samedi 29 octobre 2016

Dossier d'erreurs persistantes dans le dossier Verlaine-Rimbaud du Magazine littéraire de novembre 2016

Je ne m'y attendais pas, mais un dossier Verlaine-Rimbaud vient de paraître dans un numéro 573 du Magazine littéraire mis en kiosque pour le mois de novembre 2016. Le montage pour la couverture est de bonne facture. L'éditorial ne concerne pas du tout nos deux poètes. Les pages 72 à 96, à la fin de la revue, leur sont toutefois bien consacrées. Quelques rimbaldiens ou verlainiens connus interviennent : Cornulier, Murphy, Rocher, Brunel, Reboul, Bivort, dans un dossier établi par un universitaire suisse Robert Kopp qui rédige une introduction et un article de liaison avec la figure tutélaire de Baudelaire. Les autres intervenants ne me sont pas connus : Charles Ficat pour un article "Le piéton de Londres", Guillaume Métayer qui parle d'un auteur secondaire très en vue à l'époque, Anatole France, comme d'un "ami saturnien" et Laurence Campa conclut avec le titre "Manifestement rimbaldiens". Je suppose que la chronologie des pages 88-89 vient du coordonnateur, Robert Kopp.
Je vais tout de suite commencer par ce qui me fait "tiquer" au plan iconographique. Page 88, nous avons trois médaillons : un de Rimbaud, un de Verlaine, un de Mathilde Mauté de Fleurville. Je n'ai rien à dire sur celui qui concerne l'épouse de Verlaine, si ce n'est qu'une adresse internet figure au crédit "www.bridgemanart.com". Le médaillon qui concerne l'adolescent ardennais est légendé comme suit : "Arthur Rimbaud, en janvier 1870" et la provenance déclarée est cette fois "BNF". En revanche, le portrait de Verlaine est crédité "Fineartimages/leemage" ce qui fait à peine plus sérieux que le médaillon de Mathilde, et il est légendé comme une photographie sortie des ateliers Carjat : "Paul Verlaine, par Etienne Carjat, vers 1870." Je ne sais pas s'il m'est loisible d'expliquer ici pourquoi je sais que la photographie de Verlaine est une Carjat, je peux seulement témoigner que je le sais et visiblement la personne qui a confectionné cette chronologie le sait aussi.
Mais la question est la suivante : Pourquoi diable préciser que la photo de Verlaine vient de Carjat et pas celle de Rimbaud dont on sait qu'elle sort du même atelier ?
Il existe deux photographies Carjat de Rimbaud. Elles ont été prises à la fin de l'année 1871, en "octobre 1871" même selon un témoignage tardif, mais de Verlaine lui-même. Rimbaud passait justement le cap des dix-sept ans le 20 de ce mois-là précisément. Sur la seule impression causée par la différence entre les deux photographies, une partie des biographes a décrété arbitrairement qu'il n'y avait qu'une photographie Carjat et que l'autre était une photo carolopolitaine reformatée dans un nouveau cadre par Etienne Carjat. Des rimbaldiens ont résisté et eux au moins ont apporté un argument concret : Rimbaud porte les mêmes vêtements sur les deux photographies ! En insistant sur les retouches, et je dirais plus précisément les ombres, de certains tirages, Jacques Bienvenu a récemment pu faire observer que l'apparente jeunesse extrême de l'un des deux portraits était toute relative. Ajoutons à cela que si Verlaine trouvait le premier portrait plus ressemblant, c'est qu'il avait vu Rimbaud ainsi devant lui. Si réellement le premier portrait était celui d'un petit garçon dont Verlaine aurait raté la métamorphose, il l'aurait dit. Malgré les objections de quelques rimbaldiens qui ne se limitent pas à moi et Jacques Bienvenu, la loi arbitraire prévaut et le Magazine littéraire nous apprend que Rimbaud s'est fait tirer le portrait en janvier 1870. D'où vient cette précision ? Avez-vous jamais ouvert une biographie de Rimbaud ? Connaissez-vous l'Histoire ? En janvier 1870, le pays est encore en guerre et la situation politique n'est pas stable, ni la situation familiale. L'école est fermée, Rimbaud fugue de temps en temps, sa mère est remontée contre lui et va le menacer de le mettre à la porte s'il ne trouve pas du travail. Au nom de quoi le mois de janvier 1870 se prêterait-il à la pose dans un atelier photographique ? Il est plus simple d'admettre que selon les témoignages de Verlaine et indirectement Berrichon, les formats des photographies, les cartes Carjat qui les enserrent, les habits identiques (sans doute achetés juste avant la pose par une cotisation de poètes !), nous avons deux portraits Carjat pris le même jour.
