Dans son livre L'Art de Rimbaud paru en 2002 (pages 34-36), Michel Murat s'appuie sur les "exemples étudiés par J.-M. Gouvard" pour montrer comment s'opère une "réorganisation rythmique du vers" où la "distribution des mots grammaticaux autour de la césure joue un rôle essentiel. Au lieu de prendre place au début du second hémistiche comme il est habituel dans les vers concordants, il arrive que ces mots se trouvent reportés avant la césure." Murat propose une première catégorie, celle de la "césure sur une préposition ou une conjonction dissyllabique, comme devant, parmi, tandis que, et il cite deux exemples des Contemplations, un recueil romantique publié tout de même tardivement (1856). La barre oblique est utilisée par Murat pour indiquer la césure (césure = frontière entre deux hémistiches (elle n'existe pas, sauf dans l'éducation nationale ou les jury de concours de recrutement des enseignants).
Echevelé, parmi / les ifs et les cyprès ("A celle qui est restée en France, v. 179)
Lui, cependant, tandis / qu'on bave sur sa palme ("Melancholia", v.79)
Murat commente ainsi : "On ne peut considérer ce type, qui se rencontre souvent chez Hugo, comme une forme déviante ; mais le processus de déplacement est caractéristique."*
Je passe directement à l'article de Gouvard paru en 2024 : "Arthur Rimbaud et le vers romantique".
A la page 43, il commente un vers consacré romantique du poème "Les Etrennes des orphelins" en employant pour représenter la césure le signe + habituel à Benoît de Cornulier :
[...] dans Les Etrennes des orphelins, on lit " - Et tout pensifs, tandis + que de leurs grands yeux bleus" (v. 74), avec cette fois-ci une locution conjonctive à cheval sur la césure médiane. Le procédé n'est pas nouveau. Si une telle configuration ne se rencontre pas chez Chénier, celui-ci avait déjà risqué une fois de placer une locution conjonctive, comparable d'un point de vue prosodique, dans cette position inconfortable pour tout lecteur nourri de la belle harmonie classique et néo-classique, avec "Ne le voit plus, sitôt + qu'il n'est plus sous ses yeux !", un alexandrin qui découle chez lui de constructions comme "Et sa bouche, au moment + que je l'allais quitter," où le premier terme de la locution est non pas bi- mais trisyllabique ("au moment"), ce qui atténue la discordance, l'accent sur le [en] de "moment" étant relativement proéminent. A la génération suivante, c'est Hugo qui, bien avant Ribaud, placera "tandis que" dans cette configuration, et, dès l'automne 1827, lorsqu'il compose "Navarin", l'un des poèmes des Orientales : "Ô spectacle ! Tandis + que l'Afrique grondante". En 1869, l'alexandrin discordant des Etrennes des orphelins, avec son "tandis que" enjambant la césure, reflète donc lui aussi une pratique "romantique" qui s'était installée depuis longtemps chez les poètes contemporains.
Alors, si vous n'aimez pas lire, mais que vous avez envie de vérifier si c'est vrai tout, il y a moyen de consulter les principaux textes classiques en ligne et de rechercher par mots clefs les occurrences de "tandis que". Je précise que lisant les textes classiques j'ai découvert sans ce subterfuge le "tandis que" qui chevauche la césure à la toute fin de la comédie Mélite de Corneille, mais j'ai décidé de donner à ma recherche un petit coup d'accélérateur en abusant de la fonction "rechercher" la forme "tandis".
Lien pour consulter le texte entier de la comédie Mélite : cliquer ici !
La recherche inclut les variantes et quelques passages en prose. Il n'y a que deux formes "tandis" dans l'ensemble, deux fois au sein d'un alexandrin.
Je cite le premier cas :
Qu'il cherche femme ailleurs, tandis que de ma partJ'attendrai du destin quelque meilleur hasard.
Pour ce qui est de mon attente, elle n'est pas très longue, puisque l'autre occurrence "tandis" correspond à un vers romantique selon le principe définitoire de Gouvard :
Entrons donc ; et tandis que nous irons le prendre,Nourrice, va t'offrir pour maîtresse à Philandre.
Je vous conseille vivement de consulter le lien ci-dessus, parce que la comédie Mélite fut la première création théâtrale de Corneille et elle a été remaniée à de multiples reprises. Des vers ont été supprimés, d'autres ont été remaniés, et les remaniements avaient aussi à voir avec un souci de plus grande correction, et de plus grande facture "classique" des vers. Or, ce vers n'a jamais été retouché.
