mardi 19 janvier 2021

A propos de "vibrements"

L'existence de mots partiellement concurrents en français peut toujours trouver sa justification : le très ténu "régénérescence" face au plus correct d'emploi "régénération" ou "envahissement" face à "invasion", désormais "visionner" face à "regarder" et "solutionner" face à résoudre".
Au dix-neuvième siècle, le mot "vibrement" semble avoir fait concurrence au mot "vibration", et ce mot "vibrement", même s'il revient quelque peu sous la plume de quelques-uns à notre époque, effraie la fonction de recherche Google, à tel point qu'à une recherche "vibrement hugo", les réponses proposées me ramènent sans aucun avertissement au mot "vibration".
J'ai décidé de contrer la difficulté en ajoutant des guillemets et en faisant une recherche d'abord du mot au singulier, ensuite du mot au pluriel. J'ai fait une recherche non plus couplé à "hugo", mais à "Gautier".
Je voudrais quand même qu'on comprenne que le mot est d'une phénoménale rareté.
Fongaro avait déjà insisté sur le fait que "strideurs" et "clairon" couplé dans un alexandrin pour deux poèmes de Rimbaud cela ne pouvait que provenir du couplage "strideur" et "clairon" dans un alexandrin du recueil Feu et flamme de Philothée O'Neddy. J'ai poussé plus loin en montrant que cela permettait d'affirmer que le sonnet "Voyelles" supposait une lecture communarde. Mais Fongaro avait signalé à l'attention que "abracadabrantesques" sonnait quelque peu comme du Gautier à cause des antécédents "abracadabrant" et "abracadabresque" sous sa plume, et il avait ajouté que le mot "vibrements" était lui-même un néologisme qui devait provenir de Gautier.
Evidemment, une des réactions du public peut être de dire que ce qui semble venir de Gautier avait une vie diffuse dans la société. Et c'est là que j'ai l'idée de répliquer à cela avec le présent article. Les gens nés au vingtième siècle ont profité jusqu'en 2000 environ de diffusions conséquentes de discours oraux faits à la télévision ou à la radio, sans oublier le cinéma et les cassettes vidéos. Nous jouissons sans doute aussi d'une abondance toute particulière de situations d'auditoires, soit à cause du tourisme avec guides, soit à cause des multiples cours auxquels nous pouvons assister, soit à cause des réunions dans le monde du travail, etc., etc.
Même si les réunions pouvaient être courantes à l'époque de Rimbaud, notre poète a la particularité d'avoir composé son œuvre très jeune et d'avoir vécu jusqu'à la mi-septembre 1871 plutôt isolément. Par ailleurs, le lexique "vibrement" fait partie d'un vocabulaire moins familier que spécialisé. Si le mot "vibrement" était familier d'emploi, il ne serait pas si difficile d'en trouver des attestations dans la littérature du dix-neuvième siècle.
Or, ce qui me frappe, c'est que, dans "Voyelles", si nous laissons de côté "virides", nous avons trois mots extrêmement rares qui font tous référence au bruit : "bombinent", "strideurs" et "vibrements". Le mot "bombinent" revient dans "Les Mains de Jeanne-Marie", mais c'est un mot dont nous connaissons aucune attestation en-dehors des deux emplois rimbaldiens. C'est un cas unique avec le mot "pioupiesques" du "Cœur supplicié". Le mot "abracadabrantesques" n'a qu'une seule occurrence connue antérieure à Rimbaud, et cela dans un livre d'un auteur douaisien Mario Proth. Je ne pense pas que le mot "abracadabrantesques" avait une grande diffusion orale. Le mot "abracadabrantesques" est une exagération comique du couple "abracadabrant" et "abracadabresque" exploité par Gautier.
