Il ne s'agit pas ici d'un article, mais d'un petit ensemble de liens intéressants que je souhaite proposer assez simplement.
Rimbaud a certainement lu des extraits de l'oeuvre de Chateaubriand.
Les Mémoires d'outre-tombe ne furent pas un plein succès quand ils parurent au milieu du XIXe siècle, la gloire de l'auteur n'était plus régnante, mais ils inspirèrent la préface des Contemplations de Victor Hugo et il m'est sensible que, dans les Illuminations, Rimbaud joue sur ce titre avec un poème intitulé Vies, où il finit par se déclarer "réellement d'outre-tombe".
Dans Veillées III, il est question d'un spectacle en mer sensiblement romantique alimenté par une comparaison aux "seins d'Amélie". Amélie, c'est la soeur qui cherche à enfouir un amour impossible dans le couvent, dans le récit René.
Dans Le Bateau ivre, la modernité du poème et l'originalité des images font tout de même songer à la luxuriance exotique de la description de l'Amérique et des rives du Meschacébé, avec le même emploi du pluriel "Florides", dans le récit Atala qui est l'une des grandes dates de l'avènement d'une littérature romantique en France.
Dans Scènes, on voit le décor moderne d'opéra-comique de la société du dix-neuvième siècle rongé par la Nature, ce qui me semble obligatoirement faire songer, avec tout ce que cela peut supposer aussi de contrastes recherchés, aux ruines romaines qui ont inspiré la culture de la Renaissance, mais aussi le romantisme.
Baudelaire, discutable père de la modernité poétique, sert parfois à masquer la profondeur romantique de l'oeuvre de Rimbaud. Le sonnet Correspondances passe pour une oeuvre originale. Son premier hémistiche "La Nature est un temple" est une reprise de Lamartine pourtant.
Evidemment, dans ce sonnet, on trouve le thème d'une réponse entre sons et couleurs, et Rimbaud mentionne ce thème dans sa célèbre lettre du 15 mai 1871 à Demeny.
Mais, on évite de dire que Baudelaire reprenait déjà un poncif du romantisme. Le voici dans Corinne ou l'Italie de Mme de Stael.
"les sons imitent les couleurs, les couleurs se fondent en harmonie".
Corinne improvise alors un poème au haut du Capitole à Rome, romantisme méridional.
"Les magiques paroles de notre plus grand poète sont le prisme de l'univers; toutes les merveilles s'y réfléchissent, s'y divisent, s'y recomposent; les sons imitent les couleurs, les couleurs se fondent en harmonie; la rime, sonore ou bizarre, rapide ou prolongée, est inspirée par cette divination poétique, beauté suprême de l'art, triomphe du génie, qui découvre dans la nature tous les secrets en relation avec le coeur de l'homme."
Enfin, dans la célèbre lettre du 15 mai 1871, on voit un rapprochement sensible entre la fin des Fleurs du Mal dans l'édition de 1861 et le discours de Rimbaud qui prétend découvrir l'inconnu et le rapporter.
Mais, on accorde alors un étrange unisson entre l'enthousiasme de Rimbaud et l'ironie amère de Baudelaire.
Le poème Le Voyage se déploie l'espace de 144 vers pour nous dire que le voyage nous tente à chaque fois mais qu'il n'apporte que la désillusion. Il ne reste alors que le voyage vers la mort.
Personnellement, j'ai du mal à me sentir emporté par un pareil solipsisme de la pensée, mais au moins je ne fais pas de contresens à la lecture. Si pendant des dizaines de vers, Baudelaire nous a averti de la désillusion systématique qui a suivi tout voyage, c'est qu'il a conscience que la mort est un essai d'inconnu désespéré. La conclusion du recueil le plus encensé des universitaires est lue à contresens par ces mêmes universitaires, et par tous les amateurs de Baudelaire, pour qui décidément la farce de la postérité doit être bien amère.
Et pour y revenir en conclusion, Rimbaud lui ne joue pas la même note du désenchantement absolu et solipsiste.
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