Dans mon article de 2006 : "Ecarts métriques d'un Bateau ivre", où je citais quelques autres vers de Mélite, j'accordais un intérêt aux critères retenus par Gouvard, mais j'émettais des réserves : "alexandrins [...] qu'on supposera, sans s'offusquer d'un certain arbitraire problématique, représentatifs du romantisme, selon la définition esquissée par J.-M. Gouvard", je choisissais la forme "tandis que" comme unique exemple du critère de la locution conjonctive, et après la liste je précisais tout de même ceci : "Rappelons que ces formes antécésurales se rencontrent dans les œuvres mêmes de Corneille, Racine et Molière, sans même parler de la présence de certaines à l'entrevers au XVIe siècle."
Mon discours est bien distinct de celui de Gouvard en 2024, et j'étais déjà bien plus précis que lui. Je fais remarquer que Gouvard soutient clairement que Chénier n'a pas tout à fait le courage de pratiquer le chevauchement de la césure par la locution "tandis que", il ose sur une forme où le sens justifie mieux un effet suspensif : "sitôt que..." ou il ose sur des formes trisyllabiques, et c'est Hugo qui serait le premier à avoir eu le courage de passer le cap.
Je cite un "tandis que" dans la première comédie de Corneille.
Quelles sont vos lectures de vers classiques ? Vous avez le théâtre en vers de Corneille, Molière et Racine, puis vous avez des anthologies de poèmes de Malherbe, Mainard, Théophile de Viau, Saint-Amant, Vincent Voiture, Mathurin Régnier et quelques autres, puis les écrits en vers de Nicolas Boileau, et on inclura le cas particulier des vers libres de La Fontaine. C'est le premier ensemble de lectures imposées. Après, vous pouvez lire les tragédies de Rotrou, La Marianne de Tristan l'Hermite, les tragédies et les poésies de Voltaire, une anthologie de poésies du dix-huitième siècle, et peu d'entre vous iront réellement au-delà. Vous lirez peut-être aussi la Sophonisbe de Mairet, des poésies de Scarron, mais si vous lisez tout ça c'est que vous aurez lu aussi les comédies de Corneille qui ont précédé Le Cid.
Alors, j'ai continué l'enquête jusqu'à Œdipe inclus, puis j'ai épluché Suréna, et il n'y a plus jamais de "tandis que" enjambant la césure, mais je fais remarquer que Corneille emploie aussi le mot "tandis" seul, sans le "que", et que la forme "tandis que" n'apparaît pas tant que ça dans les vers de l'auteur. Alors, on peut se dire que Corneille évite la forme par souci de classicisme, par respect pour les préceptes de Malherbe et de l'avignonnais Pierre de Deimier, mais bon Corneille pratique rarement le rejet d'épithètes, mais il le pratique dans une version originelle répudiée d'un vers de Mélite et il y revient dans un vers non répudié de Polyeucte, l'une de ses quatre pièces les plus réputées. Dans sa dernière pièce, la tragédie Suréna, Corneille pratique deux fois la césure sur la conjonction "Mais", et dans La Suite du Menteur, comédie qui vient après bien des chefs-d'œuvre et bien des débats sur le classicisme à tenir, Corneille se permet un cas exceptionnel de "e" languissant : "Comme toutes les deux jouent leur personnage !"
Evidemment, du côté de Victor Hugo, cet exemple sur "tandis que" donne encore plus de crédit à ma thèse d'un Victor Hugo qui a relu plume à la main tous les vers classiques pour identifier les moments où une césure chaloupée était passée et avait été quelque peu avalisée par un Racine, un Corneille, un Agrippa d'Aubigné, etc. Hugo s'est essayé à la forme "tandis que" à cheval sur la césure, parce qu'il a identifié cette forme dans l'un des derniers vers de la comédie Mélite.
