jeudi 21 novembre 2024

Prochainement, grosse mise au point sur l'histoire de la versification !

 Je viens de relire les deux drames Les Burgraves et Marion de Lorme, une relecture de Cromwell est en cours, et je ne manquerai pas de relire aussi Hernani, Le Roi s'amuse et Ruy Blas. Dans mon souvenir, Hugo a pratiqué les césures acrobatiques sur déterminants ou prépositions d'une syllabe dans Cromwell, Marion de Lorme et Ruy Blas, deux fois par pièces. Je ne crois pas en trouver dans Hernani ou Le Roi s'amuse.
J'ai publié un article en 2006 "Ecarts métriques d'un Bateau ivre" dans le numéro 5 des Cahiers du centre d'études métriques où j'avais déjà pas mal précisé d'éléments d'histoire du vers.
Je signalais à l'attention des faits particuliers dans Cromwell comme l'abus de monosyllabes isolés à la césure.
Ma relecture de Marion de Lorme a pas mal de conséquences. Le contre-rejet sur "Mais" qui vient de Suréna et d'une autre pièce de Corneille, Hugo la pratique au moins à quatre reprises à la rime ou à la césure, il pratique aussi la césure sur "Donc" dans ce même drame Marion de Lorme. Il y place aussi sur le modèle de Molière le si interrompu à une marque métrique. Racine pratiquait l'interruption de la parole après la préposition "pour". Comme par hasard, dans Marion de Lorme, il y a plusieurs, deux au moins, interruption de la parole sur la préposition "pour", mais pas à la césure ni à la rime.
Il y a plusieurs autres vers à citer, je vais faire une grande synthèse. Mais il y a aussi une quantité élevée de "comme" tantôt à la rime, tantôt à la césure dans Marion de Lorme. Et il y en a quelques-uns encore dans Les Burgraves, drame bien connu de Baudelaire lui aussi puisqu'il en parle dans un de ses articles de critique littéraire.
Nous avons aussi le rejet de l'épithète monosyllabique "rouge" d'un vers sur l'autre.
Il y a énormément de choses à dire sur le modèle cornélien de vers et tirades de Victor Hugo. On s'étonne que ce que je vais dire ne soit pas un fond de réflexions communes à tous les bons spécialistes de Victor Hugo.
Le drame Marion de Lorme brille par mille inventions de poète, c'est un des drames de Victor Hugo les plus agréables à lire, qui donne son nom au poète imaginé par Sainte-Beuve, et pourtant la pièce n'est pas si disponible que ça sur la toile. C'est un chef-d'œuvre ignoré ! Même si sa tension dramatique peut laisser à désirer. On y savoure sans arrêt les échanges en vers et les traits d'esprit.
enfin, dans Marion de Lorme, nous avons aussi la préposition "sous" à la rime : "Sous / ce réverbère".


C’est le sceau de l’état. – Oui, le grand sceau de cire

Rouge.

**



Un bon duel ! C’est charmant ! / Mais où nous mettre ? / Sous

Ce réverbère.

**

D’une botte poussée en tierce, qui d’abord

A rompu le pourpoint, puis s’est fait une voie

Entre les côtes, par le poumon, jusqu’au foie


Dans les vers ci-dessus, la césure passe après la préposition "par" ce qui vaut bien sûr calembour, la césure étant comme la cloison pulmonaire qui rythme la lecture.
Voici un autre calembour métrique qui précède ce fait d'arme :

Venir à Blois filer l’amour avec un rustre !

Avant que d’achever ce pas, je me suis dit :

L'expression "ce pas" franchit la césure mimant le discours qui suppose un arrêt sur image avant que le mouvement ne s'achève.

**

[…] S’il n’était pas mort, certe,

Je ne dis pas… mon cœur n’est pas de roche,… et si…

**

Comme elle y va. / C’est un refus ? / Mais je suis vôtre.

Hugo a soigné son effet : nous avons une phrase interrogative sans inversion verbe-sujet et le point d'interrogation permet aisément de justifier l'oralité du rejet.
Bien qu'il ne travaille pas autant ses effets, vous croyez que la ressemblance du vers de Baudelaire dans le sonnet "Semper eadem" est involontaire ?

Vivre est un mal. C'est un secret de tous connu.


**


 Marion, chez Louis-le-Chaste, c’est charmant !

Oui-dà, monsieur, c’est très-spirituel, vraiment !

Comme dans Cromwell nous avons des césures sur trait d'union avec un exemple frappant sur l'adverbe "très".

**


Voici un autre calembour métrique évident :

Hé bien non ! mon cœur se brise ! c’est horrible !


**


Le traitement de "Mais" et "Donc"

Médisants, curieux, indiscrets, brouillons ; mais

Nous bavardons toujours et ne parlons jamais. –


[…] Vous êtes brusque mais

Je vous dois d’être en vie, et s’il vous faut jamais


Pas de nouvelles ? - Mais, un miracle, un prodige,

De qui ? De Marion de Lorme de la belle

Des belles


De renoncer au duel ? / Mais c’est très sage. / Oui, mais

Que les vilains qui soient faits pour être pendus.

Le "Mais" est repris en début puis en fin d'hémistiche dans la citation précédente.

**

Le traitement de "comme" à la césure et à la rime, sachant qu'il y aussi "Comment" à la rime.

C’est monsieur ? Dites-moi… - Mais c’est singulier comme

Il me regarde… Allons, mais c’est lui, c’est mon homme.


Lui, voyez déjà, comme en litière on le traîne !...


[Aïe, je viens d'en couper à la rime au lieu de le copier, et je n'avais pas enregistré mon fichier]

Que je le broie ici, que je l’écrase comme

Ceci ! […]


Marquis de Saverny ? / Réveillez-le ! / Mais comme

Il dort. ! […]


**


Je cite maintenant ceux des Burgraves :


Et vous le savez bien. — Oh ! les femmes vraiment

Sont cruelles toujours, et rien ne leur plaît comme

De jouer avec l'âme et la douleur d'un nomme ! —


Comme une vierge et comme une épée.

(Il va à la fenêtre.)

                                               Ah ! cet air



Oui, oui, c'est Baudelaire qui a eu l'idée géniale de placer la préposition "Sous" à la césure dans "Le Beau navire", de mettre six "comme" à la césure dans ses Fleurs du Mal, de pratiquer la césure sur trait d'union dans un poème "rue de la-montagne-aux-herbes-potagères", de pratiquer la césure sur "c'est un". C'est Baudelaire qui a eu l'idée de la suite "Comme un" à la césure, Musset n'ayant rien à voir avec son "Comme une" à la rime. Quel génie, ce Baudelaire, il a tant inventé !

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