mercredi 1 mai 2024

Rimbaud, lecteur des Feuilles d'automne : des sources frappantes !

Chronologiquement, Les Feuilles d'automne n'est que le troisième d'une longue liste de recueils de poésies de Victor Hugo. Toutefois, il s'agit pourtant d'une œuvre charnière. Le premier recueil a en réalité évolué dans le temps pour s'établir sous la forme définitive Odes et ballades avec cinq livres d'odes et un livre de ballades en 1828. Il s'agit du recueil où Victor Hugo était encore monarchiste. L'expression posée s'en ressent à la lecture : on ne sent pas tellement la différence avec la poésie solennelle des classiques, du moins au plan des odes. Le second recueil des Orientales a une réputation particulière de renouveau de la poésie française par la liberté du sujet traité et il s'agit cette fois d'un recueil qui joue fortement avec les descriptions, les récits envoûtants et les vertiges de la rime, etc. La manière lyrique de Victor Hugo s'est affirmée à partir des Feuilles d'automne et elle s'est stabilisée avec les quatre recueils Les Feuilles d'automne, Les Chants du crépuscule, Les Voix intérieures et Les Rayons et les ombres parus de 1831 à 1840, avant la longue interruption causée par la mort de la fille du poète Léopoldine. Les recueils de l'exil témoigneront chacun à leur manière d'évolutions significatives dans l'art du poète (Châtiments, Les Contemplations, La Légende des siècles et dans une moindre mesure Chansons des rues et des bois). Les quatre recueils lyriques parus de 1831 à 1840 jouissaient d'une grande réputation en leur siècle, ce dont témoigne notamment Verlaine qui les préfère aux recueils de l'exil. De nos jours, nous accordons un privilège quasi exclusif aux recueils de l'exil, auréolons des recueils posthumes comme La Fin de Satan ou conservons une certaine aura particulière aux Orientales sans vraiment le lire. Pour le reste, il y a les anthologies. C'est un peu comme ça que je vois le public actuel des lecteurs de poésies.
Le recueil Les Feuilles d'automne est donc le premier des quatre grands recueils lyriques intimes hugoliens d'avant l'exil. Ils datent de l'âge d'or du romantisme en société et de l'âge d'or de Victor Hugo en société qui rayonne au théâtre avec Hernani et Ruy Blas, qui a un grand roman à son actif Notre-Dame de Paris et qui domine la scène poétique. Le seul rival d'époque est Alfred de Musset, puisque Lamartine n'a pas confirmé et restera essentiellement l'homme de deux recueils de poésies : Les Méditations poétiques et les Harmonies poétiques et religieuses, même si quelques autres poèmes sont réputés.
Hugo attendra l'exil pour véritablement avec Les Contemplations s'emparer de la figure cosmique du poète propre aux créations lamartiniennes. Jusqu'en 1840, les visions hugoliennes sont plus de l'ordre du rêve et du mélange vertigineux des époques et des formes par les associations d'idées ("La Pente de la rêverie", "Dicté en présence du glacier du Rhône"), le cadre stellaire est présent, mais moins sensible que chez Lamartine. Alors que la présence du lecteur importe quasi peu au poète Lamartine qui semble parler tout seul et pour lui-même, Hugo est beaucoup plus dans la communication avec autrui. Il fait part de ses réflexions dans une forme d'expression intime renouvelée, avec une once de solennité, mais avec une sorte d'échange naturel qui laisserait inaperçue à bien des lecteurs la nouveauté de ton et de charme visionnaire qui s'offre à nous.
Enfin, non seulement le recueil Les Feuilles d'automne initie l'époque des quatre recueils lyriques intimes et romantiques de Victor Hugo, mais ce recueil a été publié à la fin de l'année 1831, après la révolution de juillet 1830. Hugo évolue, il est désormais en train de reconsidérer avec admiration l'épopée napoléonienne, il s'éloigne des idées monarchistes. Il se montre acquis au régime issu des "Trois Glorieuses", il s'intéresse à Lamennais. C'est quelque peu le Victor Hugo qu'épingle Rimbaud avec la formule "Trop de Lamennais et de Belmontet, vieilles énormités crevées". Rimbaud en trouve bien évidemment des indices dans la poésie ultérieure de l'exil, mais il connaissait forcément l'évolution globale du poète Hugo. D'ailleurs, il faudrait simplement trouver le texte critiquant Hugo dont il peut s'inspirer le 13 mai 1871 en rédigeant sa lettre pour Demeny.
La préface des Feuilles d'automne fait un point sur la situation politique nouvelle et à cette aune elle intéresse les études rimbaldiennes, d'autant qu'elle offre une sorte de point de comparaison entre le cas d'une révolution triomphale et le cas d'une révolution réprimée. Victor Hugo accueille la révolution, mais se maintient dans l'optique du livre de pure poésie. Il annonce que trois poèmes politiques déjà parus dans la presse sont réservés pour un futur projet de recueil politique. En réalité, les trois poèmes figureront au début du recueil suivant Les Chants du crépuscule, sans pour autant que celui-ci ne devienne spécifiquement politique. Le recueil Châtiments ayant une nature satirique et rhétorique particulière, c'est le recueil L'Année terrible qui, finalement, correspond sans doute le plus, à ce qu'on était en droit d'attendre et d'espérer de Victor Hugo dans cette annonce d'un recueil politique, le ton sarcastique en moins. Et le recueil L'Année terrible parle de la Commune et est contemporain de la période poétique de Rimbaud, ce qui permet une triangulation intéressante : Feuilles d'automne et pièces politiques incluses dans Les Chants du crépuscules, poésies de Rimbaud, L'Année terrible.
