vendredi 18 octobre 2013

Viride, du latin au français

Pourquoi Rimbaud a-t-il employé le mot "virides" dans son sonnet ?
Nous comprenons intuitivement qu'il veut dire "vert" et nous sommes tentés de lui attribuer une idée de virilité par équivoque phonétique
Rimbaud parle de connaître sa "botanique" dans Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs et le terme semble bien provenir d'un tel domaine, sauf qu'il est appliqué à l'élément maritime
En français, le viride est une couleur baptisée vert émeraude, mais qui, malheureusement, ne coïncide pas avec la nuance de couleur de cette pierre précieuse S'inspirant sans doute du vers de Rimbaud, Jean Moréas a créé ainsi une alliance "viride émeraude" qui semble bel et bien une maladresse

Il convient donc de reprendre tout cela et de démêler les subtilités

En fait, il s'agit d'un latinisme similaire au cas de "bombinent" dans le premier quatrain, sauf que "bombinent" n'est connu que par les deux emplois rimbaldiens, tandis que "viride" a une histoire

La première chose à faire, c'est de s'intéresser au mot latin

Viridis, viridis, viride

Ce mot a la même forme au masculin et au féminin, mais il a une forme "viride" au neutre Cette forme "viride" apparaît régulièrement dans les ouvrages de botaniques désignant des noms de plantes en latin, ce qui a pu favoriser l'adoption de la forme "viride" en français

"Viridis" est tout simplement le mot qui veut dire "vert" en latin, mais cette origine latine est plus riche, puisqu'à l'époque des romains ce nom "viridis" témoigne d'un autre contact à la Nature Il veut dire "vert" comme "verdoyant" et surtout d'autres acceptions se détachent à partir de deux directions : une liée à la botanique, l'autre liée à la mer Dans le cas botanique, l'adjectif "viridis" signifie encore "robuste, vigoureux, ferme" ou bien "jeune, nouveau, frais", et le mot peut être employé avec la forme du superlatif en "-issim-" Dans le cas maritime, "viridis" demeure une dénomination de couleur, mais en se précisant comme la couleur glauque de la mer Or, en français, indépendamment de la fortune botanique du mot, "viride" désigne un vert bleuté et transparent qui fait songer à la mer

Dans Voyelles, le contexte implique nécessairement l'idée d'une mer verte telle qu'on peut se l'imaginer poétiquement Mais les suggestions de sens du côté botanique s'imposent elles aussi D'une part, dans un poème probablement peu postérieur, Rimbaud va employer l'adjectif "viride" dans un contexte botanique printanier : "En avril" "la rame viride du pois", ce qui confirme que les connotations de vigueur et de renouveau lui importent Ensuite, la rime "virides"::"rides" ne laisse aucun doute sur le jeu profond avec les sens riches du mot "virides" Les rides désignent bien le contraire de la robustesse et de la jeunesse Mais, le poème joue avec le paradoxe Car ces rides vont être l'empreinte de la force et de la jeunesse dans l'âme méditative des sages aux "doux" ou "grands fronts studieux" Toute la conduite du poème montre assez que nous n'avons pas affaire ici à une prise en mauvaise part du cliché hugolien du vaste front romantique L'adjectif "doux" de la copie de la main de Verlaine trouve elle-même deux échos confirmant sa valeur positive dans Credo in unam toujours : "Parce qu'il était fort, l'Homme était chaste et doux !", "Héraclès", "S'avance, front terrible et doux, à l'horizon !" (nous soulignons !)
Nous pourrons nous pencher sur l'ironie potentielle du terme "virides" dans "Entends comme brame", mais dans le cas de Voyelles c'est une thèse qui ne se défend plus

3 commentaires:

  1. Dans mon exemplaire à la tranche un peu viride de la nouvelle édition Pléiade des Œuvres complètes de Rimbaud : André Guyaux vous remercie à la page XLVIII pour vos découvertes zutiques.
    Les notes sur Voyelles : maintenant c'est vous.

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  2. J'ai été snobé en fait Je suis cité pour les deux montages à partir de Belmontet et la signature PV de "L'Enfant qui ramassa les balles" Aussi pour le vers de L'Homme juste, mais mon déchiffrement est estropié et rabaissé au titre de conjecture Les pages des procès de Verlaine viennent aussi de moi et elles étaient inédites, inédits qui n'ont pas été vus dans certaines recensions d'ailleurs Le vers de Verlaine pour L'Angelot maudit et les vers de Ricard pour le monostiche, c'est de moi aussi, l'ordre de succession des colonnes sur le feuillet du Sonnet du Trou du Cul c'est de moi aussi Heureusement que je n'avais pas filé les vers de Silvestre que je connaissais déjà à ce moment-là J'ai eu droit à un exemplaire gratuit tout de même

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  3. Merci pour votre message, au moins vous êtes clairvoyant

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