J'ai déjà donné les éléments de la démonstration pour "Qu'est-ce" et Famille maudite / Mémoire, mais il s'agit aussi de présenter les poèmes avec les césures de manière à se représenter les choses :
Qu'est-ce pour nous, mon Cœur, + que les nappes de sang
Et de braise, et mille + meurtres, et les longs cris
De rage, sanglots de + tout enfer renversant
Tout ordre ; et l'Aquilon + encor sur les débris
Et toute vengeance ? + Rien !... — Mais si, toute encor,
Nous la voulons ! Indus+triels, princes, sénats,
Périssez ! puissance, + justice, histoire, à bas !
Ça nous est dû. Le sang ! + le sang ! la flamme d'or !
Tout à la guerre, à la + vengeance, à la terreur,
Mon esprit ! Tournons dans + la Morsure : Ah ! passez,
Républiques de ce + monde ! Des empereurs,
Des régiments, des co+lons, des peuples, assez !
Qui remuerait les tour+billons de feu furieux,
Que nous et ceux que nous + nous imaginons frères ?
À nous ! Romanesques + amis : ça va nous plaire.
Jamais nous ne travai+llerons, ô flots de feux !
Europe, Asie, Amé+rique, disparaissez.
Notre marche venge+resse a tout occupé,
Cités et campagnes ! + — Nous serons écrasés !
Les volcans sauteront ! + et l'océan frappé...
Oh ! mes amis ! — mon cœur, + c'est sûr, ils sont des frères —,
Noirs inconnus, si nous + allions ! allons ! allons !
Ô malheur ! je me sens + frémir, la vieille terre,
Sur moi de plus en plus + à vous ! la terre fond,
Ce n'est rien ! j'y suis ! j'y + suis toujours.
Quelques vers apparaissent comme réguliers, plusieurs sont déviants mais correspondent à des audaces qui, quoique nouvelles, récentes, sont désormais courantes sous la plume des contemporains de Rimbaud
Il faut s'en tenir aux deux audaces remarquables du poème, d'un côté les enjambements de mots qui apparaissent parfois depuis peu dans la poésie des contemporains, mais ici ils apparaissent à plusieurs à la fois, ce qui pose problème, d'un autre côté la réactivation des césures lyriques qui ne s'était pas faite encore chez les romantiques, parnassiens et contemporains
On remarque qu'à l'exception du second vers pour "mille", les deux audaces sont concentrées dans le coeur du poème à l'exclusion du premier et du dernier quatrain, à quoi ajouter la ligne finale
Et plus précisément, ces audaces sont encadrés par les trois mots de même famille que sont la répétition du mot "vengeance" et l'occurrence du mot "vengeresse" Ces trois mentions sont toutes associées à une audace métrique différente à la césure : césure sur "e" féminin pour la première apparition du mot "vengeance", rejet de la seconde occurrence du mot "vengeance" avec article "la" coincé à la césure et trimètre apparent, enfin enjambement de mot sur "vengeresse" avec pour particularité un "e" instable interne à un mot placé à la césure dans un poème où le "e" féminin de fin de mot se rencontre à plusieurs reprises à la césure, et ce qui est à rapprocher du cas de "sérieusement" dans Jeune Ménage
Remarquons que la dernière césure sur "e" féminin qu'on peut hésiter dans ce contexte violent à appeler "lyrique" "campagnes" fait partie de la phrase qui contient le dernier enjambement de mot sur "vengeresse"
Ce resserrement des effets dans certains quatrains à la quasi exclusion du premier et dernier (cas de "mille") impose l'idée du fait exprès, confortée par l'encadrement des mentions "vengeance", "vengeresse" qui encadrent cet ensemble
Le fait exprès se reconnaît aussi à l'abondance de césures sur "e" féminins, à l'exclusion de toute césure à l'italienne, aucun "e" final de mot après la césure, ni même une syllabe à l'avant, ce qui ne semble pas possible si le poète n'a tenu aucun compte de la césure Il s'agit d'un cas de précision trop voyant
Enfin, la disparition de ces deux types de césures (enjambement de mots ou "e" de fin de mot à la césure) coïncide avec un retournement de situation "Nous serons écrasés", retournement qui passe du fantasme à la réalité bien sûr, mais dès que ce retournement de situation se trouve envisagé les deux procédés disparaissent et cèdent la place à un niveau de chahutage qui sans être inexistant est néanmoins d'un dégré inférieur
