vendredi 22 avril 2022

Petite réaction à l'article "Mise au point sur les rapports entre Verlaine et Rimbaud" de Jacques Bienvenu

Récemment, Jacques Bienvenu a publié un article sur le poème "Est-elle almée?" où un de mes derniers articles était cité, et ce vendredi, il a mis en ligne un nouvel article où il fait un nouveau renvoi à la lecture du poème "Est-elle almée ?" pour lequel aucun rimbaldien n'envisagerait la lecture selon le prisme d'une influence verlainienne. Il ne s'agit pas ici d'une réaction polémique, mais si on lit mon article sur "Est-elle almée ?" puis ceux de Bienvenu on peut avoir l'impression qu'il y a un choix à faire entre une lecture tenant compte d'un pour moi probable intertexte du côté de Lord Byron et une lecture avec influence de Verlaine, et il n'est pas question pour moi d'entrer dans cette alternative.
Donc je vais un peu clarifier les lignes du débat ici.
Voici d'abord les liens des articles en question.
Pour commencer, il y a eu le 27/01/2022 un avertissement de mise en ligne d'Alain Bardel qui traite de ce poème dans son "Anthologie commentée". Je précise que quand j'ai publié mon article sur "Est-elle almée ?" je n'avais pas fait attention qu'il y avait un article récent sur ce poème de la part de Bardel. C'est une pure coïncidence. Il se trouve que j'ai découvert dans une librairie l'édition bilingue en Poésie / Gallimard de poèmes de Byron, dont Le Corsaire, et inévitablement je l'ai acheté et suis allé le lire dans un café d'Avignon. Non vacciné, j'étais content de retrouver ce genre de moments. Je souhaite depuis des décennies lire un maximum d'ouvrages traduits de Lord Byron. J'arrive à lire en anglais, mais je suis désolé, pour moi rien ne vaut le confort de la lecture en français. Même pour les films, je préfère qu'ils soient doublés plutôt qu'en version originale. J'aime bien de ne pas avoir les sous-titres et de me concentrer sur les images. Je sais bien que le doublage parisien français ça n'assure pas trop pour les westerns américains, mais à un moment donné je m'en moque de ce purisme des voix originales. J'aime bien de voir des films en italien, parce que c'est la plus belle langue du monde. Oui, l'anglais, à force, je peux à peu près suivre sans sous-titres. Mais j'en ai marre des puristes, j'ai horreur de ça. Bref, fin de la digression. Et donc, dans le cas du "Corsaire", je soupçonnais depuis longtemps que le poème de Rimbaud y faisait référence. Je sais bien que ça a déjà été dit, mais moi je considérais que c'était une piste sérieuse. En plus, je pourrais avoir pour deux euros Le Corsaire rouge. Je verrai pour cette piste-là plus tard. Revenons dans notre café où nous lisions le tome de Byron en Poésie / Gallimard. J'ai alors trouvé énorme qu'il y ait une mention des almées dans le poème "Le Corsaire", car malgré ma quantité de lectures énormes d'ouvrages du dix-neuvième siècle ce n'est pas un nom qui court la littérature tant que ça.


Voici maintenant les liens pour lire les deux articles de Bienvenu.



Je vais donc réagir surtout au dernier article et développer mes positions dans le débat.
Je suis plutôt d'accord avec l'essentiel de l'article et je me suis déjà moi-même exprimé sur plusieurs points.
Il y a d'abord des évidences. En 1870, Rimbaud n'est rien sur la scène publique, et quel que soit le mérite des poèmes qu'il a déjà composés, il ne peut pas préjuger de l'écriture du "Bateau ivre" ou des Illuminations pour se sentir supérieur à un quelconque poète en vue contemporain. Du moins, ça ne peut pas être aussi simple pour Rimbaud de se considérer meilleur que les autres, surtout que sa poésie se nourrit énormément de modèles parmi lesquels Hugo et Banville.
Rimbaud a le choix d'un certain nombre de poètes et il est sensible qu'il préfère Verlaine à d'autres. Le problème éternel, c'est qu'en même temps que Rimbaud a la pertinence de préférer Verlaine il se trouve qu'il est en contact avec un ami de Verlaine, Bretagne. Une rencontre a comme favorisé cette préférence. Mais peu importe que le réel ait favorisé cette préférence, on peut faire confiance à Rimbaud : son intérêt pour la poésie de Verlaine était parfaitement sincère. Il cite alors le recueil des Fêtes galantes. Pour le recueil La Bonne chanson, il invite Izambard à l'acheter, mais l'ouvrage n'aurait été diffusé dans les librairies qu'après la guerre. Ceci dit, l'ouvrage a été mis sous presse au cours de l'été 1870 ou non ? Car il n'est pas exclu que Bretagne ait eu un exemplaire dédicacé. Notons que à la fin du mois d'août 1870 Rimbaud fugue à Paris. Il devait avoir une idée de gens avec lesquels entrer en contact, et forcément Banville et Verlaine devaient être les deux premiers poètes qu'il espérait rencontrer. On a l'impression que Bretagne a dû chauffer Rimbaud pour monter rapidement à Paris. Mais, sans spéculer, il demeure intéressant de méditer sur la possibilité pour Rimbaud ou non d'avoir lu La Bonne chanson.
Je cite tout de même des coïncidences que, personnellement, je trouve extrêmement troublantes.

Rimbaud a composé en octobre 1870 un sonnet intitulé "Rêvé pour l'hiver" qui s'inspire du poème de clôture des Cariatides de Banville "A une Muse folle", mais dont le premier vers a une césure sur la préposition "dans" alors qu'il est question d'un voyage en train. J'ai du mal à croire que les loups noirs vus par la glace, etc., et ce premier vers du sonnet rimbaldien ne s'inspirent pas du septième poème de La Bonne chanson qui, du coup, serait la seconde ou troisième source à "Rêvé pour l'hiver" après "A une Muse folle" de Banville" et "Au désir" de Sully Prudhomme.
J'ai souligné à quelques reprises l'influence sur "Rêve pour l'hiver" de "A une Muse folle" de Banville et "Au désir" de Sully Prudhomme. La plus récente mise au point se trouve dans un article paru dans le numéro 60 de la revue Rimbaud vivant en 2021 : "La versification tactique [...]", p. 99-127. J'ai déjà indiqué à quelques reprises mais sans m'y appesantir cette coïncidence d'un couple césure sur "dans" au premier vers et thème du train dans le cas du poème "Rêvé pour l'hiver" et du poème VII de La Bonne chanson. Je cite le poème de Verlaine :
Le paysage dans le cadre des portières
Court furieusement, et des plaines entières
Avec de l'eau, des blés, des arbres et du ciel
Vont s'engouffrant parmi le tourbillon cruel
Où tombent les poteaux minces du télégraphe
Dont les fils ont l'allure étrange d'un paraphe.

Une odeur de charbon qui brûle et d'eau qui bout,
Tout le bruit que feraient mille chaînes au bout
Desquelles hurleraient mille géants qu'on fouette ;
Et tout à coup des cris prolongés de chouette.

- Que me fait tout cela, puisque j'ai dans les yeux
La blanche vision qui fait mon cœur joyeux,
Puisque la douce voix murmure encore,
Puisque le Nom si beau, si noble, et si sonore,
Se mêle, pur pivot de tout ce tournoiement,
Au rhythme du wagon, brutal, suavement.
On voit qu'une source n'exclut pas l'autre, je vous invite à lire en regard de "Rêvé pour l'hiver" les deux poèmes de Banville et Sully Prudhomme. Ce n'est pas parce que j'ai déjà deux sources que je vais m'interdire l'identification d'une troisième. Or, le premier vers de "Rêvé pour l'hiver" nous offre le mot "wagon" et la césure sur la préposition "dans". Le mot "wagon" est au dernier vers du poème de Verlaine et on peut considérer que la césure sur "dans" dans le poème de Verlaine signifie le sursaut, tout un cahot qui surprend le voyageur en train, et ce cahot est initial pour le lecteur des alexandrins de Verlaine et c'est un élément important de la lecture du poème puisque le dernier vers explicite quelque peu le caractère paradoxalement agréable des soubresauts : "Au rhythme du wagon, brutal, suavement." Je n'ai pas modernisé l'orthographe de "rythme" dans la citation, peu importe. En revanche, il est clair que si on prête un tant soit peu attention aux césures le premier vers heurte la sensibilité. C'est une sorte de faux départ en alexandrins : "Le paysage dans..." Permettez qu'on appelle la césure un repos et qu'on s'en serve de manière métaphorique comme les poètes du dix-neuvième. Là, il y a un à-coup, un suspens violent, c'est la brutalité du rythme du wagon qui est ainsi introduite dans la lecture même des vers, et cela finira par passer "suavement". On sent bien que Verlaine a médité la relation du premier et du dernier vers de son poème. C'est la césure la plus osée de tout le poème, qui plus est. Après, Verlaine use d'autres ressources, jeu sur les [r], jeu sur les virgules, étirement d'adverbes en "-ment", etc.
Rimbaud qui est un poète n'est pas idiot, il a vu ce qu'a fait Verlaine et il l'a reconduit dans "Rêvé pour l'hiver", il lui fait du moins un clin d'œil, c'est très net dans le premier vers :
L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose
[...]
Evidemment, on va me répliquer que je m'avance beaucoup, puisque Rimbaud n'a pas pu lire La Bonne chanson en librairie.
Certes ! Mais il a pu lire ce recueil chez Bretagne ou non ? Car je vais quand même souligner d'autres points. Je n'ai pas passé en revue toutes les allusions qu'il y aurait dans des poèmes de Rimbaud aux vers du recueil La Bonne chanson, mais il va de soi que la quasi-totalité sont considérées comme conjecturales dans le milieu rimbaldien. C'est pour cela que je regrette énormément le manque de réactivité des rimbaldiens à faire un traitement des sources proposées. Plusieurs rimbaldiens proposent des sources, mais si l'auteur de l'article est convaincu par ce qu'il avance qu'est-ce qu'il reste une fois l'arbitrage exercé par l'ensemble des rimbaldiens ? Cette source que j'identifie n'est pas plus faible que les autres, son seul tort c'est que nous ne sommes pas sûrs que Rimbaud ait lu La Bonne chanson en 1870. C'est quand même un peu court. La mise au point sur la mise sous presse et la diffusion d'exemplaires de La Bonne chanson reste assez floue dans les milieux de rimbaldiens et verlainiens. Et puis il y a le reste. Après cette magnifique coïncidence d'un couple thème du wagon et préposition "dans" à la césure, nous relevons dans le poème de Verlaine une description d'un spectacle extérieur fantasmé avec des hurlements de géants. Le second quatrain de Rimbaud est là encore pleinement en phase avec la description de Verlaine. Les hurlements de géants cèdent la place à "démons noirs" et "loups noirs", loups noirs qui entrent en résonance avec le verbe "hurler" du poème de Verlaine. Dans "Rêvé pour l'hiver", la femme ferme l'œil pour ne pas voir les laideurs "par la glace". Dans le poème de Verlaine, c'est la vision et l'écho du nom de la femme aimée qui chasse la vision de l'extérieur : "Que me fait tout cela, puisque j'ai dans les yeux..." Les symétries entre les deux poèmes sont décidément remarquables.
Il faut ajouter que ce poème de La Bonne chanson peut avoir une importance rimbaldienne plus ample. Dans "Nocturne vulgaire" où, à cause de la mention "maison de berger" il n'est pas absurde de penser au trajet en train, même s'il est question de carrosse, de corbillard, on a quelque chose de l'avant-dernier vers verlainien : "Se mêle, pur pivot de tout ce tournoiement", sachant que le titre "Nocturne vulgaire" a l'air de retourner le titre "Nocturne parisien" des Poèmes saturniens. Et le motif du train est très présent dans plusieurs poèmes des Romances sans paroles, tout particulièrement dans la section "Paysages belges". Or, si on sait que le poème "Michel et Christine" entre en résonance avec le poème "Malines", il est question d'engouffrement dans "Michel et Christine" tout comme dans ce poème VII de La Bonne chanson. Un aspect de "Michel et Christine", c'est de présupposer une description à partir d'un voyage en train. Et je rappelle que en juillet 1872 Verlaine et Rimbaud ont fugué pour la Belgique, que Mathilde est allée à la rencontre de son mari pour le faire revenir et que celui-ci l'a plaquée sur un quai de gare.
En clair, on voit se dessiner des échos à long terme entre les deux œuvres de Verlaine et Rimbaud.
J'ai une autre coïncidence troublante à mobiliser.
Dans "Le Rêve de Bismarck", tel qu'il a été publié, puisque au vu du récit dont a témoigné Delahaye, on peut soupçonner que le texte a été remanié par Jacoby, nous avons un mouvement de la main de Bismarck qui se veut gracieux, mais le récit ironique fait entendre qu'il n'en est rien, et Rimbaud emploie alors l'adverbe "imperceptiblement". Et cet adverbe est associé précisément au mouvement d'un doigt présenté comme délicat, l'index de Bismarck. Je cite l'extrait qui m'intéresse :

