vendredi 5 février 2021

Pour une lecture de "Vu à Rome"

Je viens d'acheter trois articles du dernier numéro de la revue Parade sauvage, parmi lesquels celui "Encore ' Vu à Rome ' " par Yves Reboul. L'article aurait pu tenir sur trois pages. Il s'agit d'un remords de plume par rapport à un commentaire antérieur du poème, remords qui concerne tout particulièrement l'analyse du troisième et dernier quatrain.
Un premier point m'étonne, c'est le grand écart entre le résumé de l'article et les mots-clefs qui nous sont livrés. La liste des mots-clefs est : "Album zutique, Intertextualité, Léon Dierx, Satire, Eglise".
Et voici le texte du résumé :
Vu à Rome prétend être une parodie de Léon Dierx. C'est en fait une violente attaque contre l'Eglise catholique, dans laquelle Rimbaud insinue qu'elle brûle encore hérétiques et schismatiques.
Je connais le précédent article de Reboul sur "Vu à Rome", où il contestait l'importance de la fausse attribution à Léon Dierx. Ce résumé annonce le même refoulement et, du coup, je ne comprends pas les mentions clefs "Léon Dierx" et surtout "Intertextualité".
Personnellement, j'essaie d'éviter désormais l'emploi des mots "intertexte" et "intertextualité" qui renvoient à des pratiques confuses et à un terreau théorique lui-même peu clair. Je préfère parler de sources, d'échos sinon de rencontres, de réécritures, de lieux communs, d'attestations antérieures, etc. Je pense que les mots sources et réécritures doivent effectuer un retour en force.
Et ce problème de vocabulaire est important dans le cas qui nous occupe. Si le poème parodie ou du moins cible la personne de Léon Dierx, on s'attend à des "intertextes" qui soient des sources au poème de Rimbaud, et même plus précisément à des sources qui ont fait l'objet de réécritures dans "Vu à Rome". Or, l'affirmation de Reboul, c'est que la signature n'est qu'un pis-aller pour justifier l'inclusion du poème dans l'Album zutique, au prétexte que les rapprochements lexicaux entre les vers de Dierx et les douze octosyllabes de "Vu à Rome" ne lui semblent pas le moins du monde probants.
L'étalage d'intertextualité de l'article va donc plutôt consister à étayer l'idée d'une satire contre l'Eglise. Mais, de ce point de vue-là, le mince article se contente de fournir des attestations antérieures d'une certaine conception de l'autodafé, de préférence dans des ouvrages que Rimbaud a certainement lu (Châtiments) ou éventuellement lu (La Sorcière) avant la mi-octobre 1871. Reboul pense que le dernier vers qui parle d'une réduction en "poudre fine" sous-entend l'idée d'une réduction en cendres sur un bûcher. Il cite pour soutenir le caractère plausible de cette thèse les vers 19-20 du poème des Châtiments : I, 3, "Approchez-vous ; ceci, c'est le tas des dévôts..." :
Ils lavent notre époque incrédule et pensive,
Et le bûcher fournit sa cendre à leur lessive.
Puis, il est question d'une citation du livre La Sorcière de Michelet qui est plus récent que le recueil satirique hugolien, puisque nous passons d'une publication de 1853 à une autre de 1862. Après Hugo qui le faisait avec l'exagération du poète, Michelet affirme savoir de source sûre qu'à Rome certaines personnes sont encore brûlées discrètement pour hérésie :
L'Espagne [...] brûle encore une sorcière en 1782. L'Allemagne, une en 1751 ; la Suisse, une aussi en 1751. Rome brûle toujours, il est vrai sournoisement, dans les fours et les caves d'Inquisition.
Dans sa citation, comme il le précise, Reboul a lui-même souligné la phrase : "Rome brûle toujours," et il est fait mention également de la note de Michelet à ce sujet :
Ce détail nous est transmis par un consulteur du Saint-Office encore vivant[.]
Il va de soi que, si Rimbaud a lu La Sorcière avant de composer "Vu à Rome", il n'a pas pris au sérieux ce propos calomnieux tout de même un peu ridicule.
Mais dans ces deux "intertextes" hypothétiques, nous n'avons aucune attestation du mot "poudre", aucun lien sensible avec le quatrain final de "Vu à Rome". Seuls les vers de Victor Hugo parlent de cendres, et on observe plutôt une nette opposition entre une cendre utilisée comme lessive et une poudre fine qui fait figure d'immondice. Et, enfin, la difficulté suprême, c'est qu'il n'est nulle part question d'un bûcher dans le poème de Rimbaud !
Donc, Reboul réaffirme son idée que la parodie de Léon Dierx est une fausse piste de réflexion :
[...] le poème n'a en réalité rien à voir avec la parodie de Léon Dierx qu'il prétend être.
Une fois cette phrase énoncée, le critique part dans une tout autre direction. Et, au moment de conclure, il propose la justification suivante à la signature de fausse attribution :
[...Rimbaud] a en quelque sorte maquillé [son poème] en parodie de Dierx parce que telle était la norme de l'Album zutique.
Ce raisonnement n'arrive pas du tout à me convaincre pour la simple et bonne raison que personne n'a obligé Rimbaud à faire figurer son poème dans l'Album zutique. Notre jeune poète n'avait pas besoin d'un alibi. Si le poème "Vu à Rome" est un morceau de poésie sérieuse, il aurait pu le conserver avec les manuscrits de "Voyelles", des "Assis", etc., etc. Des poèmes obscènes comme "Oraison du soir" et "Accroupissements" ne figurent pas dans l'Album zutique après tout. Et je tiens pour une preuve que le poème a été expressément conçu en tant que performance prévue pour l'Album le fait que l'expression "immondice schismatique" ait le même suffixe que l'adjectif "zutique". Et, partant de là, on peut considérer que l'immondice qui crée un schisme, c'est une façon plus brutale de dire : "Zut !" C'est un geste de séparation !
Comme avec son article précédent sur ce poème, Reboul entend développer une lecture satirique sérieuse d'un sujet d'actualité. Certes, il y a de l'humour dans le traitement du sujet, mais cette férocité railleuse est celle d'une satire politique engagée.
Je cite un peu des passages de l'article pour montrer la lecture défendue par le critique :
[...] Il s'agit en fait d'une attaque burlesque mais féroce contre l'Eglise catholique. [...] Qu'il y ait là une allusion au schisme vieux-catholique, né d'un refus du dogme récent de l'infaillibilité pontificale et qui en cette année 1871 connaissait un réel essor, c'est bien probable, mais là n'est pas l'essentiel. La donnée fondamentale, c'est que l'immondice schismatique, dont tout donne à penser qu'il désigne le schisme lui-même et ses sectateurs, a été réduit en poudre par ce on dont on vient de voir qu'il n'est autre chose que l'Eglise. [...] cette fameuse poudre qu'on introduit subrepticement dans les nez de la Sixtine pourrait bien n'être autre chose que les cendres de tenants du schisme envoyés sur le bûcher [...]
Cette lecture me paraît étrange. Le poème fait se concentrer notre attention sur l'introduction de la poudre dans plusieurs nez collés à "Une cassette écarlatine". Il ne me semble pas fort évident de remonter ensuite en pensée à l'horreur du bûcher pour imaginer la fabrication d'une poudre qui serait en fait des cendres humaines. Puis, pourquoi les mettre dans des nez ?
Je vais donc dans ce qui suit tenter d'orienter la lecture du poème dans un sens différent, en considérant les implications potaches des éléments. Et je vais aussi revenir sur l'idée de sources et de réécritures, en contextualisant la composition du poème.
"Vu à Rome" est un poème court en trois quatrains d'octosyllabes. Il n'est pas exclu qu'un jour une enquête sur cette forme livre des informations intéressantes. Sachant que Rimbaud a appelé certaines de ses compositions des "fantaisies", notamment le sonnet "Ma Bohême" et le récit en prose "Le Rêve de Bismarck", il n'est pas inutile de rappeler que le terme est lié aux poètes parnassiens, avec notamment une Revue fantaisiste qui a contribué à lancer le mouvement. Cette revue était dirigée par Catulle Mendès, lequel est l'unique représentant mentionné de la catégorie "fantaisistes" dans le panorama littéraire dressé par Rimbaud dans sa lettre à Demeny du 15 mai 1871. Cependant, le terme vient de plus loin et l'emploi du mot "fantaisie" est une particularité du Petit Cénacle, éphémère groupe romantique du début des années 1830. Gautier s'impose avec évidence à l'esprit en tant qu'auteur ayant utilisé le titre "Fantaisies" pour définir un ensemble de poèmes dans son recueil de Premières poésies.
Or, parmi les auteurs romantiques, il en est un qui est peu souvent rapproché de Rimbaud, rien moins que Gérard de Nerval. Notre poète ne l'a pas cité dans sa lettre "du voyant" du 15 mai 1871, et Nerval n'a pas composé tant et tant de poésies en vers en comparaison de Lamartine, Musset, Hugo, Gautier, Banville, etc. Ceci dit, son recueil Les Chimères paru en 1856 peut faire cortège à Baudelaire pour ce qui est des rimes irrégulières dans les tercets. Nerval a composé un poème en quatre quatrains de décasyllabes qui s'intitule "Fantaisie" et dont le premier vers s'ouvre par la même tournure impersonnelle "Il est" que Rimbaud emploie pour lancer "Vu à Rome" :
Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.
J'ajouterais la rencontre possible entre, d'un côté, "Un air très vieux" et, de l'autre, le couple des "nez fort anciens" et de "l'ancien plain-chant sépulcral". S'il est question de raffermir les nez asséchés, dans la "Fantaisie" de Nerval, l'air lui-même fait rajeunir l'âme du poète et une mélancolie d'un monde de Louis XIII surgit au second quatrain. Le rapprochement avec les deux derniers quatrains est certes de moins en moins évident, même en créant un pont par une idée de parfum du souvenir, mais il devient déjà sensible que Rimbaud a probablement composé son poème à la manière d'autres fantaisies, d'autres poèmes. Et si j'ai cité Nerval, c'est que sous la forme d'une série qu'il a intitulée Odelettes Nerval a fait se succéder plusieurs poèmes en trois quatrains : "Nobles et valets", "Le Réveil en voiture", "Le Relai" et "Une allée du Luxembourg", poème célèbre qui est en octosyllabes face aux trois autres qui sont en alexandrins. Le poème est marqué par une chute et sa rime finale en "-ui" peut être rapprochée de la rime en "-uit" de Rimbaud.
Elle a passé, la jeune fille.
Vive et preste comme un oiseau :
A la main une fleur qui brille,
A la bouche un refrain nouveau.

