des recherches pour voir s'il y a moyen de trouver des indices resserrant la datation du sonnet "Le Mal", mais je suis malade. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise, moi ?
Et cette articulation du 18 août, je vais en reparler aussi, parce qu'il y a eu du coup un retour de propagande française avec des victoires imaginaires.
Si on ne sait pas ce qu'il s'est passé le 18 août, on se dit "ok les combats durent depuis quelques semaines, et là on a des mensonges !" Mais c'est bien de poser les dates clefs, on a une perspective plus fine.
Malheureusement, je me répète, je suis dans un état clinique. Pour me consoler, je mange des prunes rouges de la variété grenadine. Normalement, les prunes, c'est un fruit acide, on adore ça, et tout, mais là les prunes grenadines, elles sont rouges à l'extérieur, plutôt encore jaunes à l'intérieur, la chair est plus ferme que les prunes habituelles, plus élastique, je ne sais pas comment le dire, et surtout cette chair a un goût de poire qui n'a rien à voir avec les autres prunes. C'est comme un mets raffiné du coup !
Enfin, voilà !
Bon, à la limite, mes difficultés à suivre la guerre au plus près des événements, ça permet d'imaginer un Rimbaud qui n'y occupe pas tout son temps justement. Rimbaud est en train de lire la bibliothèque d'Izambard. Purée, mon édition de Don Quichotte a péri dans l'inondation cannoise il y a quelques années, je vais avoir du mal à m'enfermer pour le lire. J'ai Costal l'Indien en tout cas. Pour La Robe de Nessus, faut que je voie, j'en avais lu un exemplaire dans un vieux format papier, même pas de couverture, dans la bibliothèque municipale de Toulouse.
Mais, en fait, là j'habite Les Angles, à l'extrême-pointe sud du département du Gard, il y a juste Villeneuve-les-Avignon, puis on franchit le Rhône et on est à Avignon, car le paradoxe, c'est que je suis à la périphérie de la zone urbaine avignonnaise, même si je suis dans le Gard de l'autre côté du Rhône.
Alors, il y a 150 ans à Les Angles (moi j'ai envie de dire aux Angles, ça me fait chier ce truc disjonctif artificiel), il y avait un célèbre entomologiste Jean-Henri Fabre qui était enseignant-chercheur à Avignon et qui venait étudier les insectes dans le paysage de garrigues pas loin du vieux village de Les Angles. Mais surtout, le Armand de Pontmartin dont parle Rimbaud à Izambard et qui partage d'ailleurs avec Rimbaud le fait d'avoir été photographié par Carjat (mais ce n'est pas un vrai scoop!), est né et mort à Avignon. C'était un écrivain légitimiste, et il vivait quelque peu à Les Angles, puisque je suis tombé sur sa statue dans une rue du vieux village.
Il y a même une rue à son nom, mais dans un quartier plus moderne, c'est l'unique rue où j'ai trouvé du mûrier sauvage dans Les Angles. Les mûres étaient bonnes début août, mais sèches à la mi-août. En revanche, vers Aramon et Saze, quand je me balade, là maintenant encore, il y a des tonnes de mûres sauvages dont je me régale et qu'aucun français ramasse. C'était déjà pareil à Pamiers en Ariège, personne ne vient récolter les mûres, personne ne les mange même en passant, sauf moi.
Bon, ben, espérons que je me ressaisisse. A très bientôt pour de nouveaux voyages dans le passé de la guerre franco-prussienne...

vendredi 14 août 2020

Il y a 150 ans... la charge de trois baisers (le 13 août 1870)

Je vais reprendre les récits des batailles, mais il va de soi que les batailles du 4 et du 6 août ont un relief particulier et que les batailles ne s'enchaînent pas massivement tous les jours. Il faut quelque temps avec une grosse bataille reprenne.
Le 13 août, en tout cas, la revue satirique La Charge d'Alfred Le Petit, une connaissance de Verlaine, publie un poème de Rimbaud qui s'intitule "Trois Baisers". J'avais fait un prélèvement de choses à citer lors d'un passage à la BNF à Paris, mais je n'en ai plus rien, c'est un travail à reprendre et le journal de Le Petit n'est pas en ligne sur le site Gallica.
Je suis tombé, en revanche, sur le périodique de 1832-1834 La Charge ou les Folies contemporaines, recueil de dessins satiriques et philosophiques pour servir à l'histoire de nos extravagances. Les articles sont nettement anticléricaux et j'ai immédiatement songé à un titre qui fut le modèle de la revue d'Alfred Le Petit qui en a visiblement repris le titre.
Dans les secondes qui ont suivi, j'en ai eu une sorte de confirmation sur la page Wikipédia consacrée à l'hebdomadaire de Le Petit, puisqu'il est écrit dans la partie "Historique" : "Le titre reprend celui d'un précédent journal satirique paru dès octobre 1832 et qui sera publié quelques années."
La note 1 permet d'ailleurs de lire un article universitaire mis en ligne qui étudie l'impact de cette revue de 1832.
Le côté anticlérical doit compléter l'idée d'un périodique antibonapartiste.
Rimbaud a décalqué des dessins de cette revue satirique. Ce journal a été créé le 13 janvier 1870, en janvier en tout cas, mais la fiche de la BNF est bizarrement renseignée et je n'exclus pas qu'elle ait induit en erreur la fiche Wikipédia. La revue d'Alfred Le Petit est dite avoir duré de 1870 à 1890, mais si on étudie le détail de la fiche BNF, on peut avoir des doutes. En tout cas, ce n'est pas clair.
Notons que la fiche Wikipédia propose la première page et la caricature du journal La Charge du 16 juillet 1870, le jour même de l'article de Cassagnac épinglé par un sonnet de Rimbaud.