Or, passons à la photographie Carjat de Verlaine : gilet boutonné, col de chemise blanche bien serré au niveau du cou et veste se retrouvent. Les deux vestes ont la même forme de col ou revers ou fraise avec le même rebord, à peu de choses près la même encoche dans la fraise, des teintes comparables. Cette fois, Robert Kopp est moins précis "vers 1870". Ce "vers 1870" ne peut-il pas inclure le mois d'octobre 1871 ? Il y a eu la guerre franco-prussienne, une situation politique trouble, puis la Commune en 1870 et 1871. Verlaine n'a-t-il pas pris une photographie de lui chez Carjat le même jour que Rimbaud ? Depuis que je sais que la photographie de Verlaine est une Carjat, c'est l'idée qui s'impose à moi avec force, inéluctablement. Certains diront "vers 1870", cela peut vouloir dire en 1869 ou en 1868, etc. Outre que les vêtements de Rimbaud et Verlaine sont étonnamment ressemblants, Verlaine avait initialement une chevelure abondante dont témoigne une caricature de 1867 de Jules Péaron reproduite à la page 94 du Magazine littéraire. Sur la photographie Carjat, Verlaine a une calvitie bien avancée, le front est complètement dégarni, alors qu'il n'y avait que des entrées sur les côtés d'après la caricature. Ne pourrait-il pas s'être passé quatre ans entre ces deux états capillaires ?
Ce dossier contient déjà une mention erronée, non admise "en janvier 1870" et une mention suspecte "vers 1870".
Ce même dossier contient une reproduction du tableau de Jeff Rosman daté de 1873 qui représente le visage de Rimbaud sur la plus célèbre des deux photographies Carjat. Avez-vous déjà lu une biographie de Rimbaud ? Après le coup de feu et les premières déclarations à la police, Rimbaud a été à l'hôpital. Il n'a donc aucune raison de faire une petite convalescence au lit !!! chez une madame Pincemaille jamais identifiée, ou si identifiée mais pour établir que la date de 1873 est apocryphe.
Ce tableau de Jeff Rosman a été trouvé non à Bruxelles, mais à Paris... sur le marché... après la Seconde Guerre Mondiale. C'est un faux, tout simplement. Le Musée Rimbaud peut pester tant qu'il veut sur son acquistion, c'est ainsi. Matarasso s'est fait plus d'une fois abusé, tout simplement. On le sait ! En revanche, ce tableau ne déshonore pas le Musée Rimbaud : c'est l'un des plus drôles qui aient jamais été exhibé. Il fait partie intégrante de l'histoire du mythe Rimbaud avec les textes iconoclastes qui l'accompagnent. Jacques Bienvenu a contesté avec raison ce tableau, et même s'ils ne publiaient rien d'autres personnes ayant travaillé sur Rimbaud trouvaient invraisemblable l'origine de ce tableau, juste que je ne peux pas parler publiquement en leur nom.
Pour les détails de la chronologie proposée, une erreur minime peut être relevée. Rimbaud habitait à Charleville, à côté de Mézières, et non pas à Charleville-Mézières. Les deux villes n'ont fusionné qu'en 1966, Robert Kopp avait déjà 27-28 ans apparemment. Tout crédit est également accordé au témoignage de Delahaye selon lequel Rimbaud aurait envoyé dans ses premières lettres à Verlaine les poèmes "Les Effarés", "Accroupissements", "Les Premières communions" et "Paris se repeuple". Face à des assertions aussi fragiles, ma question sera la suivante : et pourquoi pas un faux Coppée ? Autre mythe hérité du témoignage tendancieux de Delahaye, Rimbaud serait monté à Paris avec "Le Bateau ivre" sous le bras. Outre que rien ne justifie un tel point de vue, le poème "Le Bateau ivre" fait allusion à des publications dans la presse d'octobre, novembre, sinon décembre 1871 : à savoir le procès Maroteau, les poèmes publiés par Victor Hugo dans Le Rappel à la fin de l'année 1871, le drame Fais ce que dois de Coppée dont le texte a été publié dans Le Moniteur universel en octobre 1871. Je ne parlerai même pas des articles sur la vie des prisonniers à bord des pontons Si Marc Ascione prétend que la remarque sur les "Peaux-Rouges" au début du "Bateau ivre" vient d'une phrase de Bismarck "Les Parisiens sont des Peaux-Rouges", il est à noter qu'il n'a donné aucune source, aucune attestation d'époque de cette prétendue célèbre phrase. Pas une citation dans la presse à l'appui, rien, nada ! On fera remarquer qu'à Paris Rimbaud a eu tout le loisir de lire une presse hostile assimilant les communards à des sauvages. J'ai déjà cité un poème de Victor Fournel intitulé "Le Drapeau rouge" qui non seulement semble contenir "peaux-rouges" et autres images du "Bateau ivre", mais poème écrit en ïambes à la manière d'André Chénier au moment où il dénonce sous la Révolution française ceux qui le font guillotiner. Victor Fournel a écrit un poème de 200 vers, Rimbaud offre alors une réplique de 100 vers. Le poème de Fournel n'a été publié qu'en décembre 1871. On peut discuter les éléments rassemblés ici, mais n'importe qui de soucieux d'histoire, de faits, de contexte, se rend compte à quel point il est préjudiciable à une meilleure connaissance de l'oeuvre de Rimbaud que d'affirmer péremptoirement que les poèmes "Paris se repeuple" et "Le Bateau ivre" furent composés à Charleville avant l'immersion parisienne. Pierre Brunel donne crédit à cette même légende d'un poème "Le Bateau ivre" lu à Paris devant les Vilains Bonshommes en septembre 1871, alors qu'il n'existe aucune attestation d'une lecture publique de poème par Rimbaud, alors que même le témoignage de Delahaye ne va pas aussi loin. Il s'agit d'une croyance née au sein de la critique rimbaldienne, aucun témoignage d'époque n'a jamais invité à envisager une telle lecture publique, aucun ! Il me semble que les articles du Magazine littéraire sont un exercice de communication pour favoriser la lecture des deux poètes. On ne peut pas simplement considérer que la revue doit présenter une synthèse bon teint, sans les contraintes de l'analyse universitaire. A quoi sert-il de réapprendre au public ce qui s'est toujours dit sans montrer les avancées réelles et tout ce qui peut être remis sur le métier ? N'importe qui peut écrire dans Le Magazine littéraire à ce moment-là, strictement n'importe qui !
Dans le chapeau qui introduit son article, Pierre Brunel considère par ailleurs qu'à la différence de Rimbaud Verlaine a "renonc(é) aux audaces métriques". C'est inexact. Même si, au contraire d'une tendance actuelle à la revalorisation des derniers recueils, je préfère largement les recueils qui vont des Poëmes saturniens, trop sous-estimés, à Jadis et naguère, il est évident que Verlaine multiplie les audaces métriques et les essais originaux dans ces derniers recueils. Il va même parfois aussi loin que Rimbaud l'a été en 1872, et c'est ce qui rend incompréhensible sa Réponse à l'enquête de Jules Huret sur l'évolution littéraire, quand il considère que Rimbaud a mal fait et a donné un mauvais exemple de vers libres à tous ses suiveurs inconsistants de symbolistes et décadents. Cela ne tient pas en regard des productions de Verlaine à la fin de sa vie. Quelle est la différence entre les césures du dernier Verlaine et celles de 1872 de Rimbaud ? On le voit, il ne suffit pas de dire que Verlaine a tort de penser mal des poèmes en vers de 1872. Il n'est probablement pas sincère du tout quand il répond quelque chose d'aussi contradictoire à Jules Huret, d'autant que "Larme" et "La Rivière de Cassis" sont sans doute pour beaucoup dans la fascination qu'exerce Rimbaud sur ses lecteurs.
Suit un article de Cornulier qui plaide pour une lecture en hémistiches forcés de six syllabes les alexandrins les plus déroutants de Verlaine et Rimbaud, thèse que j'ai lancée publiquement en 2004 et que j'ai appuyée par la suite d'éléments de démonstration. Dans son article, Cornulier parle de la concurrence entre la lecture en trimètres et la lecture en alexandrins, ce qui est inévitable dans le débat. En revanche, il parle aussi de la mesure de substitution 8-4. Cette mesure de substitution a été développée par Benoît de Cornulier dans son ouvrage Théorie du vers en 1882 et elle a été suivie par de nombreux analystes du vers, mais pas par tous, et personnellement j'ai contesté l'existence de cette mesure de substitution à l'époque de Rimbaud et Verlaine. Avant les années 1880, Verlaine et Rimbaud sont les deux poètes les plus révolutionnaires en fait de versification, et cela concerne encore une bonne partie de la décennie 1880 elle-même. La forme d'alexandrin avec des hémistiches de 8 et 4 syllabes est une réalité depuis les années 1890, que ce soit chez de grands ou de petits poètes. Cette émergence est même plus naturelle chez les poètes médiocres qui ne comprenaient pas la possibilité de lire de manière forcée tous les hémistiches des parnassiens, puis des Rimbaud et Verlaine, en suite de six syllabes. Cette mesure 8-4 apparaît aussi dans les vers libres de Verhaeren ("La Ville tentaculaire", Les Campagnes hallucinées). En revanche, l'existence de cette coupe 8-4 n'a jamais été établie pour Verlaine et Rimbaud, ni un quelconque de leurs prédécesseurs. Elle n'est appuyée par aucun discours théorique, si ce n'est celui de Ténint qui mettait sur le même plan toutes les découpes binaires 5-7 ou 4-8, etc. J'ai relevé certains vers qui démentent la démonstration selon laquelle quand la césure normale est obstruée dans un premier temps le vers retrouve un équilibre par des mesures ternaires 4-4-4 ou semi-ternaires 8-4 et 4-8. Pétrus Borel, Philothée O' Neddy, d'autres encore offrent des vers qui permettent de démentir cette thèse.