J'ai déjà donné ma lecture à effets de sens aux césures pour ce poème, je m'en tiens aux considérations métriques sans entrer dans la compréhension du poème, je veux juste montrer qu'il est clair que cela ne relève pas du hasard et que nous avons affaire à des césures sciemment organisées
J'ajouterai une remarque sur les répétitions immédiates "Le sang ! Le sang!" et avec une petite altération interne "allions allons allons"
L'une est à cheval sur la césure et coïncide avec l'idée de destruction que nous pouvons prêter à une bonne partie des enjambements de mots Nous avons donc une unité de sens de vengeance et destruction pour justifier les enjambements de mots Certes, la césure entre les deux syntagmes "Le sang!" ne pose aucun problème particulier, nous avons là un alexandrin régulier, mais cela n'empêche pas de traiter l'effet de sens de la répétition en corrélation avec des césures autrement audacieuses
La seconde répétition, peu importe qu'elle soit approximative, forme un second hémistiche à elle seule
Ces deux faits de répétition sur deux vers confortent encore une fois l'idée qu'il faut nécessairement lire "Qu'est-ce pour nous, mon Coeur" en alexandrins à césure traditionnelle pour accéder son sens
Nous reviendrons bientôt sur la question des trimètres apparents qui peut intéresser l'étude de ce poème et sur la question des semi-ternaires, puisque nous ne croyons pas aux semi-ternaires
Passons à Mémoire / Famille maudite Nous connaissons deux versions de ce poème et nous allons donc citer les deux versions en plaçant les césures, puisque les constantes par-delà les changements, modifications, seront nécessairement significatives Le vers 3 est faux dans Famille maudite, mais la comparaison avec Mémoire invite à proposer une césure après "de", ce vers ayant l'anomalie sans aucun doute involontaire d'un premier hémistiche de sept syllabes, la suppression du "ou" en tête de vers quoique créant un effet bancal grammaticalement résoudrait le problème métrique, à moins de supprimer le "et" ou le "de", mais dans tous les cas il n'y aura jamais de correction rimbaldienne de ce vers autre que par un renoncement à cette version au profit de Mémoire Un autre vers faux apparaît dans la version de Famille maudite "Leur livre de maro+quin rouge Ah Lui comme" Le second hémistiche ne compte que cinq syllabes, bien que la comparaison avec Mémoire impose la leçon avec enjambement de mot à la deuxième syllabe de "maro+quin" Précisons encore qu'il est parfaitement idiot de respecter religieusement les minuscules de début de vers dans la transcription du poème Mémoire d'après le manuscrit C'est ne rien comprendre à la versification que de trouver ce trait intime important à reproduire au plan éditorial, rien comprendre parce qu'il ne s'agit que d'une présentation typographique qui n'altère certainement pas des vers en prose, puisque le vers est suffisamment identifié par le retour à la ligne Rimbaud savait pertinemment que les majuscules seraient rétablies par l'éditeur comme cela l'a été pour des manuscrits de Victor Hugo Le débat théorique sur ces minuscules est à ce point impertinent que la version antérieure Famille maudite comporte ces majuscules Il ne saurait être question par conséquent de confondre l'essentiel, la création ou composition première du poème, avec une réfection d'un point secondaire de présentation C'est bien gentil la philologie rigoureuse, mais il faut aussi se poser les questions de bon sens
d'Edgar Poe
Famille maudite
L’Eau, — pure comme le + sel des larmes d’enfance
Ou l’assaut du soleil + par les blancheurs des femmes,
Ou la soie, — en foule et de + lys pur ! — des oriflammes,
Sous les murs dont quelque + Pucelle eut la défense,
Ou l’ébat des anges, + — le courant d’or en marche,
L’Eau meut ses bras lourds, noirs, + — et frais surtout, — d’herbe. Elle,
L’Eau sombre, avant la nuit + pour ciel-de-lit, appelle
Pour rideaux l’ombre de + la colline et de l’arche.
***Eh ! l’antique matin + tend ses réseaux limpides.
L’air meuble d’or pâle et + sans fond les couches prêtes.
Les robes, — vertes et + déteintes, — des fillettes
Font les saules d’où sau+tent les Oiseaux sans brides.