Mais il faut mener l'enquête du côté des autres auteurs classiques. Prenons le cas de Molière. Une bonne partie de son théâtre est en prose, et on sait que sur ses trois premières pièces en vers : L'Etourdi, Le Dépit amoureux et Sganarelle, il y a un lot de vers à faire fuir l'amoureux du beau vers classique. Ce n'est pas tellement vrai de L'Etourdi, mais la versification du Dépit amoureux jouit d'une mauvaise presse qui est tout à fait fondée. Et avant de vous parler de Sganarelle, je rappelle que lire les vers de Molière, ça inclut un petit nombre de pièces finalement dont une écrite officiellement par Corneille Psyché. Vous avez Tartuffe, Le Misanthrope, L'Ecole des femmes, Les Femmes savantes, L'Etourdi, Le Dépit amoureux, Sganarelle, Psyché (bien qu'il ait avoué qu'elle ait été versifiée par Corneille), Dom Garcie de Navarre, L'Ecole des maris, Les Fâcheux, La Princesse d'Elide, Mélicerte, Amphitryon, la Pastorale comique. Vous me direz que ça fait quand même un certain nombre de pièces à passer au crible, mais ce n'est rien du tout à faire comme travail. Un universitaire qui publie sur la versification peut lire les comédies en vers de Molière en une semaine, et prendre des notes en même temps avec un peu d'organisation. On peut consacrer un mois de sa vie à l'œuvre en vers de Corneille, et puis consacrer une semaine ou deux aux vers des pièces de théâtre de Racine. La recherche par mots clefs permet un irrésistible gain de temps dans le cas de la forme "tandis que".
Pour consulter le texte de la comédie L'Etourdi et y effectuer vous-même la recherche : cliquer ici !
Aucune occurrence de la forme "tandis" dans la comédie L'Etourdi. Je ne m'y attendais pas.
Une seule dans Le Dépit amoureux : "Tandis que vous serviez à mieux couvrir leur jeu," réplique de Mascarille. Pour vérifier par vous-même : cliquer ici !
Une seule occurrence dans Sganarelle ou le cocu imaginaire : "En le tuant, tandis qu'il tourne le derrière." La réplique est de Sganarelle lui-même, et vous notez que la forme conjonctive enjambe la césure !
C'est le deuxième contre-exemple à la thèse de Gouvard d'un procédé romantique partiellement hérité de Chénier et mis au point par Hugo.
Deux occurrences en tête de vers dans Dom Garcie de Navarre.
Aucune dans L'Ecole des maris.
Deux occurrences dans Les Fâcheux en début de vers : "Tandis que..." ou "Et tandis que..."
Aucune occurrence dans L'Ecole des femmes, aucune dans La Princesse d'Elide, une seule en tête de vers dans Tartuffe (Acte V), une seule en tête de vers dans Le Misanthrope, aucune occurrence dans Psyché, une seule dans Les Femmes savantes en tête de vers (Premier Acte).
Il y a quelques autres vers de Molière dans des poésies diverses, dans des intermèdes lyriques (Le Bourgeois gentilhomme, etc.), mais le bilan est déjà très clair. La forme "tandis que" est rarement employée, il s'agit d'un groupe de trois syllabes peu chargé de sens qui prend de la place. On peut se dire que la rareté du chevauchement de la césure prouve que le principe n'est pas admis comme très heureux, mais il ne s'agit pas d'une audace romantique, il s'agit d'un cas considéré comme de moindre correction pour lequel il y avait une faible tolérance. Et, je suis désolé, mais ce n'est pas la même conclusion... Il y a une distinction nette entre les deux conclusions, celle de Gouvard étant démentie de toute façon par les faits.
Dois-je aller plus loin ?
Murat met sur le même plan que les locutions conjonctives avec une tête à deux syllabes : "tandis que", les prépositions de deux syllabes comme "parmi". Notez qu'à propos de "parmi" vous avez un vers de Mélite où "parmi" est suivi d'un mot au singulier, usage réputé verlainien... Eh oui !
Mais, j'ai déjà cité une césure après la préposition "après" dans Iphigénie de Racine :
Lui, votre père ! Après son horrible dessein, (Acte III, scène 6, Achille à Iphigénie)
On notera le discours similaire de Joas face à Athalie dans la tragédie Athalie, quand nous avons la suspension "Et pour..." à la césure suivi de l'insultant "Pour quelle mère !"
Gouvard a cherché aussi à attribuer à Chénier les césures après un mot grammatical de trois syllabes. Relevons donc quelques-unes des formes "en faveur de" dans la comédie Mélite de Franz-Albert Corneille :
Cependant, en faveur de ma longue souffrance...
Quel grand romantique, ce Franz-Albert Corneille !
