mardi 21 janvier 2025

Corpus général de la poésie en vers du XIXe siècle (partie 2 sur 4)

Je vais passer au deuxième tome de l'anthologie des poètes français du XIXe siècle publiée par Lemerre. Mais, je fais remarquer qu'il manque des noms tout de même connus dans le premier volume.
Je cite les noms manquants qui s'imposent à mon esprit :

Delphine Gay / Delphine de Girardin quelques poésies dans sa carrière littéraire (famille Girardin, et aussi Gay avec sa mère Sophie et sa tante Marie) Impossible pour moi de trouver le recueil référencé dans Critique du vers d'une poétesse Maria Gay et qui a pour titre Reflets dans l'âme, paru en 1864. J'ai essayé en écrivant Mary, Marie, je n'arrive pas à identifier ce recueil.

Philothée O'Neddy (Théophile Dondey) Feu et flamme 1833. Il y a d'autres publications postérieures, mais elles n'ont pas le même intérêt. Il s'agit d'un membre clef du Petit-Cénacle, que Gautier évoque dans son Histoire du romantisme. Philothée O'Neddy est cité comme un romantique important dans toutes les histoires de la poésie qui ne se contentent pas de quatre grands noms. Or, il est absent de l'anthologie Lemerre !

Xavier Forneret Poète monté en épingle par les surréalistes

Pierre-François Lacenaire le poète assassin

Charles Lassailly membre des bousingots
Alphonse Esquiros recueil Les Hirondelles salué par Hugo, puis d'autres

Passons maintenant au deuxième volume de l'anthologie fournie par Lemerre.
Je vais écarter tout de suite les poètes bien connus qu'il est impératif de lire : Leconte de Lisle, Charles Baudelaire, Théodore de Banville et Léon Dierx.
Il y a des précisions bibliographique à apporter sur ces quatre poètes. Dierx a renié un recueil initial qui n'est jamais cité. Banville modifiait ses recueils et remaniait ses vers dans le temps, ce qui est important à prendre en compte pour une étude de l'évolution des césures. Je galère à trouver une édition originale des Cariatides de 1842 sur internet. Le même problème se pose pour Leconte de Lisle qui remaniait ses recueils et dans une moindre mesure certains vers. Et la même question se pose pour Baudelaire.
Or, Rimbaud a fait de ces trois poètes avec Théophile Gautier, le groupe des "seconds romantiques" et il se trouve qu'au plan de l'histoire de la versification : Baudelaire et son suiveur Leconte de Lisle sont les deux poètes clefs qui expliquent l'acclimatation rapide des vers CP6 dans la poésie lyrique à partir de 1855. Dans la partie 1 de mon relevé, vous avez des poètes qui sont plutôt à analyser pour leur degré d'acclimatation aux rejets et contre-rejets d'épithètes, pour les rejets de verbes ou de compléments à la manière de Chénier.
Je ne vous cache pas qu'étudier les césures de nombreux poètes de ce qui va suivre, une fois qu'on a compris qu'ils ne pratiquaient pas les vers CP6 n'a pas grand intérêt. On entre ici dans une partie du corpus où les contemporains de Leconte de Lisle, Baudelaire et Banville n'étant pas à l'unisson leur étude peut ne pas trop nous retenir.
Je fixe la liste des exceptions toutefois :

Auguste Vacquerie Lié par alliance à la famille Hugo, il est important de l'étudier. Même si ses césures les plus audacieuses sont tardives, Vacquerie les compose en témoin de son époque, en imitant des modèles, le relevé ne sera pas anodin, il a une valeur documentaire étayée.

Henry Murger Nuits d'hiver (il a une importance insoupçonnée avec "Ophélie", ses poèmes sur la bohême, il a été trop réduit à son roman !) C'est une lecture obligée pour un rimbaldien.

Maxime du Camp Chants modernes Célèbre par ses écrits anticommunards, mais aussi par la dédicace du poème "Le Voyage" des Fleurs du Mal, on ne peut donc pas se dispenser de le lire.

Louis Ratisbonne sa traduction en vers de La Divine Comédie et ses recueils pour enfants La Comédie enfantine, Dernières scènes de la Comédie enfantine et plusieurs autres. (Attention, j'ai identifié la rime "vaque"/"cloaque" non chez lui, mais chez un autre traducteur en vers plus ancien de La Divine Comédie, ce qui indique en passant les limites du présent corpus général que je suis en train de constituer.) Cible zutique importante, il faut le lire. Sa traduction de La Divine Comédie révèle une contribution précoce au développement d'encore rares vers CP6 en poésie lyrique avant 1860. Cette traduction en vers n'est pas incluse dans le corpus général de Critique du vers qui s'en est tenu aux écrits propres à cet auteur.

Madame Blanchecotte Malgré les correctifs, elle reste importante pour sa participation à l'émergence des césures FMCPs6, non pas pour elle à partir de 1855, mais à partir de 1861.

Villiers de L'Isle-Adam Poète secondaire, plus secondaire encore en poésie que pour ses contes et son roman, mais il s'agit d'un admirateur de Baudelaire qui a un rôle précoce dans l'émergence des vers FMCPs6. Gouvard n'a pas référencé son premier recueil de 1858 qui offrait des vers inédits intéressants non repris dans la seconde publication poétique de 1859.

Henri Cazalis (qui deviendra plus tard Jean Lahor) Melancholia en 1868, recueil introuvable en France de cet ami de Mallarmé. Je l'ai lu tout de même dans le passé.

Albert Glatigny Il faut tout lire systématiquement de lui, il intéressait Rimbaud de très près, et il faut ajouter les poèmes parus dans la presse, comme le journal Le Rappel avec des contributions à la fin de l'année 1871 et au début de l'année 1872.

Léon Valade / Albert Mérat Il faut tout lire systématiquement de ces deux poètes, en incluant leur recueil commun publié anonymement et aussi des poèmes inédits dans la presse, notamment de Mérat qui a fait part de poèmes inédits dans la presse non reportés dans son recueil Les Villes de marbre. je ne sais plus dans quelle revue il les a publiés, j'aimerais remettre la main dessus.

Henri Heine Non cité dans l'anthologie de Lemerre !!! Jamais cité dans l'histoire de la littérature française !!! Normal, vous me direz ! C'est un écrivain allemand ! C'est plus compliqué que ça. Banville le cite abondamment, Valade et Mérat le traduisent. Il est à lire systématiquement, puisque Banville invitait forcément Rimbaud à le connaître...

Armand Silvestre Il faut tout lire de ses poésies. Il a été lu de très près par Rimbaud qui l'a parodié, et sans doute plusieurs fois. Silvestre a aussi une importance pour l'histoire des enjambements de mot à la césure et pour un certain rapport au trimètre. Il faut donc le lire même au-delà de la période créatrice rimbaldienne.

Sully Prudhomme Il faut le lire, sans oublier bien sûr sa traduction de Lucrèce plagiée par Rimbaud et qui contient un mot "que" à la césure. Son poème "Au désir" a servi de modèle pour "Rêvé pour l'hiver" avec "A une Muse folle" de Banville. Ce premier Prix Nobel de Littérature n'est pas un écrivain de premier plan, mais il faut le lire.

Armand Renaud Son recueil Les Nuits persanes a été lu par Rimbaud et contient beaucoup de procédés originaux au plan de la versification.

D'autres poètes à lire en fonction de Rimbaud : André Gill, Emile Blémont, Ernest d'Hervilly et Alphonse Daudet.
Il faudrait ajouter Paul Arène non référencé par Lemerre et le Parnassiculet contemporain.

J'ai encore quelques poètes qui avaient une relative importance à l'époque et qui ont dû faire partie des lectures inévitables de Rimbaud, poètes qui pour certains ont parfois pratiqué les césures CP6, relevé moins crucial les concernant mais que je ne peux manquer de mentionner : Louis Bouilhet, Georges Lafenestre, Auguste Lacassaude, André Theuriet, Emmanuel des Essarts et il faut y ajouter Eugène Manuel cible zutique.
Après, je peux recommander à la lecture comme bon modèle parnassien m'a-t-il semblé Jules Breton.
Pour le reste, voici les noms qui me semblent moins pertinents à interroger que ce soit pour la valeur littéraire, l'influence éventuelle sur Rimbaud ou l'histoire de la versification : Amédée Rolland, Alfred Busquet, Edouard Grenier, Gustave Levavasseur, Emile Augier, Charles Reynaud, Pierre Dupont, Gustave Nadaud, Ernest Prarond, André Lemoyne, Léon laurent-Pichat, Jules Barbier, Charles Monselet, Henri de Bornier, Claudius Popelin, Dionys Ordinaire, Valéry Vernier, Marc Monnier, Francis Pittié, Octave Lacroix, Léopold Laluyé, Emile Chevé, Philoxène Boyer, Philippe Gille, Alexandre Piedagnel, André Lefèvre, Edouard Pailleron, Camille Delthil, Léon Cladel, Madame de la Roche-Guyon, Alcide Dusolier, Félix Frank, Aristide Frémine, Achille Millien, Charles Canivet, Saint-Cyr de Raissac, Gabriel Marc, Jacques Richard.
Il reste Charles Frémine qui peut faire l'objet d'une recherche, mais qui en principe n'a pas influencé Rimbaud.
Voilà j'ai fait le tour du second tome.
Je citais au début de cette deuxième partie des noms manquants à l'anthologie Lemerre et j'ai ajouté Henri Heine en cours de route.
Au début de la troisième partie, je ferai état d'autres manques : volumes collectifs, anonymes, sous le manteau. Je n'ai pas cité le fabuliste populaire Lachambaudie non plus !
Vous constatez l'utilité de cette deuxième partie, je dégrossis le travail considérablement.

lundi 20 janvier 2025

Corpus général de la poésie en vers du XIXe siècle (partie 1 sur 4)

Vu qu'il est question de révolution du vers au XIXe siècle, il faut rappeler que trois poètes du XVIIIe siècle ont préparé le terrain au retour de certaines formes d'enjambement : Malfilâtre, Roucher et André Chénier. Et Chénier a la part belle par sa valeur en tant que poète, mais aussi parce que c'est la publication posthume de ses poésies en 1819, au XIXe siècle, qui a joué le rôle de déclencheur. Précisons toutefois que tout au long du dix-neuvième siècle les éditions des poésies d'André Chénier se sont enrichies de pièces inédites. Il faut donc se reporter aux bonnes éditions si on veut déterminer l'influence éventuelle de Chénier sur Vigny, sur Victor Hugo, sur Sainte-Beuve, sur Leconte de Lisle, et ainsi de suite.
Je commence par des poètes médiocres dont je ne vais pas détailler les publications. Je mets en gras les poètes qui vont plus volontiers retenir mon attention.
Pour cette première partie sur quatre, je prends modèle sur l'anthologie Lemerre et je ne vais citer ici que les poètes du premier tome, mais je vais citer d'autres noms que Lemerre à certains moments clefs.
Je ne me suis pas étendu en commentaires, mais je mets des petites remarques pour titiller l'intérêt des rimbaldiens.

