Les
deux études clefs sur le poème Les Mains
de Jeanne-Marie viennent d’Yves Reboul et de Steve Murphy. Je n’ai jamais
eu accès à la thèse de Steve Murphy de 1986, je ne connais que l’article publié
dans son livre récent Rimbaud et la
Commune paru en 2010. Il s’agit du chapitre 14 intitulé : « Une
place au soleil : Les Mains de
Jeanne-Marie ». L’étude va de la page 613 à la page 710. Elle est
prolongée par dix autres pages d’appendice. L’article d’Yves Reboul a été publié
vers 1991 ou 1994 plutôt. J’ai eu le volume entre les mains, je dois avoir les
photocopies dans ce que j’ai empilé dans des caisses. Mais, son article,
visiblement peu retouché, a été publié à nouveau dans son livre récent Rimbaud dans son temps paru en 2009,
dans la même collection éditoriale des Classiques Garnier (Etudes rimbaldiennes)
que le livre de Murphy un an plus tard. L’article d’Yves Reboul qui s’intitule « Jeanne-Marie
la sorcière » et qui ne compte que 16 pages cette fois s’appuie sur l’étude
de Steve Murphy de 1986 pour la critiquer et proposer une solution. En retour,
l’article récent de Steve Murphy réagit face aux critiques en contestant
partiellement le cœur de l’argumentation qui lui a été opposée. Mais, au-delà
des divergences entre les deux auteurs, je considère que les deux études ne
tiennent pas suffisamment compte de la construction symbolique du poème.
Il
est acquis que le poème est un hommage aux femmes de la Commune, même si on
peut remarquer que Jeanne-Marie est présentée comme une personne unique. Il va
de soi que la date de composition indiquée sur le manuscrit par Verlaine est
fiable : « Fév. 72 ». Le poème fait allusion clairement aux nombreux
procès des pétroleuses qui débutèrent vers octobre, et à celui de Louise Michel
en décembre. Mais je crois que cette justification à la création du poème est
insuffisante. Rimbaud décrit physiquement les mains de Jeanne-Marie en
insufflant un souffle moral et épique à cette vision. Il s’agit plutôt selon
moi d’une réponse à la fois aux procès faits par les vainqueurs et surtout à la
presse qui dressait un portrait terrible de ses pétroleuses. Je n’ai pas pu
photocopier tout ce que j’ai trouvé comme articles sur le sujet dans la presse.
Les numérisations sur internet coûtent cher. A la Bibliothèque Nationale,
elles sont d’une mauvaise qualité incroyable en ce qui concerne les microfilms
et on se défausse sur l’organisme privé qui fournit le matériel, sauf que, si
ce n’était la courtoisie, on ferait bien sentir que la responsabilité du choix
du fournisseur privé est alors lui aussi en cause. Je n’ai par ailleurs aucune
influence sur Gallica où je relève la mise à disposition des internautes d’une « moitié »
seulement de la collection du périodique Le
Monde illustré, mais mes demandes réitérées pour obtenir la mise en ligne des
autres volumes n’ont pas abouti. En effet, les journaux hebdomadaires sont
reliés en tomes de six mois, mais, année par année, vous ne pouvez consulter
sur Gallica que les journaux des six premiers mois, ou bien ceux des six
derniers mois. Certaines années manquent à l’appel. Pour un rimbaldien, vous ne
pouvez pas consulter les exemplaires qui vont de juillet 1871 à juin 1873
inclus, ce qui correspond à la période la plus intéressante et ce qui nous
prive de deux ans d’information. Pourtant, c’est dans la presse que nous
obtiendrons des éléments intéressants susceptibles d’éclairer les intentions du
poète. En tête de son chapitre sur Les
Mains de Jeanne-Marie, Steve Murphy donne avec raison un article de
jeunesse d’Emile Zola qui décrivait sans la moindre sympathie les pétroleuses comme
des furies. Cette déshumanisation est essentielle. Mais on va comprendre ici
que le travail du chercheur rimbaldien ne peut se faire en un jour et qu’il
faut réellement aller fouiller la presse de l’époque pour rendre plus nettement
compréhensible la réplique poétique offerte par Rimbaud. Je compte un jour
reprendre mon travail de synthèse à partir d’un dépouillement systématique de
la presse, mais je vais montrer ici un document que je trouve remarquablement
significatif de l’opposition clef que suppose le poème de Rimbaud entre
les pétroleuses et les femmes pleines de blancs et de carmins. Car la description
repoussante des pétroleuses n’est pas née d’une horreur soudaine liée à la
Commune. Ce mépris a un soubassement culturel qui veut que les femmes du peuple
ne soient pas vraiment des femmes, même si ceux qui emploient ces images de
répugnance n’en ont pas toujours conscience. Voici le document relativement
accessible qu’il me paraît intéressant de présenter. Il s’agit d’un extrait du
livre Physiologie du mariage de
Balzac. Personnellement, je n’ai jamais trouvé pertinent Balzac dans toutes les
grandes considérations qui parsèment son œuvre pourtant saisissante. Le second
degré n’est pas absent du passage concerné de toute façon, et donc il exclut
brutalement la plupart des femmes du genre femme, comme suit (soulignements
nôtres) :
Pour nous et
pour ceux auxquels ce livre est destiné, une femme est une variété rare dans le
genre humain, et dont voici les principaux caractères physiologiques.
