jeudi 21 janvier 2021

Pour bientôt

Les articles se succèdent rapidement et tous sont pourtant importants à mes yeux. Cela va sans continuer un certain temps encore.
Je vais refermer les articles sur "Tête de faune", "abracadabrantesques" et le couple "frisson" et "vibrer" dans les semaines qui viennent.
Je vais aussi reprendre en main les révélations sur le sonnet "Voyelles". Je vais vous commenter "Spleen" et quelques autres poèmes du recueil Feu et flamme de Philothée O' Neddy, ce qui vous aidera à comprendre le parti à tirer du couple "strideurs" et "clairon" commun à "Paris se repeuple" et "Voyelles". Je vais vous commenter aussi un peu en détail le poème "La Trompette du jugement" et je vais revenir sur ces fameuses "tentes" mises à la rime en même temps.
Je vais vraiment appuyer sur ce qui doit l'être.
Tiens, je vous citer le sonnet "Voyelles", je vous graisse les réécritures qu'on peut dire pastiches d'autres auteurs (Gautier, O' Neddy et Hugo) :

                               
                                Voyelles

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
I, poupres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, Suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
- Ô l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !
Je sais que pour l'avant-dernier vers des rapprochements sont envisagés avec un alexandrin des Elévations d'Emmanuel des Essarts ou avec une phrase en prose d'Eliphas Lévi (alias le fils de cordonnier Alphonse-Louis Constant qui vivait toujours, et plutôt modestement, pendant la Commune ou quand Rimbaud composait ce poème et flânait à Paris). Bien que nous ayons deux attestations d'un intérêt de Rimbaud pour Swedenborg, je ne crois pas à un réel intérêt de sa part pour Eliphas Lévi. Il a pu lire un ouvrage tel que Histoire de la magie, mais le vers des Elévations et d'autres permettent sans nul doute de minorer la citation proposée du côté de l'illuminé.
En revanche, ce que j'ai souligné montre qu'on a une concentration sur les tercets, et parmi sur les vers initiaux de chaque tercet. Le mot "Clairon" doit d'ailleurs être compris comme souligné deux fois, puisque Rimbaud retourne l'expression "clairon suprême" de Victor Hugo et reprend en inversant la distribution du singulier et du pluriel le couple de l'hémistiche suivant : "La strideur des clairons", du poème "Spleen" de Philothée O' Neddy.
Pour la révélation finale "Ses Yeux", l'allusion à Dieu est évidente, mais cela ne signifie pas qu'il faille l'identifier. Certains ont proposé d'y voir une femme, et même la Femme avec un grand F, ce que pourraient flatter des rapprochements avec des poèmes de Lamartine ou Dierx. J'insiste depuis 2003 sur une identité allégorique féminine qui confond les figures des Illuminations : "Aube"; "Raison", "Being Beauteous", "Elle" de "Métropolitain" et en amont je pense bien sûr à "Credo in unam" avec la déclaration faite à Vénus, laquelle permet de superposer l'idée que "Ses Yeux" désigne une divinité et un éternel féminin. On pourrait concevoir une autre hypothèse jusqu'ici jamais évoquée il me semble, la Mort, puisqu'il est question de "Jugement dernier" et que Rimbaud s'y offrait déjà à la fin des "Sœurs de charité". Mais je suis réservé quant à cette hypothèse que je lance pourtant moi-même dans l'arène du débat.
Je constate que, dans le dernier tome de la revue Parade sauvage figure un article de Stéphanie Boulard, enseignante aux Etats-Unis apparemment. Celle-ci offre un article sur l'influence potentielle de Victor Hugo dans la genèse de "Voyelles". Je n'ai pas pu lire l'article en question, mais son résumé, où je ne suis pas cité (?), reproche aux "gloses académiques" de ne pas se pencher sur l'idée d'un alphabet du monde développée poétiquement par Hugo. Elle semble concentrer son analyse sur une relecture des deux romans Les Misérables et L'Homme qui rit, et sur le recueil Les Contemplations. Je trouve cela un peu gonflé, puisque, page 62 de mon article "Consonne" paru dans le numéro 19 de la revue Parade sauvage, j'avais fixé les choses de manière définitive en écrivant ceci :