C'est peut-être la seule au monde
Dont le cœur au mien répondrait ;
Qui venant dans ma nuit profonde
D'un seul regard l'éclairerait !....

Mais non, - ma jeunesse est finie...
Adieu, doux rayon qui m'a lui, -
Parfum, jeune fille, harmonie...
Le bonheur passait - il a fui !
Ce thème sera traité ultérieurement par Baudelaire ("A une passante"), puis par Tristan Corbière ("Bonne fortune & fortune"). Hugo s'en est probablement inspiré pour cette composition merveilleuse de grâce aérienne : "Mes vers fuiraient, doux et frêles,..." qui se rencontre dans Les Contemplations. Le dernier quatrain du poème de Nerval tend à confondre la rime masculine et la rime féminine : rime en "-ie" mêlée à une rime en "-ui". Rimbaud n'agit pas différemment dans un autre de ses poèmes en trois quatrains : "Tête de faune", où les rimes féminines et masculines tendant à se confondre en soulignant l'idée de regard (mention "œil" sous-entendue par les quatre mots à la rime) : "écureuil"::"bouvreuil" et "feuille"::"se recueille". Qui plus est, si ce n'est pas à la rime, la forme conjuguée qui clôt le poème de Nerval figure elle aussi au dernier quatrain de "Tête de faune" : "Et quand il a fui [...]".
Pour en rester au plan du seul rapprochement zutique, l'idée finale de cette "immondice schismatique" s'oppose à la mention "parfum" du dernier quatrain de Nerval et surtout à l'idée de correspondance entre deux cœurs du second quatrain. Enfin, nous avons une symétrie de position aux vers sept entre "nuit profonde" et "nuit livide".
Il est un air pour qui je donnerais...
Elle a passé, la jeune fille,...
Il est à Rome, à la Sixtine,...
Ces rapprochements pourront sembler pour l'instant assez aléatoires, mais je fais le choix de les exposer. Ils sont déjà intéressants au plan de la prosodie et du traitement de la composition en trois quatrains. Il n'est pas impossible qu'ils finissent par prendre une réelle importance. J'ai des idées abstraites sur le sujet comme les critiques peuvent en avoir, et cela concerne autant "Vu à Rome" que "Tête de faune". Mais, peut-être que dans la suite de cette étude je vais vous livrer une autre source, un poème de Léon Dierx, qui pourrait bien faire le lien entre "Une allée du Luxembourg" et les deux poèmes en trois quatrains de Rimbaud que sont "Vu à Rome" et "Tête de faune".

Avant de citer cette source, il faut rappeler la situation du poète Léon Dierx. Rimbaud considère qu'il fait partie des "talents" parmi la nouvelle école parnassienne, il le range ainsi aux côtés de François Coppée et Sully Prudhomme, dans sa lettre à Demeny du 15 mai 1871. Dierx a publié un premier recueil assez romantique en 1858 qui s'intitulait Aspirations, mais il l'a renié et faisait tout pour qu'il soit oublié. En tant que poète parnassien, il est connu pour deux recueils en 1871 : Poëmes et poésies de 1864 et Les Lèvres closes de 1867. Dans les deux premiers numéros du Parnasse contemporain, Léon Dierx a publié plusieurs poèmes de ses deuxième et troisième recueils. Dans le volume de 1866, il a fait paraître les six poèmes suivants : "Lazare", "Les Filaos", "La Nuit de juin", "Dolorosa mater", "Soir d'octobre" et "Les Yeux de Nyssia". Le poème "Lazare" est le second des Lèvres closes, il suit la pièce intitulée "Prologue". Venant un peu plus loin dans l'économie du recueil, les trois poèmes "Les Filaos", "La Nuit de juin" et "Dolorosa mater" forment toujours une suite, et seules deux compositions "Le Gouffre" et "L'Orgueil" les séparent de "Soir d'octobre", tandis que "Les Yeux de Nyssia" est plutôt une composition approchant  de la fin de l'ouvrage, puisque seuls trois poèmes lui succèdent : "L'Odeur sacrée" (intéressant !), "Jamais" et "Marche funèbre". Il faut ajouter que le premier volume du Parnasse contemporain se termine par un bouquet de sonnets de différents contributeurs. Léon Dierx a participé avec "Journée d'hiver", et ce sonnet figure lui aussi dans le recueil Les Lèvres closes, séparé qu'il est de "Soir d'octobre" par un unique poème "La Ruine".
Pour le second volume du Parnasse contemporain (1869-1871), un fait particulier doit retenir notre attention. Dierx a publié des poèmes du recueil antérieur de 1864 : "In extremis", "Après le bain" et "Le Vieux solitaire" et deux poèmes étrangers à tout recueil "Les Ecussons" et "Le Semeur". Même dans le volume Sonnets et eaux-fortes, Dierx reprend un sonnet du recueil antérieur aux Lèvres closes : "Révolte". Enfin, en octobre 1871 comme l'atteste l'achevé d'imprimer sur la plaquette, Léon Dierx a publié une œuvre en octosyllabes Les Paroles du vaincu qui a le mérite de coïncider avec la période de transcription de "Vu à Rome" au milieu du mois d'octobre précisément.
Passons en revue tout cela, mais je vous promets une petite surprise avec un poème qui ne fait pas partie de cet ensemble ainsi délimité.

