Je ne vais traiter ici que d'une partie d'Une saison en enfer, mais il s'agit d'une partie large de ce livre, et on comprend aisément le calcul. Les autres sections sont plus longues et en même temps plus délicates à traiter. Ceci dit, il en a déjà été question dans mes articles antérieurs.
Je prépare un ensemble d'études fouillées et plus perfectionnées, mais voici un premier jet, je l'espère accessible à tous.
La prose liminaire peut être divisée en deux parties.
La première partie fait l'exposé d'une révolte dont le récit fait contraste à quelque chose s'apparentant à un souvenir. L'hypothétique souvenir est celui d'une concorde dans des agapes chrétiennes. Dans tous les cas, sur fond crépusculaire, le poète s'est révolté contre la concorde de la Beauté, de la justice, des trois vertus théologales, contre le Vrai, le Bien et le Beau d'une société prétendue d'harmonie.
Dans sa thèse Combat spirituel ou immense dérision?, Yoshikazu Nakaji a été sensible aux justes articulations de la prose liminaire. Il ne sépare pas deux parties comme nous, mais trois. Il isole le premier paragraphe ou simili verset en en faisant une partie à part qu'il commente sous le titre Espace paradisiaque. Puis, il propose une deuxième partie qui va du second paragraphe, du soir avec la Beauté assise sur les genoux du poète au septième paragraphe, avec le printemps qui fait bourgeonner "l'affreux rire de l'idiot". Il l'intitule Révolte initiatique. Nous préférons réunir ces sept paragraphes en un seul mouvement et nous sommes réticents quant à l'idée d'initiation.
La troisième partie du texte pour Yoshikazu Nakaji qu'il intitule Anti-rituel correspond à notre seconde partie du texte.
La première partie donne donc les scansions d'une révolte sur fond d'un souvenir incertain. Le septième paragraphe a une valeur de bouclage évidente : "Et le printemps m'a apporté l'affreux rire de l'idiot."
Faisons d'emblée un sort aux difficultés du texte: "si je me souviens bien", cela peut se comprendre soit comme "quand même j'ai tel souvenir, je ne peux pas me tromper" soit comme "c'est en tout cas le souvenir que j'ai, mais comment en être sûr?". Or, nous suivons sans aucune forme d'hésitation la seconde hypothèse.
La proposition relative "où s'ouvraient tous les coeurs" exprime métaphoriquement la notion chrétienne de charité.
La Beauté fait partie d'un ensemble axial supérieur qui contient justice, charité, etc. Rien à voir avec le Parnasse et Baudelaire, les deux poèmes sur la Beauté de Baudelaire n'étant pas non plus des allusions simples au Parnasse et à l'art pour l'art.
Rimbaud a joué ici sur la syllabation, chiasme (inversion des constituants sujet-verbe, puis verbe-sujet) et hexasyllabes pour la concorde au sein, et c'est également important, de deux propositions relatives introduites par "où" : "où s'ouvraient tous les coeurs, où tous les vins coulaient". Le relevé n'est pas suffisant, figure de totalité exprimée par les déterminants, correspondance de monosyllabe à monosyllabe "coeurs" et "vins", qui laisse lire ivresse des coeurs, métaphore sang-vin, et autres plans du parallélisme syllabique, puisque les deux verbes avec inévitablement même terminaison d'imparfait sont dissyllabiques (formés tous deux de deux syllabes) et les compléments du nom tous deux trisyllabiques. Le reflet de relative à relative est poussé loin. Evidemment, les deux hexasyllabes forment un alexandrin à césure impeccable, vers blanc en position de relief à la fin du premier paragraphe d'un livre en prose.
Au second paragraphe, un tout autre parallélisme y répond : "- Et je l'ai trouvée amère. - Et je l'ai injuriée."
J'observe les réponses suivantes "où s'ouvraient tous les coeurs" "Et je l'ai trouvée amère", "où tous les vins coulaient" "Et je l'ai injuriée".