Alors, la recherche google "vibrement Gautier" donne beaucoup de liens sur le conte fantastique "La Cafetière" à cause du programme officiel des classes de quatrième au collège. J'ai trouvé une attestation de Zola dans Le Ventre de Paris, ce qui, étonnamment, nous rapproche de la date de composition de "Voyelles". Pourtant, je n'ai fait une recherche qu'à partir de Gautier. Je cite ce passage du cinquième chapitre du roman Le Ventre de Paris et je fais une citation assez longue pour inclure le mot "puanteurs" dont la proximité pourra étonner le rimbaldien :
   C'était une cacophonie de souffles infects, depuis les lourdeurs molles des pâtes cuites, du gruyère et du hollande, jusqu'aux pointes alcalines de l'olivet. Il y avait des ronflements sourds du cantal, du chester, des fromages de chèvre, pareils à un chant large de basse, sur lesquels se détachaient, en notes piquées, les petits fumées brusques des neufchâtels, des troyes et des monts-d'or. Puis les odeurs s'effaraient, roulaient les unes sur les autres, s'épaississaient des bouffées du Port-Salut, du limbourg, du géromé, du marolles, du livarot, du pont-l'évêque, peu à peu confondues, épanouies en une seule explosion de puanteurs. Cela s'épandait, se soutenait, au milieu du vibrement général, n'ayant plus de parfums distincts, d'un vertige continu de nausée et d'une force terrible d'asphyxie. Cependant, il semblait que c'étaient les paroles mauvaises de madame Lecœur et de mademoiselle Saget qui puaient si fort.
Zola a publié le roman Le Ventre de Paris en 1873. Les chapitres ont dû être publiés dans une revue. Le roman La Curée l'a été dans la revue La Cloche avant d'être publié en livre en octobre 1871 apparemment. Zola a-t-il fait partie des privilégiés ayant joui d'une lecture du sonnet "Voyelles" en 1872 ? La coïncidence est amusante.
Mais, le mot "vibrement" au singulier ou au pluriel "vibrements", c'est essentiellement sous la plume de Gautier qu'il revient et dans des textes plus anciens : le conte fantastique "La Cafetière" et le sonnet de ses "Premières poésies", cela nous renvoie à ses tout débuts. Il y a aussi une occurrence dans Le Roman de la momie.
Une recherche "Zola 'vibrement' " livre quantité de liens sur la seule occurrence du roman Le Ventre de Paris. Il s'y mêle une page sur le pluriel de "Voyelles", mais aussi une citation de Numa Roumestan d'Alphonse Daudet :
En parlant, il se découvrait une sensibilité qu'il ne se savait pas, s'émouvait au vibrement de sa propre voix, à de certaines intonations qui lui prenaient le cœur, lui remplissaient les yeux de larmes.
Spontanément, nous avons envie de corriger par "vibration" : "à la vibration de sa voix". Toutefois, ce livre ne date que de 1881.
La recherche "Zola 'vibrements' " ne donne que des pages sur le sonnet "Voyelles" de Rimbaud. Je ne m'amuse évidemment pas à fouiller les propositions du site Google.
La recherche "Daudet 'vibrements' " amène à peu près au même constat, mais parmi les premiers liens j'ai droit à la page "vibrement" du site Wiktionnaire où parmi les exemples nous avons le tercet de "Voyelles", l'emploi au singulier du passage cité plus haut de Numa Roumestan et enfin un texte de 1834, ce qui nous rapproche des antériorités de Gautier :
C'est sans doute à l'imitation de ces clepsydres arabes que plus tard nos mécaniciens ont installé dans quelques cathédrales de France, mais avec un système perfectionné de balanciers et de roues d'engrenage, des horloges où des portes s'ouvrent aussi pour un glorieux défilé d'anges et d'archanges agitant leurs ailes, et sonnant de la trompette au milieu du vibrement des heures - (Jean-Joseph Marcel, Histoire de l'Egypte depuis la conquête des arabes jusqu'à celle des Français, page[s] 129-130, 1834, H. Dupuy)
La définition du site Wiktionnaire se contente de la synonymie avec "vibration" en signalant le terme comme "rare".