Cette espèce est
due aux soins particuliers que les hommes ont pu donner à sa culture, grâce à
la puissance de l’or et à la chaleur morale de la civilisation. Elle se
reconnaît généralement à la blancheur, à la finesse, à la douceur de la peau.
Son penchant la porte à une exquise propreté. Ses doigts ont horreur de
rencontrer autre chose que des objets doux, moelleux, parfumés. Comme l’hermine,
elle meurt quelquefois de douleur de voir souiller sa blanche tunique. Elle
aime à lisser ses cheveux, à leur faire exhaler des odeurs enivrantes, à
brosser ses ongles roses, à les couper en amandes, à baigner souvent ses
membres délicats. […] Sa voix est d’une douceur pénétrante, ses mouvements sont
gracieux. […] Elle ne s’adonne à aucun travail pénible ; et, cependant,
malgré sa faiblesse apparente, il y a des fardeaux qu’elle sait porter et
remuer avec une aisance miraculeuse. Elle fuit l’éclat du soleil et s’en
préserve par d’ingénieux moyens. […] Aimer est sa religion : elle ne pense
qu’à plaire à celui qu’elle aime. […]
Ces traits, pris
à l’aventure entre mille, se retrouvent-ils en ces créatures dont les mains
sont noires comme celles des singes, et la peau tannée comme les vieux
parchemins d’un olim, dont le visage
est brûlé par le soleil, et le cou ridé comme celui des dindons ; qui sont
couvertes de haillons, dont la voix est rauque, l’intelligence nulle, l’odeur
insupportable, qui ne songent qu’à la huche au pain, qui sont incessamment
courbées vers la terre, qui piochent, qui hersent, qui fanent, glanent,
moissonnent, pétrissent le pain, teillent du chanvre ; qui, pêle-mêle avec
des bestiaux, des enfants et des hommes, habitent des trous à peine couverts de
paille ; auxquelles enfin il importe peu d’où pleuvent les enfants ?
[…]
Nous
pourrions citer un plus long extrait et commenter, mais, bref, il y a donc une
idéologie de la femme en tant que femme qui éclaire la réaction de Rimbaud,
lequel n’a pas choisi de symboliser sa Jeanne-Marie par n’importe quel élément
féminin, il n’a pas choisi le sein par exemple, non il a choisi les mains. Les
mains peuvent identifier une femme parmi les femmes, et Rimbaud prend le parti
des femmes aux mains tannées par le soleil pour les opposer à celles qui
conservent leur blancheur et qui se maquillent. Et ce fait essentiel est d’autant
plus passé inaperçu des lecteurs que lorsqu’il est question de Juana les
commentateurs parlent volontiers du cliché des « blanches mains » du
poème Don Paez de Musset. Non, Jeanne-Marie
a des « mains sombres », et des « mains fortes » qui plus
est, deux caractéristiques qui la différencient de la femme distinguée, deux
caractéristiques qui l’excluent même de la féminité. Elles ont une troisième
caractéristique qui est la « pâleur », une pâleur qui ne sera pas l’opposé,
le contraire, de la main sombre. Rimbaud pose clairement la coexistence des
deux dans son premier quatrain, et nous reviendrons sur la double répétition
significative : « pâles », « pâli » et « bruni »,
« brunit ». Or, si Yves Reboul a raison de signaler que la série
interrogative s’interrompt une première fois pour céder la place à une
affirmation de ce que sont les mains de Jeanne-Marie aux vers 15-16 : « C’est
le sang noir des belladones / Qui dans leur paume éclate et dort », avant
de repartir sur des interrogations d’un type différent, il me semble qu’il faut
insister sur le fait que les trois premiers vers sont eux aussi une affirmation
de ce que sont les mains de Jeanne-Marie.