Prenons le poème IV des Feuilles d'automne. Indépendamment, Steve Murphy et moi-même avons identifié que l'hémistiche : "Qu'est-ce pour nous, mon Cœur,..." était la réécriture de l'hémistiche : "Que t'importe, mon cœur,..." du poème IV des Feuilles d'automne. Pour des raisons techniques, je n'ai jamais pu lire le livre de 1986 de Murphy Rimbaud et la caricature, mais d'après ceux qui le citent Murphy n'a pas exploité cette source. J'ai souligné que, une fois repérée la réécriture du premier hémistiche, on pouvait constater que l'allure d'ensemble du poème IV était disséminée dans le poème de Rimbaud "Qu'est-ce pour nous, mon Cœur,..." Les deux poèmes se terminent par une disparition qui ne laisse rien à la surface, mais avec un double plan ironique dans le cas du poème de Rimbaud, puisque à l'idée de l'eau qui recouvrait toute surface nous avons la réaction de la terre qui retombe et tue le poète.
Jacques Roubaud avait cité le poème "Qu'est-ce pour nous, mon Cœur,.." comme la pièce décisive dans l'évolution poétique de Rimbaud : c'était la pièce où Rimbaud tordait le cou à l'alexandrin hugolien. En réalité, il contient d'y adjoindre "Famille maudite" devenu "Mémoire". A l'époque de Roubaud, il y avait l'idée d'une composition précoce, en 1871 même, qui traînait au sujet de "Qu'est-ce pour nous, mon Coeur..." et l'allure politique et hugolienne évidente du poème favorise l'idée de dire que ce poème-là précisément est celui de la remise en cause du modèle hugolien, remise en cause à nuancer puisqu'il s'agit en réalité d'une accentuation hyperbolique de procédés hugoliens.
Visiblement influencé par la lecture de Roubaud, Benoît de Cornulier qui avait publié déjà son livre Théorie du vers en 1982 a offert un article sur "Qu'est-ce pour nous, mon Cœur,..." dans la revue Studi francesi en 1991. L'article a été remanié il y a quelques années pour la publication du livre de Cornulier réunissant ses études principales sur Rimbaud, et ce n'est que dans ce livre que le parallèle avec "Mémoire" a été développé.
Mais, en 1991, Cornulier avait émis une thèse marquante sur le vers final de "Qu'est-ce pour nous, mon Cœur,..." La ligne ne s'étend que sur neuf syllabes, ce n'est pas un alexandrin. Cornulier disait qu'il s'agissait d'un alexandrin interrompu par la mort du poète. Je précise que justement sur le manuscrit cette vingt-cinquième ligne respecte l'émargement des quatrains d'alexandrins. Si Rimbaud n'avait pas voulu faire penser à un alexandrin, il aurait émargé différemment. La différence d'émargement était fondamentale à son époque, alors que les universitaires et éditeurs du vingtième et du vingt-et-unième siècle sont indifférents aux différences de marges entre des vers de différentes longueurs. Oui, il s'agit bien d'un alexandrin interrompu par la mort du poète. Rimbaud n'est pas allé jusqu'à l'interruption au milieu d'une phrase.
Cornulier a aussi souligné les articulations d'un dialogue entre l'Esprit et le Cœur, ce qui permettait de mieux comprendre la dynamique contradictoire du discours tenu dans ce poème.
Mais Cornulier, toute sa vie durant, n'a fait que soutenir les conclusions globales de son livre Théorie du vers. En 1980 et 1982, Cornulier affirmait que vu le non respect de certains critères Rimbaud ne pratiquait plus la césure dans les poèmes suivants : "Qu'est-ce pour nous, mon Cœur,...", "Mémoire", "Juillet", "Jeune ménage", "Conclusion" (de "Comédie de la soif"), "Larme", "La Rivière de Cassis", "Michel et Christine" et "Est-elle almée ?..." Il en a fait le bloc de neuf poèmes sans césure. Il a fait des interprétations similaires pour des poèmes tardifs de Verlaine. Et dans le cas de "Tête de faune", il l'a distingué des autres en en faisant un poème qui avait encore une trace de césure, mais qui changeait de césure dominante quatrain après quatrain, ce qui sera ensuite approfondi par une étude de Philippe Rocher. En clair, en métrique, après 1982, et malgré tous les articles riches d'approfondissements, Cornulier est devenu complètement "has been". Il a cessé d'avoir la capacité de comprendre la métrique, et Roubaud ayant lâché l'affaire, et les métriciens ne faisant que marcher dans le cadre fixé par Théorie du vers : Bobillot, Gouvard, etc., les études métriques n'ont pas atteint le dernier stade de la mise au point, alors même que l'interprétation métrique de "Tête de faune" était résolument une contradiction interne à tout le discours d'ensemble du livre Théorie du vers. Cela fait quarante-deux ans de non remise en question...
Bien que personne n'en dise et que du coup la réussite ne me soit pas accordée, il m'est revenu l'honneur de dépasser ce stade et de montrer, en prouvant mes dires, que Rimbaud jouait avec la césure et disséminait des indices à ses lecteurs pour montrer qu'il en tenait compte dans les neufs poèmes observés. J'ai prouvé d'évidence que "Qu'est-ce" et "Mémoire" jouaient avec la césure normale, comme "Tête de faune", "Jeune ménage", "Juillet" (l'article récent de Cornulier reprend en réalité mon discours sur les césures de ce poème), et j'ai aussi pas mal étayé la lecture avec une césure après la quatrième syllabe pour "Larme". J'ai utilisé des preuves : au lieu de prendre tous les critères, j'ai fait un repérage sur des critères exclusifs, ainsi de l'enjambement de mots dans "Juillet" et "Mémoire" qui ne figure qu'au milieu des deux poèmes. Dans le cas de "Qu'est-ce", je montrais une organisation des césures pour des effets de sens, et je soulignais que les enjambements de mots manifestaient l'idée imagée de la mer qui fait disparaître les points fixes des terres émergées. Il s'agissait d'un recouvrement des bornes par le déferlement de l'onde révolutionnaire. Et quand le poème montrait que la Terre réagissait avec ces blocs qui retombent et tuent le poète, la césure tendait à s'imposer pratiquement complètement à nouveau. En tout cas, il n'y avait plus d'enjambement de mots.
Or, je mets le dernier clou à ma démonstration. Non seulement "Qu'est-ce pour nous, mon Cœur,..." s'inspire de "Que t'mporte, mon coeur,..." le quatrième poème des Feuilles d'automne, mais cette métaphore du flot révolutionnaire qu'on retrouve à la fin du recueil L'Année terrible est précisément déployée à la fin du poème III des Feuilles d'automne, comme par hasard la pièce qui précède le poème démarqué par Rimbaud en 1872 :