   Ainsi, nous allons très vite nous rendre compte que Rimbaud récupère la notion hugolienne de l'alphabet cosmogonique, si présente dans Les Contemplations, où, comme dans La Légende des siècles, elle est amplifiée par tant de métaphores voisines : livre, voix d'en haut, etc. On pourra alors en conclure que le rythme incantatoire des cinq voyelles chez Rimbaud penche du côté de la splendide abstraction de lumière, ce qui est justement le sens de la configuration symbolique, suscitée par la succession rythmique des couleurs : noir, blanc, rouge, vert et bleu.
J'avais diffusé à l'époque sur internet des tonnes et des tonnes de rapprochements, les sept lettres d'or du nom Jéhovah, etc., etc. Dans la suite de l'article, j'identifiais le modèle du Verbe divin johannique. Je vais lire cet article dès que possible, et je réagirai.
Pour précision, dans le volume collectif Rimbaud, Verlaine et zut [...] (je ne peux pas citer la suite du titre, c'est au-dessus de mes forces !), Philippe Rocher a publié un article intitulé "Au commencement étaient les voyelles. Rimbaud et le pouvoir créateur du verbe poétique", seul article que j'ai lu de cet ouvrage d'ailleurs si je ne m'abuse. Par exception, cet article me cite abondamment, il cite également plusieurs articles de ce blog, mais l'article paru dans la revue Rimbaud vivant n'est jamais cité, lequel était paru avec d'affligeantes coquilles qui n'étaient pas de mon fait. C'était mystérieusement un peu pareil pour l'article de Jacques Bienvenu à l'époque. Je crois qu'il avait réagi et moi je n'ai eu aucune réponse sur cette énigme de corruption de publication. Je vais peut-être mettre cet article en ligne sur ce blog finalement directement, je trouve dommage que les gens passent complètement à côté. Je dois avoir le texte que j'ai envoyé avant les épreuves en fichier informatique. Et l'ayant relu, je sais qu'il n'a pas toutes ces coquilles du texte imprimé !
Il faut que je relise attentivement l'article de Philippe Rocher. Il défendait ma thèse initiale d'un lever de soleil de l'aube à midi, celle que je développais dans mon article de 2003 et dans un articulet de 2004, mais que j'ai abandonné par la suite. En revanche, il contestait l'idée d'un primat de l'influence hugolienne au profit de l'influence baudelairienne.
Il va falloir revenir sur ces problèmes complexes, mais je vais faire aussi prochainement une étude du sonnet "Les Correspondances" où je vais notamment reprendre des mises au point peu connues d'Antoine Fongaro qui montrait que le sonnet des "Correspondances" devait beaucoup à Chateaubriand et à Hugo. Il faut savoir que l'expression "forêts de symboles", Fongaro la rapprochait de l'expression "forêt de l'âme" du poème "A un riche" du recueil Voix intérieures, en sachant que le titre du recueil hugolien vaut pour le mot "paroles" à la rime avec "symboles" dans le poème de Baudelaire. Et si vous relisez ou lisez le poème de Victor Hugo vous constatez qu'il est questions de correspondances précisément : tout ce qui est dans le bois réel a sa réponse dans la "forêt de l'âme".
Après, je n'ai plus accès à cet article de Fongaro, peut-être est-il consultable sur internet (je dois vérifier) ?, mais je ne pense pas que Fongaro interrogeait l'idée d'une influence de Lamartine sur Baudelaire. En effet, je ne me rappelle plus si c'est une trouvaille que j'ai faite moi-même ou si c'est dit dans l'article de Fongaro que le premier hémistiche du premier alexandrin du sonnet "Les Correspondances" est une reprise d'un second hémistiche du poème "L'Immortalité" de Lamartine, cinquième des Méditations poétiques. Plus loin, dans le même recueil, on a l'idée que "l'univers est un temple" pour Dieu, etc. Cela conforterait bien sûr l'idée que Baudelaire ou Rimbaud déforme le principe transcendantal des poèmes de Lamartine et Hugo, mais cela n'empêcherait pas de constater que l'originalité prétendue extrême du sonnet "Les Correspondances" est un beau mythe. Qui plus est, cela entraînerait enfin la critique littéraire à réévaluer l'importance de Lamartine qui a eu une influence considérable sur Hugo, Vigny, Musset et Baudelaire. Cette réalité est complètement méconnue des universités à l'heure actuelle.