Au lieu du pronom relatif "où", la conjonction de coordination précédée d'un tiret de décrochage, ce qui ne crée par une union, une concorde, mais une surenchère de rejet : et je l'ai trouvée amère, et encore je l'ai injuriée. Une anaphore réunit les deux phrases: "et je l'ai", ce que renforce inévitablement l'écho de la terminaison au féminin des participes passés. Mais le premier segment est de sept syllabes, le second de six. Pourtant, c'était bien parti "Jadis" et "Un soir" introduisaient tous deux un paragraphe par deux syllabes en relief. Le système de soulignement de la surenchère est poursuivi sur le mode anaphorique avec les amorces des phrases suivantes "Je me suis..." "Je me suis..." Et cela s'amplifie avec trois vocatifs adressés significativement aux sorcières nommées "misère" et "haine". Le trésor ainsi confié est bien sûr celui soustrait au "festin", le trésor du coeur du poète. En compagnie d'une autre anaphore, un autre jeu sur la syllabation est à relever au sixième paragraphe : "j'ai appelé..." "les bourreaux", "les fléaux", deux groupes nominaux de trois syllabes qui riment entre eux.
J'insiste sur l'importance qu'il y a à réunir en un seul mouvement les sept premiers paragraphes, celui initial du prétendu paradis initial et les six de révolte.
Le souvenir est incertain, mais il sert de repoussoir figuré.
La Beauté et la justice ne se situent pas en revanche dans le "Jadis".
On voit bien que Beauté et justice sont rejetées, et que le trésor passe alors de la promesse de festin à l'abandon à la misère et à la haine. Il faut bien noter l'extraction grammaticale "c'est à vous que": "c'est à vous que mon trésor a été confié." Rimbaud aurait pu écrire sans emphase : "Mon trésor vous a été confié". La formule "Le malheur a été mon dieu" complète un peu plus loin cette idée de dévouement à la révolte.
Le poète se compare à une "bête féroce" ce qui l'oppose clairement aux valeurs civilisées.
Le "je me suis armé contre la justice" contient l'idée de "prendre les armes", d'insurrection.
Je ne comprends dès lors pas pourquoi maints rimbaldiens s'obstinent à rapprocher la Beauté amère des Beautés de poèmes des Fleurs du Mal.
En plus, ces rimbaldiens tirent parti d'un rapprochement avec un poème de Vigny, mais en transportant dans le "poème" de Rimbaud des considérations qui ne sont pas dans le "poème" de Rimbaud.
Autre gradation remarquable. la révolte du poète se joue à la fois en lui et face à la société, et le choix graduel des verbes est remarquable en ce sens, puisqu'il fait se rejoindre les deux plans : "s'évanouir", "étrangler", "en périssant", sachant que le suivant "m'étouffer" proche de "étrangler" confirme la gradation précédente. Dans le même ordre d'idées, superposition du plan mental et du plan social, on ne peut qu'admirer que Rimbaud enchaîne encore avec le parallèle entre "bourreaux" et bibliques "fléaux", entre les monosyllabes "sang" et "sable" : "pour m'étouffer avec le sable, le sang".
Rimbaud ne se déclare ni fou ni criminel pour autant, il s'apparente à un criminel, il s'apparente à un fou, mais on s'y tromperait en ce qui concerne la folie, d'autant que la société réprobatrice se sert de l'accusation de folie pour réprimer.
Cette révolte est depuis longtemps entamée quand le printemps vient y apporter sa contribution active. Il est certain que "l'affreux rire de l'idiot" a quelque chose d'une note d'impasse et ce paragraphe n'est pas le plus simple à lire. Il est à lire avec vigilance, dans un esprit de tension.
Voilà pour cette première partie. Le printemps n'est pas le temps initial de l'enfer. Le mot "saison" n'est pas véritablement calé sur cette idée. Le mot "saison" a une signification pour l'homme, une "saison" de ma vie. On appréciera le lien du titre au premier paragraphe de la prose liminaire : une saison est en correspondance à ma vie, et on peut même apprécier le lien des articles indéfinis "une saison", "un festin", "un soir". Il faut bien lire "ma vie était un festin, maintenant elle est une saison en enfer". Je me demande si cela a déjà été formulé comme je viens de le faire d'ailleurs. Nous verrons plus loin que le poète n'est pas encore sorti de l'enfer comme le prétendent beaucoup de commentateurs qui situent à tort la section Adieu en-dehors, alors qu'il n'est question que de sa dissipation progressive "soupirs empesté" qui "se modèrent", etc.
Le poète a fini "la relation de son enfer", mais il est encore en train d'en sortir.