La plaquette Paroles du vaincu contient sur ses dernières pages la précision : "Imprimé / le 5 octobre mil huit cent soixante-onze / Par J. Claye / Pour A Lemerre, libraire / A Paris". A moins de considérer les poèmes du second volume du Parnasse contemporain, Léon Dierx n'a donc plus rien publié depuis son recueil des Lèvres closes et cette plaquette a le mérite de mettre en vedette des octosyllabes. En effet, les poèmes de Dierx sont plus volontiers en alexandrins. La plaquette d'octobre 1871 débute par un poème liminaire de désolation intitulé "L'Armistice" daté de "Février 1871". Ce poème en quatrains mélange avec un peu d'irrégularité des alexandrins dominants et des octosyllabes. Le poème développe une métaphore de la "Nuit" qui peut se comprendre comme "livide" pour citer un vers de "Vu à Rome". Léon Dierx évoque la défaite de la France face à la Prusse et il dresse en un silence funèbre l'image des lendemains de la signature de l'armistice. Les images religieuses fleurissent avec l'équation de la "patrie" considérée en tant que "terre sainte". Il est question de morts, de "vivants muets", d'un "héritage sacré".
Après ce morceau, nous avons sur plusieurs pages un unique poème qui donne son titre à la plaquette. Ce poème est constitué de quinze neuvains d'octosyllabes. Quatorze neuvains sont numérotés par des chiffres romains de I à XIV. Seul le dernier neuvain n'est pas numéroté. Les neuvains ont une organisation des rimes ABABCDDCD. Le poème "Vu à Rome" s'en éloigne, mais les quatrains ABAB correspondent tout de même à une partie de la composition en neuvains. Mais, sur l'Album zutique, en-dessous de "Vu à Rome", Rimbaud a composé une parodie de Verlaine "Fête galante" en trois faux tercets de vers de quatre syllabes où reconnaître donc un neuvain en vers de quatre syllabes. Les rimes du neuvain de Rimbaud (AAB CCB AAB) ne sont pas organisées comme celles du poème "Les Paroles du vaincu", mais cela fait une énième coïncidence à relever.
Ensuite, s'il est question de la rupture au moyen d'une "immondice schismatique" dans "Vu à Rome", il est question de l'échec de la "paix universelle" au premier vers même du poème "Les Paroles du vaincu" (je précise différencier Les Paroles du vaincu titre de la plaquette qui contient deux poèmes et "Les Paroles du vaincu" titre du poème principal à cette plaquette).
Tu rêvais, paix universelle !
Tu disais : "qu'importe un ruisseau ?
Pourquoi le globe qu'on morcelle ?
La terre immense est mon berceau !"
[...]
S'il est loisible de considérer qu'il est un peu gratuit de rapprocher ce "globe qu'on morcelle" d'une "poudre fine" qu'on "réduit", l'idée de "paix universelle" est très certainement ciblée par la raillerie de l'expression "immondice schismatique". Je me retiendrai de suggérer la lecture du monde comme globe dans "immondice", il y a autre chose à découvrir.
Plus loin, dans le poème de Dierx, des éléments m'invitent à d'autres transpositions :
Ceux de l'Argonne et de Valmy
Sont vêtus de pourpre éclatante.
Ils sont un peu à l'image vénérée d'une "cassette écarlatine" et leur "pourpre éclatante" est un peu différente des "emblèmes chrétiens" en même temps. Ensuite, nous avons des "sonneurs de fanfare" qui veulent réveiller les morts et qui peuvent correspondre à un "ancien plain-chant sépulcral". Il est question ensuite de "ruines au nom sonore" ce qui fait à nouveau penser à la sacralisation de la "cassette" "Couverte d'emblèmes chrétiens". Je me retiendrai peut-être de songer à de la "poudre fine" au sujet des "soleils fondants", c'est vrai ! Et nous enchaînons avec la présence spectrale et culpabilisatrice d'un "être ancien", "L'aïeule auguste aux grands yeux mornes". 
Ensuite, s'offre à nous un neuvain VIII qui a bien l'air d'une source au futur poème de 1872 "Les Corbeaux", avec le côté repu des volatiles, la comparaison à un "drapeau noir", la mention des "bois", du "clocher" sur lequel ils vont trôner, leur mouvement de "bandes" :
Qu'ils sont gras, les corbeaux, mon frère !
Les corbeaux de notre pays !
Ah ! la chair des héros trahis
Alourdit leur vol funéraire !
Quand ils regagnent, vers le soir,
Leurs bois déserts, hantés des goules,
Frère, au clocher on peut les voir,
Claquant du bec, par bandes soûles,
Flotter comme un lourd drapeau noir.
Le poème évolue ensuite avec l'idée que "l'odeur des morts" va entretenir un "espoir" singulier, celui de la "vengeance" alimentée de "haine". Et cela s'aggrave ou s'approfondit avec la vision des deux sœurs perdues et passées à un horrible hymen avec l'ennemi : l'Alsace et la Lorraine, en réalité l'Alsace et la Moselle, ont été annexées par la naissante Allemagne, ce qui appelle à une revanche. Cependant, le poème se termine par un sentiment d'horreur :
Hélas ! dis-nous, chanteur cruel,
Quand finiront les cris de haine,
Quand cessera la gloire humaine
D'être un vain meurtre mutuel ?
Vainqueurs, vaincus, à tour de rôle,
Tous ont dressé, courbé l'épaule.
Quel jour enfin, par tous fêté,
Fera, d'un pôle à l'autre pôle,
S'unir en paix l'humanité ?
Certes, "Les Paroles du vaincu" et "Vu à Rome" ne traitent pas le même sujet, mais Léon Dierx a écrit une plaquette qui suppose, même si elle n'en fait pas cas, un schisme au sein de la population française, et le poème à venir de Rimbaud "Les Corbeaux" qui reprendra une métaphore animalière à cette plaquette de Dierx soulignera précisément la réalité du schisme avec le clivage des considérations pour les "morts d'avant-hier" et ceux "qu'au fond du bois enchaîne / La défaite sans avenir." Dierx tait la Commune dans son poème, alors même qu'il l'a introduit à la date de février 1871 et l'a conduit jusqu'au traité de Francfort du 10 mai 1871 annexant l'Alsace et la Moselle à l'Allemagne.
Rimbaud n'a pas besoin d'être explicite dans son poème "Vu à Rome". Il est clair qu'il sous-entend le parallèle de la division du peuple français quand il évoque un schisme entre chrétiens dans "Vu à Rome". Il ne fait aucun doute que Rimbaud ironise sur ces larmes de crocodile au sujet d'une "paix universelle" rompue, puisque Dierx pleure les affrontements entre les peuples, mais pas les dissidents au sein de la patrie.
Passons maintenant à un autre niveau d'analyse. Rimbaud prétend que le poème "Vu à Rome" pourrait faire partie du recueil des Lèvres closes, et, à cette aune, on peut étudier de manière privilégiée les poèmes compris dans ce recueil, voire se concentrer sur la sélection offerte au premier Parnasse contemporain. Il existe plusieurs petits rapprochements lexicaux que j'ai déjà proposés, j'y reviendrai ultérieurement. En revanche, puisque le poème zutique fait étalage de nez, on peut remarquer que dans le premier Parnasse contemporain l'espèce d'anthologie des Lèvres closes se termine sur le poème "Les Yeux de Nyssia" avec donc la sacralisation insistante d'une autre partie du corps. Et, cerise sur le gâteau, dans le second Parnasse contemporain, le poème "Les Ecussons", qui ne figure dans aucun des deux recueils des années 1860 de Dierx, du moins tels que Lemerre les a publiés à la toute fin du dix-neuvième siècle, joue aussi à énumérer strophe par strophe les yeux de différentes femmes qu'il s'ingénie à caractériser. Nous pourrions en retenir en particulier les "yeux d'Hermine" qui ont les "vagues clartés / Des cierges dans le jour que le vitrail décalque", qui, "Confesseurs des désirs benoîtement quêtés", "versent le deuil et les lividités / Des lampes que l'on range autour d'un catafalque."
Le poème "Les Yeux de Nyssia" pour sa part montre le poète dont le regard est absorbé par les yeux de Nyssia, ce qui se double de l'idée de profondeur des "sources claires". Il est question de sève tarie, de sang qui se fige ("mon sang se tarit dans mes veines", "ces reflets ont tari toute sève") et puis d'une "eau morte" où survivre par l'amour des yeux de Nyssia. Je n'ai vraiment pas l'impression que "Vu à Rome" est si étranger que ça à la manière de Léon Dierx, au mysticisme qu'il développe dans tant et tant de ses compositions. Je me prétends capable de montrer des liens lexicaux et des motifs communs entre plusieurs poèmes de Dierx, "Lazare", d'autres encore, et "Vu à Rome". Certes, j'éviterai de m'amuser à faire lien entre "Les Yeux de Nyssia" et "Vu à Rome" sous prétexte que Baudelaire nous a fait un poème "Les Yeux de Berthe" en trois quatrains... J'ai de toute façon encore quelques flèches en réserve que je vous livre ci-dessous.
J'en viens maintenant à une idée qui, je pense, va atteindre à un tel degré de coïncidence qu'il va être temps pour les rimbaldiens de prendre l'idée d'une réelle parodie de Dierx en considération.
Léon Dierx a publié un dernier recueil en 1879 qui s'intitule Les Amants, mais ce recueil n'a vu le jour que douze ans après celui des Lèvres closes. Il me faudrait prendre le temps de bien détailler l'évolution du contenu des recueils des années 1860 de Dierx dans le temps, étant donné que les contributions du poète réunionnais au second Parnasse contemporain tendent à renvoyer au recueil plus ancien de 1864 et a accentué l'idée que Dierx a très peu composé au-delà de la publication des Lèvres closes en 1867, car l'idée où je veux en venir c'est qu'il y a une vraie interrogation critique qui se pose sur la date de composition de toutes les pièces rassemblées dans le recueil définitif Les Amants. Il ne serait pas étonnant que quelques-unes soient antérieures à l'année 1871. Et je voudrais soumettre à l'attention le poème suivant qui s'intitule "Dans l'allée" et qui est en quatrains à rimes croisées d'octosyllabes. Il ne s'agit pas de seulement trois quatrains comme le poème de Nerval "Une allée du Luxembourg" ou le morceau zutique "Vu à Rome", puisque le poème va jusqu'à cinq quatrains, mais le poème contient en sus une mention rare "saint Graal" qui favorise l'idée d'un rapprochement avec le poème de Rimbaud.
D'un petit air sentimental
S'en vient Myrrha qui s'évertue,
Tout en rasant le piédestal
A ne point voir cette statue.