Quand Baudelaire dit "Hypocrite, mon lecteur, mon semblable, mon frère," il pastiche, déforme un alexandrin de Lamartine ! Quand Vigny compose "Eloa", il a lu le poème "L'Homme" de Lamartine, le poème "Le Désespoir", moins pertinent que "L'Homme", mais surprenant de radicalité. Le désir de mort, c'est Lamartine avec "L'Immortalité". Le début des descriptions réalistes non colorées qui de fil en aiguille aboutiront au "Bateau ivre", c'est Lamartine. Quand Félix Arvers écrit le premier vers de son célèbre sonnet, il emprunte sa manière à Lamartine, à un des premiers vers du poème "L'Homme" notamment. Quand Musset est célèbre pour son pélican qui se sacrifie et pour son couple de vers : "Les plus désespérés sont les chants les plus beaux / Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots", il s'inspire là encore de Lamartine, du poème "L'Homme" et du vers : "Les cris du désespoir sont tes plus doux concerts." Baudelaire ou Rimbaud vont s'opposer aux vers de Lamartine, mais les comparaisons sont éclairantes. Je vais rendre compte des poésies de Lamartine, pour qu'on comprenne mieux ce qu'elles sont. Cependant, je vais faire un article qui traitera de Lamartine pour lui-même afin d'éviter de donner l'impression à mon lecteur que je permets des rapprochements avec Rimbaud, alors qu'il faut départager ce qui peut être repris ou non par Rimbaud.
Quant au cas des "correspondances", pour y revenir, il ne faut pas oublier deux choses capitales. Baudelaire a écrit un Salon de 1846 où il attribue la théorie des correspondances à une origine allemande et à un passeur qui était le conteur fantastique Hoffman. Ensuite, Baudelaire a écrit ce qu'il pensait de Victor Hugo en tant que visionnaire et maître de l'universelle analogie, autrement dit des correspondances, dans "Réflexions à propos de quelques-uns de mes contemporains". Et c''est tellement enthousiaste que c'est de la sincérité qui met bas les masques.
Le refoulement de Victor Hugo est préjudiciable aux études rimbaldiennes et le côté systématique avec lequel on traite tout ce qu'écrit Hugo comme de la pensée de benêt donne une piètre opinion de la poésie mondiale. Il ne faudrait lire que quatre poètes, oublier tout le reste, même si sur ces quatre poètes, il y en a un qu'on lit sans rien y comprendre, Rimbaud, pendant que Baudelaire n'offre à penser qu'une révolte qui se confine dans le solipsisme. Pour moi, même si je considère Baudelaire comme un génie, il y a une folie de la société, une folie pédante et mondaine d'ailleurs, à ne jurer que par la complaisance masochiste dans le mal de Baudelaire et par le prestige d'une poésie rimbaldienne qu'on est peu désireux de comprendre, tant on a peur qu'elle contredise pas mal de consensus sur le bon goût, l'horizon de l'art, etc.
Après, on a une preuve que le sonnet "Les Correspondances" est un intertexte au sonnet "Voyelles", c'est l'hommage à Rimbaud du "Sonnet des sept nombres" qui cite le vers 8 des "Correspondances" à son vers 3. Il ne s'agit évidemment pas de refouler complètement Baudelaire, mais d'obliger une société à réévaluer l'importance de Baudelaire pour elle-même et bien sûr pour Rimbaud dont la formule "vrai dieu" a été un superbe attrape-nigauds.
Je prévois aussi très prochainement mes fameuses synthèses formelles. Benoît de Cornulier vient de mettre en ligne un article sur le trimètre à l'époque classique. Le nombre de trimètres est fort restreint, je vais rebondir. Je vais faire un article de mise au point sur l'alexandrin de 1819 à 1830. je ferai d'autres découpages ensuite. Je ferai une introduction en faisant un bilan d'une lecture des alexandrins contenus dans le volume sur le XVIIIe siècle de la série Lagarde et Michard, puis j'attaquerai la question du dix-neuvième siècle. Je vais reprendre un très long article encore jamais publié et le remanier un peu. Il est évident que ça va envoyer du lourd.
J'ai d'autres idées, mais on va les laisser de côté pour l'instant. Voilà donc pour une ligne directrice de ce que je vais publier en février et en mars, à un bon rythme toujours !

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