Il serait sans doute mieux de le laisse braire, mais une petite intervention en passant.
Prenons le site Arthur Rimbaud d'Alain Bardel à la date du 25/05/2025. Vous avez une image et un renvoi au film de Dindo sur Rimbaud. C'est jusqu'à un certain point un film intéressant, c'est une expérience particulière, mais c'est aussi assez peu digeste à regarder et je tique tout de même sur pas mal de choses et j'y trouve une doxa convenue par-derrière. Mais, en effet, c'est un des principaux films à regarder. Puis, la réalisation statique, je n'en suis pas friand, ni le jeu raide des acteurs avec l'idée un peu convenue qu'ils sont coincés ou poseurs.
On a quatre colonnes de promotion pour des livres, dont deux d'Alain Bardel qui datent de 2023, puis le dernier numéro de la revue Parade sauvage où il a ses entrées, et enfin un livre récent d'Odile Hamot que je ne connais pas du tout : 80 euros le volume physique, 55 euros en fichier PDF pour ne pas trop savoir sur quoi on va tomber...
J'ai un peu peur du contenu à voir les sous-titres : Pierre Leroux, Ballanche, yeux de chinois ou d'allemand, Obscuritate rerum, La sphinge et le phoenix,... Le début de l'introduction sur quelques pages auquel on a droit est très vague et cite Maulpoix, Bonnefoy, Blanchot. Je ne suis pas très emballé. En revanche, le choix des huit textes a une allure de démarche personnelle : "Poètes de sept ans", Une grenouille sous une soutane, "l'Homme juste", "Les Soeurs de l'ombre", "Les Mains de Jeanne-Marie", "Larme", "Mouvement", "H" et "Barbare". Le dos de couverte offre un discours universitaire assez ronflant et creux : "Nulle question n'est plus centrale...", "en dépit de la pléthore polyphonique...", "la lumière du sens semble encore et toujours se refuser" (phrase type d'un moi qui vaut autant qu'un autre et défend d'avance son droit de parler), "entrer en dialogue avec les hypothèses antérieurement proposées", etc. Je ne le sens pas.
On a ensuite une nouvelle distribution en colonnes, tout à gauche un livre d'hommages à Murphy de 2024, à droit les actualités dont je suis banni depuis plusieurs années déjà (car j'y faisais des petites incursions régulières auparavant). Et puis, au centre, nous avons les actualités du site lui-même avec pour dernier article celui du 23/05 "Sur la double pagination du folio 24". Je vais en parler, mais avant je fais le relevé suivant des centres d'intérêt de Bardel ces derniers mois. Le 26 avril, c'était déjà un article sur les manuscrits des Illuminations avec un titre d'allure similaire :"Sur les traits de séparation dans le manuscrit des Illuminations", avant c'était un article sur le film de Dindo disponible sur la plateforme Youtube, puis avant c'était un article sur "Jeunesse" avec une thèse de lecture quelque peu biographique mettant en avant certaines dates et cela s'accompagne d'une réflexion toujours sur la prétendue unité de la liasse manuscrite. Et en janvier, c'était un article sur la "pagination" de cette liasse et la raison pour laquelle elle s'arrête à "Barbare". A la mi-décembre 2024, c'était un article sur le mot de "chiffons volants" de Fénéon.
Certains de ces articles de Bardel sont parus très peu de temps après des articles soit de moi, soit de Jacques Bienvenu (avec notamment le cas des deux manuscrits de "Promontoire").
Bardel passe des mois et des mois à commenter les manuscrits des Illuminations, mais contrairement à moi ou à Jacques Bienvneu il peine à arriver à des conclusions intéressantes. Il ne démontre même pas ce qu'il avance, il affirme par pétition de principe.
Mais, au fait, comment Bardel peut-il s'intéresser de si près à des "traits de séparations" ou à un chiffre "24" découpé, alors qu'il ne s'intéresse pas à la signature "Arthur Rimbaud", au manière d'encadrer ou parfois non les titres de poèmes, etc. ? Il est bien sélectif dans sa minutie. C'est un premier problème.
Puis, moi, quand j'épluche des manuscrits, je ramène des découvertes : j'arrive à comprendre que le texte imprimé de "Mauvais sang" fournit la coquille "outils" pour la leçon manuscrite "autels", leçon manuscrite qui a toujours été la seule acceptée concernant le brouillon de "Mauvais sang", je précise. Pourquoi des rimbaldiens trouvent bon désormais de dire que le manuscrit du brouillon se lirait peut-être "outils" ce qui est insoutenable en réalité ? Pourquoi ne pas comprendre ? Le manuscrit de "L'Enfant qui ramassa les balles..." porte la signature "PV" : pourquoi ne pas accepter son poids dans le débat philologique ? Pourquoi des paroles d'autorité veulent soutenir que le dizain a été recopié par Rimbaud parce que c'était de Rimbaud ? "Le Bateau ivre", c'est de Verlaine alors ? Qui a mis ce "PV" ? Régamey par erreur ? Sur le manuscrit de "L'Homme juste", pourquoi publier l'article hallucinant de Marc Dominicy sur un déchiffrement qui relève de l'évidence ? Pourquoi faire passer Steve Murphy pour un génie de l'analyse des manuscrits s'il est incapable de lire une fois pour toutes : "- Ô j'exècre tous ces yeux de chinois ou daines" ? Il a bien envisagé "Nuit" pour l'autre vers à déchiffrer, je confirme que c'est la bonne lecture". Il y a pour le poème "L'Orgie parisienne ou Paris se repeuple" une partie manuscrite sur un exemplaire du Reliquaire utilisé par Vanier, j'ai fait un article à ce sujet, et j'ai la photographie de ce passage inédit qui ne figure pas dans le tome IV des Œuvres complètes d'Arthur Rimbaud de Steve Murphy chez Honoré Champion, celui qui contient les fac-similés en reproductions photographiques... Ce n'est pas important de réfléchir sur la variante contrastée "putain Paris", "pudeur Paris", sur l'établissement de la ponctuation et des majuscules, sur le mystère du cheminement des manuscrits et sur le repérage d'une hybridation entre deux versions. Il faudra vraiment que je mette ces photographies en ligne dans un article à paraître sur ce blog.