Plus jaune qu’un louis, + chaude et grasse paupière,
Le souci-d’eau, ta foi + conjugale, ô l’Epouse,
De son terne miroir + immobile, jalouse
Au ciel gris de chaleur + la Sphère rose et claire !***Madame se tient trop + debout dans la prairie
Prochaine où neigent les + fils du travail; l’ombrelle
Aux doigts, foulant l’ombe+lle ; trop fière pour elle
Des Enfants lisant dans + la verdure fleurie
Leur livre de maro+quin rouge — Ah ! Lui ! comme
Mille Anges blancs qui se + quittent au haut des routes,
Disparaît par delà + la montagne ! Elle, toute
Folle, et noire, court, a+près le départ de l’homme !***Qu’elle pleure à présent + sous les remparts ! l’haleine
Des peupliers d’en haut + est pour la seule brise.
La voilà nappe, sans + reflets, sans source, grise.
Un vieux, dragueur, dans sa + barque immobile, peine.
Regret des bras épais + et jeunes d’herbe pure !
Or des lunes d’avril + au cœur du saint lit ! Joie
Des chantiers riverains + à l’abandon, en proie
Aux soirs d’août — qui faisaient + germer ces pourritures !***— Jouet de cet œil d’eau + morne, je n’y puis prendre
— Ma barque immobile ! et + mes bras trop courts ! — ni l’une
Ni l’autre fleur ; ni la + jaune qui m’importune,
Là, ni la bleue, — amie + à l’eau couleur de cendre.
O la poudre des sau+les qu’une aile secoue !
Les roses des roseaux + dès longtemps dévorées!
Mon canot, toujours fixe, + et sa chaîne tirée
Au fond de cet œil d’eau + sans borne — à quelle boue !
Voici maintenant la version de
Mémoire
1
L'eau claire ; comme le +
sel des larmes d'enfance,
L'assaut au soleil des + blancheurs des corps de femmes ;
La soie, en foule et de + lys pur, des oriflammes
Sous les murs dont quelque + pucelle eut la défense ;
L'ébat des anges ; — Non... + le courant d'or en marche,
Meut ses bras, noirs, et lourds, + et frais surtout, d'herbe. Elle
Sombre, avant le Ciel bleu + pour ciel-de-lit, appelle
Pour rideaux l'ombre de + la colline et de l'arche.
L'assaut au soleil des + blancheurs des corps de femmes ;
La soie, en foule et de + lys pur, des oriflammes
Sous les murs dont quelque + pucelle eut la défense ;
L'ébat des anges ; — Non... + le courant d'or en marche,
Meut ses bras, noirs, et lourds, + et frais surtout, d'herbe. Elle
Sombre, avant le Ciel bleu + pour ciel-de-lit, appelle
Pour rideaux l'ombre de + la colline et de l'arche.
2
Eh ! l'humide carreau + tend
ses bouillons limpides !
L'eau meuble d'or pâle et + sans fond les couches prêtes.
Les robes vertes et + déteintes des fillettes
Font les saules, d'où sau+tent les oiseaux sans brides.
Plus pure qu'un louis, + jaune et chaude paupière,
Le souci d'eau — ta foi + conjugale, ô l'Épouse ! —
Au midi prompt, de son + terne miroir, jalouse
Au ciel gris de chaleur + la Sphère rose et chère.
L'eau meuble d'or pâle et + sans fond les couches prêtes.
Les robes vertes et + déteintes des fillettes
Font les saules, d'où sau+tent les oiseaux sans brides.
Plus pure qu'un louis, + jaune et chaude paupière,
Le souci d'eau — ta foi + conjugale, ô l'Épouse ! —
Au midi prompt, de son + terne miroir, jalouse
Au ciel gris de chaleur + la Sphère rose et chère.
3
Madame se tient trop +
debout dans la prairie
Prochaine où neigent les + fils du travail ; l'ombrelle
Aux doigts ; foulant l'ombe+lle ; trop fière pour elle
Des enfants lisant dans + la verdure fleurie
Leur livre de maro+quin rouge ! Hélas, Lui, comme
Mille anges blancs qui se + séparent sur la route,
S'éloigne par-delà + la montagne ! Elle, toute
Froide, et noire, court ! a+près le départ de l'homme !
Prochaine où neigent les + fils du travail ; l'ombrelle
Aux doigts ; foulant l'ombe+lle ; trop fière pour elle
Des enfants lisant dans + la verdure fleurie
Leur livre de maro+quin rouge ! Hélas, Lui, comme
Mille anges blancs qui se + séparent sur la route,
S'éloigne par-delà + la montagne ! Elle, toute
Froide, et noire, court ! a+près le départ de l'homme !