La recherche "Daudet 'vibrement' " nous libère un peu de l'emprise des pages sur "Voyelles", mais nous revenons à celles sur le même passage de Numa Roumestan. Une petite exception est à relever, avec une mention de Léon Daudet dans un ouvrage de 1896 Les idées en marche où le mot "vibrement" au singulier apparaît dans une citation d'un certain Baptiste Bonnet, et je récupère cette occurrence à cause bien sûr de son association à un insecte, à cause ici de la tendance à la métaphore musicale solennelle ironique :
Ah ! ne vaudrait-il pas mieux être aveugle ? Ne vaudrait-il pas mieux être sourd que d'entendre cette symphonie divine faite du gazouillis des oiseaux, du caquetage des sources, du vibrement ailé des insectes, du rire des jolies filles ; des chansons du vent dans les feuilles, des musiques du rossignol et du grillon ? [...]
Il faut dire que le mot "vibrement" fait naturellement songer à des termes de bruit avec le suffixe en "-ment", "bourdonnement" au premier chef.
On voit que, dans le poème de Rimbaud, "bombinent", "vibrements" et "strideurs" confortent les rapprochements entre les images.
Dans les liens proposés, je n'ai pas parlé d'un lien qui revient souvent, une page du dictionnaire en ligne CNTRL. Le mot "vibrement" n'a pas tellement droit à une page qui lui est propre, puisqu'on nous impose la définition du verbe "vibrer" avant de nous accorder une petite mise au point sur ce substantif dérivé du verbe "vibrer". Apprécions les éléments de définition qui sont offerts. Le mot est reconnu comme "rare" et se définit par son synonyme courant "vibration", mais on a droit à une petite précision entre parenthèses sur son emploi : "Dans des con[extes] à valeur fig[urative]". La première citation délivrée date du vingtième siècle, de 1906. Elle vient d'un romancier Alain-Fournier, mais de sa correspondance avec Jacques Rivière : "Il me semble que mes paroles, quelquefois, alors qu'elles pourraient remuer de leur vibrement des cœurs comme le mien, ne peuvent sonner pour d'autres que puérilement et sottement." L'auteur du [Grand Molnès], pardon je rigole, du Grand Meaulnes et jacques Rivière s'intéressaient de près à la poésie de Rimbaud, bien sûr, mais on sent que la formule n'est pas influencée par Rimbaud, plutôt par les autres citations que nous avons relevé, et l'emploi du singulier est partiellement significatif à cet égard.
Selon le CNTRL, la première attestation du nom "vibrement" vient du conte fantastique La Cafetière de Gautier et date de 1831, emploi au singulier. Toutefois, l'emploi au pluriel dans un sonnet de la section "Fantaisies" est contemporain de la nouvelle "La Cafetière". En fait, l'attestation la plus ancienne serait bien celle au pluriel, il me semble.
précisons, la nouvelle "La Cafetière" sous-titrée "conte fantastique" a été publiée en 1831, il faudrait vérifier au mois près, mais il faut rappeler qu'en 1830 la France a connu une révolution, celle des Trois Glorieuses en juillet. Normalement, Gautier devait publier à ce moment-là un premier recueil tout simplement intitulé Poésies. Je possède un volume des Œuvres poétiques complètes de Théophile Gautier, édition établie par Michel Brix (Bartillat, 2004, 2013) et je vais m'appuyer sur ce que Brix peut dire dans son "Introduction" :
[...] La Bibliographie de la France - recueil périodique qui fournit la référence et la date des publications nouvelles - signale la mise en vente desdites Poésies dans son fascicule du... 31 juillet 1830. En ces jours qui appartiennent à l'histoire plutôt qu'à la littérature, le bon peuple de Paris a, on s'en doute, tout autre chose à faire que de s'occuper de poésie. La politique - pour laquelle Gautier a toujours affiché un dédain manifeste - joua ainsi, pour son entrée officielle dans le petit monde des lettres, un tour pendable à notre auteur. Les volumes restèrent tristement chez l'imprimeur et chez le libraire Mary, où l'on en avait déposé quelques exemplaires.
