mardi 18 novembre 2025

"Saluer la beauté" : mon enquête par la genèse d'Une saison en enfer !

Vous l'avez vu dans mon précédent article : une édition fac-similaire du texte imprimé original d'Une saison en enfer n'a pas grand-chose à nous apprendre, même si l'exercice est devenu à la mode. Vous aviez déjà un à peu près d'édition fac-similaire en 1991 dans le volume Oeuvre-Vie du centenaire d'Alain Borer chez Arléa, mais au milieu de l'ensemble alors connu des textes rimbaldiens. Vous avez actuellement trois autres éditions fac-similaires qui datent de 2023 : une édition reproduisant l'édition originale par Alain Oriol et Alain Bardel, une édition commentée d'Alain Bardel et une édition en Poésie Gallimard qui le plus sérieusement du monde reproduit le texte avec les coquilles elle aussi, alors que dans ce dernier cas il ne s'agit pas d'une édition à prétentions critiques.
Je ne crois pas du tout à l'intérêt d'une édition fac-similaire. Celle d'Oriol et Bardel donne l'illusion d'avoir accès au volume original lui-même qui forcément est rare et hors de prix. Jusque-là, ça va. Mais l'édition de 1991 n'a aucun intérêt, et c'est la même chose pour l'édition en Poésie Gallimard de 2023.
Puis, il y a le livre d'Alain Bardel Une saison en enfer ou Rimbaud l'Introuvable aux Presses Universitaires du Midi. Elle fait un peu double emploi avec l'édition qu'il a publiée en même temps avec Alain Oriol. Si on veut à tout prix la justifier, on dira que c'est une sorte de témoignage immédiat à l'appui des commentaires fournis par Bardel, sauf que tout de même on a un vis-à-vis de notes à propos du texte et il manque les fameuses pages blanches. On aurait pu avoir une édition non fac-similaire, avec des polices de caractères nouvelles, etc. Ce n'est que du fétichisme.
Voici le sous-titre donné par Bardel à son livre : "Fac-similés de l'édition originale annotés et précédés d'un essai". En gros, la fidèle reproduction de l'édition originale favorise la bonne impression : l'essai accompagne un fac-similé de l'édition originale. Bouillane de Lacoste avait préféré concevoir une édition critique non fac-similaire. Mais, ô stupeur, dans la section "Orientation bibliographique", qui va de la page 179 à la page 187, avec plus de quatre-vingt-dix références, il n'y a aucune mention de l'édition critique d'Une saison en enfer. Et pour les éditions d'Une saison en enfer, Bardel renvoie à diverses éditions courantes récentes : Guyaux dans la Pléiade, Haenel et Beurier en Poésie Gallimard, Steinmetz en Garnier-Flammarion, Brunel en Livre de poche, Suzanne Bernard en collection Garnier, et le volume de la collection "Quarto" réunissant les oeuvres de Verlaine et Rimbaud en un seul volume. Bardel cite aussi l'édition fac-similaire qu'il a faite avec Oriol, mais pas l'édition originale elle-même chez Poot qu'il... efface des tablettes. Pour les éditions anciennes, Bardel ne cite que l'édition de Berrichon de 1912 préfacée par Claudel ! Notez que pour l'édition de Suzanne Bernard, Bardel précise la liste de toutes les révisions d'André Guyaux en 1981, 1983, 1987, 1991, édition renouvelée en 2000. L'édition critique de Pierre Brunel en 1987 chez José Corti est référencée sous le nom d'auteur du critique lui-même et non sous celui d'Arthur Rimbaud.