D'un tout petit rire moqueur
Sourit le dieu, qui la regarde
Croiser les mains contre son cœur,
Pour en doubler la sauvegarde.

Tu vas pressant ton cœur, Myrrha,
Comme un saint Graal, sous la statue.
Tu crois qu'ainsi ton cœur pourra
Mieux éviter flèche pointue ?

Mais le miracle est seulement,
Mon chérubin, je te l'assure,
Dans le secret enchantement
Qu'éveillera fine blessure.

Comme un sachet de pur santal
Presse ton cœur, ma jeune impie ;
Son arc tendu, l'Archer t'épie
D'un petit air sacerdotal.
Sans oublier la mention "chérubin" qui nous retiendra plus bas, cela fait déjà pas mal d'éléments pour considérer que non Rimbaud n'a pas rien fait de la référence parodique à Léon Dierx. Mais il est temps d'en venir à une arme d'analyse autrement puissante.
Le poème "Vu à Rome" figure sur une colonne de droite du recto du feuillet 3 de l'Album zutique. Il est suivi par la transcription de "Fête galante". Quand nous tenons ouvert l'Album zutique, en édition fac-similaire à défaut de l'original, cette colonne est mise en regard des deux colonnes du verso du feuillet 2. Avec son surtitre de recueil "Les lèvres closes.", le poème "Vu à Rome" est symétrique de la parodie "Sonnet du Trou du Cul" avec son surtitre de recueil "L'idole.", tandis que "Fête galante" sera symétrique de "Lys". Camille Pelletan et Léon Valade ont poursuivi cette idée de symétrie entre colonnes avec les transcriptions d'un sonnet et d'un quatrain à côté des parodies de Mérat et Silvestre.
Or, si nous rapprochons les débuts des poèmes "Sonnet du Trou du Cul" et "Vu à Rome", nous observons que la "cassette écarlatine" doit s'entendre comme un objet de convoitise sexuelle comparable à un "œillet violet". Rappelons que, pour les anglais, avec le mot "purple" les couleurs distinctes en français du "pourpre" et du "violet" tendent quelque peu à se confondre. La "pourpre" et le "violet" sont deux couleurs associées symboliquement à la pénitence, et dans "Voyelles" j'ignore si c'est un fait exprès, mais le "I" qualifié de "pourpre(s)" débouche sur la mention des "ivresses pénitentes" en fin du groupe des deux quatrains, quand le poème se termine par l'énigme d'un "rayon violet" de deux "Yeux" qui ne sont pas par conséquent un "œillet", mais où il est difficile de ne pas songer que le poème obscène a préparé les idées du sonnet "Voyelles". Et si, dans "Vu à Rome", il est formulé que "se figea la nuit livide", dans "Le Bateau ivre", il est question de "figements violets", peu après des "rutilements du jour" associés à une Vénus aux parfums de bière, peu après des "bleuités" qui font écho aux "bleuisons / Aurorales" des "Mains de Jeanne-Marie" dans un extrait poétique d'insectes qui "bombinent" comme dans "Voyelles". Il est extrêmement difficile de ne pas envisager que les couleurs dans "Voyelles", "L'Etoile a pleuré rose...", "Les Mains de Jeanne-Marie" et "Le Bateau ivre" puissent être liées entre elles, mais une autre idée surprenante, c'est que des poèmes zutiques "Sonnet du Trou du Cul", "Vu à Rome", "Paris" et "Cocher ivre" pourraient avoir quelque chose à voir dans cette genèse des grands poèmes du voyant.
Mais revenons à notre sujet. Le vis-à-vis entre "Sonnet du Trou du Cul" et "Vu à Rome" rend évidente la lecture obscène des "nez" qui "sèchent" sur "Une cassette écarlatine". Il va de soi que cette "cassette écarlatine" correspond à un "œillet violet". Or, l'adjectif "écarlatine" est plutôt rare en poésie. Ce mot est employé à la rime par Catulle Mendès dans un sonnet du recueil Philoméla :

               Sonnet dans le goût ancien

                    Pour une jeune Dame
Qui avait résolu de faire pénitence de ses fautes


Quoi, Philis, sommes-nous fâchés ?
Vous jurez, bouche écarlatine,
De vous rendre bénédictine
Pour vous laver de vos péchés !