Marie-Joseph Chénier (1764-1811) Tragédies, poésies.

Frère d'André Chénier qui publie à cheval sur les deux siècles. Auteur médiocre de tragédies et divers poèmes : épîtres, etc. Il n'applique pas les césures audacieuses de son frère aîné, si je ne m'abuse.
Il a une traduction aussi du poète anglais Thomas Gray à son actif 'Le Cimetière de campagne".

Gabriel-Marie-Jean-Baptiste Legouvé (1764-1812) Tragédies, poésies.

Il paraît que le dernier vers du "Mérite des femmes" a marqué : "Tombe aux pieds de ce sexe à qui tu dois ta mère." On connaît l'idée, le vers est minable.

Antoine-Vincent Arnault (1766-1834) Tragédies, Fables (1802), Fables nouvelles (1834)

On peut retenir sa fable "La Feuille", parce qu'elle est l'indice de lieux communs du XVIIIe qui se maintiennent au dix-neuvième, vous retrouvez le motif de la feuille emportée par le vent qui est un motif qui a sa forme romantique célèbre, et vous avez outre la possibilité d'une comparaison avec "Chanson d'automne" de Verlaine des vers qui ressemblent à certains à venir de Banville, des éléments poétiques à la manière d'une ariette de Favart et des mots à la rime comme "haleine" et "plaine". Poème de 15 heptasyllabes rimés librement.

 
Chateaubriand (1768-1848) Ne rima qu'occasionnellement, mais ce n'est pas si médiocre que ça.
 

Chênedollé (1769-1833) Poésies : "Le Génie de l'homme" (1807), Etudes poétiques (odes, etc.) (1820)

Il avait une petite notoriété. Les vers sont terriblement déclamatoires avec plein de rudesse mécanique, ce qui ruine les quelques qualités de l'ensemble. Puis, il ne sait pas tourner un récit.

Marc-Antoine-Madeleine Désaugiers (1772-1827) Chansons et vaudevilles

Il s'agit d'un auteur de chansons qui vient après Béranger pour la notoriété. C'est un auteur que je tiens à lire, même si je ne m'attends pas à de la qualité. Il pratique de manière précoce le vers court en tant que chansonnier. Il y a des éléments suggestifs dans ses chansons où on trouve Hortense, etc. Il y a la chanson "Paris à cinq heures du matin" qui est intéressante à comparer à "Bonne pensée du matin". C'est un poète dont je vais lire les chansons.

Charles Nodier (1780-1844) "La Napoléone" 1802, Poésies diverses (1827)

Il écrit peu de poèmes, mais il me semble avoir un certain naturel quand il écrit en vers.

Pierre-Jean de Béranger (1780-1857) chansons

Je vais m'obliger à le lire, mais j'ai l'intuition que je vais surtout perdre mon temps. J'ai des doutes.

Millevoye (1782-1816) poésies

Je n'ai pas envie de le lire, c'est médiocre, j'ai repéré le poème avec l'anaphore "J'ai vu...", ce qu'il partage avec Lamartine et le Rimbaud du "Bateau ivre".

Ulrich Guttinguer (1787-1866) poésies

Il écrit comme Hugo et Musset, en moins bien, et sans les audaces à la césure, mais on sent à le lire qu'il est leur contemporain avec ce côté transition entre XVIIIe siècle et poésie romantique.

Pierre-Antoine Lebrun (1785-1873) Tragédies, poésies

Je cite le premier hémistiche de son "Ode à la grande armée" (1805) : "Suspends ici ton vol [...]"
Il a composé des triolets également.

Alexandre Soumet (1786-1845) poète, dramaturge et librettiste
 
Il y a quelques poèmes qui peuvent se lire, mais pas sa Divine épopée en tout cas. Je m'obligerai un jour à le lire pour chercher à comprendre en quoi il est une sorte de transition timide entre classicisme et romantisme.
 
Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) poésies
 
 Il faut tout lire. J'ai une édition de ses Poésies complètes, mais il me manque un travail de qualité sur les éditions successives. Je n'ai même pas compris si j'avais tous les contes en vers pour enfants qu'elle a écrit dans mon édition.
Je ne vais pas détailler la chronologie des éditions, mais de premières publications en 1819 et en 1820 la mettent dans une situation particulière par rapport au romantisme. Elle est encore donc dans la tradition du XVIIIe siècle et entre en scène en même temps que Lamartine. En 1830, son recueil Poésies offre la romance "C'est moi" si importante pour Verlaine et Rimbaud, mais aussi une césure spectaculaire au sein du poème "L'Arbrisseau", alors que l'histoire littéraire est en train de privilégier les recueils suivants : Les Pleurs (1833), Pauvres fleurs (1839), Poésies inédites (1860) et puis le recueil posthume avec la notice de Sainte-Beuve.

Alphonse de Lamartine (1790-1869) poète, historien et homme politique (chef du gouvernement provisoire en 1848)

Lamartine a plagié ses vers les plus célèbres, mais il reste malgré tout exceptionnel. Il n'est plus lu que pour une élite de ses poèmes, mais une élite qui retranche beaucoup trop vite aux Harmonies poétiques et religieuses. Lamartine a deux recueils importants : Méditations poétiques en 1820, c'est évident, mais aussi Harmonies poétiques et religieuses en 1830. Les Nouvelles méditations poétiques en 1823 furent une œuvre de récolte précipitée pour voguer sur le succès du premier recueil, tandis que les recueils tardifs sont moins intéressants. Il y a toutefois de temps en temps un poème marquant. Il y a enfin le cas de poèmes publiés à part et que personne ne connaître : "La Mort de Socrate" en 1823 est le plus important, il y a deux poèmes méconnus de 1825 "Le Dernier chant du pèlerinage de Harold" et "Chant du sacre". Il y a enfin un poème épique célèbre Jocelyn. Après, il y a les fragments de "La Chute d'un ange".
J'ai lu quelques récits en prose : Graziella bien sûr, mais pas seulement. Comme écrivain en vers, Lamartine savait y faire ! Il avait un don, c'est certain.

Emile Deschamps (1791-1871) Poésies, Etudes françaises et étrangères (1828)

Comme Guttinguer, c'est un peu le poète que vous lisez parce que vous n'avez pas eu assez d'Hugo, Musset, Vigny, etc. Malheureusement, c'est très vite moins intéressant, moins enchanteur, et j'ai plus eu de bonnes impressions avec Antoni Deschamps son frère, alors qu'en principe c'est Emile le grand poète et Antoni qui vient le soutenir. Je vais reprendre leurs lectures à l'avenir. En tout cas, Emile Deschamps n'a pas survécu à son recueil initial de 1828, la suite littéraire de sa vie est médiocre.

Casimir Delavigne (1793-1843) poète et dramaturge

Si on encaisse le côté ampoulé, ce n'est pas sans charme.Il faut que je le lise de toute façon.

1818 Trois Messéniennes
1819-1820 Les Vêpres siciliennes, tragédie
1828 La Muette de Portici, livret d'opéra
1832 Nouvelles Messéniennes
Louis XI tragédie
Les Enfants d'Edouard, théâtre
Fra Diavolo (1830) Opéra-comique avec Scribe et Auber
Chants populaires
 
Mme Amable Tastu (1795-1884) poésies
 
Il y a quelques charmes. Faut que je lise, il y a de son vivant deux éditions intitulées Poésies complètes (1826) et (1858) et une autre intitulée Poésies nouvelles (1838). Elle ne semble plus être très présente à partir de 1840.
 
Jean Reboul (1796-1854) poésies
 
Il s'agit d'un boulanger nîmois qui s'adonnait à la poésie et qui a reçu les louanges de Chateaubriand et Lamartine. Bien connu des rimbaldiens, son poème "L'Ange et l'enfant" est son sonnet d'Arvers.
 
Auguste Barthélémy (1796-1867) et Joseph Méry (1797-1866) poésie, théâtre

Méry a écrit quelques œuvres en son seul nom, mais ils ont beaucoup publié en mêlant leurs deux noms. Ils sont célèbres pour avoir attaqué Lamartine en vers, lequel a répondu et a reçu une nouvelle charge. Je connais aussi Méry pour les pièces qu'il a écrites avec Nerval (éditées si je ne m'abuse en Garnier-Flammarion) : L'Imagier de Harlem, et aussi Le Chariot d'enfant. Je prévois de les lire plus attentivement.
Méry a également participé au Diable à Paris. Rimbaud a lu ou au moins parcouru cet ouvrage collectif, et les rimbaldiens n'en parlent jamais ! Il y a Sand, des poèmes sur Paris, il y a une foule de choses dans cet ouvrage qui méritent des investigations.