J'aimerais beaucoup mettre la main sur un de ces volumes restés chez l'imprimeur et à défaut avoir une liste exhaustive des quarante-deux poèmes ! Brix entame ensuite un commentaire de ce qu'il appelle des "juvenilia", sans nous préciser s'il s'agit bien des poèmes des Premières poésies. On le comprend entre les lignes à quelques indices précis. En 1832, Gautier a publié son second recueil, Albertus ou l'Âme et le péché, légende théologique, mais le recueil se compose donc du long poème en douzains Albertus et de poèmes nouveaux, mais entre Albertus et les nouveaux poèmes, nous avons droit aux quarante-deux poèmes de l'édition avortée de 1830, parmi lesquels le sonnet avec la mention au pluriel "vibrements" au vers 9. Peut-on dire que l'attestation "vibrements" de ce poème en vers est postérieur à celle au singulier de la nouvelle "La Cafetière" ? Pour un lexicographe, ce n'est pas la date de publication d'un ouvrage qui compte. Si le mot était présent dans un ouvrage demeuré chez l'imprimeur en 1830, c'est cette attestation que a l'antériorité.
Moi, je trouve ça intéressant tous ces relevés. On voit que le mot au pluriel "vibrements" est rare puisque le singulier est préféré par la plupart des auteurs apparemment. Cela renforce l'idée que dans "Voyelles" Rimbaud s'inspire directement du sonnet de Gautier. Or, la mention dans ce sonnet de Gautierest finalement antérieure à la mention si connue de la nouvelle "La Cafetière". Ensuite, toutes ces citations confirment un peu l'idée à laquelle le site du dictionnaire CNTRL nous invite à faire attention, c'est que le mot est employé dans des contextes volontiers figuratifs, avec une prédilection pour le vrombissement ou bourdonnement des insectes, avec un intérêt certain pour une idée de musique symphonique étrange, avec aussi un certain penchant mystique pour les anges, les archanges et les Angela ("La Cafetière").
Le CNTRL signale à l'attention une autre occurrence dans un ouvrage intitulé Louis-Philippe, mais la mention d'auteur est abrégée en "Mat." et j'ai la flemme de faire une recherche. Il doit s'agit du livre Le Vocabulaire et la société sous Louis-Philippe de Georges Matoré avec un important chapitre sur "Le Vocabulaire littéraire de Théophile Gautier" A la page 318, il est question du mot "abracadabrant", mais ni d'abracadabresque, ni d'abracadabrantesque(s), ni de Rimbaud. Pour "vibrement", c'est le passage de "La Cafetière" qui est cité, le mot est déclaré repris par Rimbaud, mais dans "Le Bateau ivre", confusion dommageable. Je ne sais pas ce que veulent dire les lignes "* Acad. 1835" et "P. Guérin". Le mot aurait été recensé par l'Académie en 1835, je ne sais pas !
Une recherche "Nerval 'vibrement' " me décourage rapidement. Je asse à une recherche "Hugo 'vibrement' ", le grand romantique n'a pas l'air d'employer ce mot. En revanche, voici une occurrence de 1933, par le linguiste Grammont : "Quand l'r s'appuie sur une voyelle grave, son vibrement donne l'impression d'un craquement, d'un râclement si la voyelle est éclatante et d'un grondement si elle est sombre. [...]" En clair, Grammont est en train de récupérer un mot dont il a vaguement conscience de l'origine littéraire dans un jargon pseudo-scientifique qu'achève de ridiculiser ces comparaisons d'une subtilité de vocabulaire infinie avec "craquement", "râclement". Grammont est tout simplement en train de s'émerveiller qu'il existe quantité de noms avec un suffixe en "-ment", cela l'émoustille énormément.
