Il s’agit sur ce blog de s’intéresser
essentiellement à l’œuvre littéraire de Rimbaud, pas tellement à la biographie.
Quant à l’iconographie, indépendamment des dessins, elle se résume à un tableau
de Fantin-Latour et six photographies dont nous ne connaissons pas automatiquement
les tirages originaux. Jacques Bienvenu est le principal spécialiste de
l’iconographie rimbaldienne. Nous renvoyons à ses travaux pour plus de détails. Toutefois, avant de nous pencher sur l’œuvre de Rimbaud, il
est bon de fixer les documents qui peuvent légitimement nous communiquer une
image vive du poète.
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Photographie des frères Rimbaud,
Frédéric et Arthur, en communiants. Le document vient de la famille Rimbaud
directement, mais il en existe plusieurs "tirages", parfois réarrangés pour ne
représenter qu’Arthur Rimbaud ou son visage en agrandissement. Certains "tirages" sont encore inconnus.
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Deux portraits photographiques d’Arthur
Rimbaud pris par Carjat. Ils ont été pris le même jour avec le même costume,
dans les premiers temps de son arrivée à Paris, à peu près en octobre 1871
d’après le témoignage verlainien. A mon sens, le portrait connu de Verlaine par
Carjat a probablement été pris lui aussi le même jour. Cela nous donnerait
trois portraits clefs de deux grands poètes pour un seul passage chez un
photographe. Précisons en outre que, apparemment, les originaux des portraits
de Rimbaud par Carjat ne sont pas connus. La meilleure version de la
photographie mythique daterait du début du vingtième siècle et elle est
conservée au Musée Rimbaud à Charleville-Mézières, mais il existe d’autres
tirages encore de ce portrait sans oublier l’original perdu dont on se demande
ce que Berrichon et sa femme ont bien pu en faire. L’autre photographie est
connue par quatre documents clefs : un positif sur verre daté de 1900 par
l’expert du Musée d’Orsay, une photographie sépia de la vente Jacques Guérin
montée sur une carte de l’atelier Carjat mais qui a l’inconvénient de
correspondre aux traits plus grossiers du négatif sur verre, un médaillon
fac-similaire publié plusieurs fois dans des états différents en tête d’un
texte de Delahaye à partir de 1905, une photographie déchirée insérée dans une carte
sortie de l’atelier Carjat sur laquelle figurent des mentions manuscrites erronées d’un
ancien possesseur (Rimbaud en 1870, etc.), photographie qui a été vendue en 2004. A moins qu’une expertise ne
parvienne à établir une des photographies en circulation comme étant directement
sortie de l’atelier du photographe en 1871, sinon 1872, nous ne semblons
pouvoir prétendre connaître que des tirages beaucoup plus tardifs par le
beau-frère posthume Paterne Berrichon, et ces tirages tendent à comporter des
retouches. Il est vrai que deux tirages de la photographie sont montés sur
des sortes de cartes portant l’estampille de la maison Carjat, mais il n’est pas
impossible que Berrichon ait remplacé la photographie originale par un tirage
plus récent, notamment dans le cas de la photographie de la vente Jacques Guérin
en 1998. Berrichon et sa femme ont pu se laisser déterminer par le souhait
d’exposer une photographie dont les traits parussent s’imposer à tout le monde.