Alfred de Vigny (1797-1863)

Il faut tout lire, mais il y a aussi un problème d'édition de ses poésies, puisque le premier recueil de Vigny a évolué tant par son titre que par contenu. Vigny a joué un rôle décisif dans l'avènement romantique du rejet d'épithète, et le poème "Héléna" est avant "Dolorida" une pièce majeure du dossier. Or, il a été retiré du recueil Poèmes antiques et modernes. De ses débuts, le poème "Eloa" de 1824 est particulièrement célèbre également. Le recueil Les Destinées publié à titre posthume contient des poèmes célèbres, mais plus tardifs, "La Maison du berger" date de 1843. On peut aussi opposer les deux recueils désormais, puisque important pour les audaces nouvelles dans son premier recueil il adopte une versification classique dans le second, ce qui a pu masquer son importance réelle.
Après, il y a quelques œuvres à lire en prose : sa pièce Chatterton et aussi les récits enchâssés de Servitude et grandeur militaires. Stello a une écriture qui ne fait pas très sérieux.

Antoni Deschamps (1800-1869)

Je suis dans cette situation paradoxale où je m'intéresse plus à ce qu'a écrit Antoni qu'à ce qui a fait un peu de notoriété pour son frère Emile. Il faut ajouter qu'il a une traduction partielle de La Divine Comédie de Dante à son actif.

Victor Hugo (1802-1885)

Je ne détaille même pas.

Auguste Brizeux (1803-1858) poésies, traduction en prose de La Divine Comédie
 
C'est un peu le Leconte de Lisle avant l'heure, breton.
Marie (1831)
Les Ternaires ou la Fleur d'or

Sainte-Beuve (1804-1869)

Il faut prendre le temps de lire toutes ses poésies et surtout son Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme, en s'attardant sur les parties en prose comme en s'attardant sur les poèmes en vers. Ce n'est pas un génie, mais il compte dans l'histoire littéraire.
J'ai lu son roman Volupté édité par André Guyaux, mais j'en ai tout oublié.
Pour l'histoire de la poésie, un autre ouvrage de lui a son importance : Tableau historique et critique de la poésie française et du théâtre français au XVIe siècle (1828, avec des rééditions).
Après, je ne me suis pas vraiment attaqué à l'univers touffu de sa littérature critique. je le ferai quand je le pourrai, ça a son importance, mais je n'ai qu'une vie.

Amédée Pommier (1804-1877)

Cible de choix de Rimbaud et des zutistes, il faut tout lire. Il y a des éléments à tirer de ses poèmes en alexandrins, même si la recherche sur les parodies zutiques inviteraient à ne s'intéresser qu'à ses acrobaties maladroites en vers courts. Attention, même "Cocher ivre" de Rimbaud fait allusion à des poèmes de Pommier en alexandrins.
Je ne détaille pas ici, j'ai prévu de produire un grand article où je citerai enfin par le menu tous les détails parodiés par les zutistes et par Rimbaud.

Auguste Barbier (1805-1880)

C'est un peu le premier des poètes romantiques importants que nous ne lisons plus aujourd'hui, avec Brizeux. Il faut tout lire. Je ne détaille pas ici. Rimbaud l'avait lu et lui emprunte même des éléments.

Daniel Stern (alias Marie d'Agoult) (1805-1876) femme écrivain, plutôt dans l'Histoire ou la littérature d'idées, avec quelques productions en vers

Félix Arvers (1806-1851) poésies, recueil Mes heures perdues avec le célèbre sonnet "Un secret"

C'est l'homme d'un unique sonnet, j'ai montré récemment sur ce blog qu'il s'y inspirait d'un poème précis de Lamartine, ce que personne ne semble avoir jamais remarqué auparavant.

Charles Dovalle (1807-1829)

Poète mort en duel à 22 ans. Il aurait pu évoluer, même si certaines tendances de son inspiration me font douter de ses promesses.
 
Aloysius Bertrand (1807-1841)

C'est l'homme d'un recueil de poèmes en prose historique Gaspard de la nuit. En revanche, ses poèmes en vers donnent toujours l'impression de sortir de nulle part. Ils sont mal référencés.

Ernest Legouvé (1807-1841) Fils du Legouvé cité plus haut, moraliste et auteur pour le théâtre

Quelques poésies, mais bon...

Gérard de Nerval (1808-1855)

Je ne détaille même pas.

Gustave Mathieu (1808-1879) poète chansonnnier, pseudonyme : Jean Raisin.

Parfums, chants et couleurs : poésies, mais ça ne vaut pas le coup d'après mes sondages.

Pétrus Borel (1809-1859)

Second romantique d'une certaine importance. Il a une traduction de référence de Robinson Crusoé. Si ça tombe, c'est dans sa traduction que vous avez lu le roman de Daniel Defoe. Il est connu pour son roman Madame Putiphar et pour Champavert, contes immoraux, et il a un unique recueil de poésie Rhapsodies. Il faut le lire, ce n'est pas du tout un grand poète, mais il y a des éléments intéressants.

Napoléon Peyrat (1809-1881) pasteur, quelques poésies pseudo : Napol le pyrénéen.

Jules Lacroix (1809-1887) frère de Paul Lacroix, théâtre et traductions

Théophile Gautier (1809-1872)

Je ne détaille même pas. Tout de même, pas facile d'avoir accès à tout en librairie. Ses premières poésies étaient tombées dans l'oubli, malgré l'admiration de Baudelaire. Sur "abracadabrantesques", aucune attestation connue d'un emploi par Gautier. On soutient que c'est un calembour sur Madame d'Abrantès", mais même cette anecdote-là est livrée par des gens du vingt-et-unième siècle sans aucune référence. Où est la formule "Abracadabrantès" chez Gautier ou chez un écrivain du XIXe qui lui prête ce jeu de mots. Moi, je n'en sais rien.

Hégésippe Moreau (1810-1838) poésies et contes

Je dois impérativement lire ses poésies. Il est mort à 28 ans et fait partie des poètes qu'on cite volontiers après les grands romantiques. La souplesse prosodique de son vers est pour moi un sujet d'étude à venir. Ce n'est pas un grand poète, mais il représente une formule maîtrisée de vers souple à rapprocher de celles de Musset et Hugo.

Alfred de Musset (1810-1857)

Je ne vais pas tout détailler, mais il faut faire attention aux éditions de ses poésies, car du contenu disparaît discrètement de l'une à l'autre, "Les Marrons du feu" en tout cas. Il faut tout lire, je recommande l'édition en Livre de poche par Lestringant, plutôt que le volume dans la collection Poésie Gallimard. J'invite aussi à faire attention à la présence de ses poésies dans ses oeuvres en prose, la "Chanson de Fortunio" dans Le Chandelier, puisque Rimbaud en joue en composant "Ce qui retient Nina".

Auguste de Châtillon (1810-1882)

Châtillon est une lacune importante des rimbaldiens. Le titre "Au cabaret-Vert" vient du titre "A la Grand-pinte" d'un poème de Châtillon. Les poésies de Châtillon ont connu plusieurs éditions avec variation du titre, et le poème "A la Grand-pinte" y était mis en valeur. Gautier a préfacé le recueil de Châtillon, et le poème "A la Grand-pinte" est une source aux "Effarés" de Rimbaud, à quoi ajouter d'autres pièces du recueil de Châtillon.
Lire les poésies de Châtillon, c'est un peu la base pour un rimbaldien.

Xavier Marmier (1808-1892)

Heu ? C'est pas lui l'auteur du "Drapeau rouge" deux cent vers en forme de ïmabes à la Chénier auquel réplique Rimbaud dans "Le Bateau ivre" ? Il a écrit des Chants populaires du nord. Il a publié deux recueils de vers : Esquisses poétiques en 1831 et Poésies d'un voyageur (1834-1878). Le poème "En Amérique" retenu dans l'anthologie Lemerre tendrait à confirmer sa valeur de source et cible satirique dans "Le Bateau ivre".

 
Ah non, je me trompe, "Le Drapeau rouge", c'est Victor Fournel. Boah ! Pas grave, la confusion m'encourage à lire de près Marmier, je vais le faire. Je pense que j'ai repéré ce nom dans la presse de l'époque de répression de la Commune, ou alors je confonds encore avec un autre nom.

Victor de Laprade (1812-1883) poète et homme politique

Je vais le lire par acquit de conscience, mais je n'y crois pas trop à ce poète. Il est cité par les rimbaldiens et les verlainiens parce qu'il a publié un poème "Le Faune" dans le second Parnasse contemporain, mais je n'en ressens pas l'intérêt. Il aurait fait des débuts remarqués avec "Psyché" en 1841, mais c'est un poète assez dérisoire malgré tout.
 
Ferdinand de Gramont (1811-1897)

Banville prétend l'honorer pour son recueil Sextines en 1872. Cela reste assez dérisoire, et la date de 1872 est tardive pour un chercheur rimbaldien, à moins d'un emprunt d'actualité. Je le lirai par acquit de conscience.

Joseph Autran (1813-1877)

Il s'impose à la lecture des rimbaldiens pour le titre de son recueil de 1859 Les Poèmes de la mer, il en a d'autres, parfois plus connus à son époque. Il a participé au volume parnassien Sonnets et eaux-fortes.

Louis Veuillot (1813-1883) journalisme, littérature d'idées sinon littérature polémique, poésie

Il est cité dans Les Epaves de Baudelaire comme dans la préface des Odes funambulesques de Banville. Un début de nouvelle de lui semble avoir inspiré "Mon rêve familier" de Verlaine. Rimbaud le vise-t-il directement dans "Accroupissements" et "Vu à Rome" ? L'enquête est toujours en cours.
Rimbaud a cité avoir lu le recueil Les Couleuvres, mais on aimerait avoir une édition en ligne du recueil Les Satires, plutôt que de partir sur un recueil de poésies complètes postérieur et ne tenant pas compte de l'unité des deux premiers recueils.
Il y a beaucoup de textes en prose sur lesquels faire des recherches, Rimbaud en aurait lu des extraits et réagirait contre, mais c'est un travail bien conséquent que je laisse de côté.