Or, il y a deux problèmes qu'ignore Bardel avec de telles omissions. Premièrement, en écartant les anciennes éditions sauf une, Bardel a ignoré l'historique des corrections apportées au texte d'Une saison en enfer. Moi, je voulais savoir qui le premier a corrigé "même" en "mène" dans "Mauvais sang". J'avais depuis des années cette question dans un coin de ma tête. Deuxièmement, en méconnaissant l'étude critique de Bouillane de Lacoste, Bardel passe à côté d'un problème éditorial originel qui intéresse justement la légende de l'édition originale. La revue La Vogue a publié Une saison en enfer à partir de l'édition originale, mais ceux qui ont suivi ont publié le texte de La Vogue, ce qui a entraîné de nouvelles coquilles ou des modifications selon ce qu'on estimait les coquilles de la revue La Vogue. Ce n'est en gros qu'après la Première Guerre Mondiale qu'une nouvelle consultation de l'édition originale d'Une saison en enfer va permettre de fixer le texte que nous connaissons, et l'édition critique d'Une saison en enfer de Bouillane de Lacoste, c'est la pierre de touche qui en 1941 permet de se faire une idée du chemin éditorial parcouru. J'aurais pu le découvrir moi-même en consultant le texte de la revue La Vogue, la première édition Vanier, puis l'édition de Berrichon de 1898, mais comme je ne soupçonnais pas l'ancienneté de la correction "mène" pour "même", c'est pour cela que j'ai préféré consulter l'édition critique de Bouillane de Lacoste où on a le détail des variantes d'une édition à l'autre, et j'ai pu apprendre que "mène" était une création de Paterne Berrichon en 1898. Bouillane de Lacoste avait une certaine naïveté ou un certain manque de rigueur parfois, et il a décrété que la correction de Paterne Berrichon allait de soi, et c'est pour cela qu'on lit très souvent dans les éditions postérieures à la Seconde Guerre Mondiale la leçon "mène" sans précision sur son origine éditoriale.
Maintenant, je suis un peu surpris que Bardel ne cite pas l'édition critique de Bouillane de Lacoste, alors que ses annotations pour l'établissement du texte sont sur le même modèle que Bouillane de Lacoste. Je pense que Bardel a suivi le modèle de l'édition critique de Pierre Brunel qui suivait elle-même le modèle de l'édition critique de Bouillane de Lacoste. Mais, Pierre Brunel n'a-t-il pas cité l'édition critique de Bouillane de Lacoste dans sa bibliographie de fin d'ouvrage en 1987 ?
Dans son édition critique, Bouillane agit un peu différemment. Il fournit un texte corrigé par ses soins et commente en notes de bas de page les leçons originales : "le clef", "que que j'ai rêvé". Bouillane ne dit rien des guillemets jamais refermés devant "Jadis", mais il commente plusieurs coquilles dont "même" corrigé par "même", "reconfort" par "réconfort", "n'eût pareil voeu" en "n'eut pareil voeu", "puisser " en "puiser", "Oui l'heure nouvelle" en "Oui, l'heure nouvelle". Il faut( ajouter deux cas où Bouillane de Lacoste pense que Rimbaud a hésité entre deux choix et a oublié d'en biffer un : "dans l'attention dans la campagne" et "de la pensée de la sagesse". Bouillane de Lacoste n'analyse pas forcément correctement ces deux problèmes posés par le texte de l'édition originale.
Dans son édition annotée, Bardel reprend la liste suivante de coquilles : "le clef" pour "la clef", "que que j'ai rêve", mais pas les guillemets devant "Jadis", puis "mène" pour corriger "même", "arrangées" pour corriger "arrangés", "les autels" pour "les outils", Ah çà !" pour "Ah ça !", "J'aurais pu faire de bonnes camarades" pour "j'aurai pu faire", "puiser" pour "puisser", "par tout le corps" pour "partout le corps".
Il y a un relevé tout à fait différent. L'erreur courante "çà" pour "ça" est bien sûr à ajouter, mais on en vient à se demander si certains cas ne peuvent pas faire débat : "n'eut pareil voeu", "partout le corps", "dans l'attention dans la campagne", "de la pensée de la sagesse", "Oui l'heure nouvelle", "arrangés", "j'aurai".
Pour la correction "autels"/"outils", Bouillane de Lacoste n'avait pas accès au brouillon correspondant que justement il ne transcrit pas dans les notes à son édition critique.
Quant à Alain Bardel, il ne faut pas croire qu'il avalise la leçon "autels". Il semble affirmer que c'est la bonne leçon sans me citer, mais dans le même ouvrage, dans les pages de l'essai, il continue de mettre en doute l'évidence : "Certains éditeurs récents rétablissent 'autels' à la place de 'outils', considérant ce dernier mot comme une coquille des typographes." En note, Bardel me mentionne et modalise encore une fois son énoncé : "Cette révision a été initialement prônée par David Ducoffre". Les éditeurs récents sont Guyaux dans la Pléiade et le duo Haennel/Beurier en Poésie/Gallimard. Bizarrement, dans la note sur la page fac-similaire, Bardel écrit ceci : "Lire : 'les autels, les armes [...]' au lieu de 'Les outils, les armes [...]". Il y a une contradiction interne dans l'ouvrage : Bardel met en doute cette correction pour sa part, demeure sur la réserve, puis il affirme que cette correction doit s'imposer. Je ne manque pas d'épingler cette volte-face, puisqu'il est important pour moi d'empêcher qu'une fin de non-recevoir dans le milieu rimbaldien devienne un droit à ne jamais considérer une démonstration comme acquise.