Enfin, dans son article, Yves Reboul prétend qu'il est évident que dans Barbare assimile les "vieilles fanfares d'héroïsme" à son adhésion trop enthousiaste à la Commune de Paris. Rimbaud renoncerait ainsi aux illusions utopiques. Cette évidence, je ne la partage pas. Rimbaud a composé trois poèmes en prose A une Raison, Matinée d'ivresse et Barbare, sans fixer un mode d'emploi où l'un considérerait comme périmé le discours de l'autre. Le poème A une Raison joue sur une variation de l'adjectif "nouveau" à quatre reprises, le poème Barbare joue sur les adjectifs "vieux" et "ancien". Si le discours de Reboul est juste, pourquoi Rimbaud n'a-t-il pas déchiré le manuscrit contenant A une Raison ? Fatuité d'auteur ? Dans "Barbare", le "pavillon en viande saignante" s'oppose aux "anciennes fanfares" et il ressemble au corps saignant de l'Être de Beauté du poème Being Beauteous qui recouvre précisément ceux qui y adhèrent d'un "nouveau corps amoureux", autrement dit adhérer au "pavillon en viande saignante" confère le "nouvel amour". C'est le sens littéral du poème. La "fanfare", c'est une musique festive qui ne sonne pas comme quelque chose de communard, et une fanfare d'héroïsme, cela renvoie à un amour de la gloriole qui a plus le profil des épopées napoléoniennes que d'un combat communard que Rimbaud ne menait pas pour un devenir personnel de héros. Comme on peut être remis de ses noces, on peut être remis d'une attaque extérieure. Dans "Barbare", les "vieilles fanfares d'héroïsme" c'est bien évidemment les "sifflements mortels" et les "rauques musiques" que le monde "loin derrière nous" lancer "sur notre mère de beauté. Barbare et Being Beauteous sont deux versions d'un même récit, et A une Raison leur fait cortège. Dans Matinée d'ivresse, la fanfare à laquelle se soumet le poète est clairement définie comme opposable à d'autres fanfares : "Fanfare atroce où je ne trébuche point", cela veut clairement dire qu'il y a d'autres fanfares où le poète trébuche et s'il y trébuche c'est qu'il doit ensuite s'en remettre, oserait-on encore préciser.
Pour le reste, les articles proposés rappellent souvent des points depuis longtemps consolidés, mais qui font peut-être encore un peu débat. Reboul rappelle l'identification à Hugo de "L'Homme juste" contre une identification à Jésus-Christ que je n'aurais pas manqué de contester avant 1985 si j'avais eu l'âge pour réagir et commenter Rimbaud. Pour moi, l'identification d'Hugo dans L'Homme juste n'avait rien d'imprévisible en 1985. Trente ans après, il faut pouvoir parler d'autre chose quant aux avancées sur Rimbaud. Steve Murphy revient à nouveau dans les colonnes du Magazine littéraire sur l'identification de Napoléon III sous le patronyme César dans deux sonnets de Rimbaud et un des "poèmes saturniens" de Verlaine. Il a raison, mais pourquoi ne pas aller plus loin et donner l'impression qu'on rame sur ce point-là ?
Il est également question de l'Album zutique dans cette revue, avec un article de Rocher sur la page manuscrite contenant la transcription du "Sonnet du Trou du Cul" et Reboul parle des cibles réactionnaires des zutistes : Coppée, Napoléon III, etc. Mais, les intertextes ont été mis à jour et d'autres cibles réactionnaires ont été précisées : Silvestre, Belmontet, Ratisbonne, Pommier, Daudet. Cela aurait pu intéresser le lecteur du Magazine littéraire qui, lecteur de Rimbaud, sait depuis longtemps que la signature "Coppée" est omniprésente sur l'Album zutique.
Personnellement, les références critiques sur Rimbaud, je ne vois pas pourquoi ce serait l'édition de la Pléiade ou une revue papier Europe ou Magazine littéraire. Ce qui vaut référence, c'est ce qui établit un point, ce qui fait avancer les choses, et pour parler comme Rimbaud et Baudelaire ce qui dit quelque chose de nouveau !