L’importance et l’authenticité d’un original aux couleurs passées leur auraient-elles
échappé complètement ? Nous ne saurions nous contenter en tout cas de la
preuve par ces montages sur cartes. Sur certains tirages de la moins connue des
deux photographies Carjat (positif sur verre, de 1900 selon le Musée d’Orsay,
et portrait sépia de la vente Jacques Guérin), l’aggravation des ombres tend à
conférer au poète une tête d’enfant en train de bouder, mais certaines versions
moins ombrées révèlent le visage adolescent du poète. C’est le cas des
différents fac-similés signalés à l’attention par Jacques Bienvenu et publiés
par Delahaye vers 1905-1906, lequel Delahaye a déclaré qu’il s’agissait du
portrait le plus ressemblant qui puisse se trouver. Le portrait offert par
Delahaye a été retouché au fur et à mesure des éditions, l’image étant loin
dans tous les cas de la qualité photographique, mais sans que ces retouches et
effets de reproduction seconde n’empêchent la révélation des traits adolescents
du pourtour du visage. Surtout, les traits adolescents apparaissent encore sur
la photographie Carjat en partie déchirée qui a été vendue vers 2003-2004 avec
le support d’une carte de la maison Carjat, laquelle photographie nécessiterait
une expertise nettement plus approfondie et sérieuse étant donné l’enjeu
d’importance qu’elle présente. Il s’agit peut-être de la seule photographie
originale connue et de la plus apte à nous donner une idée précise du visage de
Rimbaud. C’est LE portrait à posséder. Plus célèbre, l’autre photographie par
Carjat, dont nous ignorons où se trouve l’original, nous offre une figure
idéale de poète, mais le visage, d’une nette beauté sur ce document, serait
quelque peu transfiguré, d’autant que les contours des joues et du menton moins
nets, plus estompés, laissent la part belle à une reconfiguration liée à
l’effet de la prise de vue photographique. Le meilleur état de cette photographie est celui conservé depuis longtemps par le Musée Rimbaud. La Fondation Catherine Gide a légué un autre tirage jusqu'alors inédit de cette photographie au même Musée Rimbaud. Toutefois, même sous son meilleur tirage, la photographie si célèbre ne reflèterait
pas aussi fidèlement que souhaité le visage authentique, comme c’est le cas de l'autre photographie Carjat dans le cas des tirages moins ombrés, enseignement
que nous estimons pouvoir tirer des études sur le sujet menées par Jacques
Bienvenu qui rappelle que cet avis d’authenticité était appuyé par Izambard
aussi bien que par Delahaye, à quoi il convient d’ajouter que Verlaine
envisageait de publier une photographie de Rimbaud plus ressemblante que celle
qui a pris aujourd’hui une dimension mythique. Toutefois, la photographie sépia de la vente Jacques Guérin peut éventuellement sortir directement de l'atelier Carjat.
Dans ce cas, on peut songer aux remerciements d'Isabelle Rimbaud à
Mathilde quand elle reçoit une photographie intacte en comparaison de
celle qu'elle conservait.
L'idée serait alors que la photographie déchirée était celle conservée
jusqu'alors par Isabelle, la sépia serait la photographie conservée par
Mathilde que Verlaine n'aurait pu publier comme la plus ressemblante
lorsqu'il s'occupait de faire connaître l'oeuvre de son ancien ami. Ces ombres ont le défaut de donner à Rimbaud un visage boudeur d'enfant néandertalien, mais, dans le cas d'une authenticité de la carte de visite à photographie sépia, et dans le cas d'une confirmation du scénario selon lequel Isabelle aurait confronté le portrait sépia transmis par Mathilde à celui déchiré et passé qu'elle conservait, ces ombres seraient non pas des retouches de Paterne Berrichon comme nous avons pu le penser et l'écrire, mais un défaut d'origine de la photographie. A cette aune, trois considérations me paraissent importantes. Premièrement, les deux photographies ont été prises le même jour. Deuxièmement, pour peu que les ombres soient minimisées, le pourtour adolescent du visage de Rimbaud apparaît. Troisièmement, ombres ou pas, la photographie qu'on dira du "Rimbaud boudeur" serait plus ressemblante selon Verlaine, Delahaye et Izambard que la photographie du "Rimbaud rêveur".