Pour les lecteurs, le fait étrange, c'est que Rimbaud n'a pas du tout publié un poème antibonapartiste, ni un poème sur l'actualité de la guerre franco-prussienne. Il a réussi à faire éditer un poème érotique.
On va voir qu'il y a pourtant une cohérence à la démarche de Rimbaud.
D'abord, puisque les deux poèmes sont quasi contemporains, il faut songer au contraste entre "Vénus Anadyomène" et "Trois baisers" qui prouve que le sonnet n'est pas une pièce misogyne. Rimbaud a écrit dans "Credo in unam" : "- La Femme ne sait plus faire la courtisane !..." et ce vers sera réécrit comme suit sur le manuscrit de "Soleil et Chair" remis à Demeny : "La Femme ne sait plus même être Courtisane !" Observez la promotion de la majuscule. Dans "Trois baisers", nous avons l'idée de ce que peut être une Femme qui sait être Courtisane ! En revanche, dans "Vénus Anadyomène", nous avons une prostitution dégradante. Il y a visiblement une relation assez subtile entre ces poèmes et Rimbaud en est parfaitement conscient. "Credo in unam" et "Vénus Anadyomène" opposent la prostitution sacrée à la prostitution de notre monde... "Trois baisers" décrit une femme qui se donne et son opposition va se faire avec les portraits accablants des filles à la Musset dans "Les Reparties de Nina" et "Mes Petites amoureuses".
Mais ce n'est pas tout. Ce qui étonne dans cette publication, c'est qu'il ne soit pas question de la guerre et de Napoléon III. Or, en juin 1870, sans savoir l'imminence du conflit entre la France et la Prusse, Rimbaud a décrit une soirée à Charleville où la population va écouter de la musique militaire, la localité voisine de Mézières étant une ville de garnison. Et, dans ce poème intitulé "A la Musique" où se préfiguraient les passions juillettistes pour "Le Chant du départ" des défenseurs du régime, le poète s'opposait à l'ambiance en préférant s'intéresser aux jeunes filles, les pioupious s'intéressant plutôt aux bonnes. Cette fièvre érotique était clairement caractérisée comme une façon d'opposition au "patrouillotisme" de la population, et cela se retrouve dans la lettre du 25 août à Izambard où le poète parle de ne pas "remuer les bottes". En clair, le poème "Trois baisers" est bien une charge contre l'Empire. Pour un peu, on songerait au sujet du roman Le Diable au corps de Raymond Radiguet. Mais, l'opposition de Rimbaud peut encore s'évaluer plus précisément. Dans les sonnets contre la guerre, Rimbaud déplore les morts qui ont été faits saintement par la Nature, qui ont été faits pour aimer en quelque sorte. Et, c'est pour cela que j'ai choisi un tel titre à mon article : "la charge de trois baisers". C'est à la fois une charge satirique sur le mode "Faites l'amour, pas la guerre !" Mais c'est aussi une charge sur la fonction de vie de l'être humain. Le coup de canon du baiser s'opposer à l'oeuvre de destruction sur les champs de bataille.
Cette publication n'est pas un acte gratuit. Ce n'est pas un poème d'amour, parce que le poète n'aime pas la guerre, c'est aussi un poème d'amour contre la guerre. Quant à parler de charge en trois baisers, c'est justifié par la progression du poème qui représente très précisément un mouvement militaire pour coincer l'ennemi. Rimbaud ne pouvait pas savoir à ce moment-là que la plus grande partie de l'armée française serait encerclée et vaincue à Sedan, suite à des défaites, mais aussi à des manoeuvres d'encerclement. Or, il est piquant de constater que ce poème anticipe magnifiquement cette défaite, puisque les deux premiers baisers du poète préparent le troisième. Le premier baiser fait reculer les pieds, le second fait reculer la tête, pour permettre au troisième baiser, le plus audacieux, d'atteindre les seins, et cette victoire permettra ensuite de consommer un acte sexuel.
Il va de soi que Rimbaud a conçu les baisers comme des tirs et les mouvements de la jeune fille comme les mouvements de la troupe ennemie qui se retrouve de plus en plus piégée, et que Rimbaud songeait quelque peu à l'action militaire en cours.
Certes, les titres "Comédie en trois baisers" et plus tard "Première soirée", ainsi que le vocabulaire déployé, n'accentuent pas l'idée d'une référence à la guerre en cours, il n'en reste pas moins que ce poème-là dans ce périodique est un poème d'opposition à la guerre.
Il y a maintenant un autre aspect intéressant au poème, c'est sa forme en quatrains d'octosyllabes, alors que le premier vers est une allusion manifeste à un alexandrin des Contemplations de Victor Hugo : "Elle était déchaussée..." Passer de l'alexandrin à l'octosyllabe, cela peut être un moyen efficace pour qu'une réécriture soit la moins dépendante possible de son modèle, mais tout au long de l'année 1870, et cela a même commencé en 1869, Rimbaud semble s'être beaucoup inspiré des vers de François Coppée. C'est ici qu'il faut revenir encore une fois sur le cas compliqué de Coppée.
Pour un lecteur du vingtième et désormais du vingt-et-unième siècle, Coppée est un auteur médiocre massivement moqués par de grands noms de la poésie, en particulier au moyen de la forme du "dixain réaliste" qu'il avait eu le malheur de revendiquer. Et cela se double d'une déconsidération politique pour un auteur réactionnaire. Malgré tout, dans sa rubrique pour Les Hommes d'aujourd'hui, Verlaine avait insisté sur le fait que François Coppée avait été un bon poète avant la guerre franco-prussienne. D'ailleurs, Coppée et Verlaine furent initialement amis et collaborèrent ensemble à quelques reprises. Il serait réducteur de considérer que Verlaine fait comme par hasard coïncider son appréciation sur Coppée avec la rupture entre les deux auteurs provoquées par la guerre franco-prussienne. Qui plus est, dans ce cas, il faudrait plutôt trouver suspecte l'affirmation de Verlaine sur la baisse de qualité de sa poésie après 1870, puisque l'intérêt de Verlaine pour les débuts de Coppée est hors de soupçon. En réalité, Coppée, a même sans doute été un poète valable jusqu'en 1872, date de publication du recueil Les Humbles. En effet, ce n'est qu'après 1872 que la poésie de Coppée ne jouit guère que d'une reconnaissance officielle. Après 1872, peu importe ce qu'il écrit, plus rien n'égale la réputation du Passant, des Promenades et intérieurs, de ses premiers recueils, etc. Les parodies des dizains de Coppée ciblaient sans doute certaines limites du projet, mais elles ciblaient surtout dans le cadre zutique un ennemi politique.
Mais poursuivons encore un petit peu, car nous voulons montrer que les oppositions tranchées sont impertinentes dans le cas d'une étude de l'influence des écrits de Coppée sur les écrits de tantôt Rimbaud, tantôt Verlaine. En effet, en 1870, la figure d'hostilité politique de Coppée est déjà en train de se dessiner. Celui-ci a publié la plaquette La Grève des forgerons qui, évidemment, ne saurait plaire à Verlaine et qui a attiré les railleries de Vermersch avec sa réplique parodique "La Grève des poètes". Il ne serait pas surprenant que le poème "Le Forgeron" fasse écho à cette joute entre Coppée et Vermersch, puisque Rimbaud rencontre à peu près à ce moment-là Auguste Bretagne, un ami local de Verlaine, et publie dans une revue La Charge d'une connaissance de Verlaine, Alfred Le Petit. Rimbaud va commencer à citer Verlaine dans sa lettre à Izambard du 25 août 1870. Mais, en tout cas, à défaut de pouvoir affirmer une allusion à Coppée dans le choix du sujet "Le Forgeron", il n'en reste pas moins que la lecture de Coppée par Rimbaud est un fait avéré, il lui fait des emprunts depuis le poème "Les Etrennes des orphelins", et cela va se poursuivre dans "Roman" en septembre 1870 avec l'hémistiche "Les tilleuls sentent bon". Or, Coppée a écrit trois recueils déjà : Le Reliquaire, Intimités et Poëmes modernes. Or, au-delà du Victor Hugo des Contemplations, Rimbaud a pu être confronté à des exemples de poésies érotiques avec certains poèmes, notamment en octosyllabes, du recueil Intimités, veine érotique très nette, mais qui passerait inaperçue du public qui, sans lire les recueils de Coppée, le classe comme un célibataire vivant avec sa soeur, loin de tout épanouissement sexuel, et son retour à la foi déteint sur l'impression que nous pouvons avoir du poète parnassien compagnon de Verlaine au soirée des Vilains Bonshommes.
Lisez le recueil Intimités, ce n'est pas très long à lire, et vous comprendrez assez vite que Rimbaud ne réécrit pas du Coppée, mais participe d'une note érotique plus torride mais similaire.
Enfin, j'ai évoqué dans le cas du poème "Le Forgeron" que le vers "Ouvriers nous sommes" faisait probablement allusion à l'actualité dans la presse du discours de l'Internationale pour que les ouvriers se considèrent comme des frères entre les pays et refusent la guerre. Ce lien me paraît aller de soi, en rappelant au passage que ça n'a rien à voir avec le marxisme pour autant, tant aujourd'hui on a l'esprit altéré du rapprochement entre l'Internationale et Marx. J'étais un peu surpris de ne pas trouver tellement d'allusions aux grèves du Creusot dans le livre de Choisel que j'ai cité comme appui chronologique pour commenter les débuts du conflit franco-prussien.
Je propose ici un lien que je n'ai pas encore lu, mais que je viens de trouver, car il est évident que les grèves du Creusot sont le contexte qui éclaire la composition du poème "Le Forgeron". Je ne sais pas quoi penser de l'article tant que je ne l'ai pas lu, mais en voici le lien :


mercredi 12 août 2020

Il y a 150 ans... Césarin et Césarine

Rimbaud, en 1870, a remis des manuscrits de poèmes en vers à son professeur Georges Izambard, mais aussi le manuscrit d'une nouvelle complète intitulée Un coeur sous une soutane qui parodie quelque peu Jocelyn de Lamartine et épingle une famille acquise au Second Empire avec le chef de famille Césarin Labinette, où on reconnaît l'allusion au recueil des Binettes rimées de Vermersch et le nom d'empereur auquel il est connu que s'identifiait volontiers Napoléon III. Mais, en 1871, George Sand publiera un roman satirique Césarine Dietrich. Or, en juillet 1870, elle s'attelle à l'écriture de ce roman, tandis que la nouvelle de Rimbaud semble avoir été écrite l'été de cette année-là justement, des indices manuscrits reliant par exemple Un coeur sous une soutane et le sonnet "Le Châtiment de Tartufe" qui date forcément du mois d'août. George Sand n'est pas n'importe qui en 1870. Les grands écrivains en prose de ce siècle sont essentiellement Hugo, Chateaubriand, Balzac, Les Goncourt et pour le style Gautier, et bien sûr il faut leur adjoindre George Sand. La reconnaissance de Stendhal est ultérieure. La cote de Flaubert est encore en devenir. La cote de Nerval, je ne sais pas trop si elle était fort élevée à l'époque. Mérimée et Barbey d'Aurevilly n'ont jamais été les noms les plus réputés du dix-neuvième siècle. Vigny et Musset n'ont pas une oeuvre romanesque bien étoffée. Sainte-Beuve n'a guère que le roman Volupté à son actif. Les romans de madame de Staël n'ont jamais eu la reconnaissance de ses écrits critiques non plus. Maupassant n'est pas encore apparu sur la scène et Zola débute à peine. Benjamin Constant, Senancour et quelques autres ne sont pas connus par quantité d'écrits. Il reste les écrivains populaires comme Alexandre Dumas père, Eugène Sue et Paul Féval notamment, mais George Sand leur fait cortège pour ce qui est des ventes à succès. Est-ce que le titre du projet de George Sand avait filtré dans la presse ? Ou Rimbaud et Sand ont-ils puisé à une source commune en 1870 ? Avant de conclure à la coïncidence, il faut peut-être enquêter sur le sujet.