Je souhaite en faveur de ce reste de foi
Corneille varie ses emplois, puisque nous avons "en faveur de" en tête d'un autre vers, ou bien en tête d'un second hémistiche, l'expression apparaît aussi dans une didascalie en prose, et une deuxième fois en début de second hémistiche dans une variante.
Certes, on peut minimiser l'audace en considérant que "faveur" est perçu plutôt comme un nom par Corneille, même s'il est utilisé sans déterminant, un peu comme nous avons cela dans le vers de la même comédie : "M'avoir fait bonne part de son aveuglement." Il est vrai qu'on peine à trouver un autre cas semblable de structure préposition + de chevauchant la césure, mais alors que l'analyse en autonomie de "bonne part" ne pose aucun problème, nous avons tout de même une locution prépositionnelle devenue nettement telle en langue française pour l'expression "en faveur de..."
Mais je reviens sur le livre L'Art de Rimbaud et sa page 34 qui dit explicitement reprendre des exemples formulés par Gouvard. Murat cite un deuxième cas de configuration nouvelle dans la poésie en vers, avec deux mots grammaticaux d'une syllabe placés devant la césure et il cite le vers suivant de Victor Hugo :
Toi que l'homme par qui notre siècle commence [...]
Oui, l'hémistiche "Toi que l'homme par qui" n'est pas des plus heureux. Mais je peux vous citer de tels hémistiches étranges à partir des pièces de Corneille.
Toutefois, ce que met en avant ici Murat, d'après Gouvard, c'est la suite des deux mots grammaticaux "par qui" devant la césure. Murat souligne la succession préposition + relatif. Or, ce qui induit en erreur Murat dans son relevé, et je suppose Gouvard, c'est que dans le vers de Victor, la forme "par qui" introduit une subordonnée. Mais il y a un problème d'analyse. Le "qui" n'a pas sur lui cette valeur introductrice et ça change tout. Il y a une unité rytmique de la forme "par qui" à l'intérieur de la subordonnée. Et de toute façon, Murat exhibe bien le "type préposition + relatif" devant la césure, pas le fait que les deux mots formeraient une tête de subordonnée.
Et à partir de là je n'ai plus qu'à vous fournir les contre-exemples. Je viens de les chercher par mots clefs dans les pièces de Molière, mais parce que je savais de mémoire qu'il y avait de tels contre-exemples dans Les Femmes savantes ou L'Ecole des femmes. Je commence donc par L'Ecole des femmes, je cherche "de quoi" en premier lieu et je tombe rapidement sur ce vers :
Et ce sera de quoi mettre sur mes tablettes.
Le vers a même l'intérêt d'offrir une tête de construction infinitive dépendante d'un verbe principal (je fais exprès d'éviter une terminologie grammaticale stricte).
Je vous montre un autre exemple dans cette pièce (on passe du premier au troisième acte) où cette fois vous pouvez apprécier "de quoi" comme une fin de groupe de mots :
Et voilà de quoi sert un sage directeur.
On peut étendre la recherche avec "de qui", "à qui", "à quoi", etc. Dans mon souvenir, les vers de Molière offrent des exemples de césure après "de qui" ou "à qui".
Je passe aux Femmes savantes, je commence par chercher "à qui" et je trouve immédiatement un exemple :
Des bassesses à qui vous devez la clarté[.]
Vous me permettrez d'arrêter là l'exercice, en ce qui concerne cette configuration.
Dans son article de 2024, Gouvard fait d'autres propositions. Etrangement, il n'appuie pas sur le simple rejet d'épithète. En revanche, il commente des coordinations d'épithètes, mais voyez comme là encore il met en avant Chénier. Gouvard cite un vers du début des "Etrennes des orphelins" : "De deux enfants le triste + et doux chuchotement" (vers 2 du poème). L'analyste dit ceci :
[...] Une telle configuration ne se trouve pas chez André Chénier, lequel, lorsqu'il place un syntagme nominal à cheval sur les deux hémistiches, s'arrange pour que le premier adjectif soit polysyllabique :N'ont connu qu'une oisive + et morne indifférence,Qui vient d'une insensible + et charmante langueurIl a dans sa paisible + et sainte solitudeChez Victor Hugo, la première attestation se trouve dans "Ce qui se passait aux Feuillantines vers 1813", avec l'alexandrin "Les marronniers, la verte + allée aux boutons d'or," soit assez tardivement puisque le poème a été composé au printemps 1839. [...]