Oyant cela sous la courtine,
Les petits Amours débauchés
Veulent fonder des évêchés
Dans la Cythère libertine.

Ainsi, soit-il ! Mignonne, adieu !
Si vous tenez votre promesse,
Le couvent sera tôt en feu ;

Selon les rites du Permesse,
Amour y sera le seul Dieu,
Et les Grâces diront la messe !
L'obscénité blasphématoire se retrouve dans la composition "Vu à Rome", ainsi que le recours à l'octosyllabe et que l'emploi de l'adjectif rare "écarlatine" à la rime, et Rimbaud n'a pas négligé le titre complet pour l'adjectif "ancien" qu'il reprend et pour le mot "goût" que Rimbaud aime à placer au plan de l'odorat, comme c'est le cas dans "Vénus Anadyomène" : "et le tout sent un goût / Horrible étrangement"...
Mais, je parlais du problème d'écart entre l'idée du violet et l'idée de la poupre, du moins dans le domaine de la langue anglaise avec "purple". Il y a en tout cas l'idée de souligner des couleurs vives, l'une sombre le violet, d'autres plus lumineuses avec la pourpre ou l'écarlate. Précisons que nous confondons pas la symbolique de "pourpre" et "écarlate". Mais, quitte à exhiber le précieux "écarlatine", Mendès ne rechigne pas non plus à étaler à la rime l'adjectif "purpurine", et cela dans un vers du poème "Le Jugement de Chérubin" qui a inspiré à Verlaine l'idée d'audace de sa césure au vers 4 du "Sonnet du Trou du Cul", puisqu'en principe les quatrains seraient de lui.
En effet, dans "Le Jugement de Chérubin", Mendès a imité une césure audacieuse des Châtiments de Victor Hugo qui a écrit dans "Un bon bourgeois dans sa maison" l'alexandrin suivant :
Il a banni jusqu'à des juges suppléants[.]
Catulle Mendès a imité cette césure en plaçant comme Hugo la locution prépositionnelle "jusqu'à" en fin de premier hémistiche :
Viens ! pour dormir jusqu'à l'aurore purpurine,
Tu poseras le soir tes pieds sur ma poitrine !
Rimbaud travaillera lui aussi sur ce profil de césure dans son "Bateau ivre" :
Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !
En principe, la locution prépositionnelle trisyllabique "à travers" est placée dans le premier hémistiche avant la césure. Je pourrais citer des exemples, mais je n'en ai pas en tête à l'instant. Je précise simplement que c'est une césure admise, alors que celle de "jusqu'à" dans "Un bon bourgeois dans sa maison" était une audace nouvelle. Or, dans "Le Bateau ivre", Rimbaud imite la césure sur "jusqu'à" avec la forme "Lorsqu'à", mais il pervertit le jeu en plaçant le mot "à" tête de préposition en fin de premier hémistiche, soulignant précisément l'idée de corps en travers avec le chevauchement de la suite de la locution : "travers" qui s'étale sur le début de second hémistiche. De mémoire, dans le poème "La Révélation de Jubal" des Lèvres closes, je dirais que Dierx a placé l'expression "à jamais" à cheval sur la césure en détachant la tête prépositionnelle "à" en fin de premier hémistiche. Il faut que j'aille vérifier.
Mais Verlaine va recourir à une autre manière d'aggraver l'audace métrique. Il va décaler l'emploi de la figure d'une syllabe. Le dernier vers du premier quatrain du "Sonnet du Trou du Cul" exprime l'idée de frontière franchie en faisant chevaucher la césure par le milieu de la locution "jusqu'à" elle-même.
Il respire, humblement tapi parmi la mousse
Humide encor d'amour qui suit la fuite douce
Des Fesses blanches jusqu'au cœur de son ourlet.
En quelque sorte, cet ourlet se fait repriser (je note + l'emplacement de la césure) :
Des Fesses blanches jus+qu'au cœur de son ourlet.
On sent toute la jouissance métrique du franchissement digne des annales.
La performance a dû vivement impressionner tous les membres du Cercle du Zutisme et Rimbaud s'en inspire, quoique de manière moins provocante, au dernier vers du premier quatrain du sonnet "Les Douaniers" :
Qui tailladent l'azur frontière à grands coups d'hache[.]
Impressionnant de perfidie, Verlaine va reconduire cette césure dans les décasyllabes de chanson (deux hémistiches de cinq syllabes) du poème "Birds in the night" tout en récriminations contre son épouse Mathilde (je note + les césures sur lesquels je veux attirer l'attention) :
[...]
Mon amour qui n'est + plus que souvenance,
Quoique sous vos coups il saigne et qu'il pleure
Encore et qu'il doive, à ce que je pense,
Souffrir longtemps jus+qu'à ce qu'il en meure,
Peut-être a raison de croire entrevoir
En vous un remords (qui n'est pas banal)
[...]
En tout cas, c'est un fait incontestable que Mendès fait partie du réseau des poètes parodiés à l'intersection des compositions "Sonnet du Trou du Cul" et "Vu à Rome". Précisons que le "Sonnet du Trou du Cul" est une double parodie du recueil L'Idole d'Albert Mérat et du recueil Amours et Priapées d'Henri Cantel, tandis que "Vu à Rome" est une parodie encore un peu énigmatique de Léon Dierx dont on comprend tout de même le sens général. Or, nous avons là une réécriture indiscutable de deux passages de Mendès avec une liaison établie de l'un à l'autre, puisque le vers même dont Verlaine s'est inspiré pour la césure sur "jusqu'à" contient à la rime la mention "purpurine" qui fait pont avec la mention "écarlatine" d'un autre poème de Mendès qui est reprise par Rimbaud dans le poème "Vu à Rome" significativement placé à côté du "Sonnet du Trou du Cul" et de la césure de Verlaine dans le corps de l'Album zutique.
La césure sur "jusqu'à" a fait l'objet d'une imitation et réadaptation, selon un principe de décalage d'une syllabe que Verlaine a déjà appliqué à un de ses propres procédés.
En effet, dans le dernier poème des Fêtes galantes, "Colloque sentimental", notre poète a composé de faux-distiques de décasyllabes littéraires (un hémistiche de quatre syllabes et un second de six syllabes). Je parle de faux-distiques, parce qu'à la manière de Banville nous pouvons faire remarquer que le poème est en rimes suivies. Toutefois, il faudrait citer d'autres poèmes de Baudelaire et de Rimbaud ici, et nous ne voulons pas nous disperser. Donc revenons au "Colloque sentimental". Les césures sont peu chahutées, mais il en est tout de même une qui a l'originalité de détacher un pronom non pas à la fin du premier hémistiche, mais au début du second :

- Te souvient-il de notre extase ancienne ?
- Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne ?