La deuxième partie du texte commence à la conjonction de coordination "Or" qui est une évidente articulation argumentative du texte.
Le poète acceptait la mort dans sa révolte et il se dirigeait vers elle "pour, en périssant, mordre la crosse de leurs fusils", avec ce singulier synthétique "crosse" qui crée la vision ramassée.
Mais, l'imminence de cette mort provoque un trouble. Le poète hésite alors entre le retour au festin du souvenir supposé et la poursuite d'une révolte fatale, fatale par le choix qu'elle implique de la misère, de la haine, des fléaux. L'opposition à l'harmonie, à la concorde, est clairement signifiée par l'équivoque "couac" dans "dernier couac".
Il est évident que c'est la dernière fausse d'un comportement dont plusieurs paragraphes nous ont montré l'évolution. Pourquoi diable aller y voir une allusion biographique, comme si, dans les derniers moments du confection du texte, Rimbaud s'empressait in extremis d'ajouter un petit pilotis biographique bien mesquin.
Evidemment, l'hésitation appelle des tentatives de réponse. L'inspiration de la "charité" se présente et elle est spontanément rejetée. Il est évident que la charité consonne avec l'idée d'ouverture des coeurs du festin, évident qu'il y a calembour : la clef ouvre les coeurs, donne accès au cellier qui contient tous les vins.
Or, l'idée de la charité comme clef est taxée de preuve que le poète a rêvé, ce qui donne son renvoi au "festin ancien" comme illusion. La toile de fond est un rêve participant d'une supercherie.
La deuxième solution entre en scène. En fait, une alternative est posée, soit la vie avec la charité qui vient d'être rejetée, soit la mort. Satan se récrie non parce que la charité vient d'être rejetée, mais bien parce que le poète a hésité devant l'imminence de la mort et a osé tourner son regard du côté des agapes chrétiennes.
Il est clair que Satan dit à sa proie "tu ne peux pas m'échapper" quand il dit "Tu resteras hyène", puisque la hyène figure de prédateur est moralement une proie pour le démon infernal. Tu resteras hyène ou bête féroce, cela veut clairement dire que le démon exclut l'idée qu'il soit possible au poète de renouer avec la concorde sociale. Il en est d'autant plus convaincu ou s'anime en tout cas d'autant plus en ce sens que le poète vient de dauber la charité. Je ne comprends pas que cette lecture ne soit pas évidente aux rimbaldiens. Pourtant, les commentateurs passent royalement, somptueusement à côté.
"Gagne la mort" encore un calembour, à lire en contraste à "Perds la vie".
Le poète ne repousse pas Satan et s'admet un damné. Mais l'échange est aigre-doux et le "Ah j'en ai trop pris" dénonce la supercherie de la seconde alternative : le poison sommeil des pavots le couronnant. Satan est le charmeur, le séducteur aux "aimables pavots". Le poète se moque de la "prunelle" du séducteur. Ce rapport décomplexé signifie que le poète ne s'inquiète plus de la figure de Satan. La logique de l'alternative Dieu-Satan n'est plus la sienne.
Mais, la subtilité est de ne pas manger le morceau au début du livre et le poète invite ainsi Satan à lire la vraie réponse dans ce livre. En même temps, la dédicace à Satan prépare le lecteur à une sortie de l'enfer qui ne sera pas chrétienne, puisqu'il est clair que le titre suppose un enfer non éternel.
Mais, la subtilité est de ne pas manger le morceau au début du livre et le poète invite ainsi Satan à lire la vraie réponse dans ce livre. En même temps, la dédicace à Satan prépare le lecteur à une sortie de l'enfer qui ne sera pas chrétienne, puisqu'il est clair que le titre suppose un enfer non éternel.
Maintenant, il faut bien comprendre que la "saison en enfer" a commencé à "Un soir" et que toutes les sections décrivent l'expérience infernale, y compris les Délires présentés dans des récits rétrospectifs, y compris l'Adieu qui dit bien explicitement que la sortie n'est pas encore accomplie.
D'ailleurs, la sortie, n'est-elle pas dans le passage final en italique, après l'ultime torturant questionnement ?
Je reviendrai plus tard sur l'histoire infernale des sections Mauvais sang, Nuit de l'enfer, Délires I et II, L'Impossible. Le récit de L'Eclair est celui qui nous rapproche du "tout dernièrement".
