vendredi 30 août 2013

Nouvelle mise à mort d'une icône rimbaldienne

Jacques Bienvenu vient de publier un article qui met fortement en doute l'authenticité d'un tableau censé représenter Rimbaud et censé avoir été peint par un énigmatique Jef Rosman.
Il s'agit d'une peinture drolatique par le texte désinvolte qui y est introduit et par les notes au dos du tableau qui sont censées en préciser le cheminement tout comme pour le prétendu portrait de Rimbaud par Garnier révélé à la même époque.
Le tableau de Jef Rosman aurait été découvert par hasard à Paris, et non à Bruxelles!, après la Seconde Guerre Mondiale, au marché aux Puces.
Il s'agit de loin du faux rimbaldien le plus comique qui ait jamais été.

Le portrait de Rimbaud par Jef Rosman est-il authentique?

J'en ai profité pour corriger quelques erreurs de mon article "Iconographie" sur ce blog, erreurs qui n'ont rien à voir avec le Jef Rosman.
J'en ai surtout profité pour remanier un peu mes considérations sur les photographies Carjat et pour préciser où trouver le dessin représentant Isabelle Rimbaud que je rapproche du prétendu dessin représentant Arthur Rimbaud d'après un dessin d'Isabelle. Il faut comparer sourcil, oeil, nez, bouche, oreille, la ligne des joues étant distincte.

Citation de l'extrait remanié concernant ce dessin :

Rappelons enfin que le beau-frère posthume n'a jamais rencontré Rimbaud. Ses oeuvres, tableaux ou sculptures, n'ont aucune valeur iconographique. Un dessin est pourtant signalé à l'attention. Il s'agit du visage de Rimbaud de trois quarts d'après un dessin d'Isabelle Rimbaud. La mention "d'après un dessin d'Isabelle Rimbaud" est perfide, car si elle signifie aujourd'hui que Berrichon a dû s'inspirer d'un dessin d'Isabelle représentant son frère, il s'agit en réalité d'un visage imaginaire d'Arthur Rimbaud à partir des traits d'Isabelle Rimbaud, comme le prouve, outre les photographies connues d'Isabelle Rimbaud, un similaire dessin la représentant de profil, coiffée d'un chapeau. Ce dessin figure dans l'un des encarts de la biographie Arthur Rimbaud de Jean-Jacques Lefrère parue chez Fayard en 2001, juste en-dessous d'une photographie du "docteur Beaudier".

 Citation d'un extrait remanié concernant les photographies Carjat :