   Bismarck médite. Son petit doigt crochu chemine, sur le vélin, du Rhin à la Moselle, de la Moselle à la Seine ; de l'ongle, il a rayé imperceptiblement le papier autour de Strasbourg : il passe outre.
Nous nous étions arrêtés à des remarques à propos du septième poème de La Bonne chanson. Après le huitième poème qui se finit par l'évocation du nom "carlovingien" de Mathilde, le poème IX m'a tout l'air d'être une source au passage que je viens de citer du "Rêve de Bismarck", et je pense au dernier vers qui associe le "pied" forcément considéré comme petit à l'adjectif final "imperceptiblement".
J'ai énormément de mal à croire à une pure coïncidence. Le "imperceptiblement" du "Rêve de Bismarck" a une résonance verlainienne que je trouve bien sensible.
Mais, pour renforcer ce sentiment, j'ajoute que le même poème IX de La Bonne chanson a de fortes chances également d'avoir inspiré le poème "Roman". Et dans les deux cas, "Roman" ou "Le Rêve de Bismarck", ce sont les deux derniers vers du poème verlainien qui entrent en résonance. On peut hésiter à citer le poème "Première soirée" également. Il y a du moins des parallèles sensibles sur un thème érotique. L'idée du petit chiffon blanc, du trottinement des pieds dans "Roman", et dans "Première soirée", la belle agit "Malinement" et cache ses "petits pieds". Il y a un air de mutinerie féminine commun aux trois poèmes. Le déliement adverbial "imperceptiblement" résonne quelque peu dans "Roman" : "Comme elle vous trouve immensément naïf". Il y a un jeu stylistique quelque peu parent qui ressort.
En clair, la critique rimbaldienne ne peut pas balayer d'un revers de main la possibilité pour Rimbaud d'avoir lu le recueil La Bonne chanson un an avant tout le monde et de s'en être inspiré.
On sait par ailleurs que Rimbaud fait allusion nettement à une rime en "-ote" des Fêtes galantes dans le poème "Les Effarés", composition douaisienne datée et ainsi admise comme contemporaine de "Roman".
Pour l'année 1870, si Rimbaud s'inspire de vers de Verlaine, c'est en tant qu'admirateur, nécessairement.
En 1871, il existe une grosse énigme. Rimbaud est allé à Paris du 25 février au 10 mars et il y a rencontré des personnalités littéraires connaissant Verlaine, André Gill dans tous les cas et peut-être bien aussi Vermersch dont Rimbaud dit avoir recherché l'adresse dans une lettre à Demeny. Ce séjour a probablement été l'occasion de contacts littéraires plus étendus que ce que nous pouvons fixer avec certitude, et la possibilité d'une rencontre de Valade et Verlaine n'est pas négligeable. Cette hypothèse peut difficilement être méprisée, car elle peut impliquer une meilleure compréhension de poèmes présents dans les lettres dites "du voyant" : "Mes petites amoureuses" et "Le Cœur supplicié", et expliquer aussi l'espèce de profession contrariée au sujet de Baudelaire "vrai dieu", mais mesquin dans la forme, et le couplage de Mérat à Verlaine en tant que vrais poètes de la nouvelle école.
Toutefois, même en laissant cela de côté, Rimbaud ne va monter à Paris qu'autour du 15 septembre 1871, donc dans tout ce qu'il a composé avant le 15 septembre 1871 Rimbaud ne peut pas avoir glissé des parodies désobligeantes à l'égard de Verlaine.
Une fois à Paris, Rimbaud va avoir une relation privilégiée avec Verlaine, une relation qui va avoir aussi une autre nature que celle d'un échange entre deux poètes. Et aussi, vu les sautes d'humeur de Rimbaud, Verlaine va devenir le seul appui de Rimbaud. Il est par conséquent toujours aussi difficilement envisageable que Rimbaud se soit moqué de Verlaine dans ses derniers poèmes en vers première manière : "Les Chercheuses de poux", etc. Je rappelle que selon Fongaro les "mouches" de "Voyelles" pourraient persifler des mouches dans les prés de poèmes de Verlaine. Quant à l'Album zutique, Jean-Jacques Lefrère et Bernard Teyssèdre n'hésitent pas à décrire dans Rimbaud et le foutoir zutique un Verlaine mis en colère par le poème "Jeune goinfre". On ne rappellera pas toutes les pages du livre de Bernard Teyssèdre où des scènes biographiques inventées, non documentées, font dire à Rimbaud un constant mépris pour les sujets des poésies de Verlaine.
Tout cela ne tient pas.
Pour identifier des moqueries de Rimbaud à l'égard de Verlaine, il ne reste dès lors que trois massifs : Une saison en enfer, Illuminations et les poèmes en vers nouvelle manière de 1872.
Je n'entrerai pas dans le débat ici si les poèmes en vers de 1872 doivent ou non faire partie du recueil Illuminations. Ma pensée est que dans tous les cas le recueil publié par Verlaine mélangeait bien les deux et était bien compris de la sorte par Verlaine et les éditeurs de La Vogue, ce que la critique rimbaldienne, en-dehors de Bienvenu, tend à minimiser. Si ce mélange a eu lieu, c'est qu'il n'y avait pas de consigne claire de Rimbaud pour séparer les deux, puisque parallèlement les poèmes en vers première manière furent eux aussi publiés. Mais passons !
Pour moi, le massif où nous avons le plus de chances de trouver des réactions d'agacement à l'égard de Verlaine, c'est Une saison en enfer. Ceci dit, je trouve très problématique de réduire la lecture de "Vierge folle" à un récit biographique transposé, travesti.
Pour les poèmes en prose, la difficulté est liée à l'énigme de la datation des compositions. Je maintiens qu'il n'est pas normal que nous n'ayons pratiquement aucune composition rimbaldienne entre septembre 1872 et mars 1873, période où Verlaine et Rimbaud sont seuls, isolés du reste du monde des poètes et artistes pour dire vite. On constate aujourd'hui que le poème "Les Corbeaux" est plutôt admis comme ayant été composé dans les premiers mois de l'année 1872. Il y a quand même un abus à envisager que le poème aurait été envoyé en urgence d'Angleterre à des fins de publication dans La Renaissance littéraire et artistique. Nous savons aussi que le dizain "L'Enfant qui ramassa les balles..." est signé "PV" et est donc plutôt un poème de Verlaine recopié par Rimbaud qu'un poème de Rimbaud. Qui plus est, selon le témoignage de Régamey, les deux dizains recopiés par Verlaine et Rimbaud sont plus anciens et donc ne datent pas du mois de septembre 1872. Nous savons que les poèmes en vers "nouvelle manière" de Rimbaud sont peu nombreux à pouvoir se situer dans cet espace de sept mois. "Juillet" et "Michel et Christine" donnent des indices pour penser qu'ils furent composés en juillet-août 1871 en Belgique. Non daté, le poème "Entends comme brame..." ne contient qu'une poignée de syllabes si on peut dire. Et cela vaut aussi pour "Le loup...", "Honte" et "Ô saisons ! ô châteaux !" Le poème "Famille maudite" / "Mémoire" est de plus en plus admis comme ayant été composé avant la fugue belge, et on pense de même pour "Qu'est-ce pour nous, mon Cœur,..."
On n'a rien d'autre à placer pour la période de sept mois de septembre à mars 1873, à part les proses dites "contre-évangéliques" dont certains n'excluent même pas qu'elles aient été composées après Une saison en enfer.
Verlaine n'a jamais parlé d'une œuvre manquante. A cette aune, il est naturel de penser que les Illuminations, en tant que réunion des poèmes en prose et en vers libres, est l'élite des compositions de Rimbaud du séjour belge de juillet-août 1872 à février 1875, à s'en fier au témoignage de la préface de Verlaine qui parle de compositions faites en Belgique, Angleterre et Allemagne. L'idée de compositions allemandes est une exagération probable de Verlaine, mais un indice fort que Bienvenu a raison de considérer que le recopiage final avec Nouveau a dû avoir lieu à Stuttgart. Quant à l'idée de compositions en Belgique en 1873, elle n'est pas crédible au vu d'informations biographiques contraignantes en notre possession.
Fongaro a tendance à considérer que si Rimbaud s'inspire d'une source c'est parce qu'il entretient sa nature railleuse. Rimbaud se moquerait de Verlaine à la fois dans ses poèmes en vers et dans ses poèmes en prose. Je considère que ce propos de Fongaro est une pétition de principe. Il ne faut pas exclure les railleries à l'égard de Verlaine, celui-ci a réagi à la lecture de "Vagabonds" où il s'est reconnu et a dénoncé un persiflage injuste. Toutefois, ma conviction est que les railleries sont plutôt à la marge. Je pense que des poèmes comme "Veillées" témoignent d'un relatif unisson.
Quant aux poèmes en vers du printemps et de l'été 1872, je considère qu'il n'y a aucun plan de moquerie à l'égard de Verlaine. Rimbaud revient à Paris auprès de Verlaine, face à un rejet de tous les autres parisiens pratiquement, en mai 1872. Il fugue avec Verlaine le 7 juillet 1872 et voyage avec lui en Belgique, dans un périple où une épreuve va concerner Mathilde, avec rupture définitive du couple Verlaine, dans un périple où Verlaine laisse bien entendre qu'il fut particulièrement joyeux.
Je ne vois pas dans ces conditions comment Rimbaud pourrait passer son temps à charrier Verlaine par poèmes interposés. La poésie est ce qui rapproche le plus Verlaine et Rimbaud à cette époque.
Passons maintenant à la question des influences réciproques.
Avant la montée de Rimbaud à Paris, à la mi-septembre 1871, il n'est pas raisonnable d'envisager une influence prédominante de Rimbaud sur Verlaine. L'inverse est plutôt vrai.
Ce n'est qu'une fois à Paris que Rimbaud va devenir avant-gardiste, pardon à Baudelaire pour mon emploi du mot, dans le travail de la forme. Les visions deviennent franchement ésotériques, et la métrique des vers subit tous les outrages.
Je ne parlerai pas ici de la nouveauté des visions du "Bateau ivre", sujet trop compliqué qui ne doit pas être traité ici en passant. En revanche, pour le travail sur le vers, Rimbaud suit des devanciers : Hugo, Baudelaire et Banville, et il suit aussi Verlaine. Dès 1870, Rimbaud même s'il cite un entrefilet dans la presse reconnaît à Verlaine un remarquable enjambement de mot à la césure. On peut penser que le poème "Le Mal" y fait un léger écho, mais sans chahut à la césure, avec reprise de l'adjectif "épouvantable" devant le verbe "broie".
Rimbaud est également redevable à Verlaine du travail sur les césures. Or, quand Rimbaud arrive à Paris, il loge chez les Mauté. Il se trouve que Verlaine a daté de septembre 1871 et de ce lieu précisément la copie d'une comédie alors inédite Les Uns et les autres qui se retrouvera dans le recueil Jadis et naguère.
Cette comédie contient un enjambement à la césure qui détache une terminaison verbale tout en décalant une structure grammaticale qui avait été découpée autrement à la césure dans le dernier poème "Colloque sentimental" des Fêtes galantes.
Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne ?
Le poème "Colloque sentimental" est en décasyllabes avec une césure après chaque quatrième syllabe de vers. Cela implique que la césure passe ici sur le trait d'union. Je rappelle que précocement Victor Hugo a pratiqué des césures sur trait d'union dans son théâtre en vers, Cromwell. Il s'agit d'une césure qui reste audacieuse. Ici, l'intérêt, c'est qu'elle détache le pronom "vous" de la base verbale. D'ordinaire, quand il y a une césure audacieuse sur un pronom, le pronom est placé avant le verbe, ce qui est logique dans une phrase déclarative où nous suivons l'ordre sujet et verbe : "Nous vous en prions", "nous", "vous" et "en" sont trois pronoms placés devant le verbe. Ici, Verlaine s'est dit que dans le cas d'une phrase interrogative il y avait moyen de renouveler l'impression choquante de la césure, puisque cette fois le pronom serait rejeté dans le second hémistiche et non suspendu à la fin du premier. En plus, Verlaine a joué sur un écho entre la première syllabe du verbe et le pronom : "vous". Que voilà un rythme brutal, suavement ! pour parodier le vers cité plus haut de La Bonne chanson.
Dans un vers de la comédie Les Uns et les autres, Verlaine décide de décaler encore d'une syllabe la tension entre la même structure grammaticale et la césure. Il faut bien comprendre que normalement la césure naturelle aurait dû être après le pronom "vous". On pourrait imaginer le vers régulier : "Quoi ? Voulez-vous + vraiment qu'il m'en souvienne ?" Nous avons un décalage d'une syllabe dans le cas du vers de "Colloque sentimental". Et finalement une fois qu'on décale d'une syllabe, pourquoi ne pas décaler de deux syllabes ou même décaler fort librement la structure à un autre endroit pour un tout autre effet à la césure ? C'est donc ce que fait Verlaine dans le vers suivant. Le vers est réparti entre deux intervenants que je nomme entre parenthèse dans la citation suivante (scène 3) :