Pour le second vers cité, le dispositif de la phrase interrogative a permis à Verlaine d'oser une césure sur trait d'union où le pronom "vous" solidaire de la mention verbale est rejeté dans le corps du second hémistiche.
Or, au moment de l'arrivée de Rimbaud à Paris, moins d'un mois avant la transcription du "Sonnet du Trou du Cul" dans l'Album zutique, Verlaine a terminé la composition d'une comédie dans l'esprit de Banville intitulée Les Uns et les autres.  Or, au tout début de cette comédie, parmi les premiers alexandrins, Verlaine a repris la tournure interrogative, mais l'a déplacée pour rendre la césure encore plus provocante. Le procédé est équivalent à celui de la locution "jusqu'à", Verlaine déplace une expression d'une syllabe pour une césure encore plus choquante. Voici dont le début de la scène III, sachant que les deux premières scènes sont très courtes :
                          ROSALINDE

Parlez-moi.

                             MYRTIL

           De quoi voulez-vous, donc que je cause ?
Du passé ? Cela vous ennuierait, et pour cause,
Du présent ? A quoi bon, puisque nous y voilà ?
De l'avenir Laissons en paix ces choses-là !
Cette comédie a été publiée ultérieurement dans Jadis et naguère et si vous vous y reportez vous lirez une pièce en alexandrins où l'identification de la césure ne pose pas problème. Toutefois, dans le premier des quatre vers que nous venons de citer, outre que la parole se partage entre deux personnages, la césure est placée non sur le trait d'union comme c'était le cas dans "Colloque sentimental", mais au milieu de la forme verbale "voulez". Nous ne débattrons pas ici s'il convient de placer la césure en fonction de la syllabation "vou+lez" ou en fonction de la construction base verbale et terminaison "voul+ez". Il va de soi que cette césure encourage à une prononciation affectée de la forme conjuguée "voulez". On remarque un indice en ce sens. La césure du vers suivant est-elle aussi acrobatique et souligne le pronom "vous" homophone de la première syllabe de la forme conjuguée "voulez". En clair, le poète insiste sur le balancement "voulez-vous". Il faut roucouler en quelque sorte le "vou-" de "voulez" pour rendre à cette césure un effet théâtral.
Remarquons que dans un poème en trois quatrains comme "Tête de faune" Rimbaud pratiquera précisément la césure inventée par Verlaine dans la comédie "Les Uns et les autres" :
Un faune effa+ré montre ses deux yeux

Brunie et sang+lante ainsi qu'un vin vieux

Et l'on voit é+peuré par un bouvreuil
Nous sommes au moment précis où Verlaine et Rimbaud inventent les césures à prononcer avec affectation au milieu de mots. Cette affectation était déjà sensible dans le vers de "La Reine Omphale" de Banville, mais elle s'appuyait minimalement sur l'inflexion de voix qu'imposait le "e" féminin de "pensivement". Désormais, les césures doivent être anticipées à la lecture !
Cet exemple de décalage de la comédie "Les Uns et les autres" finie en septembre 1871 tend aussi à nous assurer que la césure du vers 4 du "Sonnet du Trou du Cul" est bien de l'invention de Verlaine et non de Rimbaud, tant les gens sont prêts à tout accorder à Rimbaud et rien au Pauvre Lélian.
Mais, revenons-en pour finir au poème "Vu à Rome". La "nuit livide" qui "se figea" est sans doute à rapprocher des "filaments" et "caillots de marne rousse" du second quatrain du "Sonnet du Trou du Cul", puisque nous avons désormais tout loisir de prolonger l'idée de lecture obscène des trois quatrains. Mais, dans la parodie supposée des Lèvres closes, la "cassette écarlatine" que nous comprenons comme un orifice sexuel maintenant ses lèvres closes précisément, est assaillie par des nez lubriques dignes du "frère Milotus" poursuivant "Vénus, au ciel profond" dans le poème "Accroupissements". Ces nez sèchent sur la cassette, mais une médecine vient à la rescousse qui consiste à introduire une poudre fine dans leurs narines. Mais cette poudre fine ne va pas les aider à retrouver une vigueur sexuelle nouvelle. Au contraire, il s'agit d'une "immondice schismatique" qui va tenter de les décoller. En effet, à proximité de l'idée d'un anus comme "œillet violet", puisque parallèle des deux poèmes il y a, cette "immondice schismatique" correspond à une matière fécale qui doit servir à débarrasser la "cassette écarlatine" des nez entreprenants.
Ceci ne résout pas toutes les énigmes au sujet du poème "Vu à Rome", mais il faut définitivement admettre que la solution parodique est du côté d'une prise en considération attentive des poésies de Léon Dierx, Catulle Mendès, voire Albert Mérat. Catulle Mendès est un soutien public de Léon Dierx, il le loue en tant que génie trop méconnu dans La Légende du Parnasse contemporain. Enfin, je le dis et répète, mais, dans la "chronique théâtrale" du 16 novembre 1871 au Peuple souverain qu'Edmond Lepelletier a signée "Gaston Valentin", il n'est à l'évidence pas fortuit que Mendès soit décrit donnant le bras à Mérat comme Verlaine donne le bras à une "Mlle Rimbaut". Il n'est pas non plus fortuit que de manière exagérée Mendès soit qualifié de "blond" et Mérat synonymiquement de "flave". Il n'est pas anodin que les autres poètes ou écrivains mentionnés soient Valade, l'ami de Mérat, Léon Dierx et Henri Houssaye. Aucun nom n'a été laissé au hasard dans cette chronique, même si nous ne sommes pas dans la confidence des raisons pour lesquelles Lepelletier cite Houssaye ou Dierx. Il faut aller au bout du raisonnement. Cet entrefilet respire la connaissance du "Sonnet du Trou du Cul". Lepelletier nomme Léon Valade, celui qui conservait l'Album zutique à l'époque. Il nomme Albert Mérat la grande cible du "Sonnet du Trou du Cul". Il mentionne bien évidemment les deux auteurs du "Sonnet du Trou du Cul". Et, si on laisse de côté Houssaye, il fait encore état de Léon Dierx, celui qui serait parodié dans le poème "Vu à Rome" que Rimbaud a mis en regard de la parodie de Mérat. Et comme si cela ne suffisait pas, celui qui singe avec Mérat le couple formé par Rimbaud et Verlaine n'est autre que Catulle Mendès, lequel fait l'objet de deux réécritures explicites dans les mêmes feuillets voisins de l'Album zutique : une au vers 4 du "Sonnet du Trou du Cul", une par la reprise "écarlatine" à la rime du vers 3 de "Vu à Rome". Et cela ne suffisant toujours pas, le poème "Le Jugement de Chérubin", source désormais avérée du "Sonnet du Trou du Cul" est aussi depuis une étude de Steve Murphy parue en 1990 une source avérée au poème rimbaldien "Les Chercheuses de poux", sachant que selon certains échos relayés par Félicien Champsaur dans son roman Dinah Samuel, Mendès connaissait quelque peu les implications du poème "Les Chercheuses de poux". Je vous cite quand même quelques extraits (soulignements nôtres) :
Elle firent asseoir sur un divan de moire
Cet enfant décoré du nom de Chérubin,
Rêveuses de mêler leur chevelure noire
A ses lourds cheveux d'or parfumés comme un bain.