mardi 11 août 2020

Il y a 150 ans... Le Mal

Bon, sans surprise, devinez avec quelles sensations dans la tête je me lève le matin ces jours derniers ou devinez les sensations que j'ai là maintenant !
Je vous ai minimalement indiqué le repère chronologique des batailles importantes. Le 2 août, la bataille de Sarrebruck, faux début d'offensive par l'armée française qui devient un objet de dérision. Rimbaud et Verlaine feront partie des écrivains qui épingleront l'événement sous son jour comique : "L'Eclatante victoire de Sarrebruck" sonnet de Rimbaud et "L'Enfant qui ramassa les balles..." dizain de Verlaine qui fut plus tard attribué à Rimbaud qui en avait fait la copie manuscrite, mais poème signé "PV" qu'il faut bien attribuer finalement à Verlaine. Au passage, c'est une faute morale que de jouer l'intimidation avec les avis d'autorité de Murphy, Guyaux et Lefrère notamment qui ont voulu considérer que le dizain était quand même de Rimbaud. Ce n'est pas simplement une erreur, c'est un tort, une faute morale de rimbaldien que de ne pas accepter la primauté de l'argument de la signature "PV" dans le débat. On peut tout imaginer dans la vie. On peut soutenir que "Le Bateau ivre" a été composé par Verlaine qui a fait croire que c'était de Rimbaud, on peut broder des explications à l'envi pour soutenir que "L'Enfant qui ramassa les balles..." c'est un poème de Rimbaud qui a été signé "PV" par un indélicat, on peut tout raconter, mais à un moment donné il y a une hiérarchie des indices et preuves philologiques à respecter : ce dizain a été recopié par Rimbaud sur un manuscrit, mais il fait partie d'un diptyque de deux dizains créés par Verlaine, la signature "PV" et la confrontation des deux poèmes en faisant foi. Si vous pensez que Rimbaud a composé "L'Enfant qui ramassa les balles...", mais que nos deux poètes n'ont pas voulu expliquer à Régamey que le diptyque avait été fait à deux, c'est votre problème, c'est votre pensée, mais du point de vue philologique, vous pouvez dire ma pensée s'appelle un tel, ma pensée s'appelle machin, c'est pareil, ça ne vaut rien.
En tout cas, la guerre commence véritablement le 4 août, et du 4 au 6 août, la France connaît trois défaites militaires majeurs, une le 4, deux le 6 août.
Je serais dans les temps, j'aurais déjà commenté le poème "Le Mal", ses liens avec le sonnet "Morts de Quatre-vingt-douze...", avec les chansons patriotiques "Marseillaise", "Chant du départ", "Chanson des Girondins", etc., avec la boucherie sanglante que furent les combats entre les 4 et 6 août, avec certains discours dans la presse. J'aurais comparé la fin de "L'Eclatante victoire de Sarrebruck" en tant que sonnet soupçonné d'avoir été écrit en août et la fin du poème "Le Mal", à cause du "gros sou lié dans leur mouchoir" qui fait irrésistiblement songer à un calembour inabouti : "Lui donnent un gros soulier dans leur mouchoir" (avec négation de la césure et emploi de soulier à la place de coup de pied). Je ne suis pas le premier à avoir pensé à ce calembour, je l'ai vu au détour d'une lecture d'un critique rimbaldien dans un article des années 80 je pense. C'est un calembour très agaçant pour moi, car il s'impose à mon esprit, alors qu'il n'est pas dans la logique stricte du discours du sonnet, alors qu'il a sous forme de calembour une syntaxe douteuse : "donnent un gros soulier dans leur mouchoir", alors qu'il supposerait qu'on frappe dans un mouchoir, alors qu'il fait porter des souliers aux mères éplorées. Pourtant, le dernier vers de "L'Eclatante victoire de Sarrebruck", on a un personnage "présentant ses derrières" pour se faire mettre autant que botter d'importance. Je vais vivre ma vie avec ce calembour associé au poème "Le Mal" comme si j'y sentais la présence de quelque chose que Rimbaud a voulu essayer et auquel il a renoncé in extremis, non sans en laisser l'armature partielle dans le vers.
Je n'arrive pas à tourner le dos à cette impression, et ça m'énerve.
Mais, évidemment, ce que je voulais faire, et ce que je ferai dès que j'irai mieux, ce sera expliquer comme jamais les liens du sonnet "Le Mal" avec des passages précis des Châtiments de Victor Hugo et aussi avec des passages précis dans la presse et les chansons d'époque au sujet des mères éplorées et des bataillons qui croulent. Mais, là, j'ai une chape de plomb sur le crâne, je suis incapable de prendre un livre et de passer mon temps à chercher. Je le ferai plus tard. Je voulais aussi exploiter le lien avec l'article de Cassagnac à partir du rapprochement entre "Morts de Quatre-vingt-douze..." et "Le Mal".
Je voulais citer aussi les poèmes de Bergerat dont "Les Cuirassiers de Reichshoffen" en annonçant de loin en loin l'écriture satirique de "Chant de guerre Parisien", et j'aurais évoqué les Idylles prussiennes de Banville et quelques autres poèmes. Une critique Geneviève Hodin avait insisté également sur la lecture par Rimbaud des Ïambes de Barbier. Bref, j'avais envie de bien tout poser.

Il y a un autre sujet important à traiter et si je ne m'abuse j'ai raté la date du 9 août déjà, c'est l'agitation sociale, et les premiers mouvements de la future tendance communaliste, avec les projets de Blanqui, etc. Il faut que je me rattrape dans les jours qui viennent. Le 13 août, ce sera la publication d'un poème de Rimbaud dans la presse.
J'espère très vite revenir en forme, même si je n'y crois pas trop.

jeudi 6 août 2020

Il y a 150 ans le 6 août 1870 Journée de grandes défaites à Reichshoffen et Forbach

Mon état est désastreux, mais demain je me ferai violence pour publier une mise au point et traiter en relation avec la bataille de Reichshoffen du poème "Le Mal". Tout à l'heure, en librairie, j'ai repéré un livre sur la défaite de 70 de Thierry Nélias et un autre sur Napoléon III d'Anceau, j'ai repéré aussi un livre collectif sur les révolutions où Anceau écrivait les pages sur le 4 septembre et Hélène Lewandowski les pages sur la Commune. Je ne les ai pas achetés. Je ferai avec ce que j'ai déjà.

mercredi 5 août 2020

Il y a 150 ans le 5 août 1870 la nouvelle de la défaite de Wissembourg de la veille

Je suis en train de lutter avec un état de fatigue ravageur. Du coup, je regarde des vidéos sur les objets découverts dans le système solaire...
Mais, cet article publié à 18h et quelques me permet de rappeler que le 5 août au soir la population parisienne apprenait la défaite de Wissembourg dans la presse (c'est ce que disent les historiens, pas la force de vérifier sur Gallica malheureusement), et cela faisait l'effet d'une douche froide qui annulait la première euphorie de l'annonce de la victoire de Sarrebruck. Bon, Wissembourg, c'est en Alsace. La preuve, il n'y a pas de tréma !
Si je retrouve des forces, je vais faire des dossiers de presse pour récapituler certains points. J'en prévois un sur la dépêche d'Ems. Je vais carrément citer tous les trucs d'historiens que j'ai sous la main et mettre en lumière un référencement des sources complètement lacunaire. Je prévois un dossier sur la préparation de la guerre et l'armement en juillet et un autre sur les projets de réforme avant la guerre en évoquant la mort de Niel en 1869 et ses conséquences. Pour l'immersion, je ferai peutg-être un truc comme les aimaient les journalistes et historiens à l'époque : une revue des principaux personnages, il manquera juste les médaillons, autrement dit les têtes sous forme de gravures, etc. Mais, j'aurai assez d'énergie en tout cas, pour mettre au jour le jour la petite information importante pour suivre les événements. Il y aura aussi, en principe, des revues de presse d'époque. Je ne voudrais pas pour ce dernier dossier que mon retard s'aggrave...

mardi 4 août 2020

Bonus !

Même si je vis une passe difficile et que je ne peux pas développer dans l'immédiat mes articles sur la guerre franco-prussienne, voici une de ces idées à partager que je peux formuler en peu de mots et vous offrir tels des bonbons.
En fait, j'ai depuis quelque temps une idée que je trouve géniale, alors je vais vous l'exposer.
Vous savez qu'à partir de mars-avril 1872 Rimbaud a commencé à composer des poèmes en "Vers Libres", pas au sens de "Mouvement" et de "Marine", mais au sens exploité par Verlaine de poèmes irréguliers pour les césures, les rimes ou parfois la longueur syllabique des vers.
Les premiers exemples sont datés de "mai 1872" sur les manuscrits qui nous sont parvenus, mais il peut s'agir de la date de recopiage et mise au point d'un ensemble de poèmes. Je n'exclus pas que "Comédie de la soif", voire d'autres poèmes datés de mai 1872 aient occupé les journées de Rimbaud en avril 1872. Qui plus est, le premier poème à césures irrégulières, "Tête de faune", n'est pas daté, mais semble devoir être considéré comme ayant été composé en février-mars 1872.
Mais ce n'est pas le débat, ici. Je passe aussi sur les combats inutiles pour rappeler que le poème "Les Corbeaux" est nécessairement antérieur au 21 mars 1872, la thèse de Murphy d'un poème envoyé d'Angleterre pour une publication rapide en France est ridicule au possible (Yves Reboul trouve cette théorie intéressante et plausible, moi pas, je n'ai pas de temps à consacrer à des conneries pareilles !), que le poème "Juillet" date de l'été 1872, et pas de l'été 1873 quand Verlaine et Rimbaud ne se rendent même pas sur le boulevard du Régent la place royale et le palais royal, quand ils ont d'autres choses à régler, et évidemment la thèse échappatoire de Cornulier de croire que "Juillet" a été composé en 1874 en Angleterre, je suis désolé, je n'ai pas le temps de m'attarder à ce cirque.
Rimbaud a composé tous ses poèmes en vers seconde manière avant Une Saison en enfer, et même la quasi totalité avant le passage en Angleterre le 7 septembre 1872, cas à part de "Ô saisons ! ô châteaux!"
Or, dans ces poèmes en vers de 1872, il y a des pièces à verts courts qui ont l'air de chansons et puis il y a des poèmes en quatrains avec des vers plus longs. Je ne vais pas les énumérer ici. Mais, en 2004, il s'est passé un événement intéressant. On a découvert le manuscrit d'une version inédite de "Mémoire", version qui a mis un terme au passage aux théories fumeuses sur l'importance des minuscules en attaque de vers sur certains manuscrits.
En fait, il y a une idée de série dans les poèmes de 1872 qui n'a jamais été amorcée me semble-t-il. Et depuis 2004, elle pourrait pourtant s'imposer à l'esprit.
Le poème "Famille maudite", autre version de "Mémoire", proviendrait des descendants de la famille Mauté, ce qui a amené à la conclusion que le poème était nécessairement antérieur à la fugue de Verlaine et Rimbaud du 7 juillet 1872.
Dans l'absolu, ce n'est pas si clair que ça, puisque nous connaissons pas les noms des vendeurs du manuscrits et puisque la famille Mauté a eu d'autres occasions de récupérer des manuscrits de Rimbaud. Verlaine et Rimbaud échangeaient par lettres quand Verlaine était en prison. Ensuite, dans les années 1880, Charles de Sivry, demi-frère de l'ex-femme de Paul Verlaine a détenu en sa possession Les Illuminations un certain temps. Enfin, Verlaine avait un héritier qui lui a survécu, sans parler de la mère de Verlaine qui pouvait avoir des choses chez elle. Bref, les Mauté auraient pu récupérer des manuscrits à pas mal d'occasions. Ceci dit, le manuscrit de "Famille maudite" aurait bizarrement été extrait de la série de publications rimbaldiennes des deux décennies 1880 et 1890. Je pense qu'effectivement l'intuition est bonne de dater le manuscrit "Famille maudite" comme antérieur au 7 juillet 1872.
Or, l'essentiel des poèmes qui sont datés le sont du mois de mai avec un cas particulier "Âge d'or" daté de juin 72, mais enchaîné à trois poèmes datés de mai dans une série "Fêtes de la patience", ce qui fait qu'on le pressent comme un poème des premiers jours de juin, certes plus par sentiment de vraisemblance qu'indices convergents.
Sur un reste de courrier, Rimbaud a recopié un poème initulé "Jeune ménage" qu'il a daté du 27 juin 1872. Lors de son séjour en Belgique, Rimbaud semble avoir composé le poème "Juillet" qui témoigne de son passage sur le boulevard du Régent ce mois-là de l'année 1872 (la composition serait de la fin juillet ou du mois d'août éventuellement) et le poème "Michel et Christine" qui a de forts points communs avec un poème explicitement daté d'août 1872 par Verlaine "Malines". Le poème "Juillet" évoque l'idée de couples célèbres dont Roméo et Juliette, mais pas seulement. Nous avons donc "Famille maudite" devenu le poème "Mémoire", puis "Jeune ménage" où il y a l'idée de Bethléem, image bénie de la famille, et celle d'un marié trompé pendant son absence, puis "Juillet" où il est question des amours maudits de Roméo et Juliette, héros déchirés entre deux familles qui se haïssent, puis "Michel et Christine", couple béni par la religion mais traité par une plume sarcastique.
Qu'est-ce que vous dites de ça ?
Là, je suis en recherche d'informations sur les idylles. Dans l'introduction au roman La Petite fadette, il est rappelé que Sainte-Beuve n'a pas supporté que l'héroïne soit une femme fière et il en a fait une fausse note, considérant La Petite Fadette comme une idylle et donc comme un texte qui doit être de douceur et suavité, sans donc l'expression d'une héroïne aussi fière. Cela me semble à méditer. Banville a écrit des Idylles prussiennes, mais il faut explorer toutes les implications du mot "Idylle" dans le cas de "Michel et Christine, donc je relève tout ce qui passe. Dans la première de ses préfaces, George Sand parle aussi du poète et de faire vibrer l'univers. Cela fait très longtemps que je veux publier un article avec des tas de citations d'Hugo, Lamartine, Vigny, etc., de Verlaine, pour après cité tous les passages de Rimbaud où il y a un mot de la famille du verbe "vibrer", parce que c'est insupportable de voir que quand on dit aux gens que, dans "Voyelles", "vibrements" cela a un sens de poncif d'époque et que bien sûr cela justifie des rapprochements avec "Credo in unam", les gens vous méprisent du haut de la perplexité que provoquent vos propos. On doit se justifier d'être pénétré de l'esprit de toute une époque poétique. Bref, j'ai une nouvelle citation à exhiber, et je publierai un jour un gros article pour illustrer le poncif de la vibration, parce qu'un jour que ça plaise ou non aux rimbaldiens on leur dira qu'ils sont complètement à la masse de ne pas avoir compris tant d'éléments importants concernant la lecture de "Voyelles". Leur néant est triste.