Pour une recherche "Hugo 'vibrements' " on voit à nouveau que le vers de "Voyelles" s'impose, malgré le fait de sélectionner les pages faisant mention du nom "Hugo".
Je ne vais pas faire des recherches en continu. Je pense que les gens qui auront lu cet article comprendront que la mention "vibrements" commune à "Voyelles" et à un sonnet de Gautier, à deux vers 9, ça peut difficilement passer pour quelque chose d'anodin.

8 commentaires:

  1. J'ai encore trouvé deux occurrences postérieures chez Huysmans, une occurence dans "Du Rhin au Nil" de X. Marmier qui parle d'imiter désespérément les grands écrivains Chateaubriand, Hugo, lamartine ou Byron dans ses premières pages.
    Flaubert, George Sand, Nerval, Chateaubriand, Mérimée, Stendhal, Les Goncourt, j'échoue sans arrêt à trouver des attestations du singulier "vibrement".

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  2. Ah je n’avais pas vu que vous en faisiez mention !

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    1. Vous parlez de quoi ? Marmier ? Huysmans ?
      En fait, j'ai trouvé d'autres attestations au début du vingtième siècle dont un ouvrage de psychologie de 1907, je crois. J'ai trouvé des trucs tout récents, mais forcément ça ne compte pas du tout. J'ai aussi un extrait d'ouvrage étonnant. Le gars parle des néologismes, et puis d'un coup sur cinq lignes il fait un développement hallucinant : "L'auteur veut un nom pour le verbe "vibrer", "vibrement" et "vibration" se présentent à son esprit sans même qu'ils se demandent si ces termes existent et sont dans un dictionnaire ou pas." Et puis il repart sur de néologisme splendifier" ou "miroboloveilleux"." C'était amusant, j'aurais dû en prendre note.
      Je ne vais pas dépouiller pour vibrement Renan, Quinet, Sue, Féval, Dumas, etc., etc.
      Mon combat, c'est de faire comprendre aux gens que j'ai raison sur "Voyelles" quand j'identifie la force figurale mystique de l'expression "vibrements divins". J'ai toujours eu l'idée naïve que c'était explicite dans les termes, mais non ! Il faut que j'explique qu'au mot "vibration" est préféré le mot plus lourd de suggestion symbolique "vibrements", que les mers vibrent parce que le monde vibre comme une lyre ainsi qu'il est dit dans "Credo in unam". Car oui les vibrements divins des mers virides c'est une portion appréciable de la vibration des mondes en référence à la Musique des Sphères, laquelle est mobilisée contre l'emploi plus religieux de vibrements dans le cas d'une cloche d'église, puisque d'une façon évidente le sens figural de symbolique est conditionné par le terme auquel il s'applique, église ou mers.
      J'ai l'impression de devenir fou. J'ai raison depuis 18 ans sur "Voyelles". Là, j'ai mis en ligne un article de folie sur "frissons" et "vibrer, j'ose pas imaginer ce que les gens en pensent. La suite va arriver sur la notion d'amour, et j'ai des cautions historiques à la clef. Mais je suis désespéré, désespéré ! Je n'arrive pas à comprendre pourquoi les gens ne comprennent pas, et quand ils comprendront ils diront que c'est simple, que ça va de soi et qu'ils l'ont toujours compris ainsi. Mais, alors, pourquoi ils n'arrivent pas à lire Rimbaud ? Pourquoi ils s'en font une énigme, un mystère ? Pourquoi ils brodent du n'importe quoi s'ils ont compris ? Je pige pas le blocage ambiant, ça me dépasse.

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    2. Je vous avais écrit un message sur le texte de Jean-Joseph Marcel, publié avant de voir que vous en faisiez mention. Je trouvais cela drôle et à la fois intéressant que ce texte fasse tout à la fois mention d’ « anges » et de « la trompette » dans une idée de mystique chrétienne de la lumière, d’autant qu’il s’agit de cathédrale et la mise en scène de la lumière en un tel lieu, assez hugolien, quoi. Par ailleurs, le texte fait comprendre que ce sont les engrenages qui enclenchent un mécanisme d’anges qui sonnent la trompette et les heures : une mécanique musicale !