Passons à l'article du jour d'Alain Bardel. Il ne revient pas sur l'analyse d'ensemble des 24 pages, alors que c'est un système. Bardel affirme comme une pétition de principe que le chiffre 18/ est différent parce que Rimbaud a remplacé une page par une autre. Bardel est convaincu de cette pseudo-évidence parce qu'il a un autre sentiment de pseudo-évidence implicite. Personne n'aurait mis comme ça un 18.
Je pense exactement l'inverse. Si Rimbaud avait à remplacer une page, on ne voit pas ce qui l'empêchait de reconduire la manière de paginer du dossier, tout l'y invitait au contraire. Le 18 a été mis à l'encre isolément, ainsi que l'autre numéro pour la série des "Phrases" et ensuite quelqu'un a paginé le reste. Ouy bien les deux travaillaient au même moment, l'un paginait, puis l'autre mettait le 12, puis ça reprenait jusqu'au 17, puis l'autre insérait le 18, puis ça reprenait. L'analyse des changements du crayon et de l'encre, du déplacement de la signature "Arthur Rimbaud" par rapport aux numéros de La Vogue, tout concorde.
Sur les traits de séparation, je n'ai pas de temps à y consacrer pour l'instant, mais Bardel fait comme si son discours était un absolu qui pouvait détruire l'article en deux parties de Bienvenu sur la suite paginée. Il n'y a plus besoin de contester une thèse, les avis péremptoires sur des traits de séparation valent réfutation. Ce n'est pas très scientifique comme démarche.
Et c'est pareil avec ce 24 au crayon.
Premièrement, il apparaît presque entièrement au haut du manuscrit en question, ce qui fait déjà dire un peu vite qu'il a été coupé aux ciseaux. Il est écrit tout en haut du feuillet manuscrit et c'est peut-être déjà qu'une illusion d'optique de prétendre que le nombre 24 a pu y être découpé aux ciseaux !
Notons au passage que Bardel considère quand ça l'arrange que les protes de la revue La Vogue découpent aux ciseaux dans les manuscrits alors que le reste du temps il affirme que tout est authentiquement rimbaldien dans ces manuscrits. Boire ou conduire, il faut choisir !
Enfin, c'est par pure pétition de principe que Bardel affirme que ce nombre 24 date du temps de la confection des manuscrits par Rimbaud, plus de dix ans auparavant, sous prétexte que les ciseaux n'auraient été utilisés que pour nettoyer un manuscrit dont le bord s'effrangeait, s'élimait, patati patata, et il y aurait une grande absurdité à ce qu'il mette un 24 sur du papier abîmé pour le couper après et remettre le 24 ailleurs un peu après.
Dans tous les cas, le 24 peu satisfaisant a été repris à gauche du manuscrit.
Je ne lis dans les conclusions et argumentations de Bardel que des pétitions de principe.
Moi, pendant ce temps-là, je commente à tout va.
"Les Etrennes des orphelins", je relève le modèle du célèbre conte d'Andersen de "La Fille aux allumettes", je mets en avant Henry Murger pour "Sensation" et bien sûr pour "Ophélie", et je souligne l'intérêt de l'appendice au recueil posthume Nuits d'hiver pour "Ma Bohême", je mets en avant des poésies de Gautier pour "Bal des pendus", etc., je mets en avant "Stephen" pour "Roman", je montre à quel point Rimbaud s'est inspiré de "Rolla" pour "Credo in unam". Je souligne plein d'autres sources. Et je fais du factuel, comme on dit. C'est cent mille fois plus intéressant que de me demander si Rimbaud a voulu mettre dix poèmes dans tel ordre sans qu'on ne soit capable de rien dire sur l'intérêt littéraire précis de ce défilement des textes.
Parce que à la fin des fins ça sert à quoi de se battre avec acharnement pour dire que les poèmes des Illuminations doivent être lus dans tel ordre si c'est juste pour baragouiner un vague débat à la façon du quatrième de couverture du livre d'Odile Hamot ? Je n'ai rien contre elle, je ne l'ai pas lue, mais les trois pages d'introduction et le quatrième de couverture je n'y trouve pas l'avertissement que quelque chose est en train de se jouer. Et c'est pareil avec le débat désastreux dans lequel Bardel sinon Murphy voudraient nous enferrer.
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