(Rosalinde) Parlez-moi. (Myrtil) De quoi voulez-vous donc que je cause ?
La pièce est en alexandrins et la césure normale de l'alexandrin est après la sixième syllabe du vers. Le découpage de la parole entre deux intervenants permet d'exclure rapidement la recherche d'un trimètre compensatoire.
Verlaine a créé un enjambement de la césure par un verbe dissyllabique. L'engrappement rythmique inviterait à parler d'une structure en minimalement trois syllabes "voulez-vous", mais peu importe, dissyllabe ou trisyllabe, c'est la base du verbe qui est en suspens à la césure "voul" et le rejet s'applique de façon tout à fait spectaculaire sur la simple terminaison verbale "-ez". Pour l'apport de sens, la terminaison "-ez" et le pronom "vous" sont plutôt des éléments redondants. Ils ont la même signification. Par conséquent, je considère qu'il y a soulignement du sens du verbe "vouloir". Je rappelle que dans un verbe il y a la base qui donne le sens du verbe ("voul-" dans le cas présent) et la terminaison ("-oir" ou "-ez") qui permet de cerner la conjugaison en jeu. Ce qui me fait dire que l'effet implique de ressentir un jeu émotif sur la signification du verbe "vouloir", c'est qu'en prime nous avons l'écho syllabique "vou-" de "voulez" à "vous donc".
Mais, même si l'effet de sens est sur la base verbale "voul-", le rejet de la terminaison verbale "-ez" est vraiment ce qui fait de cette césure un acte d'une audace stupéfiante.
Le premier poème en vers nouvelle manière connu de Rimbaud est "Tête de faune". Il est en décasyllabes avec une césure après la quatrième syllabe. Les deux premiers vers donnent clairement cette mesure par l'anaphore : "Dans la feuillée..." Je ne crois pas du tout que le poème "Tête de faune" change de mesure quatrain après quatrain, comme cela semble faire consensus (Cornulier, Rocher, Dominicy, Murphy, etc.), puisque cette hypothèse aboutit à un résultat qui n'est pas plus régulier que celui auquel on prétend remédier. La solution est même moins régulière que celle qui pour moi va de soi, le poème est tout entier avec une césure après la quatrième syllabe.
Or, dans un tel cadre de lecture, comme par hasard, nous identifions un rejet de la terminaison adjectivale "-é" au vers 5 : "Un faune apeur-é" ou "Un faune affol-é..." selon les versions. Et au vers 11, nous avons à l'inverse un contre-rejet du préfixe, mais un préfixe qui se résume lui aussi au phonème "é" : "Et l'on voit é-peuré par un bouvreuil", et comme par hasard "épeuré" est un mot qui entre en résonnance avec "apeuré" (mot de la même famille, même base nominale "peur") et "affolé" (mot de sens proche).
Et le trouble à la césure peut exprimer le sentiment de peur et d'affolement.
La seule autre césure particulière du poème est sur "sanglante" où le mot "sang" est souligné en liaison avec une idée de morsure.
Quoi ? Vous voulez contester la césure au nom d'une incertitude pour "sanglante" ? Ne serait-ce pas jeter avec l'eau du bain ce que nous avons fait remarquer pour "é-peuré" et "apeur-é" ? Vous êtes sûrs d'être des cadors de la poésie en faisant ainsi ?
Bref, moi, je ne perds pas mon temps à douter sur le sujet et je vois que "Tête de faune" premier poème en vers nouvelle manière est influencé à la césure par des antériorités précises de Verlaine. Il va de soi que "Tête de faune" a une source importante du côté de Banville, une autre du côté de Glatigny, deux poètes qui comptaient pour Verlaine, et entre autres détails (titre d'un poème de Mérat et Valade notamment), le poème "Tête de faune" fait inévitablement songer aux Fêtes galantes où figure un poème du "Faune" en non pas trois mais deux quatrains !
La messe est dite, non ?
Passons aux autres poèmes.
Je ne vais pas entrer dans les détails. En gros, en-dehors du poème non daté "Tête de faune", probablement composé au tournant des mois de février et mars avant l'éloignement de deux mois (à moins que ces "vers mauvais" n'aient été envoyés par lettre en avril et recopiés par Verlaine dans la suite paginée connue), les premiers poèmes "nouvelle manière" de Rimbaud sont datés de mai 1872 et ils sont ainsi contemporains de la section "Ariettes oubliées" de Verlaine que celui-ci a daté de mai-juin 1872 dans son recueil Romances sans paroles. Verlaine a publié deux ariettes dans La Renaissance littéraire et artistique. Sans vérifier à l'instant, une a été publiée en mai, et l'autre en juin.
Celle publiée en mai porte en épigraphe les vers d'une ariette de Favart et on peut penser que c'est précisément celle que Rimbaud lui a envoyée fin mars sinon le premier avril 1872.
Il est clair que "Tête de faune" et la lettre du 2 avril de Verlaine à Rimbaud témoigne que Rimbaud est déjà en train de travailler sur sa nouvelle manière avant que Verlaine ne compose sa première des "Ariettes oubliées", mais ce qu'il faut voir aussi c'est la relative convergence des deux projets. Verlaine faisait déjà des poèmes courts à l'apparence de chansons auparavant. Rimbaud s'inspire de Verlaine comme "Tête de faune" l'atteste. En mai-juin 1872, Verlaine essaie de nouvelles mesures, des vers de neuf et onze syllabes. Nous avons deux vers distincts de neuf syllabes, celui avec une césure après la troisième syllabe, celui avec une césure après la quatrième syllabe. Dans la continuité d'une thèse décisive de Bienvenu sur l'importance du traité écrit par Banville, je prétends que ce jeu sur les vers de neuf syllabes vient de la lecture du traité de Banville où celui-ci a mal interprété des vers de neuf syllabes d'un écrivain pris pourtant comme tête de turc, Scribe, et Banville a ensuite proposé un poème en vers de neuf syllabes avec une césure inédite après la cinquième syllabe.
Il faut introduire dans le débat Charles Cros qui a composé un "Chant éthiopien" qui adopte la même césure que Verlaine dans "Chevaux de bois" et "L'Art poétique".
Selon toute vraisemblance, les poèmes "Chant éthiopien" et "L'Art poétique" ont été composés à Paris avant le 7 juillet 1872, et même avant la brouille entre les frères Cros et Verlaine, sans qu'il ne soit facile de dire qui de Cros ou de Verlaine a inventé le premier le nouveau mètre. "Chant éthiopien" ou "L'Art poétique" ? Telle est la question.
Verlaine a également composé des vers de onze syllabes selon le patron expressément autorisé par Banville dans son traité.
Là encore, Verlaine dit que Rimbaud l'a poussé à lire tout Desbordes-Valmore, laquelle avait composé deux poèmes en vers de onze syllabes avec la césure après la cinquième syllabe.
Je ne parlerai pas ici du problème de césure de "Larme", "Michel et Christine", "La Rivière de Cassis" et "Est-elle almée ?" En tout cas, le recours aux vers de onze syllabes (problème de césure mis à part) est contemporain chez Rimbaud et Verlaine : "Il faut, voyez-vous, nous pardonner les choses..." et "Larme" (mai 1872). A noter l'écho entre le titre "Larme" et le couple de deux pleureuses dans l'ariette oubliée de Verlaine.
Enfin, au plan des rimes, sans parler d'expériences antérieures de Banville, et des ruptures de rimes singulier-pluriel, certains poèmes des Romances sans paroles témoignent discrètement d'une tentation de ne plus respecter les règles comme ce fut le cas de Rimbaud. Il faut citer tout particulièrement la sixième des "ariettes oubliées" qui ne se contente pas de mélanger le féminin et le masculin, puisqu'il y aussi des vers faux, assonancés ou même pas. Il faut aussi citer "Il pleure dans mon cœur". On observe enfin la présence d'un refrain non aligné sur la mesure des vers "Dansons la gigue" dans un autre poème, ce qui est à rapprocher de "Ô saisons ! ô châteaux".
Le fait que Rimbaud aille plus loin dans le renoncement aux règles ne signifie pas en soi que Rimbaud est plus génial que Verlaine. Cela n'a aucun sens critique recevable.
Par ailleurs, le non respect des règles n'est pas la seule raison pour laquelle nous apprécions les vers de Rimbaud. Loin s'en faut, et heureusement. Le génie de Rimbaud use d'autres ressources et là encore on ne cesserait de constater les convergences d'époque entre les poésies de Verlaine et de Rimbaud.
Et pour ces ressources non versifiées, il faut considérer que cela concerne aussi plusieurs poèmes en prose de Rimbaud. On peut penser aussi à un poème à alinéas courts comme "Veillées I" qui a une manière verlainienne. Il y aurait encore pas mal à creuser.
Mais toutes ces influences sont d'allure globale.
Dans l'état actuel du raisonnement, le poème "Est-elle almée ?" est en phase avec la pratique de Verlaine à la même époque. Le poème "Est-elle almée ?" est-il plus particulièrement verlainien ? L'influence de Verlaine serait-elle plus nette ? Ma réponse est que je n'en sais rien, je n'ai pas fait de recherches en ce sens et je ne connais pas de document fixant plus fermement la relation de ces huit vers de Rimbaud à certains autres de Verlaine. Le débat est ouvert.
Toutefois, je rappelle que "Michel et Christine" est proche du poème "Malines" des Romances sans paroles. J'insiste aussi sur le fait que je suis pleinement d'accord avec le développement d'Yves Reboul que le recueil Romances sans paroles transpose largement en poésie le récit d'une relation triangulaire entre Paul, Arthur et Mathilde. Je ne rejette que l'identification de l'allégorie de "Beams" à Rimbaud lui-même. Je trouve plus logique que l'allégorie soit la "Raison" ou "Being Beautous" des poèmes portant ces titres.
A l'évidence, la biographie importe à la compréhension des poèmes de Rimbaud et de Verlaine en 1872. Le poème "Juillet" offre un cas remarquable. Il évoque la place royale de Bruxelles en juillet 1872. S'inscrivant à tort et persévérant diaboliquement dans l'hypothèse erronée de Fongaro d'une composition de 1873-1874 postérieure à l'incarcération de Verlaine, Benoît de Cornulier ne rend pas service à la critique rimbaldienne sous ce jour-là, mais il fait pourtant en sens inverse une découverte remarquable. Le vers : "La Juliette, ça rappelle l'Henriette" posait problème. Tout le monde était acquis avec raison à l'identification de l'héroïne de la pièce Roméo et Juliette, mais Henriette demeurait une énigme. Dans un article de la revue Parade sauvage, Jacques Gengoux avait cru pouvoir l'identifier à un personnage de Molière, histoire de reconduire une confrontation entre Shakespeare et Molière, façon Banville ou Hugo.
Cornulier a identifié la structure profonde des allusions en identifiant que Verlaine avait parlé successivement de Roméo et Juliette, puis de Damon et Henriette dans le poème "Images d'un sou". Dans "Images d'un sou", Verlaine évoque la légende de Pyrame et Thisbé, le modèle de l'histoire de Roméo et Juliette, il mentionne aussi Damon mais en en faisant le soupirant de Geneviève de Brabant. Or, Damon soupirait pour une Henriette et Geneviève pour un Siffroi. Il y a donc une volontaire confusion des couples d'amoureux, ce qui coïncide avec l'acte de Rimbaud de superposer Juliette et Henriette, la rime interne en "-(i)ette" introduisant l'idée d'une équivalence.
D'autres éléments du poème "Images d'un sou" font nettement écho au poème "Juillet" de Rimbaud : "La Folle-par-amour chante / Une ariette touchante." Nous avons un écho au "Kiosque de la Folle par affection" du poème de Rimbaud et la mention "ariette" nous rappelle le lien établi entre la première des "ariettes oubliées" de Verlaine et l'envoi paroles et musique d'une ariette de Favart par Rimbaud.
Oui, le poème "Est-elle almée ?" directement daté de juillet 1872, et donc contemporain du poème "Juillet", a probablement des implications biographiques discrètes. Maintenant, dans l'état actuel de nos connaissances, il faut travailler à rendre les liens objectifs en prenant en considération les mots décisifs qui ont été choisis par le poète, et je considère que "almée", "Pêcheuse" et "Corsaire" sont trois mots rares qui devraient depuis longtemps avoir facilité la délimitation du corpus sur lequel enquêter (corpus certes délicat à identifier quant aux articles de périodiques d'époque), et comme les identifications de couples légendaires dans "Juillet" sont un premier stade d'élucidation avant de pressentir la signification privée pour Rimbaud et Verlaine il y a nécessairement une démarche de cet ordre à avoir dans le cas de "Est-elle almée ?", "Larme", "Jeune ménage" et quelques autres poèmes.
Voilà pour le gros de mes réflexions.