Louise-Victorine Ackermann (1813-1890) poésies

Trois recueils qui ont été publiés tardivement visiblement, il y a Contes et poésies dans la décennie 1860, mais c'est un peu de la pérennité bon teint de la poésie romantique de sa jeunesse.

Alfred des Essarts (1811-1893) poésies

Mes sondages n'invitent pas à m'y précipiter. C'est le père d'Emmanuel.

Anaïs Segalas (1819-1895) dramaturge, poétesse et romancière

C'est de la poésie des familles. On peut lire certains poèmes pour les comparer aux "Etrennes des orphelins" ou autres.

Charles Coran (1814-1901)

Il a publié trois recueils réunis en une édition complète posthume : Onyx (1840), Rimes galantes (1847) et Dernières élégances (1869). Il a fourni deux poèmes importants pour l'histoire du vers dont un tout en trimètres. Il composait pas mal de poèmes sur le motif de Nina. Ce n'est pas un grand poète, mais les deux poèmes importants pour l'histoire du vers font qu'il convient de s'y reporter.

Auguste de Belloy (1815-1871) Dramaturge, poésie

Proche de Ferdinand de Gramont, il serait important pour un livre précis Légendes fleuries (1845).

Joséphin Soulary (1815-1891)

J'ai déjà lu ses oeuvres poétiques complètes avant 2000, dans la bibliothèque municipale Le Périgord à Toulouse, et ça ne m'avait pas été trés utile. Faudra que je fasse un nouvel essai.

Arsène Houssaye (1814-1896)

C'est plutôt en tant que directeur de revues et proche de Gauter, Nerval et compagnie qu'il se recommande à l'attention. Pourtant, Banville cite favorablement son recueil Sentiers perdus dans sa préface aux Odes funambulesques, mais pour moi c'est une fausse note à côté des autres recueils cités. Je pense que Banville flatte une relation, parce qu'Houssaye n'est pas une pointure en poésie. A mon sens...

Louis de Ronchaud (1816-1887) historien et homme de lettres

C'est plutôt un homme intéressé par l'art, la littérature qu'un poète en soi et pour soi.

samedi 18 janvier 2025

Un article du romancier rimbaldien Alain bardel sur 2+2=4

 Ceux que je ne nommerai pas* qui soutiennent que 2+2=4 ont tort vraiment tort, car quand on cherche la vérité on sait que le premier 2 prononcé est égal à 1 et que le deuxième 2 prononcé est égal à 2, ce qui signifie que ce qui avait été démontré par mon gourou je peux le démontrer à mon tour : 2+2=3 ! CQFD !

On attend les réactions émerveillées de Steve Murphy, Michel Murat, Yves Reboul et Adrien Cavallaro.
Au fait, c'est quoi le deal ? On attend quelque temps que Murphy et d'autres soient à la retraite, retirés, puis on attribue la découverte de la pagination des Illuminations par les éditeurs à qui ? Cavallaro travaille sur de tels projets quant à l'édition de Rimbaud. Mais le problème, c'est que normalement on attribue une découverte à celui qui a fait la découverte. Dans quelques années, il va vraiment y avoir beaucoup de pus dans les études sur l'histoire de la critique rimbaldienne.

EDIT : 19 janvier 17h40.

* Note : Jacques Bienvenu est cité, mais pas pour les articles où ils parlent de la pagination.
Bienvenu vient de réagir par un article offrant un nouvel argument. La suite des trois manuscrits "Promontoire", "Scènes" et "Soir historique" montre que la manière de faire des éditeurs de la revue La Vogue consiste bien à paginer les manuscrits de manière irrégulière. Le manuscrit de "Promontoire" n'est pas numéroté, contrairement à "Scènes" et "Soir historique", et la logique qui explique ce fait exclut que la pagination puisse être de Rimbaud.
 
 
Dans son article, Bienvenu utilise des termes modalisateurs : "J'ai déjà réfuté, selon moi, [...]". Ce que fait Bienvenu est normal, il joue le jeu de proposer une solution et de ne pas affirmer qu'il a raison, le lecteur de l'article et plus largement la communauté rimbaldienne doit être libre de juger si elle trouve ou non que la démonstration s'impose.
Je voulais quand même souligner que cette politesse d'énonciation est utilisée par les autres.
A cause de nombreux rimbaldiens, aujourd'hui, il n'y a plus de discours de vérité, de preuves. Les rimbaldiens ont décidé de considérer qu'une partie du manuscrit de "L'Homme juste" n'était pas déchiffrable, allant jusqu'à proposer la solution hallucinante de Dominicy dans un ouvrage collectif : "J'exècre tous ces yeux de chinois ou de naines"!
En méprisant des intervenants tels que moi et Bienvenu, rappelons que la communauté rimbaldienne méprise ceux qui ont combattu avec raison la prétendue identification de Rimbaud sur la photographie du "Coin de table à Aden", sujet sur lequel Murphy et quantité de gens se sont tus.
Il y a de l'argent et des postes de prestige en jeu. Moi, j'aurais pu profiter de mes découvertes pour gagner de la reconnaissance, peut-être de l'argent, avec mes découvertes variées.
A partir du moment où toutes les preuves sont sur la table pour des sujets variés, la métrique, la pagination de manuscrits, une coquille corrigée par la leçon incontestable d'un brouillon, etc., etc., le déchiffrement de vers manuscrits non spécialement raturés, etc., etc., et qu'il suffit de s'en remettre à une parole d'autorité pour dire que les preuves ne valent rien, on va faire quoi ? Dans dix ans, ou vingt ans, on va dire que les choses ne sont pas prouvées, mais seulement plausibles. Il y a un discours de relativisation des preuves qui n'est pas normal. Et quand je vois qu'Adrien Cavallaro annonce une édition des œuvres de Rimbaud accompagnée d'une réflexion sur la manière de publier Rimbaud, je suis désolé, je comprends d'emblée qu'on ne s'occupe pas de rendre à chacun ce qu'il a dit : à tel date, telle autorité dira, et pour la postérité ce sera cette autorité qui aura la réputation d'avoir changé les opinions. On ne règle pas les débats de manière scientifique, on va prendre certes des vérités, mais on va les diffuser selon un timing ou planning complètement arbitraire.
Vu qu'on sait ce qu'il y a à faire, il risque tout de même d'y avoir des querelles pour qui sera celui qui primera pour s'attribuer le beau rôle.
Je dénonce depuis longtemps, quinze ans bientôt, cet état de fait dans les études rimbaldiennes. Les articles valent uniquement en fonction d'un respect de préséances et hiérarchies universitaires... Rimbaud appartient à des enjeux de carrières de professeurs d'université. Voilà où on en est.
Je ne commente pas l'article de Bardel, la dérision suffit, je peux juste faire observer que au début des années 2000, quand je ne contestais pas à la suite de Bienvenu, la pagination des Illuminations, je disais déjà que nous n'avions pas affaire à un recueil de Rimbaud puisqu'abandonné en cours de route. Or, les rimbaldiens évitaient de citer cela. Bardel et d'autres ont commenté la valeur conclusive de "Solde" ou de "Génie", etc. Maintenant que l'édifice se fragilise, je constate que Bardel commence à se réfugier dans l'idée que le projet n'est pas abouti, histoire de sauver au moins la thèse insoutenable de la pagination autographe.
L'article de Bardel est contre-productif, je pense que même si les rimbaldiens anciens qui avaient pris position sont imprévisibles, en tout cas, là, les lecteurs neufs vont constater l'évidence de la déroute à botter ainsi en touche.
Notons que Bardel salue une autre thèse de Bienvenu, celle d'un recopiage des poèmes avec Germain Nouveau au début de 1875. Personne ne met jamais en avant comme évident ce fait démontré par Bienvenu depuis la révélation de la lettre à Andrieu. Dommage que cela ne le soit que comme un argument au service d'une autre cause sur laquelle on ne veut pas rendre les armes, alors que ça pourrait être apprécié en soi et pour soi.
Enfin, bref !

vendredi 17 janvier 2025

Les poèmes d'enfance et de jeunesse de Mallarmé : quelques enseignements à en tirer !