Ecoutez, écoutez, à l'horizon immense,
Ce bruit qui parfois tombe et soudain recommence,
Ce murmure confus, ce sourd frémissement
Qui roule, et qui s'accroît de moment en moment.
C'est le peuple qui vient, c'est la haute marée
Qui monte incessamment, par son astre attirée.
Chaque siècle, à son tour, qu'il soit d'or ou de fer,
Dévoré comme un cap sur qui monte la mer,
Avec ses lois, ses mœurs, les monuments qu'il fonde,
Vains obstacles qui font à peine écumer l'onde,
Avec tout ce qu'on vit et qu'on ne verra plus,
Disparaît sous ce flot qui n'a pas de reflux.
Le sol toujours s'en va, le flot toujours s'élève.
Malheur à qui le soir s'attarde sur la grève,
Et ne demande pas au pêcheur qui s'enfuit,
D'où vient qu'à l'horizon l'on entend ce grand bruit !
Rois, hâtez-vous ! rentrer dans le siècle où nous sommes,
Quittez l'ancien rivage ! - A cette mer des hommes
Faites place, ou voyez si vous voulez périr
Sur le siècle passé que son flot doit couvrir !
[...]
Je viens de citer une part essentielle de la fin du poème "Rêverie d'un passant à propos d'un roi". Notons que le poème se finit par une chute soudaine comparable à la mort du poète dans la pièce rimbaldienne : "- Compagnon, le soleil est couché."
La pièce IV : "Que t'importe mon cœur", se poursuit par l'hémistiche : "ces naissances des rois", ce que Rimbaud a remplacé par "que ces nappes de sang". Le mot "Rien" important dans le poème de Rimbaud démarque celui du vers 6 du morceau hugolien : "Rien ici-bas qui n'ait sa vanité[.]" Les grands noms du poème hugolien : "Napoléon, César, Mahomet, Périclès," cèdent la place aux frères anonymes. Et Rimbaud démarque l'idée de "vanité" : "Hélas ! plus de grandeur contient plus de néant !" mais non pas pour souligner la vanité. Et l'écho est important entre les quatre derniers vers du sizain final du poème d'Hugo et la fin du poème de Rimbaud :
[...]
    Rien qui ne tombe et ne s'efface !
Mystérieux abîme où l'esprit se confond !
A quelques pieds sous terre un silence profond,
    Et tant de bruit à la surface !
Dans "Qu'est-ce pour, mon Cœur,...", Rimbaud met en scène une rage impuissante qui fait écho à l'idée qu'une telle parole n'est que bruit à la surface jusqu'à son extinction par la mise à mort, sauf que le roi a laissé la place à la figure du révolté, et surtout l'interprétation par la vanité n'arrive pas à s'imposer. Il y a une factualité de l'échec qui ne se termine pas par un constat de vanité. Dans le poème hugolien, la vanité est un moyen d'enlever sa légitimité au discours du roi. Ce qui est intéressant, c'est que l'échec par la mort n'apparaît pas avec évidence comme un procès du discours tenu :
Ce n'est rien ! j'y suis ! j'y suis toujours.
Le révolté n'a pas été exterminé par des rois, qui plus est. Le poème de Rimbaud interroge les limites de la morale consensuelle sur la sage résignation, puisqu'il est sous-tendu par un constat d'amertume qui dénonce la répression. On ne détermine pas une loi morale par le constat du fait accompli. Rimbaud a un cadre intellectuel plus ouvert que celui manifesté par Hugo.
Véritable trésor, le recueil Les Feuilles d'automne s'ouvre par le célèbre poème : "Ce siècle avait deux ans..." Hugo se trompe au plan mathématique, il confond les ordinaux et les cardinaux dans le décompte des siècles. En février 1802, le siècle n'avait encore qu'un an, mais peu importe. En-dehors des mérites exceptionnelles du poème, j'ai toujours pensé que le vers : "J'ai plus d'un souvenir profondément gravé," était la source au fameux : "J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans" de Baudelaire, mais je me demande aussi dans quelle mesure cette pièce a pu inspirer certains vers de "Voyelles".
Allongeons la citation que nous venons de faire :
J'ai plus d'un souvenir profondément gravé,
Et l'on peut distinguer bien des choses passées
Dans ces plis de mon front que creusent mes pensées.
[...]