jeudi 21 avril 2022

Petit débrief du débat présidentiel

 (Macron) Vous savez combien elle a détourné Mme Le Pen ? 600.000 euros !
(Le Pen) Oh ben toi t'as planqué des millions !
(Macron) Oui mais ça c'est pas grave !

***
Voilà le pays dans lequel je vis !
Les études rimbaldiennes reprendront dans quelques jours.

lundi 18 avril 2022

Surprise de Pâques

Les rimbaldiens se sont souvenus que leur poète très très "sélect" avait vécu au Yémen et dans un magnifique élan de solidarité ils se sont dits que puisqu'il y avait gel des avoirs de la Russie il pouvait y avoir un gel des avoirs de l'Arabie Saoudite et des Emirats-Arabes-Unis pour la guerre menée au Yémen. Ils ont signé une grande pétition, et c'est en leur nom que je vous annonce qu'on attend une suite favorable à cette action. Non, je plaisante, on n'est plus le premier avril en plus. Ils se contenteront de boycotter le Qatar parce qu'ils ne sont pas plus football que ça.
Hein ? Mon article n'est pas rimbaldien, pourquoi vous dites ça ? Vous en êtes bien sûr qu'il n'est pas rimbaldien ? Vous trouvez que le rimbaldisme c'est Meurice et son Cosme-tic en Folio de poche ? Rimbaud est sinon réservé à votre bon goût supérieur de gens installés ? Il ne peut pas s'intéresser aux yéménites et aux gens du Donbass, Rimbaud ? Vous croyez vraiment ça ? Vous le connaissez mal !...


Cela faisait quelques jours que j'y pensais au séjour de Rimbaud au Yémen et aux deux poids deux mesures qui fait que des rimbaldiens humanistes vont déguster des petits gâteaux de poésie ukrainienne et n'ont aucun égard pour la crise alimentaire au Yémen.
Moi, je ne verserai pas un centime aux ukrainiens. Mes larmes et mon amour sont entièrement pour le Donbass. L'auteur Serhiy Jadan que je vois sur les comptoirs, méfiez-vous un peu plus. Prenez bien le temps d'évaluer les produits que vous avez entre les mains : La Route du Donbass et Anarchy in the UKR. C'est un nationaliste ukrainien retors dont vous méfier.
Un autre projet qui serait bien de la part des rimbaldiens, ce serait de relire les articles de nos principaux quotidiens avant publication, tout particulièrement les articles sur internet que Google recommande pour notre smartphone. Il y a des articles du Figaro, du Parisien, du Nouvel Obs, du Monde, et j'en passe et des meilleurs. Par exemple, quand vous avez un article sur l'armée russe qui contrôle si des milices ukrainiennes ne se mélangent pas aux civils pour s'enfuir, on a droit à des articles qui disent nonchalamment que les russes identifient les soldats à partir de "certains tatouages". Non, là, il y a un déficit littéraire, il faut caractériser ces tatouages, il faut dire ce qu'ils sont ! Dans le même ordre d'idées, on a des articles qui le plus sérieusement du monde rapportent l'argumentaire des gens du bataillon Azov pour dire que leurs symboles ne sont pas ce qu'on pourrait croire. Ils ont repris l'emblème de la division SS "Das Reich" liée à Oradour-sur-Glane et l'ont mis à l'envers, parce qu'en plus ça leur permettrait d'entrelacer un N et un I (dans l'alphabet occidental du moins). Qu'ils aient voulu superposer un N et un I n'enlève pas le constat évident qu'ils ont repris à l'envers le sigle de la division "Das Reich". Vous accepteriez d'un de vos élèves une telle désinvolture dans son démenti de mauvaise foi ? Je n'ai même pas besoin de compléter avec le fait qu'il y a un autre symbole nazi qui fait cortège à ce N et ce I.
N'ayant plus le lien des articles lus sur mon smartphone, je vous mets un lien vers un article en ligne de la revue Le Monde. Voici le titre de l'article : "Qui sont les soldats du régiment Azov, accusés d'être les "néonazis" de l'armée ukrainienne ?"

Je suppose que c'est une coquille pour "déconneurs".

Au moins ils ont écrit "régiment" et non "bataillon", mais un rimbaldien il n'écrit pas du tout un titre interrogatif de la sorte, un rimbaldien, il comprend les enjeux, il écrit : "Le régiment néonazi Azov". C'est ça la bonne écriture, en trois mots tout est dit, l'affaire est entendue, c'est ça savoir écrire !
Je vous laisse évaluer la suite de l'article, son usage désastreux du conditionnel : "l'armée de Kiev serait infestée de néonazis." Non, l'armée de Kiev est infestée de néonazis, et il n'y a pas que le régiment Azov. En plus, le régiment Azov est intégré à l'armée ukrainienne régulière.
En plus, là, les allemands, ils vont envoyer des chars "Panzer" sur des terres ayant connu des combats historiques durant la Seconde Guerre Mondiale. Un allemand, normalement, il devrait s'indigner que les ukrainiens portent ainsi des insignes d'une culture d'infamie qui vient de chez eux, et ils devraient dire : "Non, mais on ne vous envoie pas du soutien avec des chars tant que vous arborez de tels insignes." Les russes n'ont pas tué 27 millions d'allemands en représailles après la Seconde Guerre Mondiale. Le règlement du conflit a été pas mal clément avec les allemands. C'est vraiment des gens ingrats, les allemands ! Ils se croient du côté de la morale dans cette guerre, moi je ne les trouve pas brillants, ni classes.
Je suis impressionné par des reportages d'Arte mis en ligne où la femme en français parle avec une voix d'excitée que les russes feraient de la propagande ceci, de la propagande cela. Eh, petite piqûre de rappel ! En 2014, la Malysian Airlines avait la poisse avec deux incidents retentissants. Un avion a été abattu au-dessus de l'Ukraine. Les américains avaient les preuves que l'avion avait été abattu ni par les ukrainiens, ni par les insurgés du Donbass, mais directement par les russes. En 2022, on n'en parle pas de cet avion. Où sont les preuves ? A Marioupol, qui a fait de la propagande sur le théâtre et la maternité, sur les civils ? On a des vidéos où les milices ukrainiennes tirent sur les civils qui cherchent à quitter la ville la nuit en voiture. Le théâtre dramatique, on nous disait qu'il avait été détruit par les russes et qu'il y avait plein de morts civils. Les gens de Marioupol expliquent que le théâtre a été détruit par les ukrainiens eux-mêmes, on voit qu'il n'y a pas de voitures détruites autour, que la zone avait été évacuée, mais là des vidéos à l'intérieur montrent que les ukrainiens s'en servaient pour tirer contre les russes et on ne voit pas de cadavres. Vous m'expliquez comment c'est possible d'avoir de telles images vidéos, c'est une mise en scène les ruines propres de cadavres humains ?

Sur le théâtre, ça commence à la 5e minute...


Je vous ai déjà mis un lien dans un article précédent sur les massacres à Bucha (lire Boutcha). On ne fait même pas d'enquêtes. Vous imaginez quand même la laideur morale qu'il y a à se servir de victimes civiles favorables aux russes (à Marioupol, à Bucha, etc.) abattues comme des bêtes par les ukrainiens, avec même des tortures, et à les faire passer au contraire de leur cause pour des victimes ukrainiennes des russes. C'est ignominieux ce qui se passe dans les journaux, tout bonnement ignominieux.
Je vous avais mis un lien où trouver une vidéo de prisonniers russes qui se font humilier par des vidéos mises en lignes et tirer dans les genoux. Face à cela, vous avez des vidéos bouffonnes "Safari for ukrainians" où un ukrainien se déguise en prisonnier russe qui déclare être bien traité. Depuis quand la 2e vidéo a la capacité d'exonérer la première ? Vous m'expliquez ?
J'ai mis aussi dans un article précédent un lien d'un article écrit du site Donbass Insider où sur certains mots bleutés vous cliquiez pour aller consulter une vidéo sur Twitter. On voyait des ukrainiens attachés et humiliés à des poteaux, peinturlurés en bleu et jaune, dont une vidéo avec un petit enfant accroché avec son parent. Ils étaient dénudés, il y avait parfois des femmes, dont des tziganes. Et ces vexations se passaient loin du front. Vous avez des journaux français qui, depuis, ont eu l'impudence de combattre l'information en soutenant que les gens attachés à des poteaux étaient des gens qui profitaient des combats pour piller dans les commerces. On joue sur le fait que les lecteurs n'entendent ni le russe, ni l'ukrainien et ne peuvent déchiffrer l'alphabet cyrillique. Mais, un rimbaldien, ça ne se laisse pas avoir. C'est quelqu'un qui a une exigence quand il lit, qui voit les signes qui posent problème. Même si on ne parle pas une langue slave, on sait que ce ne serait pas normal (oui journal Le Monde, moi aussi j'use de la rhétorique du conditionnel, je le fais mieux que vous tout simplement) que la population humilie sur des présomptions des gens dans la population. Il y a une police pour s'occuper des voleurs. Bref, les prétendus articles qui combattraient la désinformation vous racontent des fèves. Et c'est comme ça sans arrêt.
Les russes ont eu raison de venir au secours du Donbass en Ukraine, ils font une guerre juste contrairement à ce qu'on vous raconte. Ils viennent sauver des gens de la nation russe. C'est une sorte de guerre civile entre deux pays, et les russes sont pleinement légitimes à intervenir militairement. Pleinement ! C'est l'Otan qui est dans l'ingérence illégale dans cette guerre. Vous connaissez la Ligue de Délos ? Ben l'Otan, c'est une Ligue de Délos, et dans Délos il y a os. L'Otan c'est une vassalisation de divers pays au profit des Etats-Unis qui bien sûr entend à la fin désosser tous ses alliés autant que tous ses ennemis. C'est aussi simple que ça à comprendre.
C'est pour les milliardaires américains, pour les bonnes affaires de ventes d'armes par le complexe militaro-industriel américain qu'on vous demande de soutenir la guerre en Ukraine. C'est une guerre provoquée par des démons, et ces démons ils sont en Amérique, démons qui ont fait des guerres désastreuses en Syrie, en Libye, en Irak, qui en soutiennent d'autres au Yémen, qui persécutent le Venezuela, et ainsi de suite.
Vous croyez deux secondes qu'un rimbaldien peut accepter cela, un vrai rimbaldien !

samedi 9 avril 2022

Une vidéo avec un peu de vérité sur le Donbass


Il y a des "rimbaldiens" qui m'ont envoyé des mails avec leurs messages de soutien à l'Ukraine. J'ai envoyé tout ça en courrier indésirable et expéditeurs bloqués vite fait !

vendredi 8 avril 2022

"Shakspeare peut risquer Bottom."