Leurs yeux enveloppaient d'une caresse humide
Son front rougissant comme un front de jeune Miss ;
Alpheos n'était pas plus beau sous la chlamyde,
Pâtre ingénu suivant la chasse d'Artémis !

Les deux femmes étaient de celles-là qu'on prise
Pour le rayonnement liliaque des chairs,
Et tel dont l'habit porte au coude une reprise
N'a jamais becqueté leurs sourires trop chers.

D'ailleurs, elles étaient très-belles. Leur épaule
Aurait eu des blancheurs sauvages sous des peaux
D'ourse ! L'une avait nom Aline, l'autre Paule,
Aline et Paola tinrent ces doux propos :

[...]
Rimbaud s'est inspiré des passages que j'ai souligné pour la composition du second quatrain et pour le dernier vers du troisième quatrain des "Chercheuses de poux" (soulignements nôtres) :
[...]

Elles assoient l'enfant devant une croisée
Grande ouverte où l'air bleu baigne un fouillis de fleurs
Et dans ses lourds cheveux où tombe la rosée
Promènent leurs doigts fins, terribles et charmeurs.

Il écoute chanter leurs haleines craintives
Qui fleurent de longs miels végétaux et rosés
Et qu'interrompt parfois un sifflement, salives
Reprises sur la lèvre ou désirs de baisers.

[...]
Notons que l'adjectif "parfumés" dans "lourds cheveux d'or parfumés" sera repris par Mendès plus loin dans sa composition : "Et mon boudoir est moins parfumés que mon lit !" et Rimbaud le reprend tout autant pour qualifier les "silences" au quatrième quatrain des "Chercheuses de poux".
Le couple du poème mendésien est constitué de Paule et d'Aline, ce qui peut laisser supposer une identification de Paul Verlaine et de Mademoiselle Aline "Rimbaut". Or, parmi les éléments de réécritures du "Sonnet du Trou du Cul" il est question du personnage Aline du recueil de sonnets Amours et Priapées d'Henri Cantel, notamment derrière la rime "caline" [sic]::" praline" du premier tercet rimbaldien. Pour citer "Parade", comment Léon Dierx, Albert Mérat et Catulle Mendès regardaient-ils Chérubin ? Le poème "Le Jugement de Chérubin" se poursuit par un développement lyrique et dramatique, puisque les vers sont partagés en distiques entre les interventions des deux femmes Aline et Paule dont le prénom est italianisé en Paola. Si Rimbaud n'a pas imité cet aspect du poème, c'est évidemment à lui qu'il se réfère dans l'écho des attaques des troisième et quatrième quatrains :
Il écoute chanter [...]

Il entend leurs cils noirs [...]

Les répliques de Paola et d'Aline suivent une progression, à la manière des berges antiques des idylles de Théocrite, etc. Tout à tour, Aline et Paola font un distique exalté sur les cheveux de Chérubin, puis c'est au tour des yeux de Chérubin, mais avec une confusion érotique importante, puisqu'Aline célèbre à la fois les yeux de Chérubin et ceux de Paola, ce qui introduit l'élément saphique dans le poème mendésien lui-même, il est donc question de triolisme. Enfin, après les cheveux et les yeux de l'enfant, Aline et Paola parlent de l'exaltation de leurs propres lèvres, ce qui a un écho évident dans le poème de Rimbaud au plan des "salives" et "désirs de baisers".
Il est aussi question de "bouche déclose" ce qui permet à Rimbaud et Verlaine d'envisager une passerelle vers le titre de recueil de Léon Dierx.
Les deux femmes invitent le poète à faire son choix et il s'y dérobe en les célébrant : "Comme / Deux larmes de l'aurore", quand le poème rimbaldien se termine par un "désir de pleurer" qui ne semble pas s'embarrasser du dilemme de laquelle choisir pour s'y déverser...
Nous nous éloignons de notre sujet qui était la lecture du poème "Vu à Rome" et la justification parodique de sa cible Léon Dierx, mais pas tellement, car il faut bien que nous mettions les yeux des lecteurs devant l'évidence d'un réseau très large de poèmes rimbaldiens qui implique bien des règlements de comptes méconnus avec Mendès, Mérat et Dierx.
A cet enjeu-là, la Rimbaldie ne pourra pas se soustraire.

6 commentaires:

  1. Des coquilles, toujours. J'ai même écrit "Vu à Rome" pour "Tête de faune", mais les citations des vers dissipent le malentendu.
    Je n'ai pas cité la césure affectée sur "épouvantable", mais je me demande toujours si la poignée de gens qui lit mes articles se rend compte à quel point ils sont dans la confidence d'un truc unique sur la planète. J'imagine la terreur blanche des rimbaldiens qui lisent tous mes récents articles sur mon site... De "Vies" à "Vu à Rome" avec la digression jusqu'aux césures, il faut de toute évidence accompagner la lecture de musiques exaltantes.

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    1. Pas mal de coquilles corrigées sur les deux tiers de l'article, et j'ai introduit deux, trois petites suppléments. 06/02 16h50.

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  2. C'est un peu pénible pour moi de laisser du temps aux lecteurs de lire certains articles, car j'ai envie d'enchaîner rapidement. En tout cas, voici déjà un complément inattendu à cet article.
    Je viens d'explique que la césure sur "jusqu'à" et le mot-rime "écarlatine" viennent de Catulle Mendès, reliant les parodies Sonnet du Trou du Cul et Vu à Rome. J'ai déjà dit que la succession trois quatrains et trois faux-tercets de "Vu à Rome" et "Fête galante" faisait exprès référence au sonnet 2 quatrains, 2 tercets, et en même temps à la séparation des quatrains et des tercets dans Fêtes galantes de Verlaine.
    J'ai indiqué, en pensant bien sûr au fait que Rimbaud quand il compose un poème il doit méditer son allure d'ensemble et s'inspirer des beaux modèles antérieurs quitte à éviter à tout prix d'y ressembler, que "Vu à Rome" et "Tête de faune" avaient quelque chose de la célèbre "Allée du Luxembourg" de Nerval, lequel avait fait une suite d'odelettes en trois quatrains.
    Or, j'avais déjà indiqué que Cros avait composé des poèmes en décasyllabes intitulés "Trois quatrains" et que c'était peut-être aussi une source de Rimbaud.
    Du coup, après mon scoop nervalien, je suis enfin allé voir ça de plus près. Et, attention, scoop !
    Nous avons deux recueils de Cros : Le Coffret de santal et Le Collier de griffes. Ce dernier plus tardif nous intéresse moins et il ne contient que deux poèmes en trois quatrains, même s'il a des tercets monorimes à la Banville. En revanche, Le Coffret de santal contient plusieurs poèmes en trois quatrains ("Réponse", "Sur un miroir", "Diamant enfumé", "Vers amoureux", etc.), très souvent en décasyllabes aux hémistiches de cinq syllabes. Il les nomme parfois Trois quatrains comme on écrirait Sonnet. Mais le scoop, c'est qu'on a une suite de titres : Trois quatrains, Aquarelle, Six tercets, Trois quatrains, où sans parler de l'écho possible avec Romances sans paroles, on a le principe de Vu à Rome et de Fête galante de séparer les quatrains et les tercets, et les poèmes sont érotiques, et dans six tercets sur deux vers consécutifs, on a "purpurine" à la rime et "jusqu'à" devant la césure, comme pour le vers "Le Jugement de Chérubin".