Il s'agit de l'un des passages clefs chez Hugo qui peuvent justifier le rapprochement avec la fin du premier tercet de "Voyelles" : "paix des rides / Qu'imprima l'alchimie aux doux fronts studieux" (version remise à Verlaine) ou "paix des rides / Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux".
Il y a d'autres vers sur les rides dans Les Feuilles d'automne.
Le second vers de "Voyelle" : "Je dirai quelque jour vos naissances latentes", où notez la présence du mot "naissances" du poème IV des Feuilles d'automne, mot clairement remplacé dans "Qu'est-ce pour nous, mon Coeur,..." par "nappes de sang", ce second vers, dis-je, entre en remarquable résonance avec deux telq vers de "Ce siècle avait deux ans..." : "[...] Je vous dirai peut-être quelque jour / [...]" et "Je pourrai dire un jour, lorsque la nuit douteuse / [...]". La répétition au sein du poème hugolien contribue à renforcer l'hypothèse d'un modèle ayant inspiré Rimbaud.
Je rappelle que tout à l'heure j'opposais la manière visionnaire de Victor Hugo à celle d'observation cosmique de Lamartine. Hugo en particulier dans Les Feuilles d'automne avec "Ce siècle avait deux ans...", "La Pente de la rêverie", définit la matière vibratoire de sa création poétique. Je cite ces vers de "Ce siècle avait deux ans..." :
[...]
C'est que l'amour, la tombe, et la gloire, et la vie,
L'onde qui fuit, par l'onde incessamment suivie,
Tout souffle, tout rayon, ou propice ou fatal,
Fait reluire et vibrer mon âme de cristal,
Mon âme aux mille voix, que le Dieu que j'adore
Mit au centre de tout comme un écho sonore !
Je continuerai le relevé dans un prochain article, ceci est déjà tellement éloquent.

