jeudi 5 juin 2025

"Les Assis", suite de l'enquête par les rimes

 En attendant un article sur Banville et "Credo in unam", je poursuis une enquête sur le poème "Les Assis". D'habitude, les réécritures de Rimbaud sont appuyées. Dans le cas du poème "Les Assis", minimalement, le rejet "en dents" est appuyé. En revanche, l'ensemble du poème échappe au repérage habituel des sources. Vous en connaissez beaucoup des poèmes où figurent les mots "sinciput" ou "amygdales" ? Pour les "doigts boulus", on peut chercher des formulations équivalentes avec le mot "doigts" et un autre adjectif. Combien de poèmes ont fait rimer avant "Les Assis" : "épileptiques" et "rachitiques" ?
Quand il compose "Les Assis", Rimbaud est dans une période de montée en puissance de l'activité créatrice personnelle. Il s'éloigne des modèles et des reprises à peu près fidèles, il est en pleine joie de l'expression et dans un cadre satirique qui favorise l'inventivité.
La deuxième rime des "Assis" : "fémurs"/"murs" vient tout de même du poème "Bûchers et tombeaux" du recueil Emaux et Camées de Théophile Gautier, ce que permet d'établir la liaison sensible entre le vers 2 des "Assis" et le poème "Bal des pendus" : "leurs doigts boulus crispés à leurs fémurs". On parlera ultérieurement de la comparaison : "Comme les floraisons lépreuses des vieux murs". Le cinquième quatrain des "Assis" réécrit lui aussi des rimes d'un poème d'Emaux et Camées : "verts pianistes" réécrit "jeunes guitaristes" pour rimer avec "tristes". Le modèle vient de "Variations sur le carnaval de Venise". La rime "tambour"/"amour" est à chercher. Gautier emploie le mot "tambour" à la rime dans son dernier recueil, comme il emploie plusieurs fois à la rime le mot "corridors". Les rimes "noirs"/"soirs" et "chauves/"fauves" relativement banales sont aussi employées plus d'une fois par Gautier, tandis que la mention "pieds" tors" peut être reliée à la fois au mot rare "tortuosités" dans Emaux et Camées, mais aussi à des passages précis du poème "Albertus" que je citerai ultérieurement. D'ailleurs, je pense que Rimbaud s'inspire pour composer "Les Assis" de tout le début du poème "Albertus", avec reprise de "culottée" et d'autres éléments. Je vais établir ça lentement, patiemment.
Je pense aussi à une influence des Châtiments de Victor Hugo, où il y a une répétition du type "Tremblant du tremblement", le mot "crapaud", le mot "entonnoir".
Mais, je commence à constater que les deux couples : "bagues"/"vagues" et "chauves"/"fauves" ne se rencontrent pas partout chez les poètes.
La rime "bague(s)"/"vague(s)" semble être typique de Gautier, et ne se trouve pas chez Musset, Lamartine, et reste à dénicher chez Victor Hugo...
Je ne relève qu'une occurrence de la rime "vgues"/"bagues" dans "La Comédie de la mort", et elle ne semble pas pertinente pour un rapprochement avec "Les Assis", bien qu'il y soit question d'états cadavériques :
 
Ses mains pâles tremblaient, - ainsi tremblent les vagues
Sous les baisers du Nord, - et laissaient fuir leurs bagues,
                     Trop larges pour ses doigts.
 Dans le poème "Ténèbres" en terza rima, nous avons une rime "bague"/"vague"/"vague" :
 
Polycrate aujourd'hui pourrait garder sa bague :
[...]
 
L'eau s'avance et nous gagne, et pas à pas la vague,
Montant les escaliers qui mènent à nos tours,
Mêle aux chants du festin son chant confus et vague.
 Là encore, le rapprochement n'est pas stimulant, si ce n'est que nous avons des poèmes sur des sujets similaires : "La Comédie de la Mort", "Ténèbres". Dans le poème suivant "Thébaïde" ("Poésies diverses, 1838" de Gautier), nous avons une rime "fauves"/"chauves" :

[...]
Sous un ciel vert zébré de grands nuages fauves,
Dans des terrains galeux, clair-semés d'arbres chauves,
Avec un horizon sans couronne d'azur.
[...] 
 Je peine à trouver la rime "bague"/"vague" dans Emaux et Camées. Je précise tout de même au passage que dans "Vieux de la vieille", nous avons un quatrain exhibant la rime "fémurs"/"murs" comme dans "Bûchers et tombeaux" avec en prime la mention "culotte". Dans "Le Souper des armures", à défaut je rencontre la rime "dagues"/"vagues", avec à côté "corridor" à la rime :
 
 Ou découpent au fil des dagues
[...]
 Cependant passent des bruits vagues
Par les orgues du corridor. 
 J'ai aussi repéré un quatrain entremêlant une rime en "-iste" et une rime "contour"/"amour", mais je ne l'ai pas notée sur le coup.
Je relève aussi la rime "bulles"/"conciliabules" à rapprocher de "libellules"/"virgules" dans "Ce que disent les hirondelles".
La rime "chauve"/"fauve" se rencontre dans "Le Château du souvenir", où la locution "à genoux" est aussi à la rime :
 
Terreur du bourgeois glabre et chauve,
Une chevelure à tous crins
De roi franc ou de lion fauve
Roule en torrent jusqu'à ses reins.
 
 Le poème "La mansarde" fournit un quatrain à rimes croisées avec la rime "artiste"/"triste" face à "garçon"/"chanson".
Il me reste à relire les premières poésie, le recueil espagnol et les poèmes érotiques.
La recherche est difficile, mais il faut s'y faire. Il ne faut pas désespérer des résultats trop vite.

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