Donc, après l'illusion de la vie "festin", la réalité de révolte de la vie abîme. La lumière semble y manquer, mais cette lumière, le poète peut croire la trouver dans le "travail humain". Le problème, c'est celui de la conception qui va définir en l'espèce ce "travail humain". Celui-ci est mal défini par un nouvel Evangile du progrès. Le mot "explosion" ironise sans doute sur les dangereux exploits de la technologie nouvelle, trains à vapeur, etc. Le mot "L'Eclair" est problématiquement disséminé dans la figure de mage qu'est "l'Ecclésiate moderne", et on y appréciera la qualification de "moderne" qui annonce bien une lecture ironique à faire de la célèbre formule "Il faut être absolument moderne" dans Adieu.
Rimbaud est tenté par les "récompenses futures", mais tout cela est rongé par le doute, la gradation "futures, éternelles" interpelle, et l'interrogation "les échappons-nous?" à lire en "Les laissons-nous échapper?", puisqu'un "Qu'y puis-je?" y fait suite.
Le poète constate que le credo n'empêche pas les méchants et fainéants de profiter des autres, et pire encore d'en blesser les coeurs. La science annonce un avenir douteusement lointain. Il manque un apéritif immédiat à la promesse. C'est plutôt la carotte qui fait avancer l'âne. Les jeux sur la syllabation sont exceptionnel dans Une saison en enfer, bien que cela ait pu concerner le début de la prose liminaire. En voici un nouveau brillant exemple : "Que la prière galope et que la lumière gronde..." Deux heptasyllabes (deux segments parallèles de sept syllabes ici) s'enchaînent avec une rime étonnante des noms "prière" et "lumière" appuyée par une même initiale de verbe en [g], mais avec contraste des dimensions syllabiques pour les verbes, ce qu'exigeait l'implication de la conjonction "et" et ce qui permet de les savourer l'un après l'autre "galope" et "gronde". J'avais formulé ce jeu rythmique dans une copie de fac en 1996. Je n'ai pas remarqué que ce jeu avait été relevé dans un quelconque écrit sur Une saison en enfer.
Face à ce douteux contrat de confiance, le poète s'arrange pour se débiner. Il démissionne, joue lui aussi la mauvaise foi. Il s'invente des valeurs refuges dont il donne une liste.
Mais surtout il nous apprend qu'il souffre d'un sentiment d'usure, lequel est si important qu'il se retrouve même étendu sur un "lit d'hôpital". Eh non, pas besoin d'y voir un biographème, pour parler le jargon moderne.
Le problème, c'est que l'hôpital est un lieu où s'exerce la charité chrétienne, l'odeur de l'encens est de l'acabit de l'inspiration qui veut vous souffler l'idée que la charité vous promet de renouer avec un festin de concorde auprès des fidèles de Dieu. Cette odeur si puissante est peut-être le même moment que celui narré dans la prose liminaire "La charité est cette clef", nous y voici.
Comme il était répliqué "Cette inspiration prouve que j'ai rêvé!", il est répliqué ici : "Je reconnais là ma sale éducation d'enfance."
Le poète formule alors un énoncé quelque peu elliptique : "Puis quoi!... Aller mes vingt ans, si les autres vont vingt ans..." Les vingt ans pourraient être un temps de travail, mais ils sont encadrés ici par l'idée d'hôpital et de vie usée, l'idée "d'éducation d'enfance", l'idée en retour de se révolter "contre la mort". Il est clair qu'il est question de la mort prématuré du "fils de famille" au cercueil "couvert de limpides larmes". Le poète renonce même à tenir jusqu'à vingt ans. On comprend qu'il est question de ne pas travailler par orgueil, mais aussi de se préserver en refusant le travail. Le problème vient de ce que l'envie d'attaquer est suffisamment irrépressible pour faire craindre le pire, ce qui compromet l'aspiration à l'éternité. Le retrait dans l'oisiveté n'est pas possible.
Nous passons alors dans le Matin nouveau qui cristallise des aspirations et qui fixe clairement l'espérance d'un type de "travail nouveau". La révolte contre la mort est clairement la dynamique de sortie de l'enfer, ce qui justifie la conviction que le poète en a fini d'une telle relation.