Les
trois premiers vers forment une phrase déclarative bien ponctuée par un simple
point.
Jeanne-Marie a
des mains fortes,
Mains sombres
que l’été tanna,
Mains pâles
comme des mains mortes.
Le
poème s’ouvre par une déclaration. Jeanne-Marie a des mains qui ont trois
qualités, dont deux paraissent peu féminines et la troisième inquiétante. La
cause de la deuxième qualité est attribuée à l’effet du soleil. Tel est le
texte et nous ne suivrons pas l’idée d’Yves Reboul qui croit voir une allusion
à l’été de 1871 que ces mains de femmes auraient vécu sur les pontons. Le cumul
des étés a tanné ces mains, c’est tout. La raison des mains pâles comme des
mains fortes n’est pas donnée. Quant à la série interrogative, même si le
premier quatrain se termine par un point d’interrogation, elle ne débute qu’au
quatrième vers.
– Sont-ce des
mains de Juana ?
L’idée
est donc que cet ensemble de qualités passera pour le propre d’une femme
espagnole populaire qui pourrait se nommer Juana, ce qui n’est pas dit par Yves
Reboul et Steve Murphy malgré leurs réserves envers les travaux des prédécesseurs.
Oui, Steve Murphy a raison de faire observer que Rimbaud ne dit pas que Juana
possède de « blanches mains » dans son poème. L’allusion au poncif de
Musset n’est pas justifiée. Mais ce qu’il faut poser, c’est que les mains
tannées sont identifiées comme espagnoles, andalouses. On peut alors envisager
une pique à l’égard d’écrivains tels que Gautier, qui, dans leur exotisme,
célèbre des andalouses aux cheveux noirs de jais, à l’œil noir, mais aux petits
pieds blancs. Mais surtout on comprend que les interrogations des vers 4 à 14
essaient d’expliquer la déclaration des vers 1 à 3, comme les interrogations
des vers 17 à 24 sont à leur tour autant de sollicitations pour éclairer la
déclaration des vers 15-16 :
C’est le sang
noir des belladones
Qui dans leur
paume éclate et dort.
En
réalité, le poème dans son premier mouvement de six quatrains expose un petit
nombre de caractéristiques de ces mains, caractéristiques qui interpellent et
qui soulèvent un certain nombre de questions. Les vers 15-16 nous apportent de
nouvelles informations. Le « sang noir des belladones » coule dans
les veines de telles femmes. Et ce sang est menaçant, puisqu’il a un éclat qui
compense la pâleur mortelle annoncée au vers 2 et puisque ce sang suppose une
énergie latente qu’exprime clairement la postposition de « dort » à « éclate »
au plan de la coordination verbale.
Ce
jeu entre cinq vers d’affirmations et 19 autres d’interrogations, c’est ce qui
forme la première partie du poème. La deuxième partie du poème est plus longue.
La version manuscrite autographe compte 13 quatrains, donc nous avions une
bipartition équilibrée de six contre sept quatrains. Vraisemblablement, ce que
Verlaine ajoute a reçu l’aval de Rimbaud. Le poème a été remanié et allongé de
trois quatrains, à quoi ajouter une variante qui bizarrement ne prime pas dans
les éditions du poème. Mais, donc le poème compte désormais 13 quatrains, et
cette fois nous avons un déséquilibre entre une première partie de six
quatrains et une seconde d’une dizaine de quatrains. Selon Steve Murphy, après
une suite d’interrogations rhétoriques, le poète déclare ce que ne sont pas les
mains de Jeanne-Marie. Nous aurions l’opposition entre la tournure
interrogative « Sont-ce… » et la tournure déclarative négative « Ce
ne sont pas… » Le problème, c’est que la strophe qui débute effectivement
par « Ce ne sont pas… », non seulement ne fait pas immédiatement
suite au dernier quatrain d’interrogations, mais fait partie des trois ajoutées
par Verlaine et donc absentes de la version autographe. Du coup, il faut
reporter son attention sur le septième quatrain qui débute ainsi : « Ces
mains n’ont pas vendu… » Le verbe « être » n’apparaît pas ici,
mais l’auxiliaire « avoir » dans une forme composée du verbe « vendre ».