En tout cas, dans la comparaison du relevé des coquilles perçues par Bardel et des coquilles perçues par Bouillane de Lacoste, vous avez une bonne idée de ce qui est un sujet de réflexion pour les chercheurs rimbaldiens confrontés à l'édition originale.
Pour les guillemets devant "Jadis" au tout début de la prose liminaire, outre que Bataillé a suggéré que cela pouvait être une erreur de l'éditeur Poot, je précise que ces guillemets ne font qu'ouvrir une parole rapportée. Or, ces guillemets ne peuvent se refermer que soit à la toute fin du livre, à la fin de "Adieu", mais cela crée une anomalie vu que la prose liminaire parle des autres textes comme déjà écrits, soit à la fin de la prose liminaire, mais à ce moment-là le gain est nul pour le lecteur, soit à la fin d'un alinéa de la prose liminaire, plutôt à la fin du premier alinéa pour ménager la rupture "Un soir", mais outre que cela serait étrange, le gain pour le lecteur est nul. La présence ou l'absence des guillemets ne changent rien à la lecture. Soit on élimine les guillemets, soit on ferme les guillemets à la fin de la prose liminaire. Vous avez autre chose d'intéressant à proposer ? Moi, pas !
Pour les pages blanches, il ne s'agit de rien d'autres que de pages intercalaires si j'ai bien compris. Bardel ne les respecte pas dans son édition annotée. Bouillane de Lacoste les reproduisait naïvement dans son édition critique de 1941, mais avec un résultat étrange. Je suppose que c'est à cause du décalage des alinéas et des pages, mais Bouillane de Lacoste fournissait une suite de trois pages blanches avec deux pages blanches en vis-à-vis, alors que dans l'édition originale si j'ai bien compris il s'agit bêtement de pages intercalaires vierges au recto comme au verso, avec de temps en temps le voisinage d'une autre page blanche qui précède dans la mesure où le texte s'est terminé avant d'arriver au verso.
Libre à vous de fantasmer sur ces pages blanches intercalaires. Moi, ça ne m'intéresse pas, c'est débile et sans intérêt.
Voilà, nous avons fait le tour de l'intérêt d'un travail sur une édition fac-similaire d'Une saison en enfer.
Passons maintenant aux brouillons.
Bouillane de Lacoste semble penser que les proses contre-évangéliques, celle en particulier sur la piscine de Bethesda, est postérieure aux brouillons d'Une saison en enfer, puisqu'en 1946 au moins il fait du texte sur Bethsaïda un poème en prose des Illuminations. En réalité, il cherchait à placer un texte en prose inédit quelque part, et il y a renoncé finalement en 1949 avec son édition critique des poèmes en prose des Illuminations et son essai sur le sujet.
Bouillane de Lacoste ne connaissait pas le brouillon correspondant aux sections 4 et 8 de "Mauvais sang", il est fatalement passé à côté de la correction "autels" pour "outils". Je suis persuadé que s'il en avait eu connaissance il aurait été plus réactif. Et, du coup, je me demande quand on a commencé à publier le texte du brouillon de "Mauvais sang".
Tous les rimbaldiens aiment avoir leur mot à dire sur les trois récits déjà composés que revendique Rimbaud dans sa lettre à Delahaye de mai 1873. Moi, personnellement, je me fonde sur une étude stricte du brouillon et des thèmes mobilisés. Rimbaud développe les motifs du "païen", du "nègre", à peu près exclusivement dans "Mauvais sang", on ne peut y adjoindre qu'à la marge "Nuit de l'enfer". Or, l'idée essentielle que j'ai formulée en 2009, c'est que, puisque les sections 4 et 8 ne formaient qu'un seul récit continu, c'est qu'à l'origine "Mauvais sang" était divisé en trois récits distincts. Le récit des sections 1 à 3 est celui sur l'état de païen, le récit des sections 5 à 7 est celui sur l'état de nègre. Le récit des sections 4 et 8 parle de la vie française et parodie notamment la phrase attribuée à Napoléon : "Impossible n'est pas français", et le texte du brouillon demeure central dans le texte définitif, puisque sa première moitié est au milieu de "Mauvais sang" et sa deuxième moitié en est la fin, la partie conclusive ! J'ajoute que la mention du "vice" sur le brouillon et dans la section quatre est une désignation du titre lui-même "Mauvais sang", ce qui rend dérisoires les théories des rimbaldiens sur le sens de ce mot : vice sexuelle, vice familial caché, vice de l'état social, etc. "Mauvais sang" explique en long et en large ce qu'est ce vice. N'allons pas inventer des énigmes là où il n'y en a pas. J'ajoute que le motif de l'innocence évoqué dans la lettre à Delahaye est lui aussi lié à la section 7 de "Mauvais sang" comme à l'idée de vice des sections 4 et 8.
