Rimbaud a composé deux quatrains
L'un s'intitule Lys et fait partie de l'Album zutique où il fait suite à la transcription du Sonnet du Trou du Cul, l'autre sans titre est qualifié de "madrigal" sur une liste de la main de Verlaine et fait suite au sonnet Voyelles dans la liasse numérotée remise à Forain
D'autres quatrains sont présents dans l'Album zutique dont une parodie d'un quatrain de La Légende des siècles de 1859
Il semble que l'ensemble du Cercle zutique ait porté une attention toute particulière à cette forme
Cela est intéressant dans la mesure où le quatrain "L'Etoile a pleuré rose" offre pour certains vers des liens de parenté étonnants avec l'obscène et satirique Lys, comme cela a déjà été observé par Steve Murphy
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L'Aurore vous emplit d'un amour détergent !
Une douceur de ciel beurre vos étamines !
L'étoile a pleuré rose au coeur de tes oreilles
L'infini roulé blanc de ta nuque à tes reins
La mer a perlé rousse à tes mammes vermeilles
Et l'Homme saigné noir à ton flanc souverain
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Le poème Lys est une parodie d'un sonnet de Silvestre
Mais que peut m'apprendre le recours à la forme quatrain ?
Dans le cas de "L'Etoile a pleuré rose:::", nous avons le rapprochement avec le genre du madrigal et nous observons aussi un trait particulier, le jeu sur l'apposition de couleurs reportées après le verbe en tendant à créer une structure attributive particulière déjà présente chez Racine, Hugo ou Leconte de Lisle, mais rarissime
Il s'en va triste, il a pleuré mort, et ici "l'étoile a pleuré rose", "l'infini [a] roulé blanc", etc
Il convient de rechercher les sources
D'autres indices sont donnés dans l'Album zutique Outre la parodie d'un quatrain de La Légende des siècles, il est encore question de la parodie des quatrains de Pibrac
Je vais essayer de voir où cela peut me conduire
Pour l'anecdote, les prophéties de Nostradamus sont également une suite de quatrains
Le rapprochement avec Rimbaud n'est pas pertinent, mais on peut en toucher deux mots
Les quatrains de Nostradamus ont une syntaxe rompue, des ruptures de construction rendent les expressions grammaticalement incorrects et obscurs, ce qui n'a rien à voir avec le traitement rimbaldien
Les quatrains de Nostradamus sont au futur, quand celui d'allure mystique "L'Etoile a pleuré rose" est au passé composé
Une autre erreur courante, c'est sur le mot "prophétie" qu'elle se joue Le vértitable sens du mot "prophétie", c'est la pénétration de la parole divine, la prédiction du futur ou la connaissance d'un passé ignoré ne sont que des conséquences de l'intimité avec la morale et la volonté divines Et c'est bien à tort qu'on associe aujourd'hui étroitement le mot "prophétie" avec ce qu'il y a de plus spectaculaire en surface dans un discours prophétique : la prédiction du futur
C'est une erreur d'appréciation énorme Le futur n'est prédit que parce qu'il devient facile à anticiper pour celui qui voit la volonté de Dieu Il n'est donc plus question de magie, mais de foi, ce qui ne revient pas tout à fait au même
Dans le cas des quatrains de Nostradamus, les prophéties qu'on a cru troublantes ne l'étaient nullement pour peu qu'on s'attachait soit à s'assurer de l'authenticité du quatrain prétendu de Nostradamus, soit à en considérer tout le détail
Or, pour plusieurs quatrains, il ne fait aucun doute que Nostradamus met sous forme de quatrains des événements passés, ou bien des événements qui étaient plus ou moins récents
Le problème, c'est que les gens sont tellement convaincus que le prophète est celui qui prédit l'avenir qu'il est considéré comme risible d'expliquer que les prophéties de Nostradamus écrites à l'aide des temps du futur ne sauraient s'élucider par le cryptage de faits historiques du passé
La résolution des quatrains est évidente, mais la mauvaise connaissance du sens du mot "prophétie" fait qu'elle est daubée
En réalité, on peut très bien prendre un événement du passé comme une prophétie qui vaut pour le futur et c'est ce que faisait Nostradamus
D'abord, la prophétie est une fenêtre sur la volonté divine qui se veut indifférente au passé et au futur
Ensuite, le rapport à l'Histoire n'était pas le même au XVIème siècle que depuis environ 300 ou 400 ans
Pour un homme du XVIème siècle, il n'y a pas d'évolution supposée de l'Histoire Les mêmes actions avec les mêmes effets peuvent se répéter Une bataille de l'Antiquité peut se répéter au XVIème siècle et être jugée de la même façon
La symbolique doit valoir intemporellement et donc on peut prendre un événement antique comme métaphore d'une vérité pour le présent
Il y a bien le passage de l'ère païenne à l'ère chrétienne, et toute une théorie de la Providence, mais aucune histoire linéaire n'était réellement envisagée pour l'humanité
L'Histoire n'étant pas celle des moeurs, etc, mais celle des grands événements, le passé offrait un réservoir d'exemples pour comprendre le présent et pour négocier le futur
En voilà assez pour lire sans étonnement les prophéties de Nostradamus
Quoi ? J'ai gâché le mystère Oooh les petits choux ! Si vous croyez que j'ai passé mon temps à les lire ces merdasses de quatrains de Nostradamus ?
Voilà, je me suis offert une digression à partir d'un prétexte rimbaldien sur lequel j'aurai à revenir
J'ai tout de même orienté les recherches à venir
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