Dans l'histoire du vers, Mallarmé qui n'a pas composé une quantité exceptionnelle d'alexandrins occupe tout de même une place importante. Pour moi, sa célébrité est surtout liée au fait qu'il partage avec Rimbaud et dans une moindre mesure Nerval le fait d'avoir produit une poésie hermétique fascinante. Je suis plus réservé quant à son importance pour l'histoire du vers et même je suis un peu réservé quant à ses conceptions syntaxiques qui donnent souvent l'impression d'effets de manche. Il est tout de même l'un des trois poètes mis au centre du livre de Benoît de Cornulier Théorie du vers avec Verlaine et Rimbaud, ce qui coïncide avec l'habitude que nous avons de considérer Verlaine, Rimbaud et Mallarmé comme les trois poètes inspirés par Baudelaire, et situés au-delà du Parnasse, qui ont fondé une nouvelle étape de poésie moderne dont, bon an mal, la génération symboliste a été la première héritière.
Tout ça est pour moi un peu à démêler, d'autant que je pense que, contrairement à Verlaine et Mallarmé, Rimbaud est un poète hugolien contrarié par la baudelairophilie de Verlaine, des zutistes et du milieu poétique parisien de son époque. Rimbaud était en effet un provincial, il venait de Charleville, pas encore Charleville-Mézières, et il était à même de voir que le refoulement de Victor Hugo par les élites parisiennes était problématique. Mais notre sujet du jour c'est l'évolution du vers.
Je prévoyais de sortir avant cet article sur Mallarmé une étude sur les deux premières éditions du recueil des Odes funambulesques de Banville en 1857 et 1859, mais ça prend du temps, et j'ai quelque chose de rapide à rédiger en ce qui concerne Mallarmé et qui ne manque pas d'intérêt.
Dans Critique du vers, Jean-Michel Gouvard fait lui aussi une place importante à Mallarmé. Plus précisément, c'est paradoxalement Rimbaud qui est celui des trois poètes étudiés par Cornulier dans Théorie du vers qui est le moins mis en avant par l'étude de Gouvard, lequel accorde une importance toute particulière à Verlaine, et Mallarmé joue un rôle non négligeable avec des listes de vers commentés sur plusieurs pages.
Je n'ai pas le volume de Cornulier sous la main, ce qui me gêne dans la mesure où j'ai un vers dont je ne comprends pas qu'il ne soit pas traité par Gouvard. Je parie qu'il doit s'agir d'une coquille dans un volume de la collection de La Pléiade, mais on va en parler tout à l'heure. En tout cas, les conclusions de Gouvard sont postérieures à celles de Cornulier et je vais revenir sur certaines conclusions avec des arguments.
Donc, dans Critique du vers, nous avons une bibliographie en fin d'ouvrage qui a été faite plus rigoureusement et une bibliographie à l'intérieur de l'ouvrage qui fait doublon, a été conçue moins rigoureusement et qui s'intitule "Corpus général".
A la page 136, au sein du "Corpus général", nous avons l'alinéa suivant à propos de Mallarmé :
Stéphane Mallarmé : Poésies complètes (1859-98, 2787)
Je n'ai pas inversé les italiques et les caractères romains pour signifier que je faisais une citation. Le chiffre en italique "2787" correspond au nombre d'alexandrins que contiendrait le volume consulté par Gouvard et qui a été intégralement analysé. Vous avez aussi une fenêtre chronologique qui va de 1859 à 1898. Je fais remarquer que tous les vers de Mallarmé sont donc postérieurs à la publication des Fleurs du Mal en 1855 (pré-originale en revue) et en 1857 (édition condamnée), postérieurs aussi au recueil de 1855 de Leconte de Lisle. Mais on va faire d'autres constats plus précis ensuite. Je cite maintenant l'alinéa consacré à Mallarmé dans la véritable "Bibliographie" de fin d'ouvrage, là encore sans inverser les italiques et les caractères romains :
Mallarmé, S., 1983 : Œuvres Complètes I : Poésies, édition de Carl Paul Barbier et Charles Gordon Millan, Flammarion.
Ce n'est pas l'édition que j'utilise. J'ai quelques volumes de Mallarmé dans la collection "Poésie Gallimard", mais je ne les ai pas là sous la main, et je travaille ici avec l'édition des Œuvres complètes Poésie - Prose dans la collection de "La Pléiade" avec "Introduction, Bibliographie, iconographie et notes par Henri Mondor et G. Jean-Aubry", imprimée en 1961.
Mon volume s'ouvre par une très courte introduction de quatre pages et demi, par un "Avant-propos" de deux pages et par une "Chronologie de Stéphane Mallarmé" en style quasi télégraphique, mais plus conséquente, et j'en arrive à la section des "Poëmes d'enfance et de jeunesse (1858-1863)".
Dans cette section, nous avons les poèmes suivants : "Cantate pour la première communion" (1858), "Sa fosse est creusée !...", "Sa Fosse est fermée" de juin et juillet 1859, "La Prière d'une mère" de juillet 1859, "L'Enfant prodigue", "Galanterie macabre", "A une petite laveuse blonde" et "A un poëte immoral" de 1861 tous deux, "Contre un poëte parisien" sonnet adressé "à E(mmanuel) des E(ssarts)", "Soleil d'hiver", "Mysticis umbraculis (Prose des fous)" de 1862, "Sonnet" ("Parce que la viande...") et "Le Château de l'espérance". Il y a 21 pages de poèmes (pages 3-23). En fait, on va voir qu'il faut diviser cet ensemble en deux parts distinctes. Il y a d'abord un ensemble qui va jusqu'en juillet 1859, et qui n'a aucune césure déviante, aucune influence complètement évidente des Fleurs du Mal, puis à partir de "L'Enfant prodigue" jusqu'au "Château de l'espérance", on voit se superposer la pratique des césures acrobatiques et les emprunts continus à Baudelaire.
Vous avez déjà le grand mot sur l'intérêt du présent article.  On va étudier le détail, mais je vais me servir aussi des notes de fin d'ouvrage. Je vais aussi dire certaines choses sur les premiers vers de 1858 et 1859 qui peuvent intéresser la réflexion d'un rimbaldien. Evidemment, je prends soin aussi de consulter les notes de fin d'ouvrage, parce qu'il y a d'autres vers inédits de jeunesse qui y sont cités, et parce que les informations intéressent ma réflexion.
Je trouve que les pages de mon volume de la collection La Pléiade ne sont pas faciles à tourner et la recherche n'est pas toujours évidente quand on doit retrouver à quel page commence les notes. Donc, la section des "Notes et variantes" commence à la page 1379 et l'introduction démarre à la page 1381. Les éditeurs nous expliquent que tout ne nous est pas parvenu, que certains textes attestés n'ont pas encore été retrouvés ou ne le seront peut-être jamais, etc. Nous avons un extrait de poème en vers de huit syllabes cité dans une lettre par Eugène Lefébure, puis des textes des débuts que les éditeurs ne voulaient pas mettre en avant "L'Ange gardien (narration)" texte en prose, "Pépita", six quatrains en alexandrins de mars 1859 et "Mélancolie" poème en vers courts de huit et six syllabes. "Pépita" et "Mélancolie" font partie de la même lettre de Mallarmé, encore collégien, à un ami lycéen Espinas à Paris.
Chaque pièce au dossier a son importance. J'ai dit tout à l'heure qu'il y avait deux époques dans les vers de jeunesse de Mallarmé, celle qui va jusqu'en juillet 1859 et celle qui suit et est marquée par l'influence des Fleurs du Mal. Qui plus est, l'essentiel des vers de la première époque date précisément de juin et juillet 1859. Seule une pièce de 1858 fait exception en gros. Or, les deux poèmes envoyés à Espinas dont l'un est daté de mars 1859 doivent faire partie de cette première période. Et pourtant, le poème "Mélancolie" est composé en faux-quintils. Le faux-quintil est un emblème des Fleurs du Mal, mais Baudelaire pratique le faux-quintil en répétant le premier vers en cinquième vers, puis petit à petit il lui accorde une relative autonomie en altérant la répétition. Mallarmé pratique lui le faux-quintil sur un mode chansonnier, le cinquième vers n'est pas une répétition du premier, mais il s'agit d'une sorte de refrain si je puis dire qui vient se coller à un quatrain en rimant avec lui, et le changement de mesure permet de souligner le caractère particulier de l'allongement strophique. Toutefois, le modèle est altéré en cours de route, nous avons deux authentiques quintils traditionnels qui se mêlent à l'ensemble :

Puisqu'Espinas, ô Falstaff, pense
Qu'ils sont un peu trop folichons
Les grelots dont sonne la panse,
- Voilant nos ris de capuchons
         Pleurnichons ! Pleurnichons !

Puisqu'une fleur en la rosée
Luis semble de pleurs arrosée,
Non de perles, - geais, qui nichez,
Rieurs, sous la feuille rosée,
        Pleurnichez ! Pleurnichez !

Puisqu'il s'affole de Racine
Qui fait pleureur jusqu'aux bichons,
- Qu'en gémissant on déracine,
Pour le ceindre, dix cornichons !
         Pleurnichons ! pleurnichons !

Puisqu'il trouve Horace un peu terne,
Lui, dont les pleurs sont du falerne,
Qu'il ne rit chez Scarron, ni chez
Rabelais, merle de taverne, -
          Pleurnichez ! Pleurnichez !

Puisqu'en l'art et la poésie,
Il soit deux mouchoirs - deux torchons ! -
Où chacun pleure l'Aspasie
De ses "rêves d'or" godichons
         Pleurnichons ! Pleurnichons !
 
Non... moi, je te laisse, Héraclite,
Mouiller ton luth hétéroclite,
Aux nuits dédier tes sanglots,
Ma muse n'est point carmélite
Et noierait son rire en tes flots !
 
Aux pleureurs pour tenir ta cour
D'un vieux corbillard fais ta niche !
Sois fidèle à feu ton amour
Comme à l'invalide un caniche
         Et pleurniche ! et pleurniche !
 
Des psaumes de la pénitence
Avec les tiens fais ta pitance !
Que, pour vos larmes, de l'enfer
Le ciel vous donne la quittance,
- Nous, avec Pluck croisons le fer !
 
Cet été, prends "l'Arrosement -
Public" si tu veux être riche !
Sur le macadam lentement
Promène-toi comme un derviche
Traînant ton triste régiment
   Qui pleurniche, pleurniche !
 
                                       Mallarmé
                                      Sans rancune !
 