- Allo, allo ! appel à toutes les unités rimbaldiennes ! David Ducoffre a encore frappé ! Il faut tout un programme renouvelé pour le contrecarrer. X, Y, Z, ne buvez pas tant de café !

1 commentaire:

  1. Dans l'article ci-dessus, je signalais à l'attention qu'il y avait d'autres passages sur les rides du front dans Les Feuilles d'automne. Je savais le passage auquel je songeais tout proche du poème "Ce siècle avait deux ans...", et il se trouve dans le poème suivant "A M. Louis B."
    Hugo y décrit la ville de Blois pour conduire le destinataire Louis B. à la maison que le père du poète y avait et développer une méditation sur la vie et la perte des êtres. Et Hugo prête à son ami en très long monologue en vers avec les vers suivants :

    "Il continuera donc sa tâche commencée,
    Tandis que sa famille, autour de lui pressée,
    Sur son front, où des ans s'imprimera le cours,
    Verra tomber sans cesse et s'amasser toujours,
    Comme les feuilles d'arbre au vent de la tempête,
    Cette neige des jours qui blanchit notre tête !
    [...]"

    Notez que Victor Hugo lui-même crée sa propre continuité avec la feuille au vent de Lamartine et Chateaubriand, et autres "pré-romantiques" du XVIIIe ; on avait déjà "Jeté comme la graine au gré de l'air qui vole" dans "Ce siècle avait deux ans".

    Autre point remarquable, Hugo encore pris dans un certain moule classique pour le vocabulaire, recourt au mot "aquilon" dans les deux poèmes qui ouvrent Les Feuilles d'automne : "Car, lorsque l'aquilon..." et "L'arbuste est désormais à nu sous l'aquilon". L'aquilon présent dans "Qu'est-ce pour nous..." n'apparaît pas dans "Rêverie d'un passant..." et "Que t'importe..." les 3e et 4e poèmes des Feuilles d'automne qui ont inspiré directement "Qu'est-ce"...

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