Dans le dernier volume de la revue Parade sauvage, Yves Reboul a proposé deux lectures pour un seul article : une lecture du poème "Les Corbeaux", une lecture du poème "La Rivière de Cassis". La lecture du poème "La Rivière de Cassis" me semble présenter encore quelques fragilités, mais Reboul a établi l'importance d'une référence à un quasi poème conclusif du recueil L'Année terrible de Victor Hugo qui était d'actualité et il a souligné la source de l'emploi du mot "claires-voies" dans le poème de Rimbaud du même coup. Je n'ai rien par principe contre le fait d'identifier la rivière de cassis à une rivière de sang, mais je ne trouve tout de même pas que l'argumentation soit bien verrouillée, et surtout j'en reste à l'idée que vu le doublet formé avec "Les Corbeaux" il y a un petit conflit à cette interprétation que pose l'expression "fleuves jaunis" logée dans cet autre poème.
La lecture du poème "Les Corbeaux" m'intéresse également. Même s'il ne fait jamais état de ce problème, Reboul a donné son renvoi à la lecture soutenue par Steve Murphy, Christophe Bataillé et Alain Vaillant selon laquelle il serait question d'une satire de gens d'église caricaturés en corbeaux missionnant auprès des populations de la campagne. Je faisais partie des rimbaldiens dénonçant l'étrangeté de cette lecture satirique. Toutefois, Reboul a introduit une lecture du dernier sizain qui va encore plus loin. Les gens enchaînés dans l'herbe ne sont pas les morts d'hier de la Commune par opposition aux "morts d'avant-hier" de la guerre franco-prussienne, mais les poètes républicains qui, ne pouvant guère critiquer le régime vainqueur, n'ont plus qu'à se réfugier dans la poésie des idylles, églogues et chansons bucoliques. Cette critique s'appuie sur la lecture des prises de position politiques dans la revue La Renaissance littéraire et artistique où Bardel, dans sa recension au sujet de l'article de Reboul, a dégagé un intertexte important à la lettre à Delahaye de "Jumphe 72".
La lecture du poème "Les Corbeaux" par Reboul était déjà posée dans les grandes lignes dans son livre Rimbaud dans son temps. Il s'agit donc du développement plus poussé de cette lecture, mais Reboul rejette l'intérêt de l'écho de rimes entre "Les Corbeaux" et "Le Bateau ivre" : "crépuscule embaumé" face à "soir charmé" et "papillon de mai" pour "fauvettes de mai", ce que renforçait l'écho "Mât perdu" pour "bateau perdu", sans parler de la très forte probabilité de deux compositions quasi enchaînées dans le temps vers janvier, février et mars 1872. Puis, il transpose bizarrement la lecture du poème de Verlaine dans son article des Poètes maudits au plan de l'adversatif "Mais". Verlaine dit que le poème est un "poème patriotique, mais un poème patriotique bien", et quand j'ai rédigé mes articles j'ai toujours fait le lien avec l'adversatif qui lance le dernier sizain : "Mais, saints du ciel,..." J'ai aussi effectué un rapprochement avec le dernier sizain de la plaquette "Plus de sang" de François Coppée. Reboul place l'adversatif "Mais" de la lecture de Verlaine, là où il n'est pas dans le poème de Rimbaud, ce qui est déconcertant.
L'idée, c'est que le soir serait "charmé" par les poètes et que comme il ne pourrait en être qu'ainsi en cascade il serait nécessairement question de dénoncer le lâche repli des poètes dans la poésie bucolique sans danger de critique du pouvoir en place.
Pour l'instant, je préfère plutôt que d'évaluer les deux lectures prendre des chemins de traverse. J'ai le temps autant qu'un autre pour déterminer ce que je dois finalement penser à la lecture. Mais, la lecture de Reboul a imposé à mon esprit la référence au recueil hugolien Les Chansons des rues et des bois. D'abord, les poèmes "Vu à Rome" et "Les Corbeaux" ont pour spécificité d'être en octosyllabes bien qu'ils traitent de l'actualité politique. Léon Dierx écrivait plus volontiers des recueils en alexandrins à l'exception de ses Paroles du vaincu en plaquette en octobre 1871. Le recueil L'Année terrible a pour spécificité d'être tout en alexandrins ou peu s'en faut, ce qui me semble prendre le contrepied des poèmes patriotiques chansonniers d'un Bergerat en octosyllabes en 1870 ou de la logique des Idylles prussiennes de Banville. L'alexandrin confère sa majesté et sa gravité aux sujets traités. Mais, dans la logique des publications de recueils hugoliens, il se trouve que son précédent recueil Les Chansons des rues et des bois avait pour spécificité de privilégier les vers sans césures, des vers de sept syllabes notamment et beaucoup d'octosyllabes. Et cela allait de pair avec un dégonflement volontaire et explicite de la matière lyrique. Le poète précisait qu'il voulait se détourner du drame et de l'épique pour mettre un Pégase rétif au vert. Et cela s'accompagnait de métaphores sur la prairie, le pré, le bois, tout le décor des idylles, le mot "idylle" lui-même revenant à plusieurs reprises.
Il y a tout de même des nuances. Le recueil Les Chansons des rues et des bois ne signifie pas que le poète est obligé de se détourner de l'actualité politique. Au contraire, le poète force une pause volontaire et puis il ne s'interdit pas quelques traits satiriques en passant.
Mais, je tenais à relire ce recueil pour sa matière métaphorique que je voulais mettre en résonance avec "Les Corbeaux" et "La Rivière de Cassis". Puis, j'ai une autre idée de liaison. Selon la lecture de Reboul, le dernier sizain des "Corbeaux" dénonce quelque peu le repli des poètes, mais il formule finalement une situation de poète à laquelle lui-même va faire mine de se soumettre en apparence, puisque comme le dit Verlaine Rimbaud va virer de bord, faire dans l'exprès trop simple et le naïf, en nous proposant une poésie de prime abord très bucolique, très chansonnière, etc.
Récemment, j'ai publié un article sur le poème "Est-elle almée ?..." J'ai souligné que je pense depuis longtemps que le rapprochement "almée", "Pêcheuse" et "chanson du Corsaire" n'est pas innocent, et que le "corsaire" est à l'évidence une référence au héros du poème de ce titre de Lord Byron, que la source de Rimbaud soit ailleurs ou non. Jacques Bienvenu a lui-même publié un article sur son blog Rimbaud ivre où il cite mon article, rappelle que Brunel je ne sais plus où avait lui aussi songé à Lord Byron mais en considérant la source comme inopportune, et puis surtout Bienvenu insiste sur le fait que le poème puisse être proche du style de Verlaine à la même époque. Oui, il y a beaucoup à dire sur l'influence mutuelle entre Verlaine et Rimbaud en 1872, et pas pour toujours soutenir que Rimbaud cite Verlaine pour le persifler comme le faisait Antoine Fongaro avec constance, ni pour soutenir que Rimbaud apprend l'ouverture des possibles à Verlaine, l'influence étant à considérer tout autant en sens inverse. Il me manque un exemplaire du livre d'Elléonore Zimmermann Magies de Verlaine. Je sais qu'elle s'intéresse à ce sujet, mais je n'ai pas accès à son livre pour l'instant.
Toutefois, dans le cas de "Est-elle almée ?", j'entends insister sur la valeur de références culturelles pour les mentions "almée", "Pêcheuse" et "Corsaire", tout comme il y avait un référent culturel pour "Juliette" et "Henriette" dans le poème "Juillet". Nous avions que Juliette était celle de Roméo, mais un peu avant moi Cornulier a identifié que cette Henriette formait un couple sur le modèle de Roméo et Juliette avec Damis et que Verlaine avait exploité au même moment la référence dans le poème "Images d'un sou". Je fais ces rappels de mémoire, j'espère ne pas me tromper dans le titre du poème de Verlaine.
Mais, vous me direz que ma digression va trop loin, puisque le poème "Est-elle almée ?" n'a rien à voir avec le pré pour Pégase ou le bois pour les poètes dans "Les Corbeaux" selon la lecture de Reboul. En fait, je considère qu'il faut élargir la perspective. Dans son recueil Les Chansons des rues et des bois, Hugo compose des vers de sept ou huit syllabes, mais pas en alexandrins, pour signifier qu'il se détourne un temps de la politique. Un peu auparavant, Théophile Gautier a publié un recueil Emaux et camées où il n'a publié des vers que de huit syllabes pratiquement, il use d'autres vers courts de mémoire, notamment dans des poèmes avec deux mesures différentes, mais bref il n'a pas glissé d'alexandrins ou de décasyllabes dans son recueil. De mémoire, je crois même que l'octosyllabe est quasi exclusif à deux ou trois poèmes près. Et dans son recueil considéré comme modèle d'art pour l'art, alors même qu'il s'y prive de la ressource formelle des césures, Gautier a placé un poème liminaire annonçant qu'il se détournait avec dédain de l'émeute en train de frapper à sa fenêtre.
Rimbaud règle son compte à ce Gautier-là dans un poème contemporain des "Corbeaux" et du "Bateau ivre" : "Les Mains de Jeanne-Marie" épingle le poème "Etudes de mains", contient un renvoi minimal à Musset en prime et épingle le texte en prose que Gautier vient de publier sur les ruines de Paris avec son introduction sur les offrandes aux pieds de la Madone de Strasbourg. Le poème "Voyelles" dans une vision cosmique qui semble gratuite emprunte à Hugo et Gautier et parle en des termes voilés du martyre de la Commune avec les "strideurs" du "Suprême Clairon" dont le sens s'éclaire de la lecture du poème "Paris se repeuple".
Le poème "Larme" dans sa version initiale contenait le mot "colocase" qu'on peut penser emprunté à la préface des Feuilles d'automne. Le poème "Qu'est-ce pour nous, mon Coeur,...", lui pour le coup explicitement politique, a un premier vers qui est une réécriture du premier vers du quatrième poème du recueil des Feuilles d'automne. Finalement, on comprend que Rimbaud joue le jeu décalé des poètes. Il peut composer des poèmes qui ont l'air inoffensifs comme "Juillet", "Est-elle almée ?", "Chanson de la plus haute tour", "Mémoire", "La Rivière de cassis" et avoir une vraie pensée politique en tête. Les fêtes de nuit du poème "Est-elle almée ?" peuvent être liées avant de songer à "Vies" des Illuminations tout à la fois aux Fêtes galantes de Verlaine, à "La Fête chez Thérèse" d'Hugo, au carnaval de Venise de poèmes d'Emaux et camées, à d'autres encore... La référence dans "Est-elle almée ?" à Lord Byron permet d'envisager du lien avec les romantiques et le recueil des Orientales, et il s'agit d'un poème d'observation de la naissance du jour note fondamentale de tous les recueils hugoliens et ce thème a un sens pour un poète Rimbaud qui se veut un veilleur et qui n'hésite pas à transposer son attente dans une méditation face au ciel ou face à la Nature, dans une parfaite continuité poétique avec ses prédécesseurs.
Plus on connaît la poésie du dix-neuvième siècle dans son ensemble, plus on peut approcher de la compréhension subtile des poèmes de Rimbaud. Evidemment, beaucoup de gens se diront que les poèmes bucoliques, par exemple, sont vite un jeu assez vain, et comme les poèmes ne sont guère hermétiques on les apprécie en gens de bon goût et on passe à autre chose. Hugo tend à échapper à ce reproche, parce qu'il a un propos, mais ce propos est souvent rabaissé en tant que jeu convenu qui ne nous apprendrait rien. Hugo aurait une façon éblouissante de convaincre, mais un discours d'un autre temps, peu lucide, mais fort de ses vieilles ressources éprouvées. C'est un peu ça les réactions de l'intelligentsia. On va plus volontiers goûter des poèmes sulfureux ou mystérieux, mais là n'est pas notre sujet du jour. Ce qu'il faut évaluer, c'est comment Rimbaud fait quelque chose de cette poésie qui semble de repli face au monde et qui finalement ne l'est pas.
Cela vaut aussi pour la lecture des poèmes en prose des Illuminations. Je n'ai plus le livre de Brunel Eclats de la violence sous la main, il s'est déjà noyé sous une pile d'autres et je ne peux pas vérifier s'il a éventuellement songé à la source que je vais présenter maintenant, mais ce n'est pas grave. Je n'en suis qu'au début de ma relecture du recueil de 1866 de Victor Hugo, et je tombe sur le poème "Réalité" et aussi mes anciens soulignements.
J'avais souligné le titre "Réalité" et deux octosyllabes de ce poème :
Quand Horace étale Priape,
Shakspeare peut risquer Bottom.
L'orthographe du dramaturge anglais est bien sûr volontairement corrompue pour bien forcer le lecteur qui ne connaît pas l'anglais à la bonne lecture métrique.
J'ai encore souligné une expression du quatrain final : "Grâce au grand Pan, dieu bestial, / Fils, le réel montre ses cornes / Sur le front bleu de l'idéal[,]" en songeant au "Gracieux fils de Pan" du poème "Antique".
Il est sensible qu'il y a une continuité métaphorique entre ce poème "Réalité" et le poème "Antique" des Illuminations. Il est sensible que ma thèse du repli dans l'apparence anodine des sujets poétiques pour plusieurs poèmes de 1872 vaut aussi pour une partie des poèmes en prose des Illuminations, où, trop souvent, la proximité de poèmes sur le monde des villes ou le choix de la prose empêchent de faire les liaisons qui vont de soi avec les thèmes chers aux poètes tout au long du dix-neuvième siècle. Mais j'ai souligné le titre "Réalité" et deux vers où il est notamment question de "Bottom".
Je rappelle que le poème "Bottom" des Illuminations, un temps pensé devoir porter le titre "Métamorphoses", parle d'une "réalité trop épineuse" pour un "grand caractère" rendu plus équivoque encore par l'image de "l'âne claironnant son grief". La dimension priapique est commune aux poèmes rimbaldiens "Bottom" et "Antique".
Cela ne s'arrête pas là. Dans "Bottom", nous avons une opposition articulée entre "réalité" et "rêve", et l'idée du rêve semble provenir comme cela a souvent été mentionné d'une lecture du roman Les Travailleurs de la mer : "Tout se fit ombre et aquarium ardent." Si le mot "rêve" n'est pas présent dans la phrase composée par Rimbaud, il est mentionné dans la phrase souvent citée comme source possible : "Le rêve est l'aquarium de la nuit."
Il faut ajouter qu'il est question de renoncer aux rêves dans Une saison en enfer en acceptant d'étreindre la "réalité rugueuse", sachant que les adjectifs "épineuse" et "rugueuse" choisis par Rimbaud pour deux écrits apparemment bien distincts ont tous deux le même suffixe en "-euse".
Voilà, malgré des énergies très entamées et des maux de tête réguliers, je pense que j'arrive encore à donner des impulsions précises pour l'avenir des études rimbaldiennes, et j'indique une voie tactique ou stratégique pour embrasser la poésie d'Arthur Rimbaud dans une véritable perspective d'ensemble.
Merci de m'avoir suivi, je rends les armes pour cette fois.

