Je poursuis avec la méthode de Champollion, et je m'attaque cette fois au nom "Lysios", cela concerne quelques vers de l'avant-dernière séquence de "Credo in unam" :
- Ô grande Ariadné, qui jettes tes sanglotsSur la rive, en voyant fuir là-bas sur les flots,Blanche sous le soleil, la voile de Thésée,Ô douce Vierge enfant qu'une nuit a brisée,Tais-toi : sur son char d'or brodé de noirs raisins,Lysios, promené dans les champs Phrygiens,Par les tigres lascifs et les panthères rousses,Le long des fleuves bleus rougit les sombres mousses.
Rimbaud se réfère à la légende bien connue d'Ariane abandonnée par Thésée sur l'île de Naxos et secourue par Dionysos qui en tombe amoureux, sauf que Rimbaud opte pour le nom peu courant de Lysios pour désiner le dieu.
Cela permet de relever un écho avec le poème "Ariane" de Glatigny où le même nom Lysios est utilisé. Il s'agit d'un poème du recueil Les Flèches d'or que Rimbaud connaissait très bien en 1870, il contient "Promenades d'hiver" source le mois suivant en juin de "A la musique", et on y relève aussi le titre "Les Petites amoureuses".
Voici les vers de Glatigny dont Rimbaud s'est inspiré :
Victime au cœur blessé par les flèches d'Eros,Lorsque tu fatiguais les échos de NaxosDu bruit de tes sanglots, douloureuse Ariane,Pâle, le front caché dans ta main diaphaneQue le jour traversait de ses roses rayons,Savais-tu, savais-tu que, vainqueur des lions,Couché sur l'éclatante échine des panthères,Lysios, qui présides aux terribles mystères,Aux noirs enchantements de l'ivresse et des vins,S'avançait, le jeune homme aux traits fiers et divins,Le doux efféminé qui naquit dans les flammes,Courageux comme Hercule, et beau comme les femmes !Oh ! dis, le savais-tu ? Dans ton lourd désespoir,Tes yeux qui s'égaraient sur l'abîme pour voirFuir au loin le vaisseau du perfide Thésée,Tes grands yeux où brillait une amère rosée,Avaient-ils vu le thyrse apparaître joyeuxDevant l'adolescent fils et frère des Dieux ?[...] en cet heureux instantOù s'avance l'époux jeune et fort qu'elle attend ;[...]Ah ! souris maintenant ! Ce bonheur est venu ![...]Sous le pesant navire apparaîtra le DieuTranquille et triomphant, dont le charmant aveuRanimera ta force éteinte et ta sauvageEnergie, Ariane en pleurs sur le rivage,[...]
Rimbaud a repris "sur le rivage" et l'a mis en rejet. Il a repris "grands" qui qualifiait les yeux au singulier pour désigner Ariadné. Il a repris le nom Lysios et la séquence "Fuir... le vaisseau du perfide Thésée", la mention des panthères et des sanglots, l'injonction, "souris" contre "Tais-toi", et la comparaison du futur époux qui s'avance tel Hercule permet un rapprochement complémentaire avec d'autres vers du poème de Rimbaud :
Héraclès [...]S'avance, front terrible et doux, à l'horizon !
Dans l'économie du recueil de Glatigny, le poème suivant "La naissance de la rose" raconte la naissance dans les flots de Vénus nommée alors Cypris.
Je vous annonce le prochain article qui n'utilisera pas la recherche à partir des noms propres, il sera question du "Sacre de la Femme" et du "Satyre" de Victor Hugo.
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