      Sans parler d’intertexte, cela laisse comprendre qu’il y a tout un bain culturel...

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    3. Ah ! d'accord ! Je n'ai pas vu votre message sur J.-J. Marcel, je suppose que vous l'avez supprimé. J'ai vu aussi un poème cité de quelqu'un qui au vingtième siècle imite Rimbaud n'importe comment avec "lamé d'or" et un vers "vibrement nuageux de mousse jesaispukoi".
      Pour "vibrements divins des mers", même si à la limite, on ne l'associera pas forcément à la musique des sphères, à tout le moins le fait de qualifier leur vie comme divine est métaphysique.
      Là, on prend le commentaire au poème d'Alain Bardel pour le tercet du U. Je remarque en passant que Bardel me cite, mais en m'enfermant dans l'axe de la lecture parodique de Reboul qui n'est pas du tout mon fait. Décidément, je suis maffré. Mais, surtout, on voit que tout le raisonnement sur le vers 9, c'est de justifier l'image ondulante du U. Bardel comme d'autres ne voit que le fait de reproduire un U dans l'ondulation des vagues. Du coup, il n'accorde aucune attention à l'image générale de mers avec toutes leurs connotations et il passe à côté du qualificatif "divins" qui n'est en rien commenté par l'idée de constater une série de u dans une ondulation. Ils fixent dans l'objectif de la lunette des riens, des amuse-gueules. L'essentiel, ils le laissent filer. Bardel parle ensuite de l'importance symbolique du vert par opposition au rouge, mais il le fait indépendamment de ce que dit le poème, des images. Il parle de tranquillité alors qu'il est question de "vibrements divins des mers virides". Oui, il y a deux fois "paix" ensuite... Mais dire le rouge c'est la passion et le vert la tranquillité il y a pas besoin d'écrire "Voyelles" pour illustrer ça. On le voit bien que j'arrive à pointer ce qui ne va pas dans leurs lectures, là je critique une synthèse de lectures...
      Un autre truc dont les gens ont peur, c'est l'ésotérisme avec Musique des Sphères, alchimie et exil sur la Terre d'une homme qui a une parcelle divine.
      D'abord, Rimbaud y fait référence explicitement (Musique des sphères dans Credo in unam, mention du mot "alchimie" dans "Voyelles), et il lisait Swedenborg, deux attestations.
      Moi aussi, je trouve ça débile les illuminés. Eliphas Lévi, je comprends rien à la lecture, puisque je ne vois pas où ça va. Mais Rimbaud, s'il lisait Swedenborg, c'était certainement par perfidie. Eliphas Lévi, c'est un croyant qui vivait à Paris sous la Commune et qui écrivait du cérémonial. Rimbaud s'en moquait. En revanche, l'idée de l'être humain qui a une parcelle divine ou du ciel plein de mondes préexistent à Eliphas Lévi, d'où les bévues de Gengoux et consorts.

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    4. Pour essayer de préserver un peu la mise en vedette de mon dernier article, je mets ceci ici.
      Pour le "O", le "Suprême Clairon" est une réécriture de "La Trompette du jugement" identifiée par Barrère, mais Barrère cite plutôt le poème dans son ensemble et les premiers vers, il ne met pas en avant la réécriture précise avec "Suprême Clairon" qui retourne "clairon suprême". Mais ça n'empêche pas que c'est lui qui l'a trouvée, c'est juste qu'il n'a pas mis ce fait, il le rend secondaire par rapport à une lecture d'ensemble du poème. Reboul a cité la mention "clairon suprême" dans son article, bien qu'il soit terriblement mauvais pour le reste.