 On jurerait le style des Odes funambulesques, il y en a tout l'esprit, et ça en respire les procédés. Vous avez un abus de la rime riche, un abus des jeux sur des noms propos, des saillies les unes sur les autres, plutôt allusives (il faut comprendre les allusions aux Plaideurs, etc.). Nous avons le suspens fort à la rime du premier vers de "pense", c'est complètement une manière d'écrire funambulesque, le côté je pirouette sur la rime, pirouette préparée par la saturation du vers d'Espinas à Falstaff en "a" et en sifflantes. La rime "folichons"/"capuchons" est très banvilienne aussi. La rime "pense"/"panse" est à rapprocher du poème "Bal des pendus" de Rimbaud, pièce de jeunesse fondée sur les allitérations, le goût des vers satyriques chargés d'effets phonétiques. Pour le sujet qui nous intéresse, nous avons un enjambement à la rime extrêmement banvillien : "ni chez / Rabelais" et cet enjambement remet en cause la bipartition claire entre une première époque de sage versification jusqu'en juillet 1859, puisque nous avons ici la première audace d'enjambement en date de Mallarmé. Celui-ci avait dû lire à la fois les Stalactites et les encore récentes Odes funambulesques dont la deuxième édition allait voir le jour cette année même. Rappelons que l'édition des Odes funambulesques en 1857 est dominée par les poèmes en vers courts sur des modes chansonniers anciens avec "triolets", "villanelles", "rondeaux" et j'en passe, les poèmes satiriques en alexandrins "Occidentales", "Evohé" étant plus diffus, comme noyés dans l'ensemble chansonnier. Banville en 1857 ne s'adonne pas encore aux césures audacieuses, cas à part d'un vers des "Folies nouvelles", mais Banville s'autorise les mêmes audaces à la rime. D'ailleurs, il s'autorise l'article indéfini "une" à la rime dans un poème, et l'article indéfini "un" à la césure dans ses "Folies nouvelles", et la forme à la rime "dans une" est reprise par Rimbaud dans "Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs" : "Dans une / Cabane de bambous". Je le dis depuis quelque temps que les équivalences d'enjambements audacieux à la rime ont été sous-évaluées dans les études métriques portant sur la césure. Il faut étudier parallèlement les deux, ce qui relève du pur bon sens. Je rappelle aussi que dans ses Odes funambulesques Banville offre un poème inspiré d'une pièce assez connu de Vincent Voiture, poète du dix-septième, avec le titre "sur l'air des landriry". Le refrain "landriry" et "landrirette" est repris à un poème précis de Voiture, ce que ne cache bien sûr pas Banville, qui cite sa source en justifiant... des licences orthographiques pour la rime en "y" !
Mais, je pense aussi à un autre modèle, le célèbre chansonnier Béranger. Je ne suis pas spécialiste encore de Béranger. Il faut vraiment que je me mette à tout lire de lui systématiquement. Je sais que dans l'une de ses chansons en vers courts il y a un déterminant "nos" suspendu à la rime. Et dans l'édition ici de Mondor et Aubry dans La Pléiade, on apprend qu'à ses débuts Mallarmé voulait ressembler à Lamartine et Béranger justement.
Et il y a cette question du faux quintil. Vous avez vu que "Mélancolie" est un poème en neuf strophes qui mélange des structures en réalité bien distinctes. Nous avons d'abord ce que j'appelle cinq faux-quintils, autrement dit cinq quatrains couplets accolés à un vers de refrain qui rime avec le dernier vers de quatrain-couplet. Le quatrain est en octosyllabes de rimes croisées ABAB et le vers de refrain est en six syllabes avec la rime B. Je vais parler de refrain, même si les répétitions sont bien sûr approximatives, variation de terminaisons verbales "-ez" et "-ons" pour commencer.
Nous avons ensuite deux quintils traditionnels qui apparaissent sans refrain, mais ils ne sont pas successifs. Les sixième et huitième quintils sont donc d'authentiques quintils d'octosyllabes AABAB. L'absence de refrain invite à comprendre que nous passons à un mode deux couplets un refrain, mais c'est plus dissolu que ça. Le septième quintil des faux-quintils initiaux : un quatrain ABAB allongé du refrain d'hexasyllabe, mais la dernière strophe forme un ensemble de six vers avec une alternance des rimes ABABAB. Cinq vers sont des octosyllabes et le dernier est toujours en hexasyllabe. Mais il est encore deux altérations à relever. Au septième quintil, le vers refrain ne joue plus la variation de terminaison d'impératif : "-ons" ou" -ez", mais sur une altération du mode d'énoncé : "Et pleurniche ! et pleurniche !" Toutefois, la scansion binaire d'une répétition à l'identique est conservé. Dans le dernier vers, la scansion binaire qui justifiait le refrain est attaquée : "Qui pleurniche, pleurniche !"
Vous l'aurez compris : au plan de la versification, ces vers de jeunesse sont loin de l'absence d'intérêt. Et on peut comparer ce poème à "Honte" de Rimbaud, par exemple, qui date de 1872, parce qu'on voit bien que la logique d'altération des strophes a une origine chansonnière et populaire, tant chez Mallarmé que chez Rimbaud.
L'autre poème "Pépita" dont le titre fait songer à Musset et puis Gautier est en alexandrins réguliers, avec très peu d'enjambements à la Chénier : "Aux flots noirs", et il convient d'y prêter attention, vu qu'il illustre combien le poème de juillet 1872 de Rimbaud : "Est-elle almée ?..." est d'évidence liée à un cliché d'époque qu'avec le temps nous ne percevons plus très bien :
[...]
Ce soir-là, je chantais un corsaire, Folco,
Roi des mers, qui mieux est, roi d'une courtisane.

[...]
Et Pépita la pâle, aux pleurs donnant essor,
Pour la vie a couvert ses tresses d'or d'un voile !

Tous deux à l'espérance avaient fermé leur coeur !
Oh ! l'espoir ! Cette brise au frais parfum qu'un ange
Souffle sur notre coeur, comme sur une fleur,
Qui lui donne la vie et des chagrins le venge !
 
[...]
 Pour justifier un propos tenus plus haut, j'ajoute la citation de Mallarmé suivante, page 1381 de mon édition, elle est adressée à Verlaine :
J'ai traversé bien des pensions et lycées, d'âme lamartinienne avec un secret désir de remplacer, un jour, Béranger, parce que je l'avais rencontré dans une maison amie. Il paraît que c'était trop compliqué pour être mis à exécution, mais j'ai longtemps essayé dans cent petits cahiers de vers qui m'ont toujours été confisqués, si j'ai bonne mémoire.
Voici maintenant la strophe inédite fournie par Lefébure :
Des pas sur les pierres sonnèrent :
Un pauvre passait dans ce lieu,
Or les blancs lilas s'inclinèrent
Et les oiseaux des bois chantèrent,
Le pauvre étant l'ami de Dieu.
Il s'agit clairement, comme le montre assez le dernier vers, d'un poème plein de réminiscences de la lecture des recueils de Victor Hugo avec des poncifs d'époque pour l'écriture en vers, poncifs qu'on retrouve chez Glatigny ou Rimbaud : "s'inclinèrent", "passait", "oiseaux des bois chantèrent".
Venons-en maintenant aux poèmes que Mondor et Jean-Aubry ont préféré admettre au seuil des Œuvres complètes. Nous avons d'abord une "Cantate pour la première communion" qui date de  juillet 1858. Mallarmé a déjà seize ans. Imaginez l'écart avec Rimbaud qui a composé à seize ans et trois quart en juillet 1871 le poème autrement ambitieux "Les Premières communions".
Le poème est dominé par le recours à l'octosyllabe, mais il contient le premier alexandrin connu de Mallarmé, qui tout unique qu'il est dans la composition est répété quatre fois avec le refrain :
De vos ailes couvrez ce joyeux sanctuaire[.]
La pièce est très clairement lamartinienne et elle est d'une mystique pieuse frappante, puisque Mallarmé va devenir un baudelairien qui raille Dieu très peu de temps après, mais on voit  que le goût affecté de Mallarmé s'est complu dans l'expression de la foi à un moment donné. Et quelque part, les premiers vers de Mallarmé permettent d'identifier ce qu'il y a d'affectation dans son art à partir d'une production non hermétique des plus lisibles. Dans les notes, Mondor et Jean-Aubry précisent toutefois que le poème s'inspire plutôt de Louis Racine que de Lamartine, ce qui a du sens. Le modèle classique d'un Louis Racine est plus prégnant, se justifie bien ici, mais cela n'exclut pas d'identifier un Mallarmé encore dans une période lamartinienne de son existence poétique, ça va de pair.
On relève aussi déjà cette manière de syntaxe épouvantable propre à Mallarmé :
Enfant, dans le Dieu de l'enfance
Qu'a su charmer ton innocence,
Dans cet hymen mystérieux
De la force et de la faiblesse
Ne vois-tu pas, ô douce ivresse !
Un prélude au bonheur des cieux ?
Le raccord de "dans le Dieu de l'enfance" n'est pas très heureux.
Nous nous retrouvons ensuite un an plus tard, et dans la succession des poèmes ainsi présentés nous avons l'épreuve de la mort qui semble mettre un terme à la foi pieuse. Nous avons deux pièces conséquentes en alexandrins qui se font écho : "Sa fosse est creusée !..." (titre et non incipit) puis "Sa fosse est fermée".
Le poème "Sa Fosse est creusée !..." est subdivisé en trois parties numérotées par des chiffres romains I, II et III. Nous avons une dominante d'alexandrins et de quatrains, mais cela est un peu irrégulier. Au début de la partie II, nous avons une insertion lyrique d'un dizain (au sens classique ABABCCDEDE, pas coppéen) en vers de huit syllabes, et notez que dans ce dizain à côté du quatrain ABAB le sizain a une forme plutôt réservée aux tercets de sonnet : CCDEDE au lieu de CCDEED. Dans le troisième mouvement, les deux derniers quatrains ont un vers final court, mais l'un a un vers de six syllabes : "- Et moi, je maudirai !", et l'autre un vers de huit syllabes : "Combien faut-il donc de nos pleurs !"
Pour moi, la forme et le fond du poème témoignent nettement d'une influence lamartinienne. Le traitement un peu laxiste de la forme fait songer à Lamartine et Musset. L'insertion du dizain lyrique est complètement d'obédience lamartinienne.
Dans leurs notes, Mondor et Jean-Aubry précisent que le critique Albert Thibaudet avait montré que les deux poèmes de jeunesse de Mallarmé "Sa fosse est creusée"/"Sa fosse est fermée" s'inspirent des Contemplations de Victor Hugo et précisément des poèmes "Charles Vacquerie", "A Villequier" et "Claire". Je suis d'accord avec ce constat, j'ai identifié des vers inspirés d'Hugo qui concernent aussi "Les Etrennes des orphelins". Toutefois, j'insiste tout de même sur un point. Hugo n'a pas de laxisme dans la forme et il s'inspire lui aussi de Lamartine, jusqu'au titre Contemplations d'ailleurs. La référence à Hugo n'exclut bien sûr l'évidente apparence lamartinienne des deux compositions de Mallarmé, d'autant plus que la révolte contre Dieu chez Lamartine a souvent une apparence sui generis qui pour moi ne transparaît pas dans la poésie hugolienne. Lamartine, c'est le poète qui écrit "Le Désespoir" puis qui va se faire pardonner son blasphème en plaçant le poème dans un recueil où un poème moins percutant fait la critique nécessaire du blasphème. On sait tous que le mystique chrétien a le droit de douter de Dieu : sainte Thérèse d'Avila ou autre, etc. Or, Lamartine, qui n'est pas un mystique chrétien, est souvent très suspect dans la composition retorse de ses recueils. Les poèmes les plus importants sont ceux de la fascination pour la révolte et pour la mort, il ne faut pas prendre les lecteurs pour des idiots. Je pense que même s'il s'inspire de Victor Hugo Mallarmé donne un sens à ses vers qui est plus proche de ce qu'un lecteur révolté contre Dieu peut retenir de savoureux à la lecture de Lamartine et de Musset.
Oui, à la lecture des vers, la syntaxe hugolienne prédomine tout de même sur le modèle lyrique lamartinien. On relève aussi de nombreux vers où se développe la manière de Mallarmé, que je ne trouve pas génial, plutôt maladroite, mais qui va devenir sa marque de fabrique, ce que je ressens comme une écriture alambiquée parce qu'à la va comme je te pousse :