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  3. Bien obligé d'essayer de ralentir la cadence, je profite à ma manière de la section Commentaires.
    1) Un lot d'idées que j'ai eues dès le départ et que je n'ai pas écrites.
    Dans "Le Jugement de Chérubin", il y a aussi un entrevers "de peaux / D'ourse" que je rapproche de "peaux / D'hommes" du Bateau ivre, nouvelle indice du coup que "Le Bateau ivre" est un écrit parisien tardif.
    Pour le poème "Trois quatrains" du Coffret de santal qui suit "Six tercets", j'ai aussi relevé la rime d'un sonnet des "Immondes": "s'égaie"::"haie" qui continue de montrer que Cros a composé ces poèmes en regard de contributions rimbaldiennes zutiques et assimilés, même s'il fait autre chose. Accessoirement, il y a aussi le poème en triolets enchaînés qu'il faut rapprocher de Banville et du "Coeur volé", avec problème de datation à la clef. Mais là j'utilise le volume chez Robert Laffont, et pas mon édition au Livre de poche. On verra plus tard.
    2) L'adjectif "écarlatine", j'ai bien sûr pensé à "scarlatine", mais si ça se soigne avec des antibiotiques, je ne sais pas trop comment on s'en occupait au XIXe siècle, car je m'étais dit que la poudre fine était un peu comme un remède.
    Sans certitudes, je mets ici la partie solide du raisonnement.
    Dans le sonnet de Mendès, la "bouche écarlatine" communique donc en tant que telle une "exquise fièvre" pour citer Fêtes galantes de Verlaine. Dans le poème "Vu à Rome", l'idée ne serait-elle pas reprise ? Il me semble évident que la "cassette écarlatine" a mis ces nez en rut. Le nez est une partie particulièrement infectée par la scarlatine, mais il s'agit de bactéries, donc risque de lecture anachronique.
    Toujouts est-il qu'il faut une raison à l'introduction de la poudre fine dans le nez ? Qualifiée de schismatique, elle sert à séparer.
    Le dernier article de Reboul suppose le schisme en deux groupes distincts et ne se préoccupe pas du fait que les nez collent à la cassette. Mon approche au contraire souligne l'idée de séparer les nez de la cassette, mais du coup joue plus sur le sens de séparation que sur un schisme entre deux clans chrétiens.

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    1. Et je continue de vous prouver que j'ai mille fois raison.
      Dans son livre, Teyssèdre parle des érudits qui n'ont ramené que deux mots à la rime chez Dierx à rapprocher de la parodie "Vu à Rome". Ce pluriel "érudits", c'est moi seul, puisque je suis derrière les mentions de la notice dans la Pléiade (je n'avais pas que filé les centons de Belmontet, la signature AR de L'Enfant qui ramassa les balles... et la source du monostiche de Ricard, comme vous pouvez vous en douter). Et bien sûr, il y avait aussi l'article "A propos de l'Album zutique" dans la revue Europe, sans oublier l'article "La signature de Léon Dierx..." sur le blog de Bienvenu. Puis j'ai évoqué plus tard la piste de "Paroles du vaincu".
      Dans son premier article sur "Vu à Rome", Reboul balaie les rapprochements avec Dierx d'un revers de la main pour imposer l'idée d'un texte satirique pur, en me citant pour le schisme des vieux-catholiques en Allemagne (je crois que Teyssèdre n'a cité que le conflit avec les gallicans et l'Infaillibilité pontificale, alors que les "vieux-catholiques" on avait du schisme au sens fort du terme).
      Enfin, bref.
      J'ai montré qu'il fallait à chaque fois prendre au sérieux les fausses signatures (Belmontent, Ricard, Silvestre, Coppée, etc.) et voilà que Teyssèdre puis Reboul soutiennent qu'il ne faut pas attacher d'importance à Dierx.
      Pire, Teyssèdre essaie d'expliquer le poème en passant par Silvestre? En gros, j'ai montré l'importance d'une signature : ça sert à Teyssèdre à ne rien faire d'une autre signature.
      Mais, la suite au prochain commentaire...

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    2. J'ai relevé quelques mots à la rime, mais il faut être précis. Je cerner pour les emprunts le début du recueil Lèvres closes et puis quelque peu sa fin. Puis, je soulignais que "nez" ça faisait penser à la série sur les yeux dans "Les Yeux de Nyssia".
      Emprunter au début et à la fin d'un recueil, imiter l'insistance sur une partie du corps, ben voilà qui justifie quelque peu de placer le poème sous le patronage de ce recueil "Lèvres closes" que Rimbaud n'était pas obligé de mettre. Rimbaud n'a pas mis de titre de recueil pour ses autres parodies, sauf celle de Mérat, les "Conneries" et le double emploi de "Fête galante", et ces titres ont toujours un enjeu cependant.
      Or, dans "Vu à Rome", nous avons "livide" repris à la rime de "Jamais" et "sépulcral" forme masculine de "sépucrale" à la rime dans "Marche funèbre" (fin du second quatrain comme "Vu à Rome").
      Qui plus est, le poème "Les Yeux de Nyssia" où les "yeux" annoncent les nez de la parodie est suivi par un poème "L'Odeur sacrée" qui est l'inversion de l'immondice schismatique fourrée dans les nez. Certes, le poème est très différent, puis j'ai du mal avec lui, car Dierx y développe à fond les répétitions ou plutôt les effets de carcasses sonores équivalentes, mais il en fait trop à mon sens. Le poème "L'Odeur sacrée" est dédicacé à Armand Silvestre, mais le recueil a été remanié car le poème suivant "Jamais" est dédicacé à "Frédéric Plessis", ce qui n'est pas possible en 1871 ni avant.
      Or, le poème "Jamais" ne contient pas que "livide" à la rime, je prétends que l'expression "couvert des symboles des vierges" est l'origine de "Couverts d'emblèmes chrétiens".
      Et ce n'est pas tout, je parlais de la chaîne "purpurine", "écarlatine" qui relie Mendès, Rimbaud, Cros, elle relie aussi Verlaine avec la bouche "incarnadine" des Fêtes galantes. Or, dans "Jamais", le poète célèbre ceux martyrs qui ont créé l'illusion que l'Amour est un Dieu. Il est question plus loin de l'amour pour un être aux "yeux violets", immense pavé encore pour amener à l'idée que "Voyelles" a dérivé progressivement d'une réflexion zutique concernant les parodies de Mérat et Dierx.
      Le parfum dans le soir a donné l'illusion de l'aurore dans "Jamais", avec du soleil encore une fois fondant, et donc il est question d'un "incarnat féminin" et à la fin du poème pas d'écarlatine à la Mendès ni d'incarnadine mais une "bouche incolore". L'insistance de "Jamais" sur des yeux et le mal qu'ils ont fait vient peu après "Les Yeux de Nyssia" dans l'économie du recueil. Je note qu'il est aussi question d'un regard sec et morne couvrant l'être à l'agonie. Revenons au début du recueil, et nous avons le poète "couvert de silence et de nuit", le "sépulcre" laissant filtrer des rêves, les "lèvres closes", "Livide" attaque le second vers du poème suivant "Lazare"...
      Vous préférez vous réfugier dans l'orgueil méchant et sot à la Circeto. Non ! Il y a des difficultés, mais les indices sont là pour dire que nous avons bien affaire à une parodie de Dierx. Ce n'est pas la peine de jouer à je sais tout en niant la prégnance de tels renvois pour imposer une lecture passe-partout et dire que les rapprochements c'est bon pour le hasard.

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