lundi 8 janvier 2018

Voyelles, le mot "tentes" à la rime !

Bonne année 2018 ! Je suis donc de retour chez moi et je propose d'emblée un article majeur sur un point de détail du sonnet "Voyelles".
Les lecteurs de ce blog le savent, le reste de la planète l'ignore, le sonnet "Voyelles" applique la théorie des correspondances sur un mode romantique hugolien à propos de la Commune de Paris. Rimbaud est révolté contre Dieu, mais comment penser la mort des martyrs de la Commune au plan d'une philosophie de la vie ? Dans Credo in unam, Rimbaud reprend des idées grecques, celles de Démocrite et Epicure qui sont les sources du livre de Lucrèce sur la Nature. Ces idées sont déjà travaillées, exhibées, amplifiées par des poètes chrétiens comme Lamartine ou Hugo, sinon Baudelaire qui reste un cas particulier de chrétien, mais elles le sont plus favorablement encore par des écrivains athées, anticléricaux : Leconte de Lisle, plusieurs parnassiens et donc Rimbaud. Le roman  La Faute de l'abbé Mouret de Zola joue la même partition de dénonciation du christianisme par la Nature, même si cela ne va pas sans maladresses désespérantes. Le soleil, force de vie, s'oppose au christianisme. La sexualité est sanctifiée en tant qu'expression de l'amour dans la Nature, et sur ce plan Zola suit de très près et volontairement le modèle hugolien.
La mort ne figurait pas dans Credo in unam. Elle domine dans "Voyelles" avec les images du "A noir", du "I rouge" et du "O bleu". Le A noir incarne l'idée d'une matrice dans la putréfaction, ce qui fait le lien avec l'idée d'un soleil source de vie : "noir corset velu des mouches éclatantes / Qui bombinent autour des puanteurs cruelles, / Golfes d'ombre". Nous retrouvons "bombes" dans "bombinent" et les "puanteurs cruelles" confirment l'idée d'un charnier : l'allusion à la semaine sanglante est patente. L'expression "Golfes d'ombre" a une portée hugolienne évidente. Dans cette atmosphère sombre, quelque chose se recrée. Le "I rouge" offre encore une image martiale avec le choix de la nuance "pourpre", avec le don sanglant "sang craché", avec le défi et la rage dans l'affrontement : "rire des lèvres belles / Dans la colère ou les ivresses pénitentes". L'expression "ivresses pénitentes" associe le "rire des lèvres belles" à la souffrance collective, ce qui exclut la lecture fragmentaire selon laquelle il s'agirait des affectations de jolies bouches féminines dans les jeux de la séduction. Le O bleu développe sur tout un tercet la métaphysique d'un jugement dernier, avec une reprise patente du poème "La Trompette du jugement" de Victor Hugo dans la tournure "Suprême Clairon" qui, par son inversion, sublime l'expression plus neutre "clairon suprême" du poème de La Légende des siècles. Les liens de "Voyelles" à des poèmes portant explicitement sur le martyre communard sont par ailleurs évidents : "bombinent" et les mouches ou diptères ,mais aussi une commune avant-dernière rime "anges"::"étranges" rapproche clairement "Voyelles" des "Mains de Jeanne-Marie"', tandis que "colères", "suprême", "clairon", "strideurs", la postposition de l'adjectif "belles", sinon l'occurrence "silences" sont autant de passerelles avec le poème "Paris se repeuple". Qui plus est, le rapprochement "clairon" et "strideurs" vient d'un poème d'O'Neddy intitulé "Spleen" où l'expression "la strideur des clairons" est associée à la mort dans des combats épiques.
Les réticences à une lecture communarde du sonnet "Voyelles" vont donc porter sur les associations du "E blanc" et du "U vert". Pour le "U vert", notons tout de même l'image qui n'est pas sans lien avec la métaphore du "Bateau ivre" célébrant le peuple communard comme une mer : "vibrements divins des mers virides".
La contestation pour le "U vert" porte sur le lien hétérogène qui rassemble une mer au déchaînement communard à des vieillards studieux et surtout à des troupeaux paisibles dans les pâturages. Cette contestation vient de ce que le lecteur n'a pas saisi l'importance de l'entrelacement des motifs dans "Voyelles", la Commune rejoint Credo in unam. Les lecteurs n'ont également pas compris que la suite "A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu" fait obligatoirement système. Aux cinq voyelles de base de l'alphabet pour le code écrit, vient s'adjoindre tout un système des couleurs où à côté de l'opposition nettement identifiable du blanc et du noir, admise comme telle par les lecteurs visiblement nous avons une trichromie rouge vert bleu qui vient des recherches récentes et capitales de Helmholtz, sachant que la Revue des deux mondes, particulièrement prestigieuse, sinon la plus lue, à l'époque de Rimbaud, en fait inévitablement état des travaux de Helmholtz. Comme on peut constater le capricieux Y majuscule du mot final sur l'autographe, on constate d'ailleurs dans le même dernier vers du sonnet la variation du bleu au violet qui vient de Helmholtz. J'ai découvert sur le tard que l'idée d'une allusion de la variante du bleu au violet de la théorie d'Helmholtz avait été envisagée au passage par Etiemble, lequel n'en a rien fait.
A l'heure actuelle, les rimbaldiens se contentent d'une idée assez pauvre, selon laquelle le rouge, le vert et le bleu ne font pas système ensemble. La suite des couleurs serait ouverte. Non, ce n'est pas acceptable, il est évident que Rimbaud veut signifier que les cinq voyelles couleurs permettent de tout composer en fait de couleurs. C'est l'alpha et l'oméga de la représentation picturale. Il expose les cinq éléments primordiaux qui expliquent le monde. Je suis assez surpris de constater que les gens puissent se poser la question, alors que c'est une évidence explicite du propos démiurgique tenu dans les deux premiers vers de "Voyelles". La référence aux travaux d'Helmholtz est d'époque et révèle un Rimbaud qui connaît l'actualité scientifique de son temps.
Observons d'ailleurs que Rimbaud s'est ingénié à montrer que le noir et le blanc formaient un système qui coopérait avec le début du vers 5 au début du second quatrain, puisque, grâce à un rejet entre deux strophes, l'image du "A noir" se décline en image du "E blanc" dans le corps même d'un hémistiche, avec même une subtile séquence entre l'élision du "e" final du mot "ombre" et l'expression sonore de la voyelle majuscule : "Golfes d'ombre, E candeurs". Nous sommes bien dans un procédé patent de retournement.
Ces antithèses sont largement exploités par Hugo qui donnent par dizaines de vers l'idée métaphorique d'une ombre qui se sublime en devenant lumière.
Le terme "candeur" par son étymologie latine renvoie à la couleur blanche, mais il a aussi une importante connotation religieuse avec laquelle joue Rimbaud, et pas seulement dans "Voyelles". Qu'il suffise de citer les "candeurs plus candides que les Maries" de "Ce qu'on dit au Poète à propos de fleurs". La raillerie anticléricale que suppose l'emploi du mot "candeurs" dans "Voyelles" de Rimbaud se retrouve chez Zola pour un ou deux emplois similaires dans La Faute de l'abbé Mouret.
Rappelons maintenant les associations du "E blanc" dans "Voyelles" : "E, candeurs des vapeurs et des tentes, / Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles".
Le manuscrit de la main de Verlaine comporte quelques variantes : "rais blancs" et non "rois blancs", mais il s'agit d'une probable coquille de Verlaine pour "rois blancs", coquille tout de même significative, puisque Verlaine avait compris qu'il était question de la lumière et non de "rois" en tant que tels. La variante importante vient de la répétition du mot "frissons": "frissons des vapeurs et des tentes" et "frissons d'ombelles".
Le mot "frissons" est un cliché de la poésie de la Nature chez les romantiques : les vers d'Hugo viennent les premiers en tête, mais Lamartine et tant d'autres font cortège, jusqu'au Rimbaud de Credo in unam. Et je m'intéressais ainsi, malgré sa maladresse sensible, à la répétition "frissons" d'un vers sur l'autre dans la version de "Voyelles" recopiée par Verlaine : "frissons des candeurs et des tentes", "frissons d'ombelles", avec l'idée d'une analogie entre le monde à dimension humaine et le monde floral miniature pour ainsi dire, analogie assez classique.
Le mot "candeurs" est un équivalent évident du mot "frissons". Le sensuel "frissons" provoque déjà les ires des défenseurs de la religion, le mot "candeurs" sent donc lui la provocation. "Frissons" et "Candeurs" personnifient la Nature et lui confèrent tout le mystère religieux. Le mot "vapeurs" confirme que "frissons" et "candeurs" sont bien employés là dans une volonté d'expression de la religiosité païenne, animiste oserais-je dire ici. Dans un tel cadre, il est aisé d'identifier l'éclat majestueux de la neige dans le choix de l'expression "Lances des glaciers fiers" pour caractériser l'idée d'un "E blanc". Les rimbaldiens ont souvent cru devoir lire le nom "rois" dans un sens littéral : il s'agirait d'émirs enturbannés selon Etiemble et plusieurs commentaires qui le suivent. Mais Rimbaud n'a aucune admiration pour les seigneurs, fussent-ils exotiques ! Hugo pouvait célébrer le grand seigneur oriental comme il célébrait Napoléon Premier ou un seigneur féodal d'une chanson de geste, mais Rimbaud est un poète communard étranger à ce type de célébration. Il est assez évident, d'autant que la métaphore de la royauté concerne le poème en prose de ce nom, mais aussi Credo in unam, que l'expression "rois blancs" célèbre une royauté naturelle par l'éclat lumineux. J'ai plaidé assez logiquement pour une apposition de "rois blancs" aux "glaciers fiers". On peut éventuellement disséminer l'image des splendeurs éclatantes entre les grands "glaciers fiers" élancés et les petites "ombelles"'. Il est par ailleurs très clair que Rimbaud a pratiqué un bouclage des vers 5 et 6 de "Golfes d'ombre, E candeurs" à "frissons d'ombelles", puisque, et les rimbaldiens le disent même mécaniquement, "ombelles" reconduit quelque peu la présence du mot "ombre" dans son attaque phonétique, fait confirmé par un jeu semblable sur les mêmes mots dans le poème "Mémoire". Il ne saurait être discuté qu'après la matrice dans la putréfaction du noir nous avons le jour de pureté et majesté du blanc, mais avec un croisement des motifs, puisque comme Hugo Rimbaud nous fait entendre que les antithèses ne sont pas tranchées : la vie est déjà dans le "A noir" et la mort perce encore dans le "E blanc" avec ses "ombelles". Et le mot "tentes" confirme l'idée puisque les tentes protègent quelque peu de la violente lumière solaire.
Or, c'est ici que la lecture de "Voyelles" doit achever de progresser de manière décisive. Le mot "tentes", s'il est lu au sens littéral, pose un problème de compréhension, parce qu'il fixe un mode d'habitat humain qui apporte de la complexité au poème. En fait, j'ignore pourquoi je n'y ai pas pensé plus tôt, peut-être parce que les poèmes développaient encore peu la métaphore. Mais en lisant La Faute de l'abbé Mouret, je rencontre des emplois métaphoriques des mots "voûte" et "tentes" appliqués à la végétation du "Paradou" dans lequel sont immergés Serge et Albine. Il est devenu brutalement évident pour moi que le mot "tentes" est métaphorique dans "Voyelles". Les "frissons" et les "candeurs" évoquent la lumière qui se répand à la cime des végétaux, un peu comme il en est explicitement question dans "Aube" : "à la cime argentée je reconnus la déesse".
Une fois fait ce constat, il n'existe plus aucune difficulté à la lecture lucrécienne du "E blanc", plus aucune.
Je suppose que les lecteurs attendront encore un complément d'information pour le "U vert", mais pour le reste du sonnet, les deux premiers vers compris, il n'y a plus la moindre difficulté de lecture communarde et lucrécienne (j'évite volontairement de dire épicurienne, à cause des équivoques et à cause des antériorités de Démocrite).
Cette idée de tentes en toile blanche me posait problème. Je pense qu'elle posait problème à tous ceux qui ont un tant soit peu d'intuition de la poésie. Là, l'explication est lumineuse, c'est le cas de le dire. Je suis heureux comme jamais, on voit encore une fois que depuis 2003 je ne me suis pas trompé sur "Voyelles". Seul le mot "tentes" posait problème, car les associations du "U vert" ne posent pas les mêmes problèmes de compréhension. C'est même parce que j'ai élucidé la compréhension métaphorique du mot "tentes" que certains lecteurs vont peut-être enfin admettre que le "U vert" ne doit pas être à tout prix saturé de références à la Commune, car ce n'est pas exactement le propos du poème malgré tout. Le propos du poème, il est sur la vie et la mort, de façon à rendre interprétable dignement le martyre communard. C'est ça que les gens intelligents doivent comprendre.



3 commentaires:

  1. Il faut comme d'habitude bien prendre la mesure de la mise au point. Le mot "tentes" n'est accompagné d'aucun verbe, d'aucun adjectif, d'aucun complément du nom, d'aucune subordonnée relative, il est nu dans le poème "et des tentes". C'est le complément du nom "frissons" ou du nom "candeurs" selon les versions connues du poème. Il n'est pas articulé dans une proposition verbale qui précise son sens. Les autres images du poème ne précisent pas ce mot. Le réflexe est de prendre le mot tel qu'il est. Or, non, il est une métaphore de la couverture végétale qui peut nous surplomber. Au minimum, dans les autres images du poèmes, celles au moins du E blanc délimitent un contexte de frissons ou candeurs de vapeurs et d'ombelles avec en regard la majesté des glaciers fiers. Vapeurs, ombelles, glaciers fiers, plus frissons, favorisent l'interprétation métaphorique de "tentes". Et, le bouclage noir/blanc confirme l'idée métaphorique, le A noir avec les golfes d'ombre, c'est déjà l'idée de la tente. Du début à la fin du vers 5, nous allons de la tente vue pour le A noir à la tente vue pour le E blanc. L'ombre est dans le golfe, le blanc atteint l'enveloppe de la matrice, les tentes, et le I rouge est un éclat de fruit avec son "sang craché", ce qui rejoint en partie les intuitions de rapprochement déjà proposées entre "Tête de faune" et "Voyelles" à cause du rire sanglant sous la feuillée, mais sans basculer pour autant dans une lecture spécifiquement érotique, puisque cette fois le fruit qui éclate est le rire et la colère d'une vie non limitée à la sexualité. Ce mot "tentes" me gênait, car il impliquait des théories sur les premiers âges, sur l'humilité qui ne convenaient pas selon moi au poème. La lecture métaphorique m'a échappé alors que j'avais tout pour m'en saisir. Il faut dire que l'importance accordée aux sources limitait l'esprit d'initiative. Là, je ne cesse de m'émerveiller de ma lecture de "Voyelles" depuis que j'ai résolu par métaphore la présence du mot "tentes". Je sais, je parle dans le vide, comme Nietzsche je devrais m'inventer des génies pour échanger avec des personnes aux capacités intellectuelles normales et aux désirs normaux, parce que là ce monde-ci je n'en attends rien, mais rien...

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  2. En principe, l'édition annotée de référence c'est donc les oeuvres complètes de Rimbaud dans la collection de la Pléiade par André Guyaux en 2009. Les autres éditions de références sont d'ailleurs toutes antérieures à l'année 2000 (GF Steinmetz de 89, refonte en un volume qu'on peut dire non actualisée ou peu s'en faut, Livre de poche Brunel 98-99, éditions plus anciennes encore de Forestier en Poésie Gallimard, Folio ou en collection Bouquins, une révision 2004 que je n'ai pas, mais révisée à quel point ?). Bref ! Il y a cinq pages de notes dans la Pléiade 2009, pages 873 à 877. Ma lecture de 2003 n'est pas évoquée. Le paragraphe de commentaire de la page 873 compare les deux versions manuscrites, notammment la ponctuation, en prêtant une initiative pour le sens à Verlaine en ce qui concerne la ponctuation et l'accentuation d'un "O", ce qui ne me convainc pas du tout. Après un second paragraphe sur l'allusion au sonnet dans la Saison, trois paragraphes page 174 parlent de la publication du sonnet dans Les Poètes maudits et de son influence sur René Ghil avec la thèse de l'audition colorée. S'appuyant sur l'ouvrage acerbe d'Etiemble pour démolir les interprétations, ce qui est plus facile que de donner sa propre interprétation, n'est-ce pas Etiemble?, Guyaux propos à partir de la page 875 deux grandes hypothèses interprétatives à considérer comme dominant le discours critique sur le poème.
    La première est celle d'une "chose vue", d'un alphabet coloré pour enfants. Comme si les images du poème avaient quelque chose de tirer d'un ouvrage pour enfants !? La lecture érotique de Faurisson est englobée dans ce premier champ de la "chose vue", non pas comme alphabet coloré, mais dans la mesure où Faurisson a poursuivi sur l'idée d'une suggestion d'images causée par la forme des lettres, sauf que c'était ridicule en diable : le "I" doit être couché pour ressembler à des lèvres, le E pareil pour ressembler à des seins, le A doit être mis à l'envers pour correspondre à un pubis, le O doit être redoublé pour correspondre aux yeux, le U doit lui aussi être à l'envers pour correspondre à une chevelure. Jusqu'à plus ample informé, quand on s'inspire de la forme d'une lettre, ben on la considère à l'endroit. Rimbaud serait super minable si, uno, il n'était pas capable de les envisager à l'endroit, pas une seule d'après la thèse défendue, et si, deuxio, il n'était pas foutu d'indiquer malicieusement dans son poème que la forme des lettres peut s'envisager à l'envers, tourné à 90°, etc. Car le lecteur ne pourra trouver que tarabiscotée la solution proposée. La seconde hypothèse est plus sérieuse, le poème se fonde bien sur un principe de synesthésie, de correspondances entre les voyelles et les couleurs, il le déclare explicitement en fait. Le problème, c'est qu'il existe plusieurs déclinaisons de l'idée et que beaucoup confondent l'approche du poète pour faire esthétique avec un projet métaphysique pris au sérieux. L'ironie, c'est que du coup les critiques, raisonnablement frileux quant aux lectures savourant l'hermétisme, vont rejeter les allusions à l'hermétisme dans le poème (je considère même qu'il est assez inutile d'opposer "voyant" à un mot "voyance" que Rimbaud n'a jamais utilisé). Pythagore, ça n'existe pas chez les gens sérieux, ni chez Kepler, ni chez les poètes. Je trouve ça un peu étrange cette peur d'être taxé de mysticisme parce qu'on cite des théories hermétiques culturelles répandues. Autre problème, le poème serait une moquerie contre ce qu'il semble afficher, cet hermétisme culturel. A ce compte-là, qu'il est facile d'écrire des poèmes géniaux. Prendre un air inspiré pour des théories à la mode et laisser entendre qu'on écrit cela pour jouir de s'en moquer.

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    1. (suite)
      Moi, ma lecture elle est une lecture des mots du poème : "noir corset velu des mouches éclatantes qui bombinent autour des puanteurs cruelles", je vois un champ de morts dégageant des odeurs atroces et des myriades de mouches qui brillent sur ces corps en putréfaction. Je vois l'amour des mouches pour ces corps et je suppose que la mort se retourne en oeuvre de vie. Je vois bien que "golfes d'ombre" suppose une gestation dans une quasi enveloppe. Il n'y a pas besoin d'érudition herméneutique pour comprendre, aucun occultisme ne vient à la rescousse pour la lecture. Et n'étant pas structuraliste, j'ai encore le cerveau qui sait se dire que Rimbaud écrit cela à moins d'un an de la semaine sanglante. Je lis "Lances des glaciers fiers" et "frissons d'ombelles", ça va, je vois où le texte veut en venir, je comprends la dialectique du noir et du blanc. Le "I rouge", je lis "sang craché", je ne me dis pas que le poète parle d'un tuberculeux ou qu'il est question d'un érotisme sadique du désirable lèvre ensanglanté, je suis plus premier, je me dis "le sang gigle et c'est même volontaire, il est craché", on veut cracher son sang. Ma lecture est première et quand on voit mes conclusions on n'a pas le ramassis d'incohérences, de discours vagues, sans nerf, qui s'étale dans les annotations des oeuvres de Rimbaud.

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