mercredi 6 avril 2022

Comme dirait Hugo, on a droit à une société qui se regarde le nombril en "bon bourgeois dans sa maison"

Face au n'importe quoi ambiant de la propagande occidentale, il faut poser les choses.
Donc, pour se renseigner sur ce qu'il se passe en Ukraine, des reportages importants. On notera que Youtube tend à les censurer ou à les faire disparaître des algorithmes. Nos pays ne se disent pas directement en guerre, mais on a des gens qui ont décidé à l'avance la vérité et qui empêchent la confrontation des opinions et pratiquent la rétention d'informations... Quand on jugera une bagarre sur une cour de récréation, il faudra cesser désormais de demander les versions contradictoires à chaque élève, par exemple...
Enfin, bref ! D'abord, le reportage de 2005 de Manon Loizeau sur les révolutions de couleur, passé sur Canal +, autrement dit à passer au moins un certain seuil pour être accepté.


Ensuite, en rappel, le reportage de Paul Moreira Les Masques de la révolution. Aujourd'hui, la recherche Youtube fonctionne à nouveau, un peu auparavant j'avais beau entrer le titre et le nom du réalisateur, ça ne marchait plus. J'étais obligé d'utiliser mon "historique" pour retrouver le lien. Ce reportage a été diffusé sur Canal Plus.


Alors, on passe au troisième reportage. Il s'agit du film Ukraine on fire d'Oliver Stone, cinéaste connu, avec le film Platoon, Midnight express (scénariste), et plusieurs autres. Il a également un film d'entretiens avec Poutine. Ici, sur Youtube, le film n'apparaissait plus ou là il apparaît mais avec un avertissement "La communauté Youtube a jugé le contenu suivant inapproprié ou choquant pour certains publics". Je clique sur "Je comprends et je souhaite poursuivre", mais rien n'y fait la vidéo ne peut pas démarrer. Pas de problème, je me suis déjà inscrit sur la plateforme Odysee où il y a plusieurs versions de ce documentaire.


Je vois certains intellectuels critiquer Poutine avec la meute et minimiser la tendance politique très II GM de l'Ukraine. Alors, pour la minimisation critique, ça ne marche pas à plusieurs égards. On ne peut pas dire naïvement qu'ils ne sont que 4 ou 2% au doigt mouillé. Ils portent directement les insignes et les insignes sont mis sur des bâtiments publics... Il y a des rues rebaptisées au nom de ces gens. Vous ne pouvez pas dire : "C'est mon ami le gros méchant, on est potes, mais je ne suis pas un méchant comme lui, donc ne me confondez pas !" Il va de soi qu'il y a une complaisance des ukrainiens de l'ouest à 90%. Il y a eu plusieurs structures : Svoboda, Pravy sektor et le bataillon Azov devenu plus qu'un régiment, sachant qu'il y a d'autres bataillons Aydar et compagnie. Les partis et leurs dirigeants ont fait partie du gouvernement officiel, admis. Le régiment Azov fait partie de l'armée ukrainienne régulière. Ensuite, si les ukrainiens ne manifestant pas une adhésion plus élevée, c'est qu'ils savent que c'est mal vu à l'international. Il est évident que le problème de l'adhésion de l'Ukraine à ces idéologies est une réalité, puisqu'ils tolèrent ces partis et leurs insignes, les félicitent et les commémorent. Il va de soi aussi que parler des russes comme de sous-hommes tout en se disant différents de Pravy Sektor, c'est de l'hypocrisie, le mal politique est le même. Il y avait bien aussi avant la guerre, au vu de reportages en anglais du très british The Guardian, 200 camps d'entraînement de jeunesses très 40-45 avec dix adultes par camp et beaucoup plus d'enfants formés en leur compagnie. Il y a bien une dérive globale dans cette société-là.


Au passage, pour ce qui est des sites d'expression en anglais, vous avez l'émission américaine The Jimmy Dore Show que je vous recommande.
Maintenant, dans le domaine français, on pourrait citer pas des sources de droite (Stratpol de Xavier Moreau, les reportages de Marie-Laure Bonnel que j'ai cru identifier comme venant plus de droite), et des sources de gauche (Jimmy Dore Show en Amérique, le site Les Crises d'Olivier Berruyer qui ne couvre pas du tout par le moindre article l'événement de 2022 mais qui l'avait abondamment couvert de 2013 à 2015 avec une vraie mine d'informations, le site Investigaction de Michel Collon et le site Donbass Insider). Il est possible d'aller sur les sites comme sur les chaînes Youtube Investigaction et Donbass Insider.
Le site Les Crises a démonté une part importante de la propagande occidentale en 2014-2015. Au passage, vous vous rappelez l'histoire de l'avion transportant des néerlandais abattu en Ukraine, avion qui appartenait à la compagnie doublement malheureuse cette année-là Malaysia Airlines ? Les américains disaient avoir les preuves que l'avion avait été abattu par les russes et non par les ukrainiens. On n'en parle plus de cet avion, et les preuves elles se font bien sûr toujours attendre, avec des rapports bien embrouillés pour faire croire que l'enquête peut avancer sereinement. Ben, tiens ! Notez qu'en 2017, quand Fillon était dégagé pour un costard et l'emploi fictif de sa femme, Berruyer soulignait déjà les anomalies du patrimoine déclaré par Macron. McKinsey, le patrimoine de Macron, ce n'est pas des sujets du jour en pleine non-campagne présidentielle 2022 ? Comment on fait pour mesurer que c'est moins grave que l'affaire Fillon, alors que c'est de l'ordre de l'incomparable ?
Revenons à la guerre en 2022.
Les sites Investigaction et Donbass Insider offrent un luxe de reportages essentiels pour démonter la propagande actuelle. Je vous recommande les liens suivants sur la maternité et le théâtre de Marioupol, sur les massacres à Bucha (lire "Boutcha").


La vidéo suivante, je ne l'ai regardée que deux fois. Ce sont des images sensibles (vous êtes prévenus), mais par respect pour les victimes je ne me complais pas à regarder cela à plusieurs reprises.


A propos de la maternité de Marioupol, montage chronologique comparable au cas de Bucha.


J'en profite pour rappeler en passant que les ukrainiens assassinent leurs propres négociateurs avec les russes quand ça ne leur convient pas, ou qu'ils pressentent que ça ne va pas leur convenir.



Je vous mets un autre lien bloqué par Youtube avec le même message : "La communauté Youtube a jugé le contenu suivant inapproprié ou choquant pour certains publics".
J'ai déjà vu cette vidéo. Comme par hasard, une vidéo établissant une liste des mensonges diffusés dans les médias depuis trente ans pour justifier les guerres et les pressions de l'Otan et des Etats-Unis à l'international est bloquée. La seule image choquante était celle d'un groupe de photos contradictoires à propos d'un cadavre lors de la guerre du Kosovo. Le reportage parle du prétexte des couveuses pour la guerre en Irak en 1991, de Timisoara, de la guerre en Irak de 2003 avec sa petite fiole, guerre à laquelle la France n'a pas participé, sa dernière flambée d'indépendance... et de plusieurs autres, tout cela en une vidéo avec mise en perspective de l'actualité ukrainienne. Cette vidéo est censurée. Il est donc clair qu'on n'est pas dans des démocraties, puisque des moyens médiatiques surpuissants exigent un alignement et faussent de manière drastique la formation des opinions dans la population, alors même qu'il nous est expliqué que nous ne sommes pas en guerre et que nous ne voulons pas l'être. A la limite, on peut comprendre un peu qu'il y ait une censure quand il y a une guerre, mais là non on n'est pas libres de s'informer, de confronter les arguments, les documents, les preuves...
Je mets le lien à tout hasard si vous arrivez à l'ouvrir.