Quant au quatrain « Ce sont des ployeuses d’échines… », il a une
forme affirmative et non pas négative. Dans cette mesure-là, il me semble
plutôt que les formes négatives des quatrains marquent l’expression d’une
révolte qui dit déjà ce que sont ces « mains » de femmes
révolutionnaires, puisque lorsque surgi le tour déclaratif affirmatif c’est
pour poser des femmes casseuses ou ployeuses d’échines. Et au quatrain suivant,
comme Yves Reboul a pu insister sur le relief important des vers 15-16 où il
est question du « sang noir des belladones », nous avons deux vers
qui donnent le sens profond du poème :
Leur chair
chante des Marseillaises
Et jamais les
Eleisons !
(Lire
« ele-isons » avec une diérèse)
Dès
lors, toute la fin du poème est relativement claire comparée aux images opaques
qui se sont accumulées jusque-là. Le poète énonce clairement que ces femmes ne
se laissent pas dominer, mais qu’elles dominent elles-mêmes. L’expression « ployeuses
d’échine » avait quelque chose d’un calembour. Elles ne ploient pas l’échine,
elles les font ployer, et Rimbaud a préféré l’idée qu’il ne s’agissait pas de
renverser les rôles, mais de casser l’échine à ceux qui la font ployer aux
autres. Ces mains fortes deviennent
celles de machines et cheval, car elles changent le monde par une révolution.
Les pétroleuses étaient présentées comme des bêtes féroces. Rimbaud refuse de
leur faire assumer une telle violence. Tout en étant présentée comme porteuses
d’une violence révolutionnaires, non directement ces femmes, mais ces mains qui
agissent « ne font jamais mal », ce qui a une signification morale
dégagée par les articles de Reboul et Murphy, mais aussi malgré tout une
signification physique, elles ne sont par leur Révolte des pourvoyeuses de
douleur. L’agression sur les femmes nobles ou distinguées qu’un rejet d’un vers
sur l’autre traduit en « Femmes / Mauvaises » est présentée au
conditionnel « ça serrerait », « ça broierait ». L’opposition
est alors de « mains qui ne font jamais mal » à des « mains
infâmes » dont l’extrait de Balzac si nous l’avions cité plus longuement
montrerait assez la position abusive qui peut leur être attribuée. Deux vers de
violence semblent toutefois demeurer implacables :
L’éclat de ces
mains amoureuses
Tourne le crâne
des brebis !
Ces
deux vers peuvent poursuivre l’opposition des Marseillaises (« mains
amoureuses ») aux « eleisons » (« brebis ») en prêtant
la valeur d’amour à la Révolution et non à la charité chrétienne : « eleison »
étant l’expression que nous traduisons par « prends pitié » dans la
liturgie de la messe. On peut penser aussi que le fait de tourner le crâne
consiste aussi à avoir un effet de meneuses sur les masses. C’est à partir de là
que le poète, qui a déjà salué la force de ces mains plus fortes que machines
ou cheval, va donner une explication de leur aspect sombre comme de leur
pâleur. Nous savions que ces mains étaient sombres par l’effet du soleil, mais
le soleil devient le facteur d’amour qui donne une distinction nouvelle à ces
femmes qui n’étant pas des quartiers distingués (pour citer Les Pauvres à l’Eglise) n’en ont pas
moins leur bijou, un maquillage naturel apposé par le rougeoyant soleil sur
leur peau, et ce rougeoiement est associé à l’amour. Et Rimbaud d’unir la
pétroleuse au « Révolté fier ». Le choix du mot péjoratif « populace »
précise bien les enjeux et l’opposition d’une société divisée en deux. La
pâleur avait été annoncée comme comparable à un indice de mort, et l’explication
nous en rapproche. La pâleur est celle de la cause héroïque embrassée. Elles
ont serré des mitrailleuses, ce qui suppose un affrontement périlleux, mais ce
combat à mort est en même temps un combat de vie pour les révoltés. La pâleur a
ici un sens épique que ne supposait pas encore le premier quatrain. Qui plus
est, ces femmes ne sont pas mortes au combat, car les deux derniers quatrains
se servent de l’idée de leur emprisonnement avec de lourdes chaînes pour créer
une série d’inversions hommages.
