Un prochain article suivra sur l'interprétation du poème "Les Corbeaux". Nous commençons par une mise au point en ce qui concerne la datation de ce poème.
En 1999, Steve Murphy a publié une importante édition philologique des poèmes en vers d'Arthur Rimbaud. Il s'agit du tome I Poésies des Œuvres complètes d'Arthur Rimbaud chez Honoré Champion. Les poèmes de Rimbaud sont distribués en cinq ensembles quasi chronologiques : I Poésies 1869-1870, II Poésies fin 1870-début 1872, III Poèmes zutiques et para-zutiques (fin 1871-début 1872 ?), IV Poésies 1872-1873 (?) V Appendices.
Je dis quasi chronologique à cause des appendices, mais aussi à cause de la section zutique et para-zutique qui en toute rigueur devrait être intégrée au second ensemble.
Dans chaque ensemble, du moins dans les premier, second et quatrième, nous avons une subdivision entre les poèmes datés et les poèmes non datés. Les poèmes admis comme datés sont distribués dans un ordre chronologique, puis les poèmes non datés dans l'ordre alphabétique des titres ou incipit.
Cela semble une approche rigoureusement neutre. Notons toutefois que les datations ne sont pas toutes du même ordre. Les dates peuvent correspondre à une publication dans la presse (Les Étrennes des orphelins, Trois baisers, Les Corbeaux), ou bien à l'envoi d'une lettre ou bien encore à une datation qui accompagne une transcription du poème, et dans ce dernier cas nous constatons deux phénomènes dérangeants : d'une part, certaines datations ont l'air d'être symboliques, en particulier dans le cas du sonnet "Morts de Quatre-vingt-douze...", d'autre part deux versions manuscrites de "Sensation" se contredisent ("20 Avril 1870" et "Mars 1870") et nous rappellent que le poète ne résiste pas à certains mensonges coquets sur la date réelle de composition des poèmes. Le même problème se pose pour le poème "Le Cœur volé" dont la version "Le Cœur du pitre" datée de "Juin 1871" dans une lettre à Demeny est contredite par la version "Le Cœur supplicié" envoyée à Izambard dans une lettre du 13 mai 1871. Il nous faut de toute façon traiter avec ces données, qu'elles soient fiables à 100% ou non, et il faut avouer que les cas problématiques sont peu nombreux pour le classement approximatif des poèmes.
Le poème "Morts de Quatre-vingt-douze..." est le plus délicat à traiter pour le premier ensemble. Pour trois raisons, la version qui nous est parvenue semble la reprise d'un état plus ancien et inconnu du texte. En effet, Izambard a prétendu avoir eu connaissance d'une version intitulée "Aux morts de Valmy" au moment de la déclaration de guerre à la Prusse et, solidairement à ce témoignage, le poème est précédé d'une épigraphe tirée de la presse, il s'agit d'un extrait, cité approximativement mais cité tout de même, d'un article de Paul de Cassagnac paru dans le journal Le Pays le 16 juillet 1870. Enfin, la date qui figure sur le manuscrit "fait à Mazas, le 3 septembre 1870" a un côté symbolique en évoquant une incarcération d'un opposant à l'Empire au moment de sa chute et la veille de la proclamation émancipatrice de la République, mais, ce symbole rejoignant un fait biographique réel, force est de considérer que Rimbaud n'a ni pu lire un vieux journal du 16 juillet en prison, ni écrire commodément avec une plume et du papier qui lui auraient été gracieusement fournis pour passer le temps dans sa cellule. Reste à déterminer si Rimbaud a quitté la prison de Mazas, en récupérant ses manuscrits, ce qui lui aurait permis de recopier une part importante de ses poèmes et de les remettre à Demeny, ou si l'ensemble complet des manuscrits de poèmes de 1870 n'a été remis à Demeny que lors du second séjour à Douai en octobre. J'ai toujours opté pour une transmission sur deux séjours. Peu importe ici.