Ce qui fait l'opinion consensuelle, c'est ce qu'on vous autorise à regarder, c'est sur quoi on vous oriente. La manipulation peut difficilement être plus claire.
On ferme Russia Today et Spoutnik News, lesquels médias n'ont même pas diffusé la propagande russe, puisque justement il y allait de leur survie. Ces médias tapaient forcément très forts sur les incohérences de nos politiques occidentales en-dehors des sujets connectés avec le monde russe, mais ils n'étaient pas sots à relayer une parole officielle d'un état. Ils faisaient leur travail de journalistes. Avant que Russia Today ne soit fermé, je suivais des émissions sur cette chaîne. Ils invitaient des gens de l'Otan hostiles à la Russie pour l'essentiel, ils jouaient le jeu à fond. On a même eu sur le plateau un présentateur qui a employé le mot "invasion" en précisant à son invité qu'il l'employait, et l'intervenant avec morgue a répondu : "Mais c'est normal, nous sommes dans un pays libre !" Non, la fermeture de Russia Today et de Sputnik News alors que nous ne sommes pas en guerre et qu'aucun fait ne leur a été reproché, non, nous ne sommes pas dans des pays libres. Non !

Voici un lien sur un article à propos du massacre de Bucha. Il y a plein de vidéos incrustées. Âmes sensibles s'abstenir. On voit bien sûr des cadavres, on voit aussi les ukrainiens tirés dans les genoux de plusieurs prisonniers militaires russes et les humilier en les exposant à la caméra, ce qui est dénoncé par les organismes internationaux sur les droits des prisonniers. Mais bon dans une Europe en plein basculement qui trouve normal de virer des artistes russes parce qu'ils sont russes et d'encourager à les tuer comme des lapins, tout passe... On rappellera que lors de la Deuxième Guerre Mondiale 27 millions de russes sont morts et qu'après le conflit les allemands n'ont pas payé très chers pour ce qu'ils ont fait. Les ukrainiens sont les plus impliqués après les allemands dans les drames de la Seconde Guerre Mondiale. Les arrière-petits-fils et arrière-arrière-petits-fils de certains s'amusent bien...
A quoi ça sert de dire à l'école que le nazisme ce n'est pas bien ? ça sert à Macron ou Chirac à être réélu contre l'extrême-droite en France. Le nazisme en Ukraine, ce n'est pas si grave sinon, c'est du folklore !?
Voici donc le lien du reportage !


Reportez-vous à plusieurs articles de la section Ukraine de ce site.
Je signale à l'attention l'article suivant avec des vidéos Twitter incrustées. Vous voyez les mauvais traitements que subissent des tziganes (photos) ou des ukrainiens non solidaires. Ils sont accrochés à des poteaux, peints aux couleurs bleu et jaune que vous trouvez beau d'arborer par fraternité humaine en ce moment, on a même une vidéo avec un enfant attaché avec un adulte. La question est : qui va les détacher avant qu'ils ne meurent de froid ? Une autre question : quelles conséquences psychologiques pour cet enfant ? Après, je ne vous demande pas si c'est normal, vous êtes décidés à ne jamais avouer votre mauvaise honte, à soutenir que Poutine a tous les torts et que les ukrainiens (dont vous ne donnez aucune délimitation exacte) sont gentils et se battent pour leurs droits. Les gens du Donbass, vous vous en moquez éperdument, vous devez être gavés de jeux vidéos, puisque quand on vous montre une guerre vous voyez les belligérants et les civils comme des pions déplaçables. Marioupol, Slaviansk, villes du Donbass insurgées en 2014, vous avez décidé que c'étaient des ukrainiens comme à Kiev ou à Lvov, puisque c'est encore contrôlé par l'Ukraine. En tout cas, dans le reportage suivant, ça se passe loin du Donbass, et c'est toujours aussi dérangeant de la part des ukrainiens... On ne les refera pas !


Michel Onfray et Jacques Rancière peuvent aller sur les plateaux soutenir le discours officiel et railler Poutine. Tout ce qui précède montre qu'il y a un énorme problème de compréhension de ce qui se passe en ce moment.
Puis, mettons que vous soyez arrêtés à l'idée que Poutine est le méchant de l'affaire, mais le débat il va se faire par paliers successifs. Pour éviter cette guerre, il suffit que l'Otan et surtout les Etats-Unis admettent deux choses : premièrement de ne pas faire entrer l'Ukraine dans l'Otan et deuxièmement de fédéraliser l'Ukraine par régions pour permettre aux peuples russes de l'est de vivre comme ils l'entendent, peuples qui sont sur leurs terres historiques dans le Donbass.
Vous vous rendez compte qu'une fois que vous avez décrété que l'invasion de l'Ukraine par la Russie (sachant que vous ignorez tout des objectifs de cette guerre), il faut risquer la guerre mondiale pour un peuple dont les vidéos ci-dessus vous montrent qu'il ne faut pas trop vite lui accorder un capital sympathie... On risque une guerre mondiale ou nucléaire, ou en tout cas un effondrement économique de l'Union européenne pour la seule idée farfelue que l'Ukraine doit faire partie de l'Otan dans une décennie. Mais d'où vous trouvez ça rationnel ? Les, au bas mot, trois milliers de morts civils du Donbass sur huit ans, auxquels il faudrait ajouter les gens tués dans le reste de l'Ukraine, vidéos et procès prouvant cette réalité, vous n'en avez rien eu à faire !!! Vous préférez les nazis !? Je ne comprends pas.
Ce n'est pas logique !
S'il y a cette guerre, c'est la faute des Etats-Unis, et donc de l'Otan. La France et l'Allemagne ont des responsabilités plus lourdes que les autres pays européens puisqu'ils n'ont rien fait pour garantir les accords de Minsk 2 (oui, parce qu'il y a eu Minsk 1 et Minsk 2, et ce rebondissement mériterait lui aussi son commentaire !).
L'attaque russe n'est pas impeccable au plan logistique, mais il découvre une guerre moderne sans couverture aérienne. Donc ils apprennent, premier point ! Ensuite, ils ne font pas les tapis de bombes sur les civils à l'américaine (entrer autres, Belgrade ou Irak, un million de morts civils qui en valaient la peine selon feue Madeleine Albright, laquelle trouve injuste que la Sibérie soit en Russie... L'achat de l'Alaska ne suffit visiblement pas!). Ensuite, les russes sont en infériorité numérique, ils surclassent les ukrainiens par leur matériel. On rappellera qu'en 2014 et 2015 l'armée ukrainienne se prenait de grosses défaites contre les insurgés du Donbass. Malgré l'encadrement occidental sur huit ans, on ne voit pas comment les ukrainiens pourraient gagner avec les armes contre la Russie, même si c'est celle-ci est en infériorité numérique. Dans un tel cadre de compréhension, si les horreurs de la guerre vous effraient vous demandez des négociations en acceptant que l'Ukraine ne fasse pas partie de l'Otan et que le pays soit fédéralisé selon les vœux d'autodétermination des peuples dans différentes régions. Non, vous envoyez des armes pour que le conflit s'enlise !? Pour qu'il y ait plus de morts des deux côtés, plus d'atrocités. C'est à ce prix-là que vous entretenez votre bonne conscience occidentale de bons bourgeois dans leurs maisons.
Vous êtes tout excités, il faut faire la guerre !?
Et vous trouvez beau de la faire au plan économique. On a des gens assez fous pour déclarer publiquement qu'il faut tuer Poutine ou faire la guerre économique à la Russie. Le Maire, un ministre luxembourgeois se sont rétractés pour leurs propos. Leurs mots avaient dépassé leurs pensées !? Mais qu'est-ce que c'est que ce manque de sérieux !
Mais, parlons-en de l'économie.
Zelensky, dont on sait avec les Pandora papers, qu'il est aussi corrompu que les oligarques et qu'il a détourné des dizaines de millions, se permet de demander à la France de saborder son économie et ses entreprises implantées en Russie pour soutenir une guerre perdue d'avance au lieu de négociations de paix. Mais, avant de parler des entreprises françaises mises en cause, rappelons que Zelesnky n'a pas fermé le gazoduc russe qui passe par l'Ukraine. Il y a trois circuits de gaz russe vers l'Europe, le plus important passe par l'Ukraine (Brotherhood), les autres étant Yamal et Nord Stream 1. Comme ce gaz passe par l'Ukraine, il est taxé par les ukrainiens, avec des corrompus qui en détournent au passage une partie. Mais Zelensky, il n'a qu'à le fermer le gaz qui passe par l'Ukraine, au lieu de demander aux allemands, autrichiens, italiens, hongrois et français d'arrêter leurs commandes de gaz à la Russie !
On va fermer des entreprises qui n'ont rien à voir avec l'effort de guerre : Auchan, LeRoy-Merlin, on va réduire les implantations de Total, on va couler l'entreprise automobile Renault dont en-dehors de France les ventes les plus conséquentes sont en Russie.
Mais que l'Ukraine soit dans l'Otan, c'est plus important pour qui ? Les américains, les ukrainiens, les allemands, les français ? Pour les américains bien sûr ! Vous croyez que la politique des sanctions va retomber sur les américains, sur les russes ou sur les européens. Les européens ont une dépendance énergétique que n'ont pas les américains au gaz russe, au pétrole russe, et même pour l'Allemagne au charbon russe... Les pays d'Europe, à part la Norvège ou l'Ecosse, je ne les connais pas comme étant riches en énergies fossiles. La France est un pays désindustrialisé. L'endettement des pays européens ne cesse de s'affoler. Il va de soi qu'une partie de la puissance européenne dans le monde vient du fait que les transactions internationales passent par le dollar et un peu par l'euro, sachant que les banques françaises dans le monde jouent à avoir du dollar pour participer à plein de transactions. On a enfin une monnaie euro sur dix-neuf pays qui ont des intérêts divergents, des situations économiques contrastées. Pas de matières premières, endettement pharamineux, instabilité d'une monnaie sur une mosaïque de pays bien différenciés, dépendance au commerce international, faible habitude des pays d'Europe de l'ouest à vivre dans les privations. Sur tous ces points, c'est le contraire en Russie. En plus, les sanctions de 2014 ont profité à la Russie sur de nombreux points. Si la Russie est la première exportatrice de blé, c'est bien que les sanctions de 2014 ont eu des effets inverses de ceux recherchés. Les sanctions, c'est tout le monde qui en pâtit. Prendre des sanctions économiques, c'est se tirer une balle dans la jambe puisqu'en réalité ça signifie un sacrifice, mais après on se paie des contre-sanctions, et à ce jeu des sanctions et contre-sanctions je crois qu'il vaut mieux savoir ce qu'on fait.
Puis, quand on retire le travail de vingt ou quarante ans, c'est comme déchirer un beau tissu. On a fait une œuvre d'art, puis quand elle est cassée elle est fichue. C'est de la fine dentelle qu'on est en train de déchirer. Avec les sanctions et les gels d'avoir, on est en train de ruiner la confiance dans les transactions en euros et en dollars, de ruiner l'intérêt des pays du monde à posséder des euros et des dollars en réserve. Les circuits économiques qu'on sacrifie, ils ne reviendront plus. Le plus drôle, c'est que les Etats-Unis en récupéreront une partie comme d'habitude...
Ne minimisez pas le nazisme des ukrainiens, et comprenez bien que vous êtes en train d'être punis pour la sottise et le cynisme maladroit avec lesquels vous souscrivez à l'encouragement des médias à traiter les russes de sous-hommes, pour cette malhonnêteté crasse que vous prenez à les dénoncer comme le mal absolu sans regarder ce qui se passe exactement dans votre bord occidental, bord occidental qui plus que jamais rejoint, messieurs les universitaires, son idée étymologique de chute d'un astre solaire.