Elle aura vu tomber son front, où l'auréole
Qui d'ans en ans pâlit étincelait encor !

Il sera dit, - malheur ! - que, fleuri sous ta serre
Son berceau, frêle espoir, fut son cercueil un jour,
Sans avoir vu dans l'ombre errer un nom d'amour !

Non ! - sa joue est de flamme et son sein s'aërise !

N'ornes-tu pas son front qu'afin qu'elle s'envole ?

Les rejets à la Hugo sont un peu abrupts ici, ou l'enjambement du troisième vers cité ci-dessous :

Elle aura vu tomber son front, où l'auréole

Non ! - la rose qui naît sur une tresse blonde
Au bal, [...]

Qu'un céleste reflet luit à ton front, tu pleures... -

Je relève tout de même la tournure particulière du vers suivant, un effet de pirouette hugolienne à la césure :

Heure par heure, glisse un pas dans les ténèbres :
et puis, j'ai un peu le sentiment d'une jonglerie mal assurée avec les mots grammaticaux et les pronoms qu'il faut placer pour donner de l'espace aux hémistiches :
Dépouille-t-elle ici ce qu'elle y doit laisser ?
J'y sens une circulation tâtonnante.
La prosodie du vers suivant est elle aussi déconcertante :
Il sera dit qu'honni tu gardes ton tonnerre !
Dans "Sa fosse est fermée", nous avons au dernier vers, un "couche-m'y" de futur professeur d'anglais :
Couche-m'y, sombre mort, je ne sais vivre seul !

J'ai un peu l'impression qu'avec le temps Mallarmé a transformé ses faiblesses-là en forces. Il est parti d'une base maladroite qui lui plaisait bien, qu'il a acceptée, et il en a fait une forme d'exhibition affectée qui avait son charme.
Ces poèmes sont intéressants à observer de près car ils donnent une idée des thèmes poétiques qui pouvaient dominer un esprit de lycéen de dix-sept ans à l'époque. Nous savons que "Les Etrennes des orphelins" ou "Credo in unam" sont des pièces de Rimbaud qui ont une origine scolaire. Et le poème "Les Premières communions" est aussi lié au fait que Rimbaud soit un adolescent, il y a peu encore scolarisé, et pas encore émancipé du foyer familial avec la mère pieuse. Il y a douze ans d'écart entre Mallarmé et Rimbaud, et on peut faire des parallèles sociaux entre leurs premiers poèmes. Le thème de l'orphelin, le thème de la communion, le motif de la mort avec l'espoir en l'au-delà ou non, on voit les échos, et forcément Hugo avec le poème "Claire" est à envisager à deux reprises comme source, un Hugo qui s'inspire du poème de Jean Reboul à l'origine des "Etrennes des orphelins" dans pas mal de pièces des Contemplations, dont "Claire". Le poème "La Prière d'une mère" est dans la continuité, il date lui aussi de juillet 1859 comme "Sa fosse est fermée!" Et le poème qui parle de "Harpe" est clairement dans l'esprit des Harmonies poétiques et religieuses de Lamartine. Cependant, Mallarmé reproche la mort des êtres chers à Dieu et dénonce son sourire qu'il communique à l'univers au mépris de ceux qu'on oublie. On cerne un Mallarmé encore sous l'influence du métier d'un Lamartine et d'un Hugo, mais avec une prédisposition à la révolte radicale qui annonce son penchant baudelairien. Musset n'assumera pas pleinement la révolte, Lamartine la refoulera. A partir de la découverte des Fleurs du Mal, qu'elle ait eu lieu en 1857 même ou pas, ou après juillet 1859, éventuellement, Mallarmé va rapidement adopter un nouveau maître.
Le poème "L'Enfant prodigue" signifie le tournant baudelairien de Mallarmé, il n'est pas daté dans mon édition. On suppose en général que ce poème date de 1862. Nos éditeurs penchent pour l'année 1861 même sous prétexte que le style baudelairien doit résulter de la lecture de la seconde édition des Fleurs du Mal parue cette année-là. Mais, comme tous les poèmes qui suivent sont autant saturés d'emprunts à Baudelaire, l'argument n'est pas recevable. On peut dire que le poème est postérieur à la seconde édition du recueil de Baudelaire en 1861, mais on ne sait pas si c'est de 1861 même, de 1862, voire plus tard. Gouvard a considérée comme acquise l'année 1862 dans Critique du vers.
Pour moi, l'important, c'est que Mallarmé écrive après la découverte des Fleurs du Mal. Peu importe le moment précis. Certaines conclusions s'imposent et auraient dû s'imposer plus nettement à Gouvard. Mallarmé va produire de premières césures audacieuses en même temps qu'il ne cesse d'emprunter à Baudelaire, à la limite du plagiat. Donc, Mallarmé ne fait que surenchérir à partir de l'exemple donné par le recueil de 1861 de Baudelaire, et j'insiste sur la référence à la seconde édition, puisque de 1855 à 1857 les césures chahutées publiées par Baudelaire sont peu nombreuses, peu fréquentes.
Le poème "L'Enfant prodigue" est composé de cinq quatrains en deux parties numérotées I et II. Le poème est saturé d'emprunts à Baudelaire, dois-je répéter et le premier vers du troisième quatrain est une démarcation du vers : "A la très belle, à la très bonne, à la très chère" avec césure sur le même article défini "la" :
O la mystique, ô la sanglante, ô l'amoureuse,
[...]
La forme de trimètre découle mécaniquement du modèle suivi et il s'agit même d'un choix exprès. Lisez "L'Enfant prodigue", et vous n'aurez aucun mal à identifier les citations "Le Gouffre", "La Géante", "l'amour est une orange sèche", "un vieux parfum", "Un fétide torrent de fard mêlé de vin !", "Quel Dmon te tordait le soir...", "Je veux plonger ma tête", etc., etc.
Le poème "Galanterie macabre" est du même ordre : "Dans un de ces faubourgs où vont des caravanes..." Il est clair qu'il s'agit de reprendre un maximum d'éléments pour sonner comme Baudelaire.
Je relève un entrevers pourtant pas tellement baudelairien dans l'exécution : "presque / En gésine", encore que ! Et il est suivi par la césure sur le mot "comme":
- Sans sacrements et comme un chien, - dit sa voisine.
 Il y a plusieurs "comme" à la césure dans l'édition de 1861 des Fleurs du Mal, ce qui n'était pas le cas auparavant (1855-1857). Le "comme" à la césure apparaît aussi en 1855 chez Leconte de Lisle, et il y en a une vingtaine d'occurrences hugoliennes auparavant. La volonté de ressembler à Baudelaire est ici patente, j'ignore à quel point Mallarmé ignorait les antériorités hugoliennes au moment de composer son poème. Je remarque un emploi en suspens à la rime de l'adverbe "puis", ce qui est spécifiquement hugolien. Le dernier quatrain exhibe l'équivalent de ce "Puis", un "Mais" à la rime procédé de Corneille à la césure dans Suréna, mais aussi par Hugo et bien sûr par Banville dans le premier poème des Odes funambulesques de 1857 "La Corde roide".
Or, l'autre césure audacieuse du poème "Galanterie macabre" est précisément sur la préposition "sous". Même si Mallarmé pouvait ignorer son emploi à la rime dans Marion de Lorme de Victor Hugo, il a pu l'identifier dans "Le Beau navire" de Baudelaire et il peut savoir que c'est la toute première audace en date de Leconte de Lisle dans son recueil de 1855 au côté d'un "comme" à la césure.
En clair, le poème "Galatnerie macabre" fait la recension de premières césures audacieuses que Mallarmé a relevées à la lecture, il choisit "comme", "sous", "puis", "mais" et le trimètre avec "la", donc il montre qu'il a une idée à peu précise des vers emblématiques qui sont en train de peser dans l'évolution en cours des césures.
Mallarmé prend soin aussi de jouer avec la référence superposée du trimètre, mai référence instable qui peut se dissoudre en simple allure ternaire non symétrique :

Rire le cuivre, et, sous la pluie, un brin de buis...