Il y a 150 ans le 4 août 1870, le début de l'offensive allemande

Les choses ne se passent pas du tout selon mon souhait. Je ne peux pas réaliser ma série dans de bonnes conditions. Comme l'été passé, je suis exténué, j'ai aussi énormément de maux de tête, la nuit du 2 au 3 août. Je ne peux pas utiliser mon cerveau à plein, je ne peux pas faire d'efforts intellectuels prolongés. Tout à l'heure, je suis descendu à Avignon, je n'ai pas amené mes livres pour préparer l'article du jour, j'ai lu une introduction d'un roman de George Sand dans un café, puis les deux préfaces de La Petite fadette, ce qui au passage me fait méditer des petits trucs rimbaldiens sur la notion d'idylle, sur la notion de "vibrements", etc., mais je lis trente pages, je regarde ce qui se passe autour de moi et je suis content comme ça, parce que je ne peux pas faire plus. On a déjà fait des prises de sang pour savoir quoi, on a déjà identifié une maladie et je prends des médicaments à vie suite à la détection de cette maladie, mais, maintenant que c'est réglé, j'ai toujours le même état de fatigue. On découvre une maladie, traitement à vie, mais ça ne change rien de rien à mon état. Super ! Je pense que ça va être ça pour une assez longue période de temps encore, je vois bien que mon état n'est pas pris au sérieux, alors que mes moments de loisir sont purement cliniques, je le vois bien. Je vais tout essayer ophtalmo, relaxation, et continuer les médecins en espérant qu'ils soient à fond et ne se contentent pas de la consultation et de l'ordonnance comme suffisantes à leur bonheur.
J'aurais voulu faire des synthèses de mes lectures : les livres sur la guerre franco-prussienne de François Roth, Antoine Reverchon et Jean Tabeur. J'en ai d'autres, j'ai aussi du Francisque Sarcey, etc. Mais là, je ne peux faire que le service minimum. J'aurais voulu dépouiller au jour le jour des journaux d'époque, sans me limiter un seul, mais c'est impossible. Je mange bien, correctement, mais je n'ai pas de carburant, j'ai comme tout l'avant du crâne dévoré. Bref !
Je vais quand même faire des sujets de synthèse dès que je le pourrai. Rien n'est perdu, je vais ponctuer d'articles ce mois d'août pour qu'au moins l'essentiel ne soit pas perdu : mon effort pour faire coller le temps présent au temps vécu de Rimbaud.
Ceux qui sont plus en forme que moi peuvent lire les journaux d'époque le matin pour mieux entretenir ce délire de transposition chronologique.
On voit tout de même dans mes articles récents que ce travail n'est pas inutile, il y a comme toujours des petits apports critiques précieux à me lire, même sur les déjà très bien étudiés poèmes de 1870.
Nous sommes le 4 août au soir. L'offensive allemande commence, comme il était prévu. Après la propagande de Sarrebruck où une armée française de 25000 hommes avait eu le dessus contre mille, la vraie guerre démarre et, d'emblée, c'est le rouleau compresseur des défaites françaises et des victoires allemandes. Le 4 août, la première défaite a lieu à Wissembourg et on appréciera la symétrie entre la légende tournée en ridicule du prince impérial le 2 août (je vais faire un article sur la dépêche qui le concerne) et la réussite du prince royal de Prusse, plus âgé, à Wissembourg. Le général Douay a été à Wissembourg et dans deux jours il sera question de Reichshoffen. Je vais bien sûr m'intéresser à ces batailles et cela me permettra de parler du sonnet "Le Mal", mais aussi de revenir sur certaines idées que je dissémine au passage dans mes articles. D'ailleurs, pour ceux que mon étude sur "Vénus Anadyomène" a intéressés, il y aura une étude sur les adjectifs faciles d'emploi dans les alexandrins au sujet du poème "Roman" à la fin du mois de septembre. Je place des jalons dans mes articles, sachez-le.
Maintenant, je ne suis pas maître de ma santé.

dimanche 2 août 2020

Voyelles, une théogonie...

Préambule

Je ne suis évidemment pas le premier à avoir remarqué avec quels autres poèmes de Rimbaud associer les mots rares du sonnet "Voyelles" : "bombinent" avec "Les Mains de Jeanne-Marie", "virides" avec "Entends comme brame..." ou le couple "clairon" et "strideurs" présent dans "Paris se repeuple", repris à un poème "Spleen" du recueil Feu et flamme de Philothée O'Neddy (Fongaro), lui-même inspiré par sa présence dans un texte de Buffon sur le chant du cygne (Bienvenu).
En revanche, j'ai eu cette idée clef que je revendique très clairement de considérer que de tels liens invitaient à une lecture communarde du sonnet "Voyelles", puisque "Les Mains de Jeanne-Marie" et "Paris se repeuple" traitent tous deux de thèmes communards, et les "strideurs" du "clairon" sont liées à la représentation de Paris, la ville insurgée, en tant qu'orage de "suprême" poésie. Et j'argumente à nouveau dans ce sens au sujet du quatrain "L'Etoile a pleuré rose..." qui figure à la suite de "Voyelles" sur une copie manuscrite de Verlaine, l'unique leçon manuscrite connue du quatrain au demeurant. Ce quatrain, Yves Reboul en a défendu la lecture communarde et je soutiens bien évidemment cette lecture qui tombe sous le sens.
Face à cela, les rimbaldiens ont préféré considérer que le problème n'était pas posé, qu'il ne se voyait pas. Il faut comprendre à quel point il est cruel pour un rimbaldien d'avoir publié des tonnes de livres ou d'articles sur Rimbaud sans avoir jamais su quoi dire de "Voyelles" et sans pouvoir répondre à un problème d'images communes entre quelques poèmes aussi nettement défini, aussi incontournable. Le silence dédaigneux ne peut sauver aucun orgueil, quand on songe que les livres publiés seront toujours un tant soit peu lus dans l'avenir et qu'on s'étonnera avec force de cette dérobade, de ce refus même d'évaluer les travaux sur cette question.

Passons maintenant au sujet du jour, c'est mon je ne sais quantième article sur "Voyelles". Je propose une mise en relation avec Hésiode.

"Voyelles", une théogonie !

