Je suis en vacances jusqu'au 10 janvier et pour des raisons pratiques la suite de certaines études est remise donc à cette date.
Je continue ma grande enquête autour des romans zoliens. Le cinquième volume des Rougon-Macquart porte un titre qui s'impose à moi comme un calembour : la faute de l'abbé mourait. J'ai bien du mal à ne pas y voir un fait exprès.
Je suis dans une relecture de ce roman, je dois finir la deuxième partie et puis il restera la troisième.
Evidemment, le roman de 1873 n'a pas pu influer sur la composition d'un poème de juillet 1871, mais ce qui est fascinant c'est les nombreuses passerelles entre le roman et le début du poème.
On sait que la singularité des "Premières communions" vient de la juxtaposition assez floue entre un récit de communions dans un cadre paysan et le récit d'une vie de femme communiante dans un milieu urbain. Le récit paysan peut difficilement passer pour une introduction au récit citadin. Antoine Fongaro avait contesté l'unité du poème et parlé d'un mauvais rafistolage de mémoire par Verlaine au mépris de la constance des versions manuscrites qui donnent toutes le même corps de texte, la même distribution, à de légères variantes près. D'autres rimbaldiens se sont opposés à cette thèse : Ascione, Murphy, Cornulier. Ce qui importe, c'est le contraste entre la religion à la campagne qui n'est que concédée par la vie plus sauvage, plus naturelle des paysans, et la religion à la ville qui fait de la femme une névrosée ou une hystérique, pathologies qu'il convient de mentionner puisqu'une étude de Chambon aurait établi des liens entre le poème de Rimbaud et des publications médicales.
Or, dans le roman La Faute de l'abbé Mouret, beaucoup d'éléments se retrouvent quasi à l'identique. Zola s'oppose au catholicisme intransigeant et oppresseur d'un Barbey d'Aurevilly. Ce dernier met en scène des hommes d'église qui n'ont aucune pitié pour tous ceux qui n'ont aucune piété ou pratique religieuse : il s'agit d'une religion enseignée à coups de taloches, avec même une spéculation sur la mort des non croyants, etc. Le rôle de la femme pose également problème. La femme est considérée en qui pis est. Personnellement, je pense que les religions se maintiennent au niveau des populations, non pas pour des raisons spirituelles, mais pour des raisons d'embrigadement social dans la jeunesse. Je ne crois pas nécessairement qu'un prêtre choisisse cette vocation parce qu'il croit en Dieu, mais parce qu'il adhère à un discours de mérite tenu dans son enfance, parce que ce type de vie a été dressé, fût-ce absurdement, en tant qu'aspiration. Le pape peut être tout doux, tout gentil, je n'en considère pas moins comme probable qu'il ne croit pas au plan spirituel en ce qu'il fait. Le bouddhisme ou le christianisme ont bien jusqu'à un certain point une conception philosophique individuelle porteuse d'un amour pour le genre humain, mais l'essentiel c'est l'appartenance à une collectivité avec une morale d'ordre qui peut permettre de se détacher de la société tout en se complaisant à s'en estimer une émanation forte. Par ailleurs, la force morale de la religion me dérange tout de même car il s'agit la plupart du temps d'une sorte de castration pour rendre disponible à autrui. On est d'une certaine grandeur morale, d'une noblesse d'attitude, d'une belle et sage retenue, d'une saine réticence à la mauvaise action, parce qu'on a été triqué, inhibé, parce qu'on intériorise une peur coupable, un sentiment du risque. Il y a du bon mais aussi du très mauvais là-dedans. En tout cas, dans le roman zolien, il y a comme dans le poème de Rimbaud les amours des gars et des garces à la sortie du lieu saint et à la fin du devoir religieux imposé. Les paysans sont assez irréligieux et frondeurs dans le roman zolien. Le soleil et la chaleur des animaux de la ferme jouent un grand rôle dans l'histoire de l'abbé Mouret.
Il y a donc une étude à faire qui consisterait à comparer deux écrivains majeurs d'une même époque. Mais mon idée est désormais de remonter les lectures de Zola pour dénicher parmi elles celles qui ont pu être communes à Rimbaud. La religion est au centre des débats depuis les années 1850 en gros. Il y a à mon sens toute une littérature qui a servi de support à Rimbaud et que, pour l'instant, personne n'a fait remonter, bien que notre compréhension des vers de juillet 1871 de Rimbaud se soit fortement affinée. Je pense qu'il s'agit là encore d'un poème où la recherche des sources est capitale.
Enfin, je mets ça en relation avec mes réflexions sur Une saison en enfer, notamment avec l'histoire de l'occident dans "L'Impossible". Une de mes idées, c'est qu'il ne faut pas lire le récit rimbaldien en se disant qu'il veut tourner à l'occident et revenir à une patrie primitive. L'important, c'est que Rimbaud commente la vacuité d'une dynamique d'évolution, et à cette aune la subordonnée "si de pareils poisons s'inventent" est capitale. Pas encore en 71, mais dans son livre de 73, Rimbaud fait sans doute un parallèle entre l'idéologie du progrès en phase avec la religion chrétienne et son propre discours de transformation en mage. Mais j'aurai l'occasion de revenir sur tout cela dans ce qui suivra ma reprise d'activité vers le 10 janvier.
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