L'analyse est un peu étrange, puisque nous glissons d'une analyse sur les coordinations d'épithètes à une analyse sur l'adjectif monosyllabique en suspens devant la césure. Nous constatons aussi que Gouvard ne mentionne pas les vers de théâtre. Il pourrait au moins souligner que même dans ses vers de théâtre il n'y a pas une telle configuration chez Victor Hugo avant 1839.
Les remarques ne sont pas infondées sur l'importante influence hugolienne en ce qui concerne le placement d'un adjectif monosyllabique en contre-rejet à la césure, mais en réalité la pratique du rejet ou contre-rejet d'épithète est carrément une reprise romantique d'après Malfilâtre et Chénier par opposition au classicisme, il s'agit d'un retour des contre-rejets et rejets d'épithètes, puisqu'il s'en trouvait dans la poésie du XVIe siècle, dans Les Antiquités de Rome de du Bellay notamment, puisqu'il s'en trouvait de rares exemples dans des pièces de Corneille et Molière, ou bien au dernier vers du poème "Le Mondain" de Voltaire : "Le paradis terrestre est où je suis." Dans mon article "Ecarts métriques d'un Bateau ivre" paru en 2006 dans une revue d'importance pour les métriciens disciples de Cornulier, je citais déjà le vers de Polyeucte : "Adieu, trop vertueux + objet, et trop charmant" (vers 580). Je précise qu'il y a un rejet de l'adjectif monosyllabique "rouge" à la fin de Marion de Lorme, drame de Victor Hugo daté de 1831. Et le rejet d'un adjectif d'une syllabe est lui-même sensible et neuf dans ce cadre hugolien, parce que dans les vers de Chénier cités plus haut, nous avons certes des adjectifs d'une syllabe après la césure "morne" ou "sainte" mais la coordination avec "et" ne fait pas du tout un rejet d'une syllabe, et il n'y a même pas de rejet du tout vu que les seconds hémistiches ont une unité grammaticale mélodique : "et morne indifférence", "et sainte solitude". Gouvard n'a pas à comparer ces deux cas à un contre-rejet "De deux enfants le triste..." En revanche, il aurait dû citer la chronologie d'émergence de rejets d'adjectifs d'une syllabe : "Tranquille. Il a deux trous + rouges au côté droit." "Je pisse vers les cieux + bruns, très haut et très loin," ("Le Dormeur du Val" 1870, "Oraison du soir", 1871). Gouvard confond clairement les plans d'analyse. Enfin, en ce qui concerne la coordination d'épithètes à cheval sur la césure avec un contre-rejet de l'adjectif antéposé, il y en a plein d'exemples dans les pièces classiques, sept ou huit de mémoire dans la Sophonisbe de Mairet que je vous ai énumérés dans un article récent, j'en citais de Racine lui-même dans mon article de 2006 : "J'ai su par une longue + et pénible industrie" (Mithridate), et je soulignais aussi les constructions particulières du type : "De la douce liqueur rousoyante du ciel" (Mathurin Régnier), ce que je mettais en lien avec un vers de Lamartine dans ses Harmonies poétiques et religieuses : "Douce et tendre, et l'accent + mâle et grave du père."
Gouvard n'arrête pas dans son article de citer une liste de grands spécialistes de l'analyse du vers dans laquelle il se place, il ne cite jamais mon article de 2006, alors que, pour qui lit les deux articles, le spécialiste du vers n'est pas celui qui professe.
Alors, je vous explique une recette : vous faites une recherche de la forme "et", et vous faites défiles les textes en vers en vous concentrant sur le centre et vous cherchez les coordinations d'épithètes à cheval sur la césure. C'est un travail ingrat, mais vous ferez des relevés qui pourront faire l'objet d'un travail universitaire. C'est un gain informatif facile à faire, et vous pourrez briller en société en montrant maîtriser un sujet sur lequel les métriciens n'ont pas fait les bonnes observations qui s'imposaient.
Et entre la parole d'autorité, le fait constaté et la validation scientifique d'un propos, le plus fragile ça reste la parole d'autorité, il n'y a rien à faire messieurs les rimbaldiens, c'est comme ça !
David Ducoffre, commis de cuisine. Belle société française qui marche sur la tête... Je fais ça sur mon temps libre, mon travail n'est pas reconnu. Bravo pour vos compétences et la mise à profit de vos excellentes conditions de travail, messieurs les ombrageux universitaires. Bravo, bravo !
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