mercredi 26 octobre 2016

Le sens de "pialats ronds" dans Mes Petites amoureuses

Le terme "pialats" est selon toute vraisemblance une forme dérivée du verbe "pialer", ce qu'a déjà établi le critique Pierre Délot. D'après mon sondage mené en Belgique francophone, le terme est nettement perçu comme distinct du verbe "piailler" et il continue d'avoir une existence lexicale, à tout le moins dans les mémoires des gens plus âgés. Le mot "fouffes" pour "chiffons" est toujours usité, même s'il l'est dans une locution assez figée "enlever toutes vos / ses / mes fouffes de là".
Rimbaud a-t-il créé la forme "pialat" en y adjoignant un suffixe ou le mot existait-il sans être pour autant référencé dans un quelconque écrit ?
Evidemment, il est facile de songer à la construction "crachats". Mais l'idée dominante est celle d'une pluie interprétée comme pleurs, chute de larmes. Or, le mot "hydrolat" prépare le surgissement du mot "pialats", et de "hydrolat" à "pialats", au-delà des significations communes, nous observons bien deux reprises : celle du suffixe "-at" et celle d'un adjectif postposé "hydrolat lacrymal" et "pialats ronds". La première expression, très affectée, signifie "eau agréablement odorante qu'est une larme" et la seconde "pleurs aux formes bien rondes". Le terme précieux "pialats" avec ses deux "a" reprend les trois "a" de "hydrolat lacrymal", voire la suite "ala", mais elle reprend aussi son caractère affecté, et partant le sens de larmes séduisantes amollissant les coeurs. On admire un "hydrolat", puis des formes de "ronds". Tout cela se tient. Nous sommes ainsi en face d'une élucidation par le poème du sens du mot "pialats", confirmé comme régionalisme autour du verbe "pialer", et en même temps nous apprécions ici le travail poétique de tissage entre les mots "hydrolat lacrymal" et "pialats ronds", ce qui éclaire ou précise le sens profond de ce texte satirique.