La section est de rêve et d'expectative, ses interrogations laissent penser que l'utopie peut piéger le poète qui cherche à orienter ses pas dans son retour au monde.
Et la fin de Matin confirme la fin d'une révolte mal conduite amenant à la mort : "Esclaves, ne maudissons pas la vie."
La section finale Adieu va alors proposer le cadre saisissant d'un "automne", où malgré la fuite du temps le poète va reconstruire l'affirmation de la vie en lui.
Le jeu avec le christianisme est sensible. L'accès à l'humilité s'impose avec la "belle gloire d'artiste et de conteur emportée". L'humilité peut passer pour présomptueuse après une récente affirmation d'orgueil "Le travail paraît trop léger à mon orgueil!"
Le poète fait un pas vers la charité, mais en s'interrogeant sur sa validité. Pour lui, personnellement, la "charité" conduirait à la mort, non à la vie. Il s'en inquiète. L'important est qu'il veut vivre, la charité n'emporte pas la décision pour autant. Et justement, l'ultime section se divise en deux parties où se formule enfin un rapport nouveau à la charité. Rimbaud va accepter la charité, mais dans un concert de mensonges où il n'y a pas de véritable "main amie".
Le poète est d'ailleurs encore nourri d'un féroce ressenti. Il se met du rang des damnés et opprimés. Mais dans l'ultime subdivision du texte se joue un dernier drame rapide de la conscience.
Le poète n'est plus jaloux de la mauvaise condition. Il remonte vers la vie et à la sortie de l'enfer il espère bien pénétrer dans les "splendides villes", celles qui éclairent une vie qui n'est plus dans l'abîme. Mais le poète apprend à composer un rôle. Il refoule le désir de vengeance et affiche non plus l'air du crime, mais "le pas gagné". Il y a du jeu dans cette attitude, mais on voit aussi qu'il y a une construction morale. La vengeance serait basse et signe d'infériorité, de défaite. Il faut se donner un air vainqueur et jouer la partition de la modernité. Ici, le "Il faut être absolument moderne" est cynique et joueur, il répond à l'idée de l'Ecclésiaste et il répond très clairement à l'hypothèse de vengeance. La consécution des phrases le montre bien si, au lieu de dresser chaque phrase comme un aphorisme vertigineux on apprécie l'enchaînement du texte:
- Damnés, si je me vengeais!
Il faut être absolument moderne.
Point de cantiques : tenir le pas gagné. [...] Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d'hommes ; mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul.
La révolte contre la justice est passée, mais elle est congédiée comme la Beauté. Elle est le "plaisir de Dieu seul". Il est clair qu'il y a un lien entre l'hypothèse de vengeance et cette déclaration qui donne son renvoi à la justice humaine. La vengeance était un peu une façon de se rendre justice. Le poète renonce à cette prétention, bien qu'il y ait quelque chose de moralement sombre et dérangeant à mettre ainsi entre parenthèses la justice.
On appréciera que s'il n'est plus question de s'armer contre la justice, il est tout de même question que nous soyons "armés d'une ardente patience". Il n'y a donc aucun doute possible : le poète a bien réglé les termes de son enfer, nous assistons indéniablement à une redéfinition de sa posture. L'ironie est présente dans cet ultime mouvement du texte. Le poète regagne le monde qu'il a fui, les "splendides villes" ce n'est pas à prendre au pied de la lettre. Mais la leçon sur laquelle veut conclure le poète, c'est que le monde ment assez, et que lui veut avoir la possibilité d'appréhender la vérité. C'est à ce luxe qu'il prétend en affirmant sa vie, et les italiques soulignent dès lors la sortie hors de l'enfer. C'est l'explosion latin de l'esprit sain dans un corps sain ni plus, ni moins.
Voilà donc quatre parties d'Une saison en enfer dont on peut apprécier que le sens ne pose pas véritablement problème.
D'autres commentaires vont suivre. Je renforcerai également ce que je viens de décrire par des considérations plus fouillées.
Mais, ce livre est-il si énigmatique qu'on le dit ? Est-ce que ma lecture est facile à mettre en pièces ? Est-ce qu'elle n'éclaire pas suffisamment le texte dont elle traite ? Est-ce que mon commentaire est aussi hermétique ou plus encore que ne l'est l'oeuvre de Rimbaud ?
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