Une des premières choses qu'on apprend sur Rimbaud, c'est que le petit bonhomme, il voulait être "voyant" (pardon du jeu de mots)et qu'il avait toute une théorie de freluquet pour oser y croire.
En réalité, le thème est un poncif romantique, un peu issu des spéculations philosophiques germaniques, sinon suédoises ou autres, et Victor Hugo, Alfred de Vigny, en ont fait leur bonheur avant Rimbaud. D'ailleurs, le mot ne fait même pas partie des écrits littéraires de Rimbaud au sens strict, mais de deux lettres qui par exception sont devenues des morceaux de bravoure littéraires. Maintenant, quand je dis que le mot est issu un peu des romantiques allemands et de certaines tendances de philosophie illuminée brumeuse, il faut corriger, le poncif remonte à bien plus loin encore, à l'Antiquité. Ronsard aussi associait le poète à une fonction sacrée, à une sorte d'aura de voyant. Ce substrat antique a été enseigné à Rimbaud à l'école, puisque parmi sa poignée de compositions latines connues, nous avons un poème sur l'élection du poète inspiré d'Ovide.
Récemment, j'ai sorti une idée forte selon laquelle "Génie" était la réécriture à l'âge de la maturité poétique du poème des débuts "Credo in unam" et entre les deux on sait que je place "Voyelles" comme une sorte de réécriture lui aussi de "Credo in unam" qui s'enrichit de la perception tragique de la semaine sanglante.
Je reviens à la signification communarde de "Voyelles", mais je revendique aussi une deuxième contribution originale : "Credo in unam", "Voyelles" et "Génie" sont en quelque sorte des poèmes-variations l'un par rapport à l'autre, même si le premier est fort méprisé, au contraire des deux autres qui sont adulés, l'un en tant que phénomène célèbre, l'autre en tant que poème le plus estimé d'un nombre considérable de lecteurs de Rimbaud qui privilégient avant tout sa prose.
Je vais aussi passer à une troisième revendication. Contre beaucoup d'avis rimbaldiens, j'ai refusé de considérer que Rimbaud combattait le dualisme. Très influencé par une pensée meschonnicienne, ce qui finirait pas tourner au phénomène de fascination pour un gourou, Bruno Claisse, auteur d'articles excellents sur les Illuminations, a fini par développer un discours critique abstrait dans les années 2000 qui fait comme une chape de plomb par-dessus ce que disent explicitement les poèmes de Rimbaud, et il parle de vérité moniste et d'un combat de Rimbaud contre le dualisme. Personnellement, je suis incapable de trouver un début de combat contre la pensée dualiste dans la poésie de Rimbaud, sauf à jouer sur la ficelle élastique facile qu'il rejette le dualisme platonico-chrétien puisqu'il tape sur tout le système de la pensée chrétienne. Je suis incapable d'exhiber une structuration moniste au fil de ma lecture des poésies de Rimbaud. Mario Richter considère également que Rimbaud combat le dualisme dans Une saison en enfer, avec toujours cette extension abusive à l'attaque contre la pensée chrétienne nourrie en partie de Platon. Or, j'ai très tôt fait remarquer, dès 2002 ou 2004, dans des entretiens de couloir entre rimbaldiens lors de colloques à Charleville-Mézières que la phrase finale d'Une saison en enfer a une formulation explicitement dualiste : "et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps."
Je sais que des petits malins soutiendront que cette phrase est moniste parce que la vérité est à la fois dans l'âme et dans le corps et qu'elle unit tout le tout. Mais il faut être sérieux. Le dualisme ne conteste pas le mystère de l'unité et, pour n'importe qui qui a fait des études, cette phrase est dualiste. Il y a un moment donné où il faut arrêter le sketch. Cette phrase, je la vois d'ailleurs au passage comme une allusion aussi à l'idée latin d'un esprit sain dans un corps sain, mais passons !
Il existe enfin un autre niveau, c'est celui de considérer que Rimbaud est un poète matérialiste et positiviste. L'idée que Rimbaud puisse être un positiviste est soutenue explicitement par Christian Moncel, lequel écrit sous divers pseudonymes : Alain Dumaine, etc.
Et pourtant, non seulement, Rimbaud ne remet pas en cause le dualisme ou le fonctionnement traditionnel de la formulation dualiste de nos pensées, mais en plus j'ai soutenu qu'il n'était ni matérialiste, ni positiviste. La poésie de Rimbaud est porté par un spiritualisme manifeste. Quand Rimbaud dit que l'avenir sera matérialiste, c'est certainement à cause de la religion, mais les poèmes mêmes de Rimbaud ne sont pas matérialistes. Evidemment, on peut être tenté de penser que le spiritualisme est lié à la défense active ou passive, déclarée ou dissimulée, de la religion chrétienne. Le spiritualisme, on va en trouver chez Victor Cousin, chez des penseurs chrétiens, etc. Toutefois, au dix-neuvième siècle, beaucoup de révolutionnaires furent un temps tournés vers la religion et leurs discours athées ou laïcs révolutionnaires s'habillèrent des fastes d'une sorte de parole liturgique qui avait l'expression de sa foi et une providence à défendre. Je n'apprends rien, c'est un fait bien connu. Il est assez évident que Rimbaud joue avec l'ancien modèle religieux quand il crée ses contre-modèles. "Génie" réplique au christianisme en lui reprenant des éléments de rhétorique, etc. La réappropriation est d'autant plus indiquée que le poème est dans la réplique, la parodie, la satire, parfois l'opposition terme à terme, etc.
Mais on pourrait se dire que le spiritualisme de Rimbaud n'est que dans l'habillage parodique et qu'à la fin des fins la critique du poème de Rimbaud contient en lui-même la ruine de la pensée spiritualiste.
En fait, non !
Rimbaud, poète en avance sur son temps, a encore des façons de penser d'un autre temps par rapport à nous. Et un passage d'Une saison en enfer permet de prouver que Rimbaud est spiritualiste et qu'il n'est pas du tout positiviste. Le positivisme se caractérise explicitement par le refus de la cause finale, une des quatre causes aristotéliciennes. C'est sa base définitionnelle. Et le spiritualisme n'a pas pour vocation de défendre les religions et l'existence de Dieu. Le matérialisme et le positivisme prennent les choses en partant de la matière, puis ils montent aux structures complexes par étapes. Par exemple, on va avoir la vie physique, les minéraux, l'apparition de la vie, le monde végétal, puis le monde animal, puis au niveau humain le positivisme et le matérialisme vont tendre à nous interdire de chercher à comprendre ce qui ne peut pas être observé objectivement, ce qui ne peut passer sous le scalpel. Le spiritualisme a vocation à refuser cette hypothèque. Rimbaud ne s'est sans doute pas mis en tête de défendre le mystère de la vie, gageons qu'il est plutôt dans une certaine continuité traditionnelle de la pensée qui fait qu'il pense naturellement dans un cadre spiritualiste. Il avait sans doute une pensée fine et subtile qui revenait sur cette essence spiritualiste, il devait la critiquer, etc., mais Rimbaud n'a pas fonctionné selon ces modalités nouvelles, et aujourd'hui banalisées, qui consistent à opposer la pensée matérialiste et positiviste à une pensée spiritualiste. Et ce n'est pas tout. Il n'a pas passé le pas, parce qu'il reste dans la conviction qu'il y a une cause finale, qu'il y a une providence au monde. Dans "Alchimie du verbe", Rimbaud fait allusion à "Voyelles" en mobilisant les mots "forme" et "mouvement". Le couple "forme" et "mouvement" se retrouvent dans "L'Impossible" Et si on compare les deux extraits, on observe qu'à "la couleur des voyelles" correspond le mot "lumière". Or, dans "L'Impossible", Rimbaud écrit qu'il ne croit pas "la lumière altérée, la forme exténuée, le mouvement égaré..." Je mets au défi un positiviste ou un matérialiste d'expliquer ce qu'est un "mouvement égaré", puisque dans la pensée positiviste et matérialiste le mouvement est là sans qu'on lui présuppose une cause finale. Dans la pensée positiviste et matérialiste, "lumière altérée, forme exténuée, mouvement égaré", ça ne veut rien dire ! Si vous vous réclamez d'un matérialisme de stricte obédience, d'un positivisme fidèle à Auguste Comte, vous ne pouvez lire ce passage qu'en mettant entre parenthèses vos principes.
J'espère ne pas empiéter sur l'intérêt de travaux à venir dans mes présents développements, mais j'ai lu récemment des textes sur le positivisme et j'ai depuis longtemps dans un coin de ma tête cette phrase : "Non que je croie la lumière altérée, la forme exténuée, le mouvement égaré..." comme preuve que Rimbaud a une croyance viscérale en une providence universelle.
Revenons maintenant à "Voyelles".
Ce sonnet en quatorze vers tient en une seule phrase qui tourne quelque peu sur elle-même. L'axe est le second vers, les douze derniers vers sont la reprise sous forme d'amplification du premier vers. Le premier vers énumère les cinq voyelles graphiques de l'alphabet de la langue française, le Y étant maintenu à part, ce qui était une façon traditionnelle de faire à l'époque, et il les énumère dans un ordre modifié pour imposer l'idée du Tout, de l'alpha à l'oméga. Les cinq voyelles sont personnifiées, puisque le poète les invoque, elles sont un peu comme cinq divinités, je ne suis pas le seul à avoir vu cela, mais j'insisterai aussi sur la liaison avec la toute fin du poème où il est fait mention d'une partie du corps d'une divinité ultime, divinité ultime cette fois évoquée à la troisième personne avec les majuscules de l'autographe en prime : "Ses Yeux". C'est un peu comme dans le cas des prières à un intercesseur, Jésus ou Marie, auprès de Dieu. "Vierge Marie, priez pour nous que Dieu nous veuille absoudre !"
Je l'ai développé, mais encore une fois cette énième contribution de ma part à la compréhension de "Voyelles" ne rencontre pas son public, que les cinq voyelles sont d'un côté une métonymie de la notion d'alphabet de lumière, la ribambelle des "A noir, E blanc,..." étant l'équivalent des sept lettres d'or johanniques de poèmes des Contemplations de Victor Hugo, et d'un autre côté les cinq briques pour construire le réel tout entier. Je ne pensais pas qu'il fallait un plus puissant tremplin pour comprendre que les cinq couleurs sont la palette pour se représenter toutes les images, toutes les couleurs, et donc le monde. J'ai eu l'immense tort de croire que c'était facile à comprendre.
Je ne me suis pourtant pas arrêté en si bon chemin. J'ai essayé de montrer que les cinq briques avaient des échos entre elles et qu'elles étaient porteuses d'ambivalences. Le noir qui semble plutôt du côté de la mort et de la putréfaction est porteur de vie avec le "corset" des mouches qui se nourrissent de la putréfaction, y pondent. Les "golfes d'ombre" sont comme des ventres maternels et j'avais souligné à quel point le spectacle miniature des mouches faisait écho au spectacle géant de la Nature comme "^pâtis semés d'animaux". Chaque brique avait ses spécificités, ses dominantes, mais il y avait aussi moyen de voir des reprises entre les voyelles, ce qui veut bien dire que ce poème relève d'une élaboration intellectuelle tout à fait spectaculaire. Il faut bien mesurer que le E blanc n'a pas que la pureté de la Vierge dans les "candeurs", il a aussi l'idée de ces "Lances" qui transpercent, la menace trouble des "ombelles". Je me suis acharné à rappeler l'intérêt au centre du poème, en queue de quatrains avant les tercets, à la rime du vers 8, d'une alliance de mots "ivresses pénitentes". Je me suis battu pour dire que le "U vert" représente le monde sublunaire, la surface terrestre avec la mer et la Nature, quand le tercet du O bleu présentait ce qui le recouvre ce ciel étoilé avec en réponse aux "vibrements divins des mers virides", aux animaux qui parsèment le décor, la réplique des "strideurs étranges", le "Clairon" d'une autre sorte de berger dans ses propres "pâtis", avec "des Mondes et des Anges" qui sont bien l'équivalent de "pâtis semés d'animaux", avec des "strideurs" qui sont bien sur un autre plan des "vibrements divins".
Ce que je dis là, aucun rimbaldien ne le dit. Et si vous m'en trouvez qui le disent, montrez-moi qu'ils insistent là-dessus, montrez-moi que tous ceux qui rendent compte de ce qui a été écrit sur "Voyelles" s'évertuent à le rappeler comme un acquis critique fondamental.