Un autre cas problématique vient du poème "Paris se repeuple" dont aucun manuscrit ne nous est parvenu. Verlaine le considère comme écrit après la Semaine sanglante et il a été publié avec une mention datée "Mai 1871", mais cette datation a de fortes chances d'être symbolique. Le contenu du poème qui parle de repeuplement et de "niches de planches" pour cacher les dégâts invite à penser qu'il ne peut dater au plus tôt que du mois de juin 1871. D'autres indices peuvent même laisser penser qu'il a été composé tardivement à Paris, peut-être au début de l'année 1872, car il offre des liens intertextuels étroits avec le sonnet "Voyelles" et surtout il existe visiblement une concurrence entre au moins deux versions du poème n'ayant pas le même nombre de quatrains, alors que si le poème date du mois de mai il n'a aucune raison de varier dans les versions manuscrites ayant circulé à Paris.
Un problème similaire se pose pour les deux derniers quintils du poème "L'Homme juste". Le poème date de juillet 1871, il a sans doute été remanié à Paris, vu le contraste de l'unique quintil qui nous soit parvenu en fonction de deux états manuscrits différents, mais surtout les deux derniers quintils sont un ajout tardif probable de l'année 1872.
Jusque-là, le travail de Murphy est irréprochable, il s'est adapté aux difficultés et il en a tenu compte. En revanche, il n'en va pas de même pour le quatrième ensemble qui contient, à l'exception de "Tête de faune", l'ensemble des poèmes en vers irréguliers de Rimbaud. Dans cet ensemble, Murphy a placé deux poèmes en vers réguliers : le dizain "L'Enfant qui ramassa les balles..." et le poème "Les Corbeaux".
Pour le dizain, il n'était pas encore connu à l'époque de cette édition philologique que le manuscrit, bien que de la main de Rimbaud, était signé "P. V.". Depuis que ce fait est connu, force est d'admettre que le témoignage de Félix Régamey était juste. Verlaine lui avait fait don de deux dizains, dont l'un fut recopié par Rimbaud. Il est évident que la signature "P. V." en fait foi et qu'elle n'a rien d'une imposture délibérée soit de Rimbaud, soit de Régamey. Sur ce point, il faudra donc corriger l'édition philologique de Murphy : le dizain "L'Enfant qui ramassa les balles..." fait partie de l’œuvre de Verlaine, pas de celle de Rimbaud. Il n'est pas question d'autoriser un débat à ce sujet, sous prétexte qu'une conviction s'était formée auparavant sur l'attribution de ce faux Coppée. Si analyse philologique il y a, la signature "P. V." est l'argument ultime à prendre en considération, n'en déplaise aux éditeurs des poésies de Rimbaud qui voudraient en faire fi.
Pour le poème "Les Corbeaux", Steve Murphy s'appuie sur la publication dans la revue La Renaissance littéraire et artistique le 14 septembre 1872. Nous pourrions considérer que c'est le principe de classement qui a servi pour "Trois baisers" ou "Les Étrennes des orphelins". Le problème, c'est que dans ces deux premiers cas cela ne portait pas à conséquence. Nous avons le premier poème en vers français connus de Rimbaud à la fin de l'année 1869, avec un sujet de circonstance au moment de sa publication, et nous avons un poème publié en août 1870 dans la revue La Charge que nous pouvons considérer comme une composition assez récente au moment de sa publication. En revanche, le poème "Les Corbeaux" posent d'autres difficultés. Rimbaud conchie le journal La Renaissance littéraire et artistique dans une lettre à Delahaye de juin 1872, ce qui témoigne d'une certaine frustration. Peu après, Rimbaud quitte Paris en compagnie de Verlaine pour la Belgique et, loin de revenir en France, les deux poètes s'embarquent pour l'Angleterre le 7 septembre. Le poème est publié dans la revue parisienne maudite en juin le 14 septembre, alors que les deux poètes ont fugué depuis deux mois, et que, comme l'indique la correspondance de Verlaine, aucun numéro de la revue ne leur parvient plus. Lorsqu'il témoignera, Verlaine dira clairement que le poème "Les Corbeaux" a été publié à l'insu de Rimbaud. Cela ne veut sans doute pas dire que le manuscrit n'avait pas été remis à des fins de publication, mais cela signifie clairement que le poème a été publié sans que Rimbaud ne s'y attende dans le numéro du 14 septembre 1872.
Pour le poème "Les Corbeaux", Steve Murphy s'appuie sur la publication dans la revue La Renaissance littéraire et artistique le 14 septembre 1872. Nous pourrions considérer que c'est le principe de classement qui a servi pour "Trois baisers" ou "Les Étrennes des orphelins". Le problème, c'est que dans ces deux premiers cas cela ne portait pas à conséquence. Nous avons le premier poème en vers français connus de Rimbaud à la fin de l'année 1869, avec un sujet de circonstance au moment de sa publication, et nous avons un poème publié en août 1870 dans la revue La Charge que nous pouvons considérer comme une composition assez récente au moment de sa publication. En revanche, le poème "Les Corbeaux" posent d'autres difficultés. Rimbaud conchie le journal La Renaissance littéraire et artistique dans une lettre à Delahaye de juin 1872, ce qui témoigne d'une certaine frustration. Peu après, Rimbaud quitte Paris en compagnie de Verlaine pour la Belgique et, loin de revenir en France, les deux poètes s'embarquent pour l'Angleterre le 7 septembre. Le poème est publié dans la revue parisienne maudite en juin le 14 septembre, alors que les deux poètes ont fugué depuis deux mois, et que, comme l'indique la correspondance de Verlaine, aucun numéro de la revue ne leur parvient plus. Lorsqu'il témoignera, Verlaine dira clairement que le poème "Les Corbeaux" a été publié à l'insu de Rimbaud. Cela ne veut sans doute pas dire que le manuscrit n'avait pas été remis à des fins de publication, mais cela signifie clairement que le poème a été publié sans que Rimbaud ne s'y attende dans le numéro du 14 septembre 1872.
Or, beaucoup de rimbaldiens mettent en doute la parole de Verlaine, et c'est le cas de Steve Murphy qui écrit, page 802, de son édition : "Selon Verlaine, le poème a été publié à l'insu de Rimbaud et cette explication a été admise par beaucoup d'éditeurs. P. Berrichon a supposé le contraire et il a peut-être eu raison[.]" Et, après cette concession aux, selon moi, peu probables dons de clairvoyance du beau-frère posthume et farfelu de Rimbaud, Murphy ajoute plus bas sur la même page : "Si l'on s'empresse généralement de mettre en doute l'hypothèse de la coïncidence approximative entre le moment de la publication et la période de composition du poème, c'est en se fondant sur des arguments intertextuels, stylistiques, thématiques et biographiques", pour non pas adhérer à ses appuis solides, mais pour les remettre en cause aux pages 803, 804 et 805 de son ouvrage, car Murphy émet une hypothèse qu'aucun document n'engage selon laquelle Rimbaud a fait exprès de composer un poème en vers réguliers afin d'être sûr d'être publié dans la revue. Murphy minimise encore que Verlaine et Rimbaud soient à Londres, fuyant précisément, même si pas seulement, le milieu des poètes parisiens. Rimbaud aurait composé son poème en Belgique ou en Angleterre et aurait envoyé son manuscrit par la poste, alors qu'en juin il n'avait pas que renoncé à l'espoir de publier dans cette revue, mais à l'envie même d'y figurer, puisqu'il invitait Delahaye à la mépriser avec lui. A rebours de ce qui est pour nous nettement le plus vraisemblable, Murphy écrit donc que : "Il paraît probable que Rimbaud a souhaité publier ce poème dans La Renaissance littéraire et artistique, contrairement à ce qu'indique Verlaine, et ce n'est pas le fait de se trouver en Angleterre qui aurait empêché Rimbaud de communiquer par lettre le poème à la revue, s'il ne l'avait pas donné à Blémont ou Valade avant son départ." Et nous avons droit alors à la citation de Berrichon censée en imposer : "Une revue parnassienne n'eût pas accepté la Rivière de Cassis. Rimbaud, pour complaire, se vit obligé de rimer les Corbeaux." La contradiction jure pourtant dans ses lignes entre l'hypothèse "n'eût pas accepté" et l'expression saturée d'une connaissance intime de la situation "se vit obligé". Ces deux formes verbales sont plus que mal appariées.