dimanche 16 octobre 2016

Articles "Pommier zutique" à venir

Je dois encore produire d'autres articles de la série "Pommier zutique", un sur le poème "Paris" et un sur les publications de poèmes monosyllabiques ou poèmes zutiques dans des revues, et puis un article autour du monostiche de Ricard en liaison avec Pommier.
Je préfère prendre mon temps et éviter de partir sur de nouveaux sujets qui me détourneraient de ma série sur Pommier. D'ici novembre, la suite devrait être mise au point.
Les revues rimbaldiennes ne publient pas plus rapidement dans tous les cas.

vendredi 14 octobre 2016

Tristesse d'un Prix Nobel

Tss Bob Dylan Prix Nobel de Littérature, n'importe quoi. C'est Ray Davies qui aurait dû l'avoir s'il fallait le décerner à un compositeur anglosaxon, ou bien Townshend des Who, d'autres encore. Quelle hypocrisie !

The Kinks - Waterloo Sunset

The Who - Substitute

 En quoi, les textes de Dylan seraient-ils un ton au-dessus ? Il est vrai qu'en France on a fini par croire que Houellebecq était un poète, il y en a même qui achète ses recueils.

jeudi 6 octobre 2016

Retour sur un "détail" de la conférence de Jacques Bienvenu du 20 octobre 2015

Je ne peux m'empêcher de réagir à un point important concernant l'iconographie rimbaldienne.
Sur le blog Rimbaud ivre auquel j'ai participé par le passé, Jacques Bienvenu a mis en ligne un article intitulé "Extraits de la conférence du 20 octobre 2015". Cet article offre un lien vers de larges extraits d'une conférence qui s'est tenue à Charleville-Mézières.

Je donne donc et le lien de l'article du blog Rimbaud ivre, et le lien offrant les extraits.



Ce qui m'intéresse, c'est à partir de 14 minutes et 53 secondes les mises au point sur le tableau censé représenter Arthur Rimbaud et attribué à Jef Rosman.
Jacques Bienvenu déclare avoir contesté ce tableau et voici le lien vers cet article décisif sur la question.