Je pourrais continuer longtemps. Aujourd'hui, je vais vous parler d'Hésiode...
Je ne sais pas si Rimbaud a lu Hésiode, s'il a lu un peu, beaucoup, etc., j'en sais rien. On ignore la date naissance d'Hésiode et tout ce que nous savons de lui nous le tenons par quatre maigres extraits des quelques poèmes de lui qui nous sont parvenus. C'est un quasi contemporain d'Homère. Face à la poésie épique d'Homère, il est à l'origine de la poésie didactique, poésie didactique qui concerne Rimbaud avec l'influence de Lucrèce qu'il a dû traduire en vers français sur "Credo in unam", mais pas seulement.
Hésiode a écrit une Théogonie et un poème qui a pour titre Les Travaux et les jours. C'est l'essentiel de ce qui nous est parvenu de lui à peu de choses près, sachant qu'il y a eu pas mal d'attributions abusives habituelles, selon le vieil adage "on ne prête qu'aux riches".
Je regrette de ne pas avoir des traductions contemporaines de Rimbaud. Peu importe. Je vais faire avec ce que j'ai. J'ai une édition des oeuvres d'Hésiode de 1982, avec un "texte établi et traduit par Paul Mazon", Collection des universités de France publiée sous le patronage de l'association Guillaume Budé, Société d'édition "Les Belles Lettres".
La Théogonie d'Hésiode fait partie de ces poèmes des débuts d'une culture littéraire historique qui cherchent aussi à expliquer l'origine du monde. On retrouve l'idée de cause avec les récits "étiologiques" des premiers temps. N'oublions pas, et ceci est important, ce n'est pas une digression, que Leconte de Lisle publie quantité de poèmes qui mettent en vers les récits de création du monde des diverses cultures humaines, avec bien sûr des déformations, etc., mais il nous suffit de comprendre le principe, l'importance qui lui est conférée, car Leconte de Lisle fait bien sûr partie des lectures de Rimbaud.
La Théogonie d'Hésiode va inclure quelques récits annexes et va nous raconter quelques combats entre Dieux ou créatures diverses qui ne supposent pas de confrontation suivie avec le texte de Rimbaud.
En revanche, il y a de quoi montrer en quoi "Voyelles" est bien une variation du projet de composition d'une théogonie à la manière d'Hésiode. Le deuxième vers de "Voyelles": "Je dirai quelque jour vos naissances latentes" avec l'emploi de l'indicatif futur simple, n'est-ce pas ce que nous allons retrouver dans les traductions de certains vers d'Hésiode ?
Je cite la notice de Mazon à la page 9 de mon édition :

[Le poète] Il dira aussi comment ces nouveaux dieux se sont partagé les trésors du ciel (112), et, en remontant plus haut encore, comment ils se sont d'abord rendus maîtres de l'Olympe (113). Ce programme serait, en somme, simple et clair, si [...]
J'ai l'air de tricher puisque je cite une formule du commentateur "Il dira...", mais à peine plus loin sur la même page :

Il doit donc plutôt y avoir là une sorte de parenthèse : "Et, en même temps que ces dieux, je dirai la naissance des éléments qu'ils personnifient." Le mouvement général du morceau serait donc celui-ci : "Je dirai, sous l'inspiration des Muses, comment sont nés les premiers dieux - et le monde avec eux - puis comment des dieux nouveaux ont organisé le monde, après avoir pris possession de l'Olympe."

J'ai l'air de monter d'un cran dans la tricherie, puisque ces citations sont imaginées par le commentateur et ne sont pas authentiques. Il y a tout de même un style formulaire affiché par l'érudit.
Toutefois, essayons de tirer parti de la traduction du texte même d'Hésiode. Celui-ci commence par un prélude assez long qui un peu comme les invocations d'Homère en tête de l'Iliade et l'Odyssée attribue son inspiration aux Muses. Citons le passage suivant :

   Ce sont elles qui à Hésiode un jour apprirent un beau chant, alors qu'il passait ses agneaux au pied de l'Hélicon divin. Et voici les premiers mots qu'elles m'adressèrent, les déesses, Muses de l'Olympe, filles de Zeus qui tient l'égide : "Pâtres gîtés aux champs, tristes opprobres de la terre, qui n'êtes rien que ventres ! nous savons conter des mensonges tout pareils aux réalités ; mais nous savons aussi, lorsque nous le voulons, proclamer des vérités." Ainsi parlèrent les filles véridiques du grand Zeus, et, pour bâton, elles m'offrirent un superbe rameau par elles détaché d'un laurier florissant ; puis elles m'inspirèrent des accents divins, pour que je glorifie ce qui sera et ce qui fut, cependant qu'elles m'ordonnaient de célébrer la race des Bienheureux toujours vivants, et d'abord elles-mêmes au commencement ainsi qu'à la fin de chacun de mes chants.
   Mais à quoi bon tous ces mots autour du chêne et du rocher ? Or, sus, commençons donc par les Muses, dont les hymnes réjouissent le grand coeur de Zeus leur père, dans l'Olympe, quand elles disent ce qui est, ce qui sera, ce qui fut, de leurs voix à l'unisson. Sans répit, de leurs lèvres, des accents coulent, délicieux, et la demeure de leur père, de Zeux aux éclats puissants, sourit, quand s'épand la voix lumineuse des déesses. La cime résonne de l'Olympe neigeux, et le palais des Immortels, tandis qu'en un divin concert leur chant glorifie d'abord la race vénérable des dieux, en commençant par le début, ceux qu'avaient enfantés Terre et le vaste Ciel ; et ceux qui d'eux naquirent, les dieux auteurs de tous bienfaits ; puis Zeus, à son tour, le père des dieux et des hommes, montrant comme, en sa puissance, il est le premier, le plus grand des dieux ; et enfin elles célèbrent la race des humains et celles des puissants Géants, réjouissant ainsi le coeur de Zeus dans l'Olympe, les Muses Olympiennes, filles de Zeus qui tient l'égide.
   [...]

Que les choses soient claires. Je ne veux en aucun cas soutenir que Rimbaud a nécessairement lu ce texte dont je cite des extraits. Ce qui m'intéresse, c'est les lignes de force qui peuvent ressortir de la comparaison. Dans "Voyelles", Rimbaud utilise le mot rare "pâtis" auquel il recourt aussi dans "Ce qu'on dit au Poète à propos de fleurs", pièce qui n'est pas sans liens explicites avec notre sonnet et le thème d'un langage coloré. On remarque dans la citation ci-dessus qu'il est question de la "voix lumineuse" des Muses et que l'adjectif "divin" a été sollicité un certain nombre de fois dans cette traduction : "l'Hélicon divin" (à noter au passage que du coup l'adjectif désigne de l'eau comme dans le poème de Rimbaud, ici une source, là des flots, mais on en reparlera des flots...), des "accents divins" (idée du poète exerçant un magistère au passage), et puisque je m'interdis d'associer à "divins" les nombreuses occurrences de "dieux" au pluriel, je précise que si j'avais cité les premières lignes de la Théogonie d'Hésiode, j'aurais pu récolter les mentions suivantes : "l'Hélicon, la grande et divine montagne", "l'Olmée divin". Je remarque que, dans "Voyelles", il y a une amorce de cadre antique avec la "Paix des pâtis semés d'animaux", à la limite avec la suggestion du "Clairon" pour garder le troupeau. Or, cette idée de pâtre, chère à la religion chrétienne, rencontre aussi les origines de la poésie didactique (Hésiode, mais aussi Virgile et tant d'autres latins). Dans notre citation plus haut, nous avons Hésiode, peint par lui-même, qui "paissait ses agneaux" et les Muses l'assimilent au groupe des "pâtres". La poésie n'est pas sa fonction principale dans la vie, mais on a la rencontre des fonctions de berger et poète qui prépare le terrain à de nouvelles assimilations métaphoriques. Contrairement à Rimbaud qui dans "Voyelles" prend l'initiative "Je dirai quelque jour...", le poète se soumet à l'inspiration des Muses, mais des Muses qui sont des prophètes : "elles disent ce qui est, ce qui fera, ce qui fut". On rappellera qu'un prophète n'est pas quelqu'un qui lit l'avenir, mais quelqu'un qui connaît les desseins du divin et qui peut dès lors lire le passé, le présent comme le futur. Rimbaud qui se veut "voyant se veut "prophète" également, un mage à l'instar de poètes antiques tels qu'Ovide ou Hésiode... Le poème d'Hésiode et le sonnet de Rimbaud ont tous deux des allures d'hymne et procèdent tous deux à la célébration des entités divines dont ils dépendent. Rimbaud s'adresse aux voyelles en leur annonçant son intention comme autonome, mais il ne pourra proférer qu'à mesure que les voyelles s'organisent en lui... Elles sont bien des Muses pour lui aussi, mine de rien. Il est question d'unisson quant aux voix des Muses et on note en passant cette idée, après la mention de la "voix lumineuse", d'une "cime" qui "résonne de l'Olympe neigeux", ce qui n'est pas sans écho aux "Lances des glaciers fiers" de l'autographe de "Voyelles", sachant qu'un appel à la rime suggère le nom "cimiers" et que tout cela concerne l'éclat du "E blanc". La fin du passage que nous avons cité d'Hésiode parle d'une harmonie entre les dieux et les hommes, ce qui est une idée explicite du poème "Credo in unam" très certainement transposable à la relation de rimes et de tercet à tercet entre "fronts studieux" et "Ses Yeux". Peu après notre citation, il est à nouveau question de Muses qui demeurent "près de la plus haute cime de l'Olympe neigeux".
Le prélude s'étend sur 115 vers initiaux et nous allons passer ensuite à l'origine du monde.
J'évite d'assommer mes lectures avec toutes les idées qui peuvent fuser en moi, car l'accumulation fragiliserait les rapprochements. Je passe ne particulier sur la question de l'apaisement par les sages. En revanche, au sein du prélude, je relève l'épithète homérique suivante : "la mer immense aux furieux gonflements". Il se trouve que dans le début des vers consacrés à raconter l'origine du monde l'épithète est reprise avec une légère modification : "la mer inféconde aux furieux gonflements". C'est marrant comme, au premier vers des tercets, au vers 9, vers de sonnet qui partage un peu avec le vers 8 l'idée de passage médian du poème, nous avons une épithète homérique qui n'est pas sans faire songer à Hésiode : "vibrements divins des mers virides" ! Une épithète homérique sur le modèle inversé prôné par du Bellay dans sa Défense et illustration de la langue française ! L'épithète passe devant le nom principal. Il va de soi que les épithètes homériques sont dans les traductions des textes antiques, sans rien préjuger de la grammaire des textes antiques eux-mêmes.