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Un tableau de 1872 intitulé Coin de table par le peintre
Fantin-Latour où, à côté de Verlaine et parmi de futurs collaborateurs de la
revue La Renaissance littéraire et
artistique, figure un Arthur Rimbaud aux cheveux longs et ébouriffés. Un
portrait à part d’Arthur Rimbaud a été offert par Fantin-Latour à Paterne
Berrichon et Isabelle Rimbaud, à une époque où le tableau du Coin de table appartenait à Emile
Blémont. Comme l’a clairement montré Jacques Bienvenu, documents à l’appui,
l’authenticité de ce Fantin-Latour ne fait aucun doute. En revanche, comment Fantin-Latour
a-t-il pu effectuer une répétition du portrait de Rimbaud, si le tableau du Coin de table ne lui était pas
directement accessible ? S’est-il rendu chez Emile Blémont ? A-t-il
utilisé une esquisse préparatoire inconnue ? Ou bien un dessin
dérivé ? Ou bien ne s’agirait-il pas de l’esquisse préparatoire
elle-même ? Il conviendrait d’expertiser ce tableau qui figure dans un
musée américain. Etant donné le statut officiel de répétition conféré par Paterne
Berrichon, nous ne pouvons prétendre sans preuve avoir affaire à un document
d’époque, c.-à-d. à l’esquisse préparatoire elle-même. En revanche, la question
continue de se poser. Elle est de taille, puisqu’il s’agirait de retrouver ou non l’unique tableau pour lequel
Rimbaud ait jamais directement posé.
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Trois autoportraits photographiques
d’Arthur Rimbaud à Har(r)ar en 1883 qui nous sont parvenus par l’intermédiaire
de la famille à qui l’ancien poète les avait envoyés, comme l’atteste une
correspondance aux siens où le carolopolitain décrit assez précisément soit les
attitudes qu’il prend, soit les lieux de la prise pour chaque photographie.
Seul bémol, une des trois photographies, celle où il se tient éloigné un pied en avant, a connu un tirage retouché pour rendre
visible un visage en train de s’effacer sur le document original et c’est cette
photographie au visage retouché qui est connue du grand public.
Les autres photographies et les autres
tableaux ne sont pas fiables. Leurs provenances sont pour l’essentiel inconnues
ou sujettes à caution. Ces prétendus documents ont été mis en avant au XXème
siècle, voire après la Seconde Guerre Mondiale ou au XXIème siècle, quand la
réputation du poète était faite et les sept documents iconographiques
canoniques bien posés.
L’identification d’Arthur Rimbaud et de
son frère à ses côtés sur une photographie de classe de l’institut Rossat pose
problème. Le document non daté ne vient pas de la famille Rimbaud, aucun des
deux frères n’est identifiable en tant que tel, et on se contente de convaincre
le public en décrétant que le personnage susceptible d’être Arthur Rimbaud a
une façon boudeuse de regarder qui n’appartiendrait qu’au célèbre poète, le
seul terme de comparaison d’un Arthur Rimbaud boudeur tête baissée n’étant
offert pourtant que par la photographie des frères Rimbaud en communiants, ce
qui n’est pas suffisant. Il ne s’agit pas là d’un principe d’identification
fiable. Cette attitude peut être celle de bien des enfants de l’époque.
L’identification est encore plus fantaisiste en ce qui concerne la présence
supposée d’Arthur Rimbaud sur une photographie d’un groupe réuni autour d’une
partie de chasse à Aden. Aucune autre identification d’une quelconque tête
assez visible des nombreux personnages du document n’a été proposée, aucune datation
n’a été resserrée et les traits du présumé Rimbaud sont indistincts, tandis que
sa silhouette, sa coiffure et ses épaules tombantes sont suffisamment banales
que pour ne pas devenir des signes particuliers autorisant la moindre
identification. Là encore, on attribue une spécificité rimbaldienne absurde au
fait de croiser les bras et d’avoir un visage fermé. D’autres identifications
photographiques ont été proposées, comme celle chronologiquement impossible et
peu physionomiste de Rimbaud aux côtés de Jules Suel, de l’explorateur Lucereau
et du docteur belge Dutrieux en 1879, sachant que le prétendu Rimbaud pourrait
être le photographe Bidault de Glatigné lui-même à qui le personnage assis tend
à ressembler, la belle-mère d’âge mûr de celui-ci (plutôt que la jeune femme
enceinte) semblant s’imposer avec évidence juste à côté sur
cette photographie connue sous le nom de Coin de table à Aden. Pour ce qui est des peintures, Rimbaud n’a posé
que pour le seul Fantin-Latour, visiblement. Les autres tableaux sont suspects,
voire cocasses, et peuvent avoir eu une influence perverse sur les écrits biographiques.