J’interromps
ici mon commentaire pour l’instant.
J’ai
d’autres choses encore à dire sur ce poème.
Pour
moi, Gautier est un poète exceptionnel. La saveur de sa langue est
extraordinaire, plusieurs de ses poèmes sont réellement de l’orfèvrerie
délicate comme délicieuse et le début du Capitaine
Fracasse est d’une perfection éblouissante. Mais je ne suis pas du tout
convaincu que l’immense poète Rimbaud s’en soit si bien rendu compte dans ses
quelques années de pratique, et, de toute façon, je ne suis pas du tout
convaincu que la parodie qu’il fait du poème Etude de mains soit un hommage dans un poème aussi politiquement
incisif. Gautier n’était pas favorable aux révolutions, Rimbaud bien évidemment
l’épingle, et on remarquera que sa parodie de quatrains d’octosyllabes à rimes
croisées rappelle une parodie d’un modèle Chant
de guerre circassien de Coppée dans un poème tout aussi impliqué dans l’actualité
Chant de guerre Parisien. Je constate
aussi que le mot « pandiculations » est traité étrangement. Les
symptômes des pandiculations ne sont pas décrits au niveau des mains, mais cela
n’est pas gênant, on peut très bien imaginer des mains dont le mouvement est
lié à celui des pandiculations de toute une personne. Enfin, les pandiculations
sont un terme utilisé pour désigner l’hystérie féminine, ce que, selon Steve
Murphy, Rimbaud ne peut pas avoir employé dans un hommage à la pétroleuse type.
Mais, le mot n’est pas pris en charge ainsi, puisqu’il s’inscrit dans une
interrogation rhétorique laissée en suspens. Surtout, l’allusion à l’hystérie
est tout à fait pertinente dans le contexte du quatrain qui réécrit
parodiquement l’expression « rêves d’impossibilités » du modèle de
Gautier. Cette femme apparemment hystérique est-elle tournée vers la religion
chrétienne ou bien vers la Perse ? C’est le sens littéral du poème
rimbaldien et je ne vois pas en quoi cela pose problème.
Quant
à Khengavar, Yves Reboul nous dit qu’il n’est pas la peine de chercher à
identifier cette ville qui a une consonance perse, tandis que Steve Murphy propose
un appendice à son sujet, où il est vrai que la ville est correctement identifiée.
La ville est tout simplement celle de Kingavar en Perse, pas très loin de
Bagdad. L’orthographe des noms exotiques variait beaucoup et à l’instar de
Leconte de Lisle (sans parler du pluriel) Rimbaud n’a fait qu’ajouter un « h »
à la transcription « Kengavar » qui était courante à son époque. Rien
là d’illisible et d’énigmatique. La ville était nettement identifiable et elle
l’est encore aujourd’hui, d’autant que les vers impliquent clairement qu’il s’agit
d’une identification culturelle peu compliquée. Enfin, certains critiques plus
anciens ont malgré tout cru que cette ville qu’ils n’arrivaient pas à
identifier, je ne sais pas comment ils ont pu être aussi incompétents, c’était
un nom de pure poésie car ils se sentaient libérés de toute référence. Mais la
consonance d’un nom est toujours de l’ordre de la connotation et de la
référence culturelle dans tous les cas. Rendre un mot plus vague peut le rendre
plus général, moins précis, il n’en est pas moins chargé de connotations
possibles. Mais ici ce n’est même pas le débat comme pour les noms inventés par
Musset et Hugo : Olossone (de mémoire) et Jérimadeth. Rimbaud parle bien
de la ville de Kingavar.
Et
bien sûr j’entends encore parler « des diptères dont bombinent les
bleuisons aurorales ». Un rapprochement avec Voyelles est en jeu.
A
suivre…
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