Passons maintenant à la citation de ce récit des origines par Hésiode, ce récit des commencements :

   Donc, avant tout, fut Abîme ; puis Terre aux larges flancs, assise sûre à jamais offerte à tous les vivants, et Amour, le plus beau parmi les dieux immortels, celui qui rompt les membres et qui, dans la poitrine de tout dieu comme de tout homme, dompte le coeur et le sage vouloir.   D'Abîme naquirent Erèbe et la noire Nuit. Et de Nuit, à son tour, sortirent Ether et Lumière du Jour. Terre, elle, d'abord enfant un être égal à elle-même, capable de la couvrir tout entière, Ciel Etoilé, qui devait offrir aux dieux bienheureux une assise sûre à jamais. Elle mit aussi au monde les hautes Montagnes, plaisant séjour des déesses, les Nymphes, habitantes des monts vallonnés. Elle enfanta aussi la mer inféconde aux furieux gonflements, Flot - sans l'aide du tendre amour. Mais ensuite, des embrassements de Ciel, elle enfanta Océan, aux tourbillons profonds, - Coïos, Crios, Hypérion, Japet - Théia, Rhéia, Thémis et Mnémosyne, - Phoibé, couronnée d'or, et l'aimable Téthys. Le plus jeune après eux, vint au monde Cronos, le dieu aux pensers fourbes, le plus redoutable de tous ses enfants ; et Cronos prit en haine son père florissant.   [...]

Je vous épargne la naissance des Hékatonchires, bien qu'ils aient de l'importance dans le récit d'Hésiode.
On remarque que l'Amour est un dieu primordial. Voilà qui n'est pas pour déplaire à l'auteur de "Credo in unam" où il chante "Vénus, c'est en toi que je crois !" Je retiens aussi la très nette articulation de la Nuit au Jour sur laquelle s'attarde pas mal la notice de Mazon. Mazon fait remarquer qu'il va y avoir des contradictions dans le texte avec la naissance ultérieure de dieux concurrents, avec plus tard la naissance du soleil, du jour sur la Terre, etc. Mais, il insiste beaucoup sur l'idée que la nuit est première par rapport au jour et que c'est un gain de la subtilité de la pensée humaine que de faire naître le jour de la nuit. Ce n'est pas parce que des tonnes de textes rendent cela évident qu'il ne faut pas remarquer l'importance de la succession "A noir, E blanc" du sonnet "Voyelles" comme jour qui jaillit d'une nuit. Le traitement de Rimbaud est original tout en étant respectueux de l'idée archaïque d'un jour qui sort de la nuit... Je relève aussi les mentions lapidaires : "Elle dit", "Il dit" dans le texte d'Hésiode. Il ne s'agit pas du dire de la création comme dans la Genèse, mais d'un "dire" qui en impose : "Elle dit ; la terreur les prit tous, et nul d'eux ne dit mot." "Il dit, et l'énorme Terre en son coeur sentit grande joie." Mais revenons à l'extrait que nous venons de citer. Je viens de montrer l'écho de la succession Nuit/Jour entre la Théogonie d'Hésiode et le sonnet "Voyelles" d'un clampin carolopolitain. Mais, les tercets de "Voyelles", je le dis et répète comme quelque chose d'important, sans me faire entendre de la foule qui me croit bien naïf, c'est l'opposition du monde sublunaire au Corps étoilé, le binôme de la surface planétaire terres et mers avec l'étendue du Ciel qui nous domine avec une profondeur d'infini. Là, dans le texte d'Hésiode, juste après la succession Nuit/Jour, on passe à la Terre, tercet du U vert en gros, qui enfante "un être égal à elle-même, capable de la couvrir tout entière, Ciel Etoilé", bref le tercet du "O"...
Il y a peut-être d'autres choses à mettre en exergue, mais là je suis fatigué. Je vis dans un monde rétréci où Rimbaud réincarné ne pourrait que bercer sa blessure infinie avec la chanson tragique de Roky Erikson qui parle d'une nuit faite pour l'amour avec un tel accent qu'on comprend que cette nuit n'arrivera plus jamais, mais que ce qui sauve c'est d'en nourrir l'espoir.


Bon, voilà, c'est pas mal ça pour éclairer le sens de "Voyelles".
- sissanswasantesiss
- Hein, j'entends quelque chose ?
-sissanswaçantesiss
- Hein ? Quoi ? Qu'est-ce qu'il dit, je comprends rien ?
-sicensouaçantesiss, sicensouassantesiss !
- Qu'est-ce que c'est que ce taré ?
- sissansouassantesiss, sissansouaçantessis
- Hein , Quoi ? Ok, allez je vais me coucher !

-Sissansouassantesiss siçansouaçante siss siçansouaçante siss

sissansouassanttessiss

sissansouassantessissss

Rhââ, je suis le cosmos et l'olivier, rhââ hexakosioihexekontahexaphobie sur le monde.
Frémissez, il manque une virgule volontaire au premier vers de "Voyelles" de la copie faite par Verlaine.
 Les rimbaldiens (la charité ensorcelée nous interdit d'égrener quelques noms) : - Ah ! le cosmos et l'olivier vient de nous sortir quelque chose, là, ça nous laisse sans voix, on va peut-être adhérer. On ferait pas une conférence avec le cosmos et l'olivier ?

Il y a 150 ans... le 2 août 1870, "L'éclatante victoire de Sarrebrück"