-          Deux portraits photographiques d’Arthur Rimbaud pris par Carjat. Ils ont été pris le même jour avec le même costume, dans les premiers temps de son arrivée à Paris, à peu près en octobre 1871 d’après le témoignage verlainien. A mon sens, le portrait connu de Verlaine par Carjat a probablement été pris lui aussi le même jour. Cela nous donnerait trois portraits clefs de deux grands poètes pour un seul passage chez un photographe. Précisons en outre que, apparemment, les originaux des portraits de Rimbaud par Carjat ne sont pas connus. La meilleure version de la photographie mythique daterait du début du vingtième siècle et elle est conservée au Musée Rimbaud à Charleville-Mézières, mais il existe d’autres tirages encore de ce portrait sans oublier l’original perdu dont on se demande ce que Berrichon et sa femme ont bien pu en faire. L’autre photographie est connue par quatre documents clefs : un positif sur verre daté de 1900 par l’expert du Musée d’Orsay, une photographie sépia de la vente Jacques Guérin montée sur une carte de l’atelier Carjat mais qui a l’inconvénient de correspondre aux traits plus grossiers du positif sur verre, un médaillon fac-similaire publié plusieurs fois dans des états différents en tête d’un texte de Delahaye à partir de 1905, une photographie déchirée insérée dans une carte sortie de l’atelier Carjat sur laquelle figurent des mentions manuscrites erronées d’un ancien possesseur (Rimbaud en 1870, etc.), photographie qui a été vendue en 2004. A moins qu’une expertise ne parvienne à établir une des photographies en circulation comme étant directement sortie de l’atelier du photographe en 1871, sinon 1872, nous ne semblons pouvoir prétendre connaître que des tirages beaucoup plus tardifs par le beau-frère posthume Paterne Berrichon, et ces tirages tendent à comporter des retouches. Il est vrai que deux tirages de la photographie sont montés sur des sortes de cartes portant l’estampille de la maison Carjat, mais il n’est pas impossible que Berrichon ait remplacé la photographie originale par un tirage plus récent, notamment dans le cas de la photographie de la vente Jacques Guérin en 1998. Berrichon et sa femme ont pu se laisser déterminer par le souhait d’exposer une photographie dont les traits parussent s’imposer à tout le monde. L’importance et l’authenticité d’un original aux couleurs passées leur auraient-elles échappé complètement ? Nous ne saurions nous contenter en tout cas de la preuve par ces montages sur cartes. Sur certains tirages de la moins connue des deux photographies Carjat (positif sur verre, de 1900 selon le Musée d’Orsay, et portrait sépia de la vente Jacques Guérin), l’aggravation des ombres tend à conférer au poète une tête d’enfant en train de bouder, mais certaines versions moins ombrées révèlent le visage adolescent du poète. C’est le cas des différents fac-similés signalés à l’attention par Jacques Bienvenu et publiés par Delahaye vers 1905-1906, lequel Delahaye a déclaré qu’il s’agissait du portrait le plus ressemblant qui puisse se trouver. Le portrait offert par Delahaye a été retouché au fur et à mesure des éditions, l’image étant loin dans tous les cas de la qualité photographique, mais sans que ces retouches et effets de reproduction seconde n’empêchent la révélation des traits adolescents du pourtour du visage. Surtout, les traits adolescents apparaissent encore sur la photographie Carjat en partie déchirée qui a été vendue vers 2003-2004 avec le support d’une carte de la maison Carjat, laquelle photographie nécessiterait une expertise nettement plus approfondie et sérieuse étant donné l’enjeu d’importance qu’elle présente. Il s’agit peut-être de la seule photographie originale connue et de la plus apte à nous donner une idée précise du visage de Rimbaud. C’est LE portrait à posséder. Plus célèbre, l’autre photographie par Carjat, dont nous ignorons où se trouve l’original, nous offre une figure idéale de poète, mais le visage, d’une nette beauté sur ce document, serait quelque peu transfiguré, d’autant que les contours des joues et du menton moins nets, plus estompés, laissent la part belle à une reconfiguration liée à l’effet de la prise de vue photographique. Le meilleur état de cette photographie est celui conservé depuis longtemps par le Musée Rimbaud. La Fondation Catherine Gide a légué un autre tirage jusqu'alors inédit de cette photographie au même Musée Rimbaud. Toutefois, même sous son meilleur tirage, la photographie si célèbre ne reflèterait pas aussi fidèlement que souhaité le visage authentique, comme c’est le cas de l'autre photographie Carjat dans le cas des tirages moins ombrés, enseignement que nous estimons pouvoir tirer des études sur le sujet menées par Jacques Bienvenu qui rappelle que cet avis d’authenticité était appuyé par Izambard aussi bien que par Delahaye, à quoi il convient d’ajouter que Verlaine envisageait de publier une photographie de Rimbaud plus ressemblante que celle qui a pris aujourd’hui une dimension mythique. Toutefois, la photographie sépia de la vente Jacques Guérin peut éventuellement sortir directement de l'atelier Carjat. Dans ce cas, on peut songer aux remerciements d'Isabelle Rimbaud à Mathilde quand elle reçoit une photographie intacte en comparaison de celle qu'elle conservait. L'idée serait alors que la photographie déchirée était celle conservée jusqu'alors par Isabelle, la sépia serait la photographie conservée par Mathilde que Verlaine n'aurait pu publier comme la plus ressemblante lorsqu'il s'occupait de faire connaître l'oeuvre de son ancien ami. Ces ombres ont le défaut de donner à Rimbaud un visage boudeur d'enfant néandertalien, mais, dans le cas d'une authenticité de la carte de visite à photographie sépia, et dans le cas d'une confirmation du scénario selon lequel Isabelle aurait confronté le portrait sépia transmis par Mathilde à celui déchiré et passé qu'elle conservait, ces ombres seraient non pas des retouches de Paterne Berrichon comme nous avons pu le penser et l'écrire, mais un défaut d'origine de la photographie. A cette aune, trois considérations me paraissent importantes. Premièrement, les deux photographies ont été prises le même jour. Deuxièmement, pour peu que les ombres soient minimisées, le pourtour adolescent du visage de Rimbaud apparaît. Troisièmement, ombres ou pas, la photographie qu'on dira du "Rimbaud boudeur" serait plus ressemblante selon Verlaine, Delahaye et Izambard que la photographie du "Rimbaud rêveur".

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire