J'avais annoncé que je compléterais l'article du 16 juillet avec la citation in extenso de l'article de Paul de Cassagnac, mais j'ai mal à la tête en continu depuis trois jours, ce qui m'arrive depuis quelques années et plusieurs fois par an. Je ne me vois pas rédiger avec l'impression à tout moment qu'un courant électrique va me faire m'évanouir. On va essayer de transformer cela en avantage malgré tout. Demain, je mettrai la suite. Après tout, selon le témoignage d'Izambard, Rimbaud lui a remis la composition le 18. Depuis hier, Rimbaud doit sans doute être lancé sur la création de son poème, il doit certainement continuer de le travailler aujourd'hui.
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Pour Une saison en enfer, c'est évidemment avec un immense dégoût que j'assiste aux publications d'Alain Bardel sur son site. Il a ajouté le 15/07 L'Introuvable (En relisant Une saison en enfer / Conclusion).
Normalement, Bardel, quand il a créé son site, ne se déclarait pas un rimbaldien. Il relayait les travaux des autres et il émettait ses hypothèses personnelles sans prétention. Il a ensuite publié de premiers articles dans la revue Parade sauvage et dans la revue Europe, dans la mesure où il donnait le son de cloche de la revue Parade sauvage et était du coup une vitrine internet pour ce discours-là. En même temps, les deux premiers articles de Bardel furent visiblement supervisés de près par Steve Murphy. Tout cela n'est pas bien gênant, mais comme je l'ai pressenti on voit bien dans le développement du site d'Alain Bardel une parole envahissante qui est sur tous les fronts et qui veut avoir raison, et qui donc pose en spécialiste ultime de Rimbaud. Là encore, on peut avoir l'envie de se poser comme tel, mais dans le cas de Bardel il n'a pas le niveau requis pour de telles prétentions. Et, enfin, j'en arrive au coeur du problème. Bardel a inventé un système de communication assez retors. 1) Quand il rend compte des travaux des rimbaldiens, il joue les arbitres avec un aplomb extraordinaire. Or, si, au football, l'arbitre n'est pas l'équivalent d'un joueur, ici son arbitrage consiste à faire la même chose qu'un rimbaldien : défendre une opinion, sinon une découverte fiable, en émettant des arguments. Il est certes normal qu'il fasse sa propre évaluation des travaux des autres, mais il le fait en distribuant les bons et les mauvais points, en glissant une réflexion ironique ou un peu grondeuse, etc. Bardel oublie complètement qu'il n'est pas un rimbaldien compétent et qu'il a un manque de mesure dans ses réactions pour quelqu'un qui prétend être neutre, désintéressé.
2) Le système de communication s'est affiné. On a maintenant droit avec sa section "En relisant Une saison en enfer" et plus largement avec tous ses derniers articles sur Une saison en enfer à un partage entre la parole des autres rimbaldiens et la sienne. Il va mettre d'un côté un florilège de citations de critiques rimbaldiens, selon bien sûr ses préférences et selon encore une sorte de consensus qui lui convient très bien. Il ne faut pas oublier que le monde du rimbaldisme, c'est des relations mondaines entre personnes, avec des susceptibilités et des enjeux de séduction qui n'ont rien à voir avec l'explication de la poésie de Rimbaud. Et puis, d'un autre côté, il s'habitue, et beaucoup de rimbaldiens lui ont appris la marche à suivre, sauf qu'il la radicalise, à publier des articles personnels où il n'est pas question une seule fois de citer un rimbaldien. Avant, il en citait et on voyait le mode préférentiel. Ici, il ne cite plus personne. Les articles sont très longs et se veulent donc le fait d'un spécialiste du texte de Rimbaud. Ces articles très longs sont l'occasion de créer une sorte de discours continu où on mélange des avancées critiques, des corrections de son point de vue à un discours ancien intégralement préservé. Il n'y a plus d'enjeu de vérité, parce qu'on est face à une masse qui fera toujours un pied-de-nez pour réaffirmer les convictions que Bardel a toujours soutenues sur Une saison en enfer et les contradictions sont absorbées, rendues avec une note qui les euphémise, les rend imperceptibles, etc. Et évidemment, ce discours ne cite personne, c'est la réflexion de Bardel tout seul qui ne doit rien à personne ou qui ne doit qu'aux lectures qu'il a toujours valorisées et qu'il n'a pas besoin de rappeler.
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Bon, je ne vais pas m'éterniser. Le 21/06/2020, j'ai mis en ligne un article "La charité, vertu théologale dans la prose liminaire d'Une saison en enfer" qui a un sous-titre au passage et que Bardel a référencé dans sa rubrique "Actualités". Or, cet article m'a permis de mettre en boîte l'hypocrisie du système Bardel en rappelant qu'en 2009 celui-ci niait que la "charité" soit la vertu théologale dans la prose liminaire d'Une saison en enfer, alors que maintenant il affirme que c'est bien la vertu théologale, mais évidemment en continuant de soutenir que c'est différent pour les autres occurrences et que du coup même si dans la prose liminaire il est question de la vertu théologale Rimbaud a eu une recherche personnelle d'une charité non chrétienne dont il rendrait compte dans Une saison en enfer. Il croit pouvoir tirer parti d'une mention telle que "sa charité est ensorcelée" pour ce faire. Bardel n'admet pas s'être trompé en 2009, il ne citera pas la personne qui est à l'origine de cette correction et qui est moi-même, il a corrigé subrepticement son discours sur un passage textuel parce qu'évidemment il était coincé, mais il essaie de sauver tout le reste sur un effet de masse. Toute la lecture d'un Rimbaud à la recherche d'une charité laïque vient de l'article de Jean Molino qui, le premier, à partir de contresens de lecture sur la prose liminaire, a soutenu que le mot n'avait pas le sens de vertu théologale. Bardel qui a lu tant de critiques rimbaldiens refuse d'envisager que sa lecture est sous l'influence de Molino ou des rimbaldiens qui ont ensuite été influencés par l'étude de Molino. Et il a refusé de considérer que l'annulation de la critique de Molino faisait s'effondrer l'édifice. Bardel refuse même de rendre compte de l'article de Molino, de le mentionner. Il se réfugie dans une critique hors-sol, il nous fait du rimbaldisme hydroponique.
Prenez son texte nouvellement mis en ligne, L'Introuvable, l'introduction, c'est du charabia : "Diversité des voix, des modes de narration, des avatars du locuteur, des genres, des projets d'écriture [...] une figure de cet introuvable qu'est l'auteur [...] la simple question de savoir qui parle, à tel moment ou à tel autre, est à soi seul un problème" Nous voilà bien partis !
Et je cite un extrait du dernier paragraphe de l'introduction :
[Il y a quelqu'un, sans doute en réponse à la question : "esprit es-tu là ?"] Quelqu'un de "caché", mais que l'on reconnaît à son style oral caractéristique, au cheminement contradictoire et chaotique de sa pensée, et surtout au retour régulier des mêmes thèmes. Si le locuteur, dans le prologue, semble bien rejeter l'idée d'une "conversion" au sens religieux du terme, la nécessité d'une (re)conversion n'en est pas moins très sincèrement ressentie par le jeune poète.
C'est toujours du charabia, parce que je n'imagine pas que beaucoup de lecteurs trouvent limpide la formule "et surtout au retour régulier des mêmes thèmes". Aujourd'hui, Bardel admet, non pas admet, nous enseigne que le mot "charité" a le sens de vertu théologale dans la prose liminaire d'Une saison en enfer. Il le fait en en-tête de certains de ses écrits récents pour bien nous en avertir charitablement et il met une définition. Ceci dit, comme en 2009 et avant, dans son nouvel article, il nous fait le coup de la modalisation : "semble bien rejeter l'idée d'une "conversion" ". Et ce n'est pas que l'expression "semble bien" que je vise : avez-vous bien noté la présence des guillemets au mot "conversion" qui n'est pas une citation du texte ? C'est très discret, mais il faut l'observer. Ensuite, même les lecteurs les plus inattentifs ne peuvent manquer l'affirmation étonnante : "la nécessité d'une (re)conversion n'en est pas moins très sincèrement ressentie". Ces formes écrasées "(re)conversion" sont devenues à la mode dans la seconde moitié du vingtième siècle. Je considère, et c'est pareil pour l'écriture inclusive, que ces formes de réécriture ne sont pas compatibles avec la pratique orale, et partant avec l'effort intellectuel de la lecture. Ecrivez "les amies et les amis", n'écrivez pas "les ami-e-s" sauf si vous voulez à tout prix être identifié comme idiot en société. Et comment rendez-vous à l'oral "instituteurs-trices" ou autre billevesées ? Les créations du genre "co(n)texte" pour confondre cotexte et contexte posent des problèmes similaires dans les écrits universitaires. Ce truc-là a vécu, n'en parlons plus ! C'est un moyen pour économiser le temps d'écriture, pour économiser les signes graphiques, mais c'est contre-productif dans la communication, sauf dans les cas de calembours qu'on veut souligner. Autrement dit, Bardel nous parle plus précisément de "la nécessité d'une conversion sinon d'une reconversion du poète". Dis clairement, ça fait mal, hein ! Et plus loin, on a du "très sincèrement".
Plus loin, dans l'article L'Introuvable, nous avons une sous-partie intitulée "Une (re)conversion existentielle" qui commence par nous parler de la section "Alchimie du verbe". Nous sommes passés sans que ce ne soit dit de la notion chrétienne de conversion (avec son prolongement bâtard que serait la reconversion) à une notion existentielle ! Avez-vous vu l'imposture ?
Je n'ai pas encore lu tout cet article pour l'instant, je fais uniquement quelques sondages. Mais ce n'est pas inutile comme vous pouvez le constater. Nous avons plus loin une sous-partie intitulée "L'entreprise de la charité". Et cette sous-partie est flanquée d'une épigraphe, pour mettre en valeur la mention "sa charité est ensorcelée", une formule qui est mise dans la bouche de la Vierge folle.
Et là, à nouveau, on joue le jeu docile de reconnaître que la notion est chrétienne (je suis passé par là). Rappelons que ni "conversion" ni "reconversion" ne sont des mots de la prose liminaire, ce sont des substituts pour la phrase "La charité est cette clef." On ajoutera pour "le festin ancien", mais c'est pareil.
Donc, on voit un article qui a développé d'un côté l'idée d'une conversion existentielle et qui de l'autre accorde de partir de la notion chrétienne de charité, alors que cela part du même extrait lu de deux manières contradictoires !
Cette sous-partie sur la charité devient l'occasion pour Bardel d'affirmer que le couple de Verlaine et Rimbaud représentait une entreprise de charité. Et tout à la fin de son article, Bardel implique clairement l'idée que le livre Une saison en enfer consacre la "rupture avec Verlaine", je cite Bardel.
Et pour qu'on pense que la notion de "charité" devient quelque chose d'étrange dans la pensée de Rimbaud, Bardel cite la phrase de la section "Adieu" : "Suis-je trompé, la charité serait-elle soeur de la mort, pour moi ?"
Alors, reprenons.
En juin 1871, la plupart des gens, Bardel compris, pensent que Rimbaud ne connaissait pas encore Verlaine. Ce n'est évidemment pas mon cas, il est clair comme de l'eau de roche que Rimbaud a rencontré Verlaine à Paris entre le 25 mars et le 10 avril, et que c'est à partir de là que s'est préparée sa montée à Paris pour septembre. Mais, dans tous les cas, en juin 1871, Rimbaud n'est pas en phase de rupture avec Verlaine, c'est même l'inverse, Rimbaud aspire à monter à Paris où réside Verlaine. Et Rimbaud parle avec intérêt de Verlaine dans ses courriers à Izambard et Demeny depuis un an déjà (25 août 70, 15 mai 71). En revanche, Rimbaud a adhéré à la Commune qui a été réprimée dans le sang à la toute fin du mois de mai.
C'est dans ce contexte que Rimbaud compose un poème intitulé "Les Soeurs de charité". Pour information, au dix-neuvième siècle, les plaisirs de la vie n'étaient pas les mêmes que de nos jours. Il n'y avait pas le cinéma, la télévision, internet, les jeux vidéo, etc., etc. Aujourd'hui, il n'y a presque personne qui lit des poètes contemporains. Or, au dix-neuvième siècle, il y a plein de revues et de temps en temps le quidam a le bonheur de voir une de ses compositions publiées dans les pages d'un journal, un peu comme ce fut le cas de Rimbaud pour "Les Etrennes des orphelins" ou "Trois baisers". Et justement, des poèmes portant le titre "La Soeur de charité" ou "Les Soeurs de charité", il y en avait plusieurs dans la littérature sans lendemain du dix-neuvième siècle, ce qui fait que pour les références du poème de Rimbaud il nous manque sans doute une synthèse sur cette question, vu qu'on n'a pas de poèmes d'Hugo, Baudelaire, Banville, etc., qui porte le titre "Les Soeurs de charité". C'est un premier souci. Au passage, j'ai découvert des sonnets avec le mot "latente(s)" à la rime dans cette littérature sans lendemain, mais postérieurs de publication au sonnet "Voyelles" de Rimbaud. Mais revenons-en aux "Soeurs de charité".
Il se termine par le vers : "Ô Mort mystérieuse, ô soeur de charité."
Je vérifierai si Bardel a songé quelque part à faire le lien entre ce poème de 71 et la fin du livre Une saison en enfer. J'ai l'impression que non. Dans mon idée, très peu d'écrits rimbaldiens ont fait le rapprochement, et personne n'insiste dessus.
C'est tout de même assez ballot, parce que dans "Vierge folle", quand il est question du problème des femmes, "coeur et beauté sont mis de côté", c'est exactement en phase avec "Credo in unam" : "La Femme ne sait plus être Courtisane" (citation de mémoire) et "Les Soeurs de charité" :
Mais, ô Femme, monceau d'entrailles, pitié douce,
Tu n'es jamais la Soeur de charité, jamais,
Ni regard noir, ni ventre où dort une ombre rousse
Ni doigts légers, ni seins splendidement formés.
Dans ce quatrain, il y a, en plus d'une rime approximative selon moi : "jamais"::"formés", qu'on peut faire passer au bénéfice de réalisations orales particulières, il y a deux enjambements à la césure pour mettre en relief "d'entrailles" et puis "de charité".
Il ne faut pas faire un faux procès à Rimbaud qui répugnerait à la femme laide "porteuse de mamelle" et qui préférerait les jolies femmes suggérées par ses lectures. Ce quatrain parle bien de l'acte où "coeur et beauté" sont "mis de côté". Et c'est effectivement sur ce terrain que se déploie l'idée du nouvel amour rimbaldien, qui est le fameux "Vénus ! c'est en toi que je crois" du poème "Soleil et chair" ou "Credo in unam" et dont je fais un moteur explicatif du sonnet "Voyelles". Bardel qui prétend mieux que tout le monde chercher l'idée de charité rimbaldienne personnalisée n'a jamais cité une seule fois dans sa rubrique "Actualités" un quelconque de mes dizaines d'articles sur "Voyelles". Il n'a même jamais daigné citer les articles qui ont été publiés dans Parade sauvage ou Rimbaud vivant. Il faut dire que tous les rimbaldiens ont fait pareil que lui à ce sujet.
Je me demande si on aura prochainement un article de Bardel sur la "charité" dans Une saison en enfer où il me citera en train d'expliquer le lien aux "Soeurs de charité". Boah, il est tranquille, il suffit de citer un rimbaldien du passé qui l'a déjà fait.
Au passage, vous observerez que ce lien d'Une saison en enfer avec un poème écrit au lendemain de la Semaine sanglante confirme lourdement la nécessité de penser au Rimbaud communard dans la révolte des textes "Mauvais sang", "Nuit de l'enfer" et quelques autres.
Je reviendrai sur les mentions de la charité dans Une saison en enfer au-delà de la prose liminaire. Ce qui m'importe pour l'instant, c'est d'interdire à Bardel d'essayer de lire la prose liminaire comme l'annonce d'une quête d'une forme de charité personnalisée. La prose liminaire parle exclusivement de la charité en tant que vertu théologale, et il n'y a aucun sincérité du poète quand il se tourne vers elle pour deux raisons : d'abord, il la rejette immédiatement, ensuite, le festin n'est qu'un prétexte que le poète se donne pour échapper à la mort.
Bardel essaie ensuite de se servir de la mention "pavots" pour créer une nouvelle zone d'ambiguïtés. Le mot "pavots" renverrait aux "paradis artificiels" et annoncerait certains discours de la section "L'Impossible". Bardel fait du mot "pavots" un véritable cheval de Troie pour essayer de soutenir que les allusions de la prose liminaire sont plus floues qu'il n'y paraît.
Or, dans la prose liminaire, le poète a évacué toute "espérance humaine" et il appelle les fléaux, se bat contre la justice, etc. Loin de vivre dans des paradis artificiels, le poète affiche un sourire idiot devant le printemps et vit dans la boue. On notera par ailleurs que Bardel cite un titre de Baudelaire "paradis artificiels", ce qui montre qu'il est aussi sous l'influence d'une lecture selon laquelle la "Beauté" injuriée au début de la prose liminaire est une référence à Baudelaire, ce qui est un contresens grossier partagé par de nombreux rimbaldiens.
Si Bardel admet enfin que la charité est la vertu théologale, il doit comprendre que les lectures sont erronées qui dissocient la "Beauté" injuriée de la sphère d'une société chrétienne à la charité bien ordonnée. Le texte "Alchimie du verbe" autorise la réflexion esthétique sur l'allégorie de la Beauté, mais il n'y a pas la filiation baudelairienne qu'on prétend.
Et je pourrais m'amuser à citer tous les rimbaldiens qui soutiennent que la "beauté" injuriée vient des poèmes des Fleurs du Mal, parmi lesquels quelques-uns passent pour des gens spécialisés sur Une saison en enfer.
Mais il y a un autre point étrange qui m'amène à citer Bardel au sujet des "pavots", c'est dans la sous-partie "Un réquisitoire général contre le mensonge et l'illusion", titre de sous-partie visiblement influencé par les articles de Claisse, alors que Bardel ne cite jamais Claisse au sujet de ce livre, mais toujours exclusivement au sujet des Illuminations, mais peu importe :
Il a trop pris de ces "pavots", de cet opium que Satan lui a aimablement administrés, c'est-à-dire métaphoriquement de ces contrefaçons à la promesse chrétienne que sont les "paradis artificiels", l'évasion hors du monde, les mysticités romantiques, la pratique raisonnée de l'hallucination, cette porte ouverte sur la folie[.]
C'est un peu déconcertant. Comme dirait le bourgeois gentilhomme, combien Rimbaud explique de choses en un mot. Le mot "pavots" ou mieux le pronom "en" dans "J'en ai trop pris" veut dire tout ça ! Mais surtout, ce qui me fait tiquer, c'est l'idée de "contrefaçons à la promesse chrétienne". Bardel fait entendre une concurrence entre Dieu et Satan au sujet de la notion de charité. Satan en aurait des contrefaçons. Ce n'est pas du tout ce que dit la prose liminaire et on voit très bien que cette nouvelle embrouille permet à Bardel de continuer de faire que Rimbaud cherche sincèrement une idée de la charité.
Alors, je vais être très précis. Non ! Rimbaud se révolte contre la charité chrétienne, et il cherche à pratiquer un toilettage de cette notion. Toutes les fois où la religion semble brimer l'amour, le poète va considérer qu'il faut revoir la notion de charité. C'est la démarche dans "Credo in unam". Il oppose Vénus à la charité. Il y a une autre façon de voir les choses, c'est l'hypocrisie d'une société qui n'a de charitable que les apparences, puisqu'évidemment il y a très peu d'élus. La charité ne s'applique pas aux gens qui sont rejetés par exemple. Et effectivement, à ce moment-là, mais ce n'est pas difficile à lire et à comprendre, le texte de Rimbaud va ironiser en opposant les actes de bonté des non élus au mépris des gens censés être l'expression de la charité. Rimbaud a écrit "Génie" où il donne son contre-modèle à la charité, mais dans Une saison en enfer les mentions de la charité ne sont pas pour évoquer la construction du contre-modèle, mais bien pour mettre en tension la notion chrétienne même.
Il y a aussi un autre point à soulever. La section "Vierge folle" introduit l'idée d'un compagnon d'enfer, quand le poète dans "Mauvais sang" et "Nuit de l'enfer" s'est décrit comme seul, sans un camarade et avec une compagnie des femmes interdite. Bref, la prose liminaire fonctionne pour l'ensemble d'Une saison en enfer, mais il y a le paradoxe du "Drôle de ménage !"
Nous aurons à y revenir lors de prochains articles sur Une saison en enfer.
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