      Bardel s'intéresse ensuite aux yeux, sans me citer à aucun moment, alors que c'est moi qui ai élucidé l'affaire avec la Vénus. Il ne cite même pas ce que j'ai dit comme une hypothèse, ça n'existe pas pour lui. Enfin, bref !
      Ce qui est intéressant, c'est de poursuivre sur "La Trompette du Jugement". Le premier vers dit la vision et l'attente du souffle d'un archange. Mais, on peut alors enregistrer l'originalité rimbaldienne : le clairon est les yeux mêmes de la divinité, on n'a plus tout à fait un clairon instrument et une divinité au-delà qu'on ne voit pas. Et cela va plus loin, puisque le clairon entend le souffle de la parole alors qu'ici la vision est elle-même la parole !!! Ensuite, on a un rejet du mot "frisson", "à travers + un frisson", là ça rejoint mon sujet du dernier article. On a une rime "sème"::"suprême", quand on a "semés" et "Suprême" dans "Voyelles".
      On a à la rime "clairon souverain", "clairon suprême" ne surgissant que plus loin. Or "souverain", c'est le mot final du quatrain "L'Etoile a pleuré rose..." rapproché de Voyelles dans les copies de Verlaine. J'ai quelques autres idées, mais en gros ils n'ont pas d'idées claires sur le poème, alors que moi j'en ai toujours eu. Je n'ai pas rédigé un truc détaillé sur les liens avec "La Trompette du jugement", mais je sais en parler de "Voyelles". Eux, non ! Ils exhibent "La Trompette du jugement", mais ils n'ont rien à dire sur le sens du poème : ça leur inspire quoi de citer "La Trompette du jugement" ? Je l'ignore complètement, je me le demande.

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    5. Il y a l'idée du "rayon blanc" tombant sur les tentes qui en fait sont en pierres, etc. Il y a la succession "orgueil, héros ivres, tyrans soûls", il y a l'idée aussi que le clairon va emporter toutes les surdités, ce qui est signifié par "bombinent", "vibrements" et bien sûr "strideurs" dans "Voyelles", à quoi ajouter "rire" et "colère".
      Je vais étudier la question d'un article entre "La Trompette du jugement" et "Spleen" d'O Neddy dans les prochains jours.
      Au fait, il parle de quoi l'article sur Hugo et Voyelles dans le dernier Parade sauvage ? Faut que j'aille voir ça évidemment.

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    6. Je viens de lire la partie Résumé de l'article "Hugo/Rimbaud -Voyelles" de Stéphanie Boulard et je vous cite ce passage à mettre des éclats de rires dans vos céréales le matin (moi, je mange pas de céréales) : "Il (Hugo) a développé une véritable poétique de l'alphabet, enchaînant les voyelles aux couleurs. Curieusement, il est resté à l'écart des gloses académiques [...]". Puis elle donne des mots clefs : L'Homme qui rit, Les Misérables, Les Contemplations."
      De qui ça vient ce sujet ?
      Je prends l'article "Consonne" de la revue Parade sauvage n°19 décembre 2003) :
      "Ainsi nous allons très vite nous rendre compte que Rimbaud récupère la notion hugolienne de l'alphabet cosmogonique, si présente dans Les Contemplations, où, comme dans La Légende des siècles, elle est amplifiée par tant de métaphores voisines : livre, voix d'en haut, etc." On pourra alors en conclure que le rythme incantatoire des cinq voyelles chez Rimbaud penche du côté de la splendide abstraction de lumière, ce qui est justement le sens de la configuration symbolique, suscitée par la succession rythmique des couleurs : noir, blanc, rouge, vert et bleu." Je cite "Je suis l'Alpha et l'Oméga", je parle de modèle du Verbe johannique par Hugo. Sur internet, j'ai cité les "sept lettres du nom Jéhovah" dans Les Contemplations, si pas dans mon article, et de toute façon le passage que je cite montre que j'ai tout le repérage.
      Je vais le lire cet article. Si je n'y suis pas cité, ce sera encore une fois bien éloquent.

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