Par la lucarne, avec une échelle, à grands pas.
On ne va pas inventer que Mallarmé prend déjà confiance et qu'il sait déjà assouplir le trimètre en semi-ternaire. Si Mallarmé pratique en même temps le trimètre et l'allure ternaire asymétrique, et cela dès ses débuts dans les césures audacieuses (dès son deuxième essai), c'est que le semi-ternaire n'est qu'une illusion rétrospective créée par la critique littéraire. Le vers qui commence ainsi "Par la lucarne", n'est pas un semi-ternaire avec un hémistiche de quatre syllabes. La forme de quatre syllabes est un résidu de l'évitement du trimètre, pas une espèce de garde-fou nécessaire. Puis, les probabilités d'avoir un trimètre ou d'avoir un semi-ternaire potentiel soit 48 soit 84 sont bien distinctes, sont incomparables même en principe.
Je remarque enfin que les enjambements sont beaucoup mieux justifiés désormais sous la plume de Mallarmé : "Dont le matin rougit + la flamme", "Dont le rêve me hante + encore", "presque / En gésine", "et comme + un chien", "Montre le mur blafard + par ses trous", "Toutes chaises attendent + la bière", "il est permis qu'on meure / Pauvre", etc. Mallarmé a désormais appris le métier des enjambements, et cela par imitation de Baudelaire et aussi d'Hugo : "Montre le mur blafard + par ses trous". Il comprend mieux la logique sémantique, la logique grammaticale, la logique énonciative qui permet de justifier les audaces métriques, de les faire passer naturellement dans un poème. Il progresse aussi au plan prosodique avec le cas d'enjambement harmonisé qui suit :
Dont la cire a déjà pleuré plus d'un mort, puis[...]
Il sait que la forme ciselée "pleuré plus d'un mort" permet de maîtriser les heurts à la césure et à l'entrevers.
Mais quelque chose ne vous a pas fait tiquer dans les vers que je viens de citer :

Trois chaises attendent la bière : un cierge, à terre,
[...]
On attribue à Rimbaud avec le poème "Qu'est-ce pour nous, mon Coeur,..." les premières césures lyriques au sens fort du terrme de la poésie française depuis Villon, depuis leur proscription à l'époque de Jean Lemaire de Belges. Or, ici, nous en avons une sur "attendent".
Cornulier et Gouvard n'ont pas relevé ce vers. Ai-je affaire à une coquille ?
Pour l'instant, j'en suis là. Je n'ai pas la réponse. Quelque chose m'échappe. En tout cas, intuitivement, je perçois que "L'Enfant prodigue" et "Galanterie macabre" sont deux poèmes contemporains l'un de l'autre. Le poème est daté sur un manuscrit de 1861, manuscrit qui est la propriété de l'éditeur même Henri Mondor. Celui-ci prétend minimiser la référence à Baudelaire, au profit de Gautier, il a visiblement manqué de sens de l'observation. La versification renvoie exclusivement à Baudelaire, et un emploi à la rime du mot "lésine" suffit à prouver les préoccupations de Mallarmé.
Vu que Gouvard tient compte de vers des poèmes "Galanterie macabre" et "L'enfant prodigue" dans Critique du vers, je ne comprends pas pourquoi il n'est pas question de la césure lyrique camouflée orthographiquement "attendent" dans son analyse, ni dans celle de Cornulier auparavant, mais peut-être que Cornulier a écarté ce vers. Une coquille pour "attendant", moins probablement pour "attendaient" ?
Je dois mener des recherches à ce sujet.

A suivre !

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Un instant tout de même ! Quelques autres points intéressants à commenter.

Dans Critique du vers, Gouvard cite les alexandrins "CP6" de Mallarmé pour la période qu'il délimite de 1861 à 1863.
Gouvard date de 1861 le vers : "Rire le cuivre, et, sous la pluie, un brin de buis..." et de 1862 le vers "O la mystique, ô la sanglante, ô l'amoureuse
Il s'agit des deux vers commentés plus haut.
Puis il cite trois autres vers, je les rapporte tels que Gouvard les fournit :

1862 Ni les bonbons, ni les carmins, ni les Jeux mièvres,
1862 S'ils sont vaincus, c'est par un ange très puissant
1863 Se traîne et va, moins pour chauffer sa pourriture

De cette liste de cinq vers, Gouvard affirme que Mallarmé soutient exprès l'audace à la césure par le recours au trimètre ou une forme approchante le semi-ternaire.
Le premier vers joue sur le trimètre comme on le voit par l'assonance du digraphe "ui" :

Rire le cuivre, et, sous la pluie, un brin de buis...
La question ne se pose pas pour les deux vers "O la mystique..." et "Ni les bonbons..."
Les deux derniers vers seraient des semi-ternaires 48 : "S'ils sont vaincus..." / "Se traîne et va". Celui de 1863 est potentiellement lisible en trimètre : "Se traîne et va, / Moins pour + chauffer / sa pourriture", sans que ce ne soit évident à cause du manque de naturel si on respecte l'effet cherché à la césure, le respect de la césure normal favorisant de lire d'une traite "chauffer sa pourriture". Le vers "S'ils sont vaincus..." aurait une césure à l'italienne sur le mot "ange", donc pour moi ce n'est pas cohérent, mais Cornulier et Gouvard acceptaient (ou acceptent) l'idée pour les ternaires dans leurs modèles théoriques.
Gouvard lâche tout de même une information essentielle : Gouvard comprend que mallarmé s'inspire directement de vers de Baudelaire, puisqu'il l'admire, et il cite pas le même trimètre que moi tout à l'heure, il cite un ternaire approximativement trimètre :
O ma si blanche, ô ma si froide Marguerite ?
Je pense que c'est plus exactement une mélange d'influence des deux vers de Baudelaire : "A la très-belle,..." et "O ma si blanche..."
Mais comparez avec ma démarche tout à l'heure, j'ai réfuté l'idée que le trimètre était vécu comme une nécessité en citant un vers avec une césure sur une préposition dissyllabique, ce que Cornulier et Gouvard ne prennent pas en compte alors qu'il s'agit malgré tout de césures chahutées à l'époque, à un degré moindre, mais de manière bien réelle tout de même avec tout ce que cela suppose de dérangeant pour l'harmonie.
Heureusement, même dans un cadre exclusivement "FMCPs6", j'ai des contre-arguments chronologiques à apporter à la pseudo-statistique de Critique du vers, vrais démentis, vrais contradictions apportées au système. Et j'ai remis en cause la datation de deux trimètres clefs de madame Blaznchecotte qui passent de 1855 à 1871.
Je passe à un autre problème. Le vers : "Ni les bonbons, ni les carmins, ni les Jeux mièvres" a plusieurs variantes et celle de Gouvard n'apparaît dans mon édition. Il s'agit d'un vers du poème "Placet" devenu "Placet futile".
Le poème "Placet futile" figure à la page 30 de mon édition avec un vers bien différent :
Ni la pastille ni du rouge, ni jeux mièvres
 Je pense que ce vers est la version définitive suite à un remaniement à la fin de la décennie 1880. Le titre "Placet futile" est tardif et postérieur à des échanges avec Verlaine pour "Les Poètes maudits".
Dans la section des Notes et variantes, la rubrique consacrée au poème va du bas de la page 1414 au milieu de la page 1416. Nous apprenons que ce fut le premier sonnet publié par Mallarmé le 25 février 1862 dans un numéro du Papillon. Le titre n'était que "Placet". La version initiale nous est livrée et le vers ne correspond pas à la leçon fournie par Gouvard :

Ni ton bonbon, ni ton carmin, ni tes jeux mièvres,
Le poème a ensuite été publié dans Les Poètes maudits par Verlaine, mais en 1883 seulement dans la revue Lutèce, et parmi les variantes, nous avons pour ce vers :
Ni tes bonbons, ni ton carmin, ni tes jeux mièvres,
et on le voit à trois reprises nous avons un vers différent de la citation de Gouvard !
Il y a eu encore d'autres publications en revue, mais là j'ai un petit problème. Gouvard cite-t-il un manuscrit inédit de 1862. L'un ou l'autre, Gouvard ou Mondor, éditerait mal le vers en question tel qu'il a été initialement publié ?
Je vais essayer de trouver  ça sur Wikisource, déjà.
A suivre ! 

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EDIT : 18 janvier 11h : Il y a des facs-similés de numéros de la revue Le Papillon sur le site Gallica de la Bnf, mais je ne trouve que la page de sommaire du numéro du 25 décembre 1862 avec mention de Mallarmé et de la poésie qui y est publiée sous le titre "Placet". Impossible pour moi d'accéder au fac-similé du poème. La mise en ligne semble avoir été faite en dépit du bon sens.

 
Vous remarquerez une contradiction : Nous avons bien affaire au fac-similé de la revue Le Papillon le 25 février 1862, mais il a été classé au 25 décembre 1862, jour de Noël, sur le site Gallica.

Voici un lien pour consulter une mise en ligne des deux versions de 1862 et 1887 à défaut du fac-similé lui-même. Le texte donné est identique à celui de Mondor et Jean-Aubry dans les "Notes et variantes" du volume de La Pléiade, moyennant une correction des traits pour les attaques de tercets après "Nommez-nous", sauf pour le vers qui nous occupe. Je cite la version en ligne du lien ci-dessous :

 Ni tes bonbons, ni ton carmin, ni tes jeux mièvres,

Lien du site de Fontainebleau qui offre une transcription du poème paru en 1862 !

 "Ni tes bonbons" (Fontainebleau) contre "Ni ton bonbon" (Pléiade Mondor), leçon "Ni tes bonbons" qui serait celle de la publication de 1883 dans la revue Lutèce au sein des Poètes maudits. La transcription de Gouvard semble sortir de nulle part.

Soit, le site de Fontainebleau fournit la version de 1883 en l'assimilant à celle de 1862, soit La Pléiade a commis une coquille "ton bonbon", mais soit Fontainebleau, soit La Pléiade a raison. Le mot "carmin" a toujours été au singulier, et il y avait des possessifs et non des articles définis.