Rappelons pour écarter d’un revers de main la plus grande partie de ces
portraits que, comme le montrent plusieurs croquis, par Verlaine ou Régamey, Rimbaud avait les cheveux longs en 1872 et 1873.
Quant aux dessins représentant Rimbaud,
ils sont parfois de Verlaine ou Delahaye, ce qui leur confère un intérêt,
puisqu’ils dégagent une certaine vision du personnage, mais nous manquons de
dessins représentant Rimbaud pris sur l’instant. Dans le lot de tout ce qui
nous est parvenu, Rimbaud n’a guère été pris sur le vif, si ce n’est par Forain
avec le dessin « Qui s’y frot[te s’y pique] » ou bien par Régamey. Un
dessin ne représente que la carrure de Rimbaud assis sur une chaise, seuls les
habits et le chapeau haut de forme étant dessinés. Un autre dessin a toutefois
l’intérêt de représenter le visage bougon du poète dans la rue londonienne à la
traîne de Verlaine sous le regard d’un policier. Quant aux dessins d’Isabelle
Rimbaud, aucun n’est fiable. Ils ont été faits après la mort du poète, même si
le couple de Paterne Berrichon et d’Isabelle Rimbaud a voulu faire croire
qu’ils ont été croqués par Isabelle du vivant du poète et en sa présence en
1877 ou à l’agonie à Marseille. Certains s’inspirent même de revues, comme cela
a été prouvé dans le cas du joueur de harpe. Isabelle se contentait de
retoucher la moustache pour la ressemblance avec son frère. Comme cela a déjà
été observé, l’un semble une mauvaise reproduction de la tête de Rimbaud avec
son chapeau, à partir de l’autoportrait pris les bras croisés sous le bananier.
La correspondance aujourd’hui publiée d’Isabelle Rimbaud et Paterne Berrichon
nous apprend clairement que Paterne Berrichon a demandé à sa future épouse de
dessiner son frère à des fins de publication édifiantes et qu’il a considéré
que certains d’entre ces dessins posthumes, trop travaillés, n’étaient
absolument pas crédibles.
Rappelons enfin que le beau-frère posthume n'a jamais rencontré Rimbaud. Ses oeuvres, tableaux ou sculptures, n'ont aucune valeur iconographique. Un dessin est pourtant signalé à l'attention. Il s'agit du visage de Rimbaud de trois quarts d'après un dessin d'Isabelle Rimbaud. La mention "d'après un dessin d'Isabelle Rimbaud" est perfide, car si elle signifie aujourd'hui que Berrichon a dû s'inspirer d'un dessin d'Isabelle représentant son frère, il s'agit en réalité d'un visage imaginaire d'Arthur Rimbaud à partir des traits d'Isabelle Rimbaud, comme le prouve, outre les photographies connues d'Isabelle Rimbaud, un similaire dessin la représentant de profil, coiffée d'un chapeau. Ce dessin figure dans l'un des encarts de la biographie Arthur Rimbaud de Jean-Jacques Lefrère parue chez Fayard en 2001, juste en-dessous d'une photographie du "docteur Beaudier".
Rappelons enfin que le beau-frère posthume n'a jamais rencontré Rimbaud. Ses oeuvres, tableaux ou sculptures, n'ont aucune valeur iconographique. Un dessin est pourtant signalé à l'attention. Il s'agit du visage de Rimbaud de trois quarts d'après un dessin d'Isabelle Rimbaud. La mention "d'après un dessin d'Isabelle Rimbaud" est perfide, car si elle signifie aujourd'hui que Berrichon a dû s'inspirer d'un dessin d'Isabelle représentant son frère, il s'agit en réalité d'un visage imaginaire d'Arthur Rimbaud à partir des traits d'Isabelle Rimbaud, comme le prouve, outre les photographies connues d'Isabelle Rimbaud, un similaire dessin la représentant de profil, coiffée d'un chapeau. Ce dessin figure dans l'un des encarts de la biographie Arthur Rimbaud de Jean-Jacques Lefrère parue chez Fayard en 2001, juste en-dessous d'une photographie du "docteur Beaudier".
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