mardi 4 août 2020

Bonus !

Même si je vis une passe difficile et que je ne peux pas développer dans l'immédiat mes articles sur la guerre franco-prussienne, voici une de ces idées à partager que je peux formuler en peu de mots et vous offrir tels des bonbons.
En fait, j'ai depuis quelque temps une idée que je trouve géniale, alors je vais vous l'exposer.
Vous savez qu'à partir de mars-avril 1872 Rimbaud a commencé à composer des poèmes en "Vers Libres", pas au sens de "Mouvement" et de "Marine", mais au sens exploité par Verlaine de poèmes irréguliers pour les césures, les rimes ou parfois la longueur syllabique des vers.
Les premiers exemples sont datés de "mai 1872" sur les manuscrits qui nous sont parvenus, mais il peut s'agir de la date de recopiage et mise au point d'un ensemble de poèmes. Je n'exclus pas que "Comédie de la soif", voire d'autres poèmes datés de mai 1872 aient occupé les journées de Rimbaud en avril 1872. Qui plus est, le premier poème à césures irrégulières, "Tête de faune", n'est pas daté, mais semble devoir être considéré comme ayant été composé en février-mars 1872.
Mais ce n'est pas le débat, ici. Je passe aussi sur les combats inutiles pour rappeler que le poème "Les Corbeaux" est nécessairement antérieur au 21 mars 1872, la thèse de Murphy d'un poème envoyé d'Angleterre pour une publication rapide en France est ridicule au possible (Yves Reboul trouve cette théorie intéressante et plausible, moi pas, je n'ai pas de temps à consacrer à des conneries pareilles !), que le poème "Juillet" date de l'été 1872, et pas de l'été 1873 quand Verlaine et Rimbaud ne se rendent même pas sur le boulevard du Régent la place royale et le palais royal, quand ils ont d'autres choses à régler, et évidemment la thèse échappatoire de Cornulier de croire que "Juillet" a été composé en 1874 en Angleterre, je suis désolé, je n'ai pas le temps de m'attarder à ce cirque.
Rimbaud a composé tous ses poèmes en vers seconde manière avant Une Saison en enfer, et même la quasi totalité avant le passage en Angleterre le 7 septembre 1872, cas à part de "Ô saisons ! ô châteaux!"
Or, dans ces poèmes en vers de 1872, il y a des pièces à verts courts qui ont l'air de chansons et puis il y a des poèmes en quatrains avec des vers plus longs. Je ne vais pas les énumérer ici. Mais, en 2004, il s'est passé un événement intéressant. On a découvert le manuscrit d'une version inédite de "Mémoire", version qui a mis un terme au passage aux théories fumeuses sur l'importance des minuscules en attaque de vers sur certains manuscrits.
En fait, il y a une idée de série dans les poèmes de 1872 qui n'a jamais été amorcée me semble-t-il. Et depuis 2004, elle pourrait pourtant s'imposer à l'esprit.
Le poème "Famille maudite", autre version de "Mémoire", proviendrait des descendants de la famille Mauté, ce qui a amené à la conclusion que le poème était nécessairement antérieur à la fugue de Verlaine et Rimbaud du 7 juillet 1872.
Dans l'absolu, ce n'est pas si clair que ça, puisque nous connaissons pas les noms des vendeurs du manuscrits et puisque la famille Mauté a eu d'autres occasions de récupérer des manuscrits de Rimbaud. Verlaine et Rimbaud échangeaient par lettres quand Verlaine était en prison. Ensuite, dans les années 1880, Charles de Sivry, demi-frère de l'ex-femme de Paul Verlaine a détenu en sa possession Les Illuminations un certain temps. Enfin, Verlaine avait un héritier qui lui a survécu, sans parler de la mère de Verlaine qui pouvait avoir des choses chez elle. Bref, les Mauté auraient pu récupérer des manuscrits à pas mal d'occasions. Ceci dit, le manuscrit de "Famille maudite" aurait bizarrement été extrait de la série de publications rimbaldiennes des deux décennies 1880 et 1890. Je pense qu'effectivement l'intuition est bonne de dater le manuscrit "Famille maudite" comme antérieur au 7 juillet 1872.
Or, l'essentiel des poèmes qui sont datés le sont du mois de mai avec un cas particulier "Âge d'or" daté de juin 72, mais enchaîné à trois poèmes datés de mai dans une série "Fêtes de la patience", ce qui fait qu'on le pressent comme un poème des premiers jours de juin, certes plus par sentiment de vraisemblance qu'indices convergents.
Sur un reste de courrier, Rimbaud a recopié un poème initulé "Jeune ménage" qu'il a daté du 27 juin 1872. Lors de son séjour en Belgique, Rimbaud semble avoir composé le poème "Juillet" qui témoigne de son passage sur le boulevard du Régent ce mois-là de l'année 1872 (la composition serait de la fin juillet ou du mois d'août éventuellement) et le poème "Michel et Christine" qui a de forts points communs avec un poème explicitement daté d'août 1872 par Verlaine "Malines". Le poème "Juillet" évoque l'idée de couples célèbres dont Roméo et Juliette, mais pas seulement. Nous avons donc "Famille maudite" devenu le poème "Mémoire", puis "Jeune ménage" où il y a l'idée de Bethléem, image bénie de la famille, et celle d'un marié trompé pendant son absence, puis "Juillet" où il est question des amours maudits de Roméo et Juliette, héros déchirés entre deux familles qui se haïssent, puis "Michel et Christine", couple béni par la religion mais traité par une plume sarcastique.
Qu'est-ce que vous dites de ça ?
Là, je suis en recherche d'informations sur les idylles. Dans l'introduction au roman La Petite fadette, il est rappelé que Sainte-Beuve n'a pas supporté que l'héroïne soit une femme fière et il en a fait une fausse note, considérant La Petite Fadette comme une idylle et donc comme un texte qui doit être de douceur et suavité, sans donc l'expression d'une héroïne aussi fière. Cela me semble à méditer. Banville a écrit des Idylles prussiennes, mais il faut explorer toutes les implications du mot "Idylle" dans le cas de "Michel et Christine, donc je relève tout ce qui passe. Dans la première de ses préfaces, George Sand parle aussi du poète et de faire vibrer l'univers. Cela fait très longtemps que je veux publier un article avec des tas de citations d'Hugo, Lamartine, Vigny, etc., de Verlaine, pour après cité tous les passages de Rimbaud où il y a un mot de la famille du verbe "vibrer", parce que c'est insupportable de voir que quand on dit aux gens que, dans "Voyelles", "vibrements" cela a un sens de poncif d'époque et que bien sûr cela justifie des rapprochements avec "Credo in unam", les gens vous méprisent du haut de la perplexité que provoquent vos propos. On doit se justifier d'être pénétré de l'esprit de toute une époque poétique. Bref, j'ai une nouvelle citation à exhiber, et je publierai un jour un gros article pour illustrer le poncif de la vibration, parce qu'un jour que ça plaise ou non aux rimbaldiens on leur dira qu'ils sont complètement à la masse de ne pas avoir compris tant d'éléments importants concernant la lecture de "Voyelles". Leur néant est triste.

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