En clair, les trois récits dont Rimbaud parle à Delahaye sont les trois parties de "Mauvais sang" telles que je vous les ai découpées. Moyennant un raisonnement plus compliqué, on peut à la limite penser à "Mauvais sang" en deux parties initiales et "Nuit de l'enfer".
Malheureusement, les rimbaldiens sont passés à côté de ma mise à jour fondamentale d'un texte de "Mauvais sang" en trois parties, ce que PROUVE l'enchaînement initial au brouillon des sections 4 et 8. Et évidemment, les rimbaldiens continuent de vouloir lancer des idées personnelles inutiles : ce serait "Mauvais sang", "Nuit de l'enfer" et "Alchimie du verbe" et c'est pour ça qu'on a des brouillons de ces trois textes dans les mains de Verlaine, et ce serait plutôt ça, et gnagnagni et gnagnagna.
Moi, il y a longtemps que je ne me pose plus la question. Soit "Mauvais sang" en trois parties, le cas le plus probable, soit "Mauvais sang" et "Nuit de l'enfer". Quant à une rédaction de "Alchimie du verbe" et "Vierge folle" avant "L'Impossible", c'est hautement improbable, tant "L'Impossible" est dans la continuité immédiate de "Mauvais sang" et "Nuit de l'enfer".
Passons maintenant au brouillon de "Alchimie du verbe".
Les éditeurs transcrivent le texte de ce brouillon en considérant que sa fin se répète sans autre forme de procès. Evidemment, Rimbaud ne finit pas ses phrases non plus, on se contente de considérer que le récit est en gestation et que Rimbaud laisse en suspens quelque chose de très arrêté pourtant dans son esprit.
Je cite donc la fin de ce brouillon d'après l'édition critique de Bouillane de Lacoste :

   Si faible je ne me crus plus supportable dans la société, qu'à force de quel malheur/pitié Quel cloître possible pour ce beau dégoût ? [illisible] Cela s'est passé peu à peu.
    Je hais maintenant les élans mystiques et les bizarreries de style. Maintenant je puis dire que l'art est une sottise. Nos grand poètes [illisible] aussi facile : l'art est une sottise.
    Salut à la bont
 Sur le brouillon, Rimbaud venait de citer le titre "Bonheur" et le texte même qui introduit dans la version définitive le poème "Ô saisons, ô châteaux !" Cela veut dire que ce que je viens de citer correspond à la clausule de "Alchimie du verbe" qui est la suivante :
Cela s'est passé. Je sais aujourd'hui saluer la beauté.
 Avec rigueur, dans un article de 2009, j'ai repéré les équivalences. Vous avez la phrase "Cela s'est passé peu à peu" qui devient "Cela s'est passé" et la phrase finale "Je sais aujourd'hui saluer la beauté" a quelques équivalences : "salut à la bont" bien sûr" et la répétition à deux reprises de "maintenant", et plus précisément nous avons l'écho entre : "Maintenant je puis dire", et "Je sais aujourd'hui saluer".
Or, dans ce cadre rigoureusement posé, j'ai fait les constats suivants. Après la phrase : "Cela s'est passé", Rimbaud dit penser encore et même plus que jamais, c'est sa conclusion ! que "l'art est une sottise" et qu'il hait les affectations artistes qu'il suivait auparavant. On a une superposition sensible entre "Maintenant je puis dire que l'art est une sottise" et "Je sais aujourd'hui saluer la beauté". J'insiste bien sur le fait que toutes les mentions, nombreuses : "l'art est une sottise" répété deux fois, "je hais maintenant les élans mystiques et les bizarreries de style" et "Nos grands poètes... aussi facile", tout cela vient après la phrase : "Cela s'est passé peu à peu".