En 1870, les combats n'ont pas suivi immédiatement la déclaration de guerre du 19 juillet. Il faut tout un temps pour rassembler les troupes que ce soit du côté allemand ou du côté français. Nous continuerons à parler de "guerre franco-prussienne", car c'était le terme et la perception d'époque, mais d'autres états sont alliés à la Prusse, et il s'agit en réalité d'un conflit franco-allemand selon les historiens actuels, Roth notamment. Les prussiens estimaient que les français attaqueraient en premier, vu qu'ils avaient l'antériorité pour ce qui est de l'ordre de mobilisation.
Au passage, j'essaie un peu de méditer le problème des analyses rétrospectives. Premier point : si Thiers et d'autres étaient opposés à cette guerre, faite selon les mots de Thiers sur un prétexte de pure susceptibilité, il n'en faut pas conclure qu'ils avaient des inquiétudes quant à l'issue de cette guerre ; ils étaient convaincus que la France avait de bonnes chances de gagner. Deuxième point : il faut revenir sur le cas de Bismarck. J'ai déjà épinglé le problème de la dépêche d'Ems. Bismarck a retouché le texte qu'il a diffusé dans la presse, il l'a rendu plus provocateur. Mais, comme je l'ai dit, d'une part, le caractère provocateur de ce texte retouché n'est pas à exagérer (et dans sa forme, et dans son effet, car si le gouvernement français n'avait pas été prêt à tous les emportements, n'était pas déjà belliqueux, la provocation serait tombée à plat devant des esprits qui savent rester froids, vu les enjeux) et, d'autre part, il est clair comme de l'eau de roche que le gouvernement français se sert de la provocation comme d'un prétexte pour confirmer son désir d'en découdre. L'ordre de mobilisation a été donné avant la révélation de la dépêche d'Ems et la demande de garanties et de confirmation du retrait de la candidature du prince de Hohenzollern est bien évidemment autrement provocatrice que la réplique de Bismarck. Il faut quand même fonctionner avec son cerveau et constater qu'une fois assis sur cette rapide victoire (qui est plus le fait de Moltke par ailleurs) Bismarck a eu beau jeu de faire le récit de la dépêche d'Ems en en expliquant les intentions et les effets. En revanche, ce qui fait que les gens ne vont pas accepter de relativiser la dépêche d'Ems, c'est qu'ils vont mettre cela dans une perspective plus globale où la candidature du prince de Hohenzollern était déjà une provocation de gens hostiles à la France comme Prim et Bismarck. Bismarck voulait de toute façon cette guerre depuis longtemps. Il n'en reste pas moins que cette guerre est le fait du gouvernement français et non de la provocation de comptoir de Bismarck à Ems. Les historiens sont restés à l'importance de la dépêche d'Ems, ce que je trouve complètement insensé, ça fausse toute l'analyse de cette guerre. D'ailleurs, les prussiens soupçonnaient-ils qu'ils gagneraient si facilement ? Car les historiens actuels en prêtant une constante machiavélique à Bismarck font comme si la victoire avait toujours dû aller de soi dans son jugement et comme s'il avait pu être certain d'une grande lucidité critique. Il y a un gros problème de biais de perception rétrospective des événements dans les travaux des historiens autour de Bismarck.
C'est d'autant plus singulier qu'on a droit à une tentative d'uchronie où on explore un scénario selon lequel à condition de quelques changements la France aurait pu gagner. C'est le cas de l'ouvrage de Reverchon La France pouvait-elle gagner en 1870? Il s'agit d'un exercice sur le modèle des ouvrages anglo-saxons qui refont l'Histoire en modifiant quelques données. Reverchon essaie deux scénarios, l'un avant la chute de l'Empire à Sedan, l'autre à partir du moment où la guerre est reprise en mains par le gouvernement de défense nationale, au nom de la République. Toutefois, l'auteur reconnaît qu'une victoire n'aurait pas consisté en une invasion des territoires allemands. La victoire n'aurait été rien d'autre que la résistance de Paris ou la reprise de contrôle du territoire français. Cela me semble une drôle de conception de ce que peut être une victoire.
Les raisons de la défaite de la France sont nombreuses. En gros, depuis le dix-huitième siècle, il devient de plus en plus sensible qu'il faut avoir une puissance de feu et en retour avoir de quoi se défendre contre cette puissance de feu. Beaucoup d'historiens insistent sur la prise de conscience de la puissance de feu, soit dans le cas de la Première Guerre Mondiale, puisqu'en 1914 la stratégie française prônait encore les assauts à la baïonnette, avant de très vite réagir face à la réalité des faits sur le terrain, soit dans le cas de la guerre des Boers, et parfois, vu l'orgueil planétaire américain actuel, en fonction de la guerre de Sécession américaine. Ceci dit, Théophile Gautier écrivait déjà dans son roman Mademoiselle de Maupin de 1835 que les guerres modernes étaient en fonction de la puissance de feu. Les guerres napoléoniennes étaient passées par là. Mais, les empires français et britanniques pouvaient ne pas percevoir à quel point cela était vrai dans la mesure des guerres coloniales qu'ils pouvaient mener. Une guerre sur le sol européen, ce ne pouvait plus être désormais qu'une boucherie où l'armement moderne allait primer dans toute son atroce efficacité meurtrière. Et il faut se garder de trop opposer les prussiens aux français, dans la mesure où les prussiens privilégiaient une forme de combat où l'infanterie des allemands se présentaient en masse sous le feu de l'infanterie française. Les allemands privilégiaient l'offensive sans se soucier du nombre de pertes. Et malgré les victoires prussiennes, les allemands furent nombreux à mourir et il y a eu des cavaleries envoyées inutilement à la mort aussi bien du côté allemand que du côté français.
Du point de vue de l'armement, les allemands avaient un avantage décisif pour ce qui est de l'artillerie avec les canons Krupp, tandis que du point de vue de l'infanterie les français avait un avantage redoutable, les chassepots avaient deux fois de plus de portée face aux dreyse allemands. En plus, les français avaient des mitrailleuses de Reffye (à ne pas confondre avec les mitrailleuses portatives modernes), redoutables engins de guerre, si ce n'est que les français commirent l'erreur de s'en servir comme de la lointaine artillerie au lieu d'en profiter à plein dans l'infanterie.
Mais, outre l'artillerie, ce qui a fait la différence, c'est deux choses. Il y a d'abord l'organisation. Les allemands planifièrent la mobilisation des troupes, les arrivées en train, l'approvisionnement, les missions de reconnaissance, etc., etc. Il y a ensuite, mais cela va de pair avec les problèmes d'organisation de l'armée française, le nombre de soldats déployés. Les prussiens étaient autrement plus nombreux que les français sur les champs de bataille. Il y avait un problème de levée en masse, un problème de soldats affectés aux colonies, et pendant la dernière quinzaine de jours du mois de juillet plein de soldats n'ont pas rejoint leurs troupes, les unités ne sont pas correctement formées, etc.
Cet amateurisme des élites a coûté très cher à la France comme on a pu le voir et il est douteux que Moltke et consorts aient anticipé cette impéritie dans toute son étendue.
En tout cas, la tension monte. Les missions d'espionnage des prussiens créent quelques occasions d'escarmouches. L'empereur et son fils se sont rendus eux-mêmes sur le front à partir du 28 juillet. Ils ont pris le train dans une petite gare de Saint-Cloud. Dans le roman Le Désastre des frères Margueritte composé vers 1897-1904, il est évoqué un trajet de l'empereur et son fils dans un "wagon de troisième", ce qui me fait évidemment songer au dizain de Rimbaud d'octobre 1871 placé vers le début de l'Album zutique : "J'occupais un wagon de troisième [...]", où la critique débat pour savoir si "caporal", "rejeton royal", cela renvoie à la famille impériale, au duc d'Aumale, donc au régime impérial, à la pensée légitimiste ou bien orléaniste... Malheureusement, pour l'instant, je n'ai pas encore trouvé de quoi progresser sur ce sujet. Emille Ollivier raconte bien sûr le trajet en train du 28 février, mais d'où vient cette idée de "wagon de troisième" ? Je cite la formule du dizain de Rimbaud et je n'ai pas mon exemplaire du roman des frères Margueritte sous la main, des parents de Mallarmé et les fils d'un militaire vaincu justement à Sedan, mais je garantis qu'il y a cette évocation étonnante d'un trajet en wagon de dernière classe.
En tout cas, l'Empire a décidé de lancer l'offensive le 2 août à des fins de communication avec le peuple français qui s'impatiente. Et cette offensive va forcément avoir lieu sur le sol ennemi. Toutefois, la presse ne peut pas rendre compte de ce qu'il se passe sur le champ de bataille le jour même. Et, par conséquent, je rendrai compte des événements demain.
Cependant, je voudrais attirer l'attention sur un point particulier.
Nous avons vu que l'unique manuscrit du sonnet "Morts de Quatre-vingt-douze..." a pour sujet un événement journalistique du 16 juillet et est antidaté du 3 mars. Or, le poème "L'Eclatante victoire de Sarrebrück" est connu par un manuscrit d'octobre 1870, alors qu'il a pour sujet une bataille qui eut lieu le 2 août. Toutefois, la mention "Octobre 1870" n'a aucune fonction symbolique contrairement à "fait à Mazas, le 3 septembre 1870". On peut imaginer que le sonnet "L'Eclatante victoire de Sarrebrück" a été remanié en octobre 1870, après le passage du poète par Charleroi lors d'une fugue. Notons toutefois que les allusions à Charleroi et à la Belgique ne sont pas dans les vers eux-mêmes, mais uniquement dans le titre à rallonge du poème "Gravure belge", "se vend à Charleroi". En clair, les vers peuvent très bien avoir été écrits avant le passage du poète par la Belgique, il a très bien pu ne modifier que le titre du sonnet. Ceci dit, nous ne jouerons pas l'excès de prudence. Rimbaud a lui-même daté sa composition d' "Octobre 70" et faute d'éléments de contestation probants nous admettrons, malgré nos doutes, que Rimbaud ait composé ce sonnet plusieurs mois après l'événement en jouissant de l'ironie révélée par la précipitation des événements entre la fanfaronnade et la chute de l'empereur.
Quant à l'écriture du nom "Sarrebrück" avec un tréma, il s'agit d'une faute d'orthographe. Steve Murphy et d'autres critiques ont voulu plaider une astuce rimbaldienne. Le tréma ferait encore plus allemand et moquerait la prétention de l'empereur à mener la guerre sur la terre ennemie.
Je me porte évidemment en faux contre toutes ces explications alambiquées. Premièrement, comment le lecteur fera-il le départ entre les noms germaniques des lieux alsaciens (Strasbourg) sinon lorrains (Metz) et les noms germaniques du côté allemand ? Ensuite, rien que le nom "Sarrebruck" ça sonne allemand, il n'y a pas besoin d'y mettre un tréma pour éviter qu'on ne pense que c'est un dérivé toponymique de langue latin ou celte. Rimbaud a commis une faute d'orthographe sur le nom "Sarrebruck", il a ajouté un tréma par erreur, ça arrive à tout le monde, même aux plus grands écrivains ou poètes, et c'est tout. Et cette faute, il ne l'a pas sortie d'une impression personnelle. Il a lu le mot "Sarrebrück" avec un tréma dans certains journaux d'époque, journaux qui ne sont pas suspects, j'ose croire, d'avoir cherché l'effet de style, l'effet rhétorique, à partir d'un détail orthographique. Cette erreur orthographique, elle se trouve dans des articles du Monde illustré. C'est une erreur qui vient sans doute de l'idée que les allemands utilisent le tréma sur le "u", etc., mais ce n'est en aucun cas un argument stylistique du poème. Il y a un moment où il faut arrêter d'aller chercher du génie à la moindre virgule d'un poème... Là, c'est même ridicule.
"Oui, mais justement, tu ne comprends pas, le tréma, c'est pour dire que Sarrebruck ce n'est pas en Alsace car ils n'utilisent pas le tréma sur le "u", mais c'est bien en Allemagne..."
Eh ! Oh ! on se calme! Outre qu'il faut supposer que le lecteur sache et même sollicite sa mémoire pour se dire que le tréma n'est pas utilisé dans les toponymes alsaciens (ce que personnellement j'ignore), Sarrebruck est en Allemagne, parce que si les français lancent l'assaut, forcément ils ne récupèrent pas un bout de territoire perdu, ils attaquent chez l'ennemi. Bref, ce tréma n'a aucun sens.