4
Regret des bras épais + et
jeunes d'herbe pure !
Or des lunes d'avril + au cœur du saint lit ! Joie
Des chantiers riverains + à l'abandon, en proie
Aux soirs d'août qui faisaient + germer ces pourritures.
Qu'elle pleure à présent + sous les remparts ! l'haleine
Des peupliers d'en haut + est pour la seule brise.
Puis, c'est la nappe, sans + reflets, sans source, grise :
Un vieux, dragueur, dans sa + barque immobile, peine.
Or des lunes d'avril + au cœur du saint lit ! Joie
Des chantiers riverains + à l'abandon, en proie
Aux soirs d'août qui faisaient + germer ces pourritures.
Qu'elle pleure à présent + sous les remparts ! l'haleine
Des peupliers d'en haut + est pour la seule brise.
Puis, c'est la nappe, sans + reflets, sans source, grise :
Un vieux, dragueur, dans sa + barque immobile, peine.
5
Jouet de cet œil d'eau +
morne, je n'y puis prendre,
Ô canot immobile ! + oh ! bras trop courts ! ni l'une
Ni l'autre fleur : ni la + jaune qui m'importune,
Là ; ni la bleue, amie + à l'eau couleur de cendre.
Ah ! la poudre des sau+les qu'une aile secoue !
Les roses des roseaux + dès longtemps dévorées !
Mon canot, toujours fixe + ; et sa chaîne tirée
Au fond de cet œil d'eau + sans bords, — à quelle boue ?
Ni l'autre fleur : ni la + jaune qui m'importune,
Là ; ni la bleue, amie + à l'eau couleur de cendre.
Ah ! la poudre des sau+les qu'une aile secoue !
Les roses des roseaux + dès longtemps dévorées !
Mon canot, toujours fixe + ; et sa chaîne tirée
Au fond de cet œil d'eau + sans bords, — à quelle boue ?
Rimbaud n'a pas voulu de vers faux pour la mesure, il a corrigé les deux vers concernés, et ces corrections tendent à légitimer des césures particulières, l'une sur "maro+quin" et précisément entre la deuxième et la troisième syllabe du mot, l'autre avec rejet du mot "lys" et mention "de" à la césure
La correction du vers 2 témoigne d'une recherche d'audace métrique plus grande encore, mais il en va un peu différemment pour le vers 5 où Rimbaud renonce à la césure féminine, sans que la nouvelle césure soit résolument classique pour autant
Vers la fin du poème, une correction transforme un vers irrégulier en fait de césure en vers régulier, le "et" devant la césure disparaît et apparaît un alexandrin conventionnel au rejet de fin de vers près : "Ô canot immobile ô bras trop courts ni l'une"
Les vers déviants sont diffusés dans l'ensemble du poème, mais il y a trois types de césure qui témoignent de nouvelles violences faites à l'alexandrin par rapport et aux contemporains, et à la production antérieure de Rimbaud
Nous retrouvons les deux audaces particulières à "Qu'estce pour nous, mon Coeur" et nous en découvrons une troisième, sans pour autant que Mémoire soit globalement plus déviant que "Qu'est-ce pour nous, mon Coeur"
Les césures après un "e" féminin sont toutefois ici peu nombreuses (nous ne discutons pas ici de l'originalité relative du cas de "quelque"):
Sous les murs dont quelque + pucelle eut la défense ; (Mémoire)
Sous les murs dont quelque + Pucelle eut la défense, (Famille maudite)
Ou l’ébat des anges, + — le courant d’or en marche, (Famille maudite)
mais nous passons de deux à une seule, puisque ce dernier vers est modifié ainsi :
L'ébat des anges ; — Non... + le courant d'or en marche, (Mémoire)
Face à cette raréfaction, nous observons, et Benoît de Cornulier a été frappé par ce contraste métrique entre les deux poèmes "Qu'est-ce" et Mémoire, la présence nouvelle de trois césures à l'italienne qui forment nettement une série
Font les saules, d'où sau+tent les oiseaux sans brides.
Aux doigts ; foulant l'ombe+lle ; trop fière pour elle
Ah ! la poudre des sau+les qu'une aile secoue !
A votre avis, je cite les trois vers de quelle version ?
