jeudi 28 janvier 2021

Un distique qui n'est pas de Corbière ! Ou presque !

A une époque, on pouvait acheter dans la collection "Bouquins" chez l'éditeur Robert Laffont [ici, lancer le générique des Chiffres et des lettres], une somme réunissant en un seul volume les "œuvres poétiques complètes" de Myriam Rimbaud, Gertrude Cros, Jacqueline Corbière et Lautrestunhomme. L'ouvrage était annoté et préfacé par Hubert Juin. Ce volume contenait la "Lettre du baron de Petdechèvre" alors attribuée à Rimbaud. Nous y trouvions également le dizain de Verlaine "L'Enfant qui ramassa les balles...", sur lequel Murphy, Guyaux, Lefrère, Bardel et quelques autres ont établi une sauvegarde d'attribution rimbaldienne d'une insigne mauvaise foi, au mépris de tout sérieux philologique.


Mais cette édition fournissait aussi une quantité conséquente de "poèmes retrouvés" de Corbière, à tel point qu'elle est subdivisée en deux sections "Vers de jeunesse" et "Poèmes divers".
Je possède une édition plus récente du recueil Les Amours jaunes au Livre de poche. Cette édition de 2003 s'en tient à une sélection de "six poèmes retrouvés" : "Sous un portrait de Corbière", "Une mort trop travaillée", "Paris nocturne", "Paris diurne", "Petit coucher (risette)" et le sonnet sans titre : "Moi ton amour ? - Jamais ! [...]".
Dans la collection "Bouquins" [ici introduire le générique de Fort-Izambard], nous avions dix poèmes "de jeunesse" et quelques "poèmes divers" en plus des six sélectionnés au Livre de poche : "La Balancelle", deux dédicaces des "Amours jaunes", un distique, "Pierrot pendu" et un "Fragment de poème".
Le fragment est de l'ordre du brouillon de quelques lignes et le poème "Pierrot pendu" est obscène et offre une lacune d'un vers dans son premier quatrain. On regrettera évidemment l'absence du poème "La Balancelle" dans l'édition au Livre de poche. Le témoignage des "vers de jeunesse" aurait pu être offert, nous avons plusieurs parodies, ce n'est donc pas sans intérêt pour la connaissance de l'auteur.


Et puis il y a ces deux dédicaces très courtes dont je n'ai pas trouvé mention non plus dans la préface de Christian Angelet-sur-une-tartine.

Je vous les offre en retranscrivant ce que j'ai dans l'édition "Bouquins" (ici introduire le générique du jeu Pyramide).
Sois exemplaire, aime ton vacher, dit la première.
Je t'ai composé ça en deux-deux, dit la seconde.

Deux dédicaces des "Amours jaunes"

I
Sur l'exemplaire de M. Le Vacher

Mon blazon pas bégueule
est comme moi faquin
Nous bandons à la gueule
Fond troué d'arlequin.

II
Sur l'exemplaire de M. Le Gad

Nous sommes tous les deux deux fiers empoisonneurs.
A vous les estomacs, Le Gad, à moi les cœurs !
Et donc dans l'édition pas triste en "Bouquins", on a dans la foulée un "distique" composé fissa-fissa aussi sec.
Mon cher, on m'a volé... - Que je plains ton malheur !
- Oui, mon cher, un album. - Que je plains le voleur !
Soit ! Mais, alors, je voudrais qu'on m'explique pourquoi ces vers je les avais déjà lus au lycée dans mes volumes de la collection Lagarde et Michard, sous le nom d'un autre poète qui n'est pas du même siècle !
Je prends un volume d'anthologie de la Littérature française au XVIIIe siècle par Lagarde et Michu. A la page 361, quasi au tout début de la notice sur Lebrun, on lit ceci :

Les épigrammes sont prestement enlevées et mordantes à souhait, témoin ce distique :
On vient de me voler... - Que je plains ton malheur !
- Tous mes vers manuscrits. - Que je plains le voleur !
Comme chanterait Hondelatte "Dr House, c'est pas Mickey Mouse."
Mais il ne suffit pas de constater que le distique est de Lebrun et que Corbière n'a fait que le recopier, puisqu'il y a une petite énigme : des différences entre les deux versions. Ce sont des différences de mémoire ou bien le distique serait-il remanié, même s'il est de quelqu'un d'autre, en passant de l'idée d'album intime à "manuscrits" par exemple ?
Les seconds hémistiches sont identiques. Le premier hémistiche du premier vers conserve le sujet "on", même s'il passe à l'attaque du vers, et aussi le verbe "voler" conjugué différemment. Le second vers était un peu chevillé avec la reprise "mon cher", et il est amélioré par la leçon : "Tous mes vers manuscrits".

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