J'en conclus que la phrase : "Je sais aujourd'hui saluer la beauté", où je ne m'attarde pas sur l'équivalence "bonté"/"beauté" qui relève d'une morale platonicienne admise en christianisme, Vrai=Beau=Bon, titre d'ouvrage de Victor Cousin, j'en conclus dis-je que cette phrase porte l'idée que le poète déteste désormais les affectations des grands poètes et que cette phrase participe de l'idée que l'art est une sottise.
Voyez la partie effacée, le poète s'inquiète de paraître "supportable dans la société". Le poète parle de "cloître" et de "malheur". En clair, puisque l'art est une sottise, il n'est pas habile d'injurier la Beauté, il vaut mieux la saluer dans un rapport apaisé à la société. C'est exactement le discours tenu dans "Adieu" où le poète se reproche de s'être pris pour un mage, un voyant, etc., de s'être pris pour un dieu inventant de nouveaux astres, de nouvelles fleurs, et où il dit qu'il va demander pardon pour s'être nourri d'illusions.
Ainsi, saluer la beauté ne veut pas dire la célébrer, mais la traiter avec une quasi indifférence ! La saluer revient à la congédier.
Les rimbaldiens : Murat, Bardel, Vaillant, Haenel, sont vent debout contre ce constat imparable que j'ai effectué à partir du brouillon. 
 Moi, je fais des recherches, j'enquête sur les documents qui fixent une genèse au récit définitif, et les rimbldiens qui parlent de bien nettoyer les outils utiles aux chercheurs avec de beaux fac-similés, ils refusent les constats d'un vrai travail de chercheur.
J'ai raison ou j'ai tort ?
On a "autels" pour "outils", "saluer la beauté" avec mépris puisqu'on pense désormais que "l'art est une sottise", "la domesticité est même trop loin" et non "mène trop loin".
Voilà les progrès qu'on peut faire. A côté de ça, quels sont les progrès que les rimbaldiens ont fait sous la bannière de l'étude fac-similaire d'Une saison en enfer ? Bardel et les autres, qu''est-ce qu'ils ont apporté concrètement à partir de l'étude des brouillons et de l'édition originale ? C'est quoi leurs résultats ? Pourquoi ils en revendiquent, ou pourquoi ils en revendiquent la possibilité à l'avenir ?
Evidemment, il existe une objection qui consiste à dire que Rimbaud a évité de dire "l'art est une sottise". Ce serait un remords de plume et un discours auquel il ne souscrirait pas.
Ben, non !
Sur le brouillon, c'est clairement une pièce constitutive du raisonnement suivi. Rimbaud en explique moins dans le texte définitif, mais vous ne pouvez pas dire que cette suppression change tout le récit, ça n'a aucun sens. Rimbaud n'a d'ailleurs pas remplacé la pièce du raisonnement par une autre ! Et en citant "Adieu", je vous montre bien que l'omission a tel endroit est compensée par d'autres éléments convergents du texte définitif.
Dire que le texte définitif ne suppose pas l'étape du désintérêt : "l'art est une sottise", c'est une imposture intellectuelle. Les faits sont là. Le brouillon apporte une preuve inespérée. Beaucoup de lecteurs sans l'appui du brouillon pensent déjà que "saluer la beauté" est une idée retorse. Là, vous avez une preuve par une approche sur la genèse du texte.
Comme je le dis souvent, c'est comme ça, point barre ! Il n'y a pas à ergoter. Le brouillon explicite mon point de vue, ma lecture, et pas l'opinion divergente de Bardel, Murat ou Vaillant. C'est comme ça, et pas autrement !

1 commentaire:

  1. L'article sur Bouillane de Lacoste attendra encore un peu. J'annonce ici que je vais publier un article sur le paradoxe de "Alchimie du verbe" où le poète dit au plan du brouillon haïr les bizarreries de style, mais cela se retrouve dans le texte définitif autrement, sauf qu'il y a toujours des bizarreries de style dans la manière d'écrire de Rimbaud si on peut dire. On n'est pas dans le propos après sa carrière quand il dit qu'il n'écrivait que des "rinçures", puisqu'ici il continue à produire de la littérature. C'est un vrai sujet, je vais méditer un article là-dessus.

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