Ce qui est en train de se passer n'est pas normal, mais bon ! dans un mois vous réinstallez pour cinq ans le champion d'Alsthom, de McKinsey et j'en passe...

vendredi 1 avril 2022

"Est-elle almée ?" et la "chanson du Corsaire"

 Le poème "Est-elle almée ?" fait figure de grande énigme rimbaldienne, même s'il n'a pas la renommée de devinette du poème en prose "H" se terminant par l'injonction : "Trouvez Hortense !" Il s'agit d'une composition en vers nouvelle manière datée sur le manuscrit de "Juillet 1872". Il contient l'expression "C'est trop beau" qui figure aussi sur un poème intitulé "Juillet" ayant pour cadre la capitale belge Bruxelles. Le poème "Juillet" fait référence au séjour en Belgique de Rimbaud et Verlaine, et plus précisément à leur présence à Bruxelles jusqu'au entre environ le 10 et le 22 juillet 1872. Le poème "Est-elle almée ?" partage avec "Larme" et "Michel et Christine" le fait d'être composé en vers de onze syllabes à césure difficilement déterminable, le poème "La Rivière de cassis" contenant lui-même une dominante de vers de onze syllabes.
Au plan formel, le poème "Est-elle almée ?" a une autre caractéristique étonnante. Bien qu'il ne soit constitué que de huit vers rangés en deux quatrains, il a une organisation en rimes plates, ce qui est tout de même inhabituel pour une poésie aussi courte. Les rimes plates conviennent aux longs discours en vers, aux tragédies, pas vraiment à une composition en huit vers. Dans le même ordre d'idée, la distribution en quatrains semble elle-même insensée. Pourquoi distribuer en deux quatrains quatre paires de rimes plates ?
Sur l'unique manuscrit qui nous est parvenu, le premier vers est plutôt proche du haut du feuillet. S'agirait-il de la fin seulement d'un poème plus long dont le reste est perdu ? Steve Murphy en a émis l'hypothèse. Le poème "Mémoire" a connu à l'époque une publication chaotique, le texte des deux feuillets a été publié séparément dans deux revues distinctes. Le fait que le poème soit en rimes plates n'est pas un argument de peu de poids quant à pareille hypothèse. Enfin, le premier quatrain s'ouvre par une forme d'interrogation abrupte : "Est-elle almée ?" Là encore, il peut s'agit d'un argument sérieux pour soutenir que le poème ne nous est pas parvenu dans son intégralité.
Malheureusement, je suis incapable d'intervenir dans pareil débat. Comment déterminer si le poème est complet ou non ? Nous pouvons tout aussi bien faire confiance au découpage du manuscrit qui isolerait convenablement ces deux quatrains, après tout.
En revanche, il est question d'une "almée", d'une "Pêcheuse" et d'un "Corsaire" dans ce court moment poétique. Et c'est là que nous pouvons offrir à la critique rimbaldienne une source tangible au poème de Rimbaud.
Est-elle almée ?... Aux premières heures bleues
Se détruira-t-elle comme les fleurs feues...
Devant la splendide étendue où l'on sente
Souffler la ville énormément florissante !

C'est trop beau ! c'est trop beau ! mais c'est nécessaire
- Pour la Pêcheuse et la chanson du Corsaire,
Et aussi puisque les derniers masques crurent
Encore aux fêtes de nuit sur la mer pure !
Ma conviction est que nous pouvons lire le poème en vers de onze syllabes avec une césure après la quatrième syllabe. Dans une telle optique de lecture, seul le troisième vers implique une césure au milieu d'un mot "splen+dide". Le premier vers donnerait clairement la mesure, le second supposerait une césure déjà essayée par Verlaine sur trait d'union avec rejet dans le second hémistiche d'un pronom postposé au verbe. La lecture ne pose aucun problème pour les vers 4 et 6 : "Souffler la ville", "Pour la Pêcheuse". Elle n'est pas aberrante au vers 5 : "C'est trop beau ! c'est [...]" Nous pouvons plaider une lecture verlainienne de la césure pour le vers 7 : "Et aussi puis+que...". le vers 8 supposerait une césure à l'italienne, artifice disponible dans le cas du poème contemporain "Famille maudite" ou "Mémoire", et n'oublions pas que nos deux quatrains sont entièrement en rimes féminines, tout comme les 40 vers de "Famille maudite".
Mais laissons de côté ce débat.
Il est visiblement question de l'aube à cause de la mention des "première heures bleues" et d'une fin de fête nocturne au bord de la mer avec des personnages en costumes : "derniers masques". Les majuscules à "Pêcheuse" et "Corsaire" invitent à rechercher plutôt des personnages emblématiques, et le nom "almée" est d'une rareté réelle dans les poésies, romans et pièces du dix-neuvième siècle. La fête costumée et l'idée de chanson font envisager la possibilité de références à des personnages d'opéra : "La Belle Pêcheuse" ou "Le Corsaire". Il existe toutefois plusieurs opéras avec la figure d'un corsaire, mais depuis longtemps un entre autres retient notre attention : "Le Corsaire" de Verdi. Mais l'opéra de Verdi s'inspire du poème oriental de Byron qui porte ce nom "Le Corsaire", et nous pensons que "Le Corsaire" de Byron est la référence immédiate du poème de Rimbaud.
Quelques rappels s'imposent. Les grands écrivains français du dix-neuvième siècle ne partageaient pas nos repères sur la littérature allemande ou sur la littérature anglaise. Ils étaient beaucoup plus friands que nous des écrits fantastiques d'E.T.A. Hoffmann. Banville, le duo Mérat et Valade, mais aussi Baudelaire s'intéressaient beaucoup au poète Heinrich Heine. Avant de mourir, Baudelaire prévoyait de traduire le Melmoth de Maturin qui avait déjà marqué Hugo et Balzac. Le romancier Walter Scott avait fait une forte impression et Balzac l'avait médité pour peaufiner son approche romanesque personnelle. Et puis il était un poète particulièrement célèbre, Lord Byron. Cela fait des décennies que ses œuvres en traduction française sont invariablement absentes des librairies françaises. Il s'agit pourtant d'un auteur qui a énormément compté dans les débuts du romantisme en France. Le projet de recueil des Orientales de Victor Hugo procède de l'influence des poèmes orientaux de Lord Byron, à tel point que Victor Hugo nous a gratifié d'un magnifique poème intitulé "Mazeppa" qui est la reprise d'un sujet traité par Lord Byron avec exactement le même titre. Musset qui tout jeune était un suiveur assez manifeste des Orientales et du Cromwell de Victor Hugo subissait lui-même l'influence de Lord Byron. "Namouna", etc., les poèmes orientaux de Musset sont clairement conçus dans l'esprit des poèmes orientaux de Lord Byron. Dans une veine différente, le poème "Eloa" de Vigny procède lui aussi de l'influence de Lord Byron, et dans le même ordre d'idée il convient de citer le poème "L'Homme", le deuxième poème des Méditations poétiques de Lamartine qui s'adresse explicitement au grand modèle de poète révolté anglais. Et dans Les Fleurs du Mal de Baudelaire nous retrouvons à quelques endroits l'indice d'une influence sensible des poésies de Lord Byron également.
L'absence de traductions accessibles des écrits de Lord Byron dans l'édition française sera-t-elle enfin comblée ? En 2019, dans la collection "Poésie Gallimard", nous avons eu droit à une publication d'une petit ensemble de poèmes Le Corsaire et autres poèmes orientaux. Il s'agit d'une édition bilingue avec une présentation et une traduction de Jean Pavans.
L'ouvrage ne contient que quatre poèmes : "Oraison vénitienne" (titre original "Ode on Venice"), "Le Giaour", "Mazeppa" et "Le Corsaire".
Le poème "Le Giaour" est un ensemble de fragments et le poème "Le Corsaire" reprend les idées de cet ensemble de fragments pour aboutir à une œuvre un peu différente, mais unie et achevée.
Le poème "Le Corsaire" est constitué de trois chants, ce qui au passage conforte l'idée d'une allusion au poème byronien avec la formule "chanson du Corsaire" au vers 7 du poème rimbaldien.
Il n'est pas question de "pêcheuse" dans ce poème, mais au moins de "pêcheur", et surtout l'observation tantôt du jour qui se lève sur la mer, tantôt du couchant est un élément poétique central du récit. Il n'y est pas question de ville couverte de fleurs, le motif floral n'est même pas particulièrement prégnant, mais le motif de la fleur est présent dans l'avant-dernière section XXIII du chant troisième final : "Une fleur surgissait...", "le lys épanoui", "La fragile fleur n'a laissé aucun pétale / [...] elle s'est flétrie en tombant...". La section XXIV s'ouvre par un vers ainsi traduit en 2019 : "C'est l'aube ; peu osent en défier le silence ;" sachant que l'expression "C'est trop beau" est associée au "silence" à préserver à la fin du poème "Juillet". Je cite les deux premiers vers de la section finale en anglais : " 'Tis morn-to venture on his lonely hour / Few dare-though now Anselmo sought his tower." Il est question en cette fin de poème des "sentiments purs" du Corsaire, et à plusieurs reprises dans "Le Corsaire" nous avons une description psychologique de la mer elle-même.
Le poème "Le Corsaire" raconte la fin d'un personnage nommé Conrad qui part en expédition contre un seigneur musulman "Seyd". Le "Corsaire" est aimé d'une femme Médora qu'il va voir avant de partir au combat, mais lors de l'attaque Conrad va éviter les persécutions sur les femmes du harem et précipiter l'amour de l'une d'entre elles nommée Gulnare qui va l'aider à s'échapper, mais une action tragique va s'abattre sur Gulnare, Médora et Conrad dont je vous épargne ici le récit. Or, au début du deuxième chant, section II, nous avons une description de la vie de Seyd dans les plaisirs. Il est allongé sur un divan et "des musiciens aux rythmes violents / Font danser des almées ; l'aube verra les chefs embarquer". La traduction française étant anachronique, citons le texte original en anglais : "The long Chibouque's dissolving cloud supply, / While dance the Almas to wild minstresly ; The rising morn will view the chiefs embark ; [...]". Il y a ensuite un poème du derviche, puis quelques sections plus loin un autre vers m'a paru intéressant à relever, à la section XII du deuxième chant : "Est-ce un séraphin qui lui accorde la grâce ?" Nous avons une tournure interrogative qui nous rapproche de celle du poème rimbaldien : "Est-elle almée ?" Le "séraphin" remplace le personnage spirituel qu'est l'almée. Voici le vers original anglais : "Is it some seraph sent to grant him grace ?"
Au passage, malgré quelques apparentes exceptions que je ne m'explique pas, le poème de Byron est précisément composé en rimes plates.
Il me semble que cela nous offre un ensemble assez étoffé d'indices pour soutenir que le poème "Le Corsaire" a de sérieuses chances d'être une référence explicite du poème rimbaldien "Est-elle almée ?..."
Il y a eu plusieurs traductions du poème de Byron au dix-neuvième siècle, toutes en prose, notamment par Amédée Pichot, Paulin Paris et Benjamin Laroche. Les poèmes "Le Giaour" et "Le Corsaire" ont inspiré des opéras (Verdi), des musiciens tels que Berlioz et plusieurs peintres, et tout particulièrement Delacroix. A l'évidence, il y a de quoi faire des recherches approfondies pour déterminer plus précisément de quoi il retourne dans le cas du poème rimbaldien, ou des huit vers rimbaldiens dans l'éventualité d'un texte incomplet.
Je continue de lire mon nouveau volume de poésies de Lord Byron dans les jours qui viennent. Je l'ai acheté exprès en anticipant qu'il devait être question d'une source au poème "Est-elle almée ?..."