On observe la reprise du mot "saules" et partant l'écho syllabique "sau" dans le premier de ces trois vers Ce procédé de plus est à l'adresse du lecteur attentif, il s'agit d'un précieux témoignage, le lecteur est ainsi invité à identifier les césures à l'italienne du poème Nous ne sommes pas seulement dans l'identification des césures en appréciant le travail du poète, nous constatons que Rimbaud a voulu attirer notre attention sur ces césures, fait d'importance !
Cette répétition "sau" est inévitablement à rapprocher de la reprise "elle" du second vers cité, sachant que nous aurions pu compléter la série en "-elle" par la mention complète de la rime "ombrelle"::"ombelle", c-à-d que sur trois hémistiches consécutifs nous apprécions un effet de rime interne en "elle", avec à chaque fois la voyelle [è] bien calée en dernière syllabe métrique d'un hémistiche, mais avec toutefois une césure à l'italienne qui, en principe, est évitable, puisqu'il suffisait de faire suivre le mot "ombelle" d'un autre commençant par une voyelle et permettant l'élision
L'écho de la reprise "sau" nous permet d'observer un autre écho entre les césures à l'italienne, celui des fins de mots en "(l)le" rejetés d'un hémistiche à l'autre pour deux de ces vers "sau+les", "ombe+lle"
On remarque aussi les effets de sens évidents des trois césures, le saut, le foulement, le tremblement du saule secoué
Enfin, nous en arrivons à notre dernière preuve qui est sans appel A la différence de "Qu'est-ce", les enjambements de mots stricto sensu sont peu nombreux dans Mémoire / Famille maudite, deux seulement, et cela quelle que soit la version, preuve d'une attention exprès à ce fait
Il n'est pas possible de composer quarante vers de douze syllabes en ne tenant aucun compte de la césure sans qu'il n'y ait pas plus de deux mots enjambant les sixième et septième syllabe de vers
Qui plus est, ces deux enjambements de mots se trouvent dans le même quatrain, et plus précisément encore au premier et au dernier vers de ce quatrain, autrement dit à ces deux vers externes par opposition aux deux vers internes, et les césures des vers internes proposent des audaces moins grandes, mais réelles, avec des effets de sens évidents entre elles deux :
Leur livre de maro+quin rouge ! Hélas, Lui, comme
Mille anges blancs qui se + séparent sur la route,
S'éloigne par-delà + la montagne ! Elle, toute
Froide, et noire, court ! a+près le départ de l'homme !
Sans soutenir que ce poème est en alexandrin et sans considérer notre preuve, Benoît de Cornulier a cherché localement à justifier des effets de sens dans le cas d'une lecture avec césure normale d'alexandrin, tout comme Steve Murphy dans son commentaire du poème, il envisage que la césure sur "maroquin" permet de souligner ironiquement l'étymologie du mot et la présence d'un pays du soleil, sachant que ce poème évoque un grand conflit entre l'appel au soleil et le retrait à l'ombre
La césure sur "après" est plus délicate à commenter, et je m'en tiens pour l'instant à prouver que le poème est en alexandrins
Aussi j'assènerai une dernière vérité Ce poème compte 40 vers et donc dix quatrains Le seul quatrain comportant des enjambements de mots est le sixième, les vers 21 et 24 sont concernés, il est d'autant plus évident que Rimbaud a fait exprès de concentrer ces deux enjambements juste après le milieu du poème que c'est au vers 14 médian du poème de 28 vers Juillet que nous rencontrons le seul enjambement de mot stricto sensu de cet autre poème
Voilà qui devrait être considéré comme sans appel
En 1872, Rimbaud compose des vers libres, mais il n'a pas renoncé à la césure en tant que telle dans ses poèmes en vers de douze syllabes, ni dans ses poèmes en vers de dix syllabes, avec pour seule particularité l'ambivalence métrique de la Conclusion de Comédie de la soif qui supporte deux lectures métriques concurrentes en l'état actuel de nos recherches
Toutefois, il nous reste à étudier les vers de onze syllabes avec ces chefs-d'oeuvre vertigineux que sont Larme et La Rivière de Cassis, aux côtés de Michel et Christine et du poème à rimes plates sans titre "Est-elle almée?"
Cette fois, il va falloir s'accrocher
Nulle part à notre connaissance notre collègue de Cornulier n'a commenté l'enjambement éventuel par "maroquin" comme indiqué ici ("pays chaud" etc.)
RépondreSupprimer