Dans la conférence du 20 octobre 2015, Jacques Bienvenu semble laisser le dernier mot à une expertise qui a fait suite à son article de contestation. Il semble alors donner le dernier mot à cette expertise qui considère qu'il n'est pas impossible que le tableau date de 1873 même.
Peu après le 20 octobre 2015, Jacques Bienvenu avait déjà mis en ligne sur son blog un compte rendu qui signalait que finalement le tableau était authentique selon les expertises.
Cela est malheureusement tendancieux. S'il est normal que Jacques Bienvenu n'impose pas sa vérité face à cette expertise, car quelque part la logique veut que sa contestation soit validée par les critiques rimbaldiens, ceux qui le lisent, et pas par lui-même, en revanche, il faut se méfier du relais donné à cette posture de retrait. Le compte rendu donne le dernier mot à l'expertise comme si Jacques Bienvenu avait dit explicitement renoncer à sa critique de l'authenticité du tableau. C'est un premier point problématique. Le deuxième point problématique, c'est que ce tableau appartient au Musée Rimbaud et que l'idée que ce tableau soit faux peut déranger. Le troisième point problématique, c'est que dans les termes dans lesquels Jacques Bienvenu rend compte de l'expertise, il n'est nullement plaidé une authenticité du tableau. L'expertise est limitée, et je suis loin de la trouver intelligente et compétente, et elle est limitée à un constat déraisonnable, selon lequel le tableau peut dater de 1873 même parce que les matériaux utilisés pour cette peinture ne témoignent d'aucun anachronisme. Dans les extraits vidéos de cette conférence, nous voyons qu'il est seulement impossible de prouver que le tableau est du vingtième siècle parce qu'il y manque du blanc de titane qui aurait révélé l'anachronisme.
Mais en quoi pour un peintre est-il impossible en 1930 de faire un tableau voulu comme faux avec des matériaux propres au dix-neuvième siècle ? Comment un peintre faussaire ignorerait-il que le blanc de titane est une invention du vingtième siècle, à plus forte raison un peintre de la première moitié du vingtième siècle ?
Et surtout, qu'est-ce qu'une expertise ? Une expertise doit s'intéresser à la provenance d'une oeuvre et à la crédibilité du récit qu'on crée autour.
Ce tableau est apparu non à Bruxelles, mais à Paris après une Seconde Guerre Mondiale, il y en avait eu une première auparavant et 70 ans d'une Troisième République. C'est énorme comme distance. Vive les marchés aux puces, alors.
Jacques Bienvenu a bien montré que la tête représentée est celle de la photo Carjat, le reste du corps n'étant pas peint puisque sous les draps.
Enfin, blessé par Verlaine, Rimbaud a fait un séjour à l'hôpital qui exclut un séjour au lit chez un particulier à Bruxelles dont on ne voit pas comment ce serait une connaissance privilégiée de Rimbaud : celui-ci fréquentait les hôtels et les milieux de réfugiés communards, il arrivait de Londres.
On le sait depuis longtemps qu'aucune madame Pincemaille n'est identifiée comme habitant la rue des bouchers en 1873.
Ce tableau pose problème et il est maintenu comme authentique par pure complaisance et c'est une même complaisance qui veut que la photo de la partie de chasse à Aden passe pour authentique.
Tout cela est léger et peu défendable.
Il n'y a que six photographies authentiques de Rimbaud (sans tenir compte des doublons, photos retouchées) : une en communiant, deux Carjat prises sans doute le même jour avec une autre Carjat de la bouille à Verlaine, et enfin les trois photographies prises au Harar dont Rimbaud rend compte dans une de ses lettres à ses proches.
Tout le reste n'est pas recevable en fait de photographies.
Pour les tableaux, deux seulement sont liés à une pose de Rimbaud pour un peintre, l'esquisse de Fantin-Latour rétablie dans son authenticité par Bienvenu et qui est le seul tableau pour lequel Rimbaud a posé directement et ensuite le Coin de table du même Fantin-Latour, produit dérivé déjà puisqu'il vient de l'esquisse.
Tous les autres tableaux ne sont qu'une manière de surfer sur le désir des gens de se représenter le poète. On vend du rêve, c'est tout. Un peu de bon sens, vous imaginez ce Rimbaud sulfureux rejeté partout dès mars 1872 après l'incident Carjat poser comme un bourgeois pour des peintres qui ne sont même pas ses amis, les Rosman, les Garnier. Tout ça, c'est du pipeau complet.
Ce qui m'inquiète, c'est qu'il y a de l'argent et de la reconnaissance dans ces histoires d'iconographie, et surtout une capacité d'empathie considérable d'un public qui manque complètement de recul critique.
Je n'aime pas de vivre dans une société du consentement à n'importe quoi. Quand on lit Rimbaud, c'est qu'en principe on n'aime pas de s'en laisser compter. Enfin, je crois, oui je crois, enfin je ne suis plus tout à fait sûr, je me trompe peut-être, ah je dois sûrement me tromper. Rimbaud ne devait pas être un insurgé.