Outre que dans la lettre datée de "jumphe 72", Rimbaud invitait Delahaye à "chier" sur cette revue si un exemplaire lui passait entre les mains, le 14 septembre 1872, Steve Murphy tout anglais qu'il est n'était pas là pour témoigner, puisqu'il n'était pas né. Berrichon et Delahaye n'étaient pas non plus en Angleterre avec Rimbaud, mais Verlaine lui y était. Or, d'un côté, la correspondance de Verlaine qui nous est parvenue pour les mois de septembre-octobre 1872 ne fait aucun état de cette publication, Verlaine évoquant même plutôt sa simple difficulté à recevoir ses numéros d'abonnement, et d'un autre côté, Verlaine, le seul témoin direct, a, qu'on le veuille non et sans qu'aucune intention cachée ne puisse lui être imputé, déclaré que cette publication s'était faite "à l'insu de Rimbaud".
En clair, à cause de la notice qui accompagne le classement du poème dans cette édition philologique, le fait de placer ce poème comme daté de septembre 1872 était partisan en 1999.
Reprenons les faits en remontant dans le temps. Rimbaud et Verlaine sont partis de Paris le 7 juillet 1872, ce qui rend invraisemblable une composition dans les soixante-neuf jours qui ont précédé la publication. La lettre de "jumphe 72" fait état d'un conflit entre Rimbaud et la direction de la revue, ce qui nous amène à considérer que le don du manuscrit ne date pas non plus du mois de juin. Rimbaud est revenu discrètement à Paris au début du mois de mai 1872, mais parce qu'il en a été éloigné en mars-avril 1872, sa mauvaise réputation désormais étant faite. L'incident Carjat au dîner des Vilains Bonshommes semble dater du 2 mars 1872, dernier mois d'hiver, puisqu'il est question d'un "hiver" actualisé dans "Les Corbeaux".
Selon toute vraisemblance, Rimbaud a dû remettre son poème à la revue à des fins de publication soit en février-mars 1872, et je n'exclus pas des découvertes intertextuelles à venir datées de février ou mars 1872, vu que le poème a vraiment l'air d'être une réaction liée à l'actualité, soit en mai 1872 à son retour à Paris, même si je trouve cela déjà moins probable.
Rappelons qu'un poème des futures Romances sans paroles de Verlaine a été publié au début du mois de mai au moment où Rimbaud revient à Paris, et il a été publié dans l'un des premiers numéros de la revue dont on peut supposer qu'en prévision de son lancement en avril elle avait rassemblé du matériel.
Au mois de mai, Verlaine a pu être publié pour plusieurs raisons. C'est un poète parnassien qui a déjà des recueils à son actif, il est resté à Paris, tandis que Rimbaud était absent jusqu'au début du mois d'août et devait ensuite passer pour éloigné de la ville auprès de la belle-famille de Verlaine. A cela s'ajoute l'idée que l'incident Carjat a dû inviter l'équipe dirigeante de la revue à une relative prudence, à savoir attendre quelques mois que les passions dans le milieu des Vilains Bonshommes se calment avant de publier un poème de Rimbaud. Frustré de ne pas être encore publié en juin, Rimbaud négligeait probablement ses torts en société et s'il a été publié en septembre c'est que son écrit à Delahaye était bien de l'ordre de la frustration et non de l'ordre d'une dispute ouverte et déclarée avec les rédacteurs de la revue, ce que confirmerait assez la correspondance d'époque de Verlaine avec Blémont; puisqu'elle est pacifique.
Au mois de mai, Verlaine a pu être publié pour plusieurs raisons. C'est un poète parnassien qui a déjà des recueils à son actif, il est resté à Paris, tandis que Rimbaud était absent jusqu'au début du mois d'août et devait ensuite passer pour éloigné de la ville auprès de la belle-famille de Verlaine. A cela s'ajoute l'idée que l'incident Carjat a dû inviter l'équipe dirigeante de la revue à une relative prudence, à savoir attendre quelques mois que les passions dans le milieu des Vilains Bonshommes se calment avant de publier un poème de Rimbaud. Frustré de ne pas être encore publié en juin, Rimbaud négligeait probablement ses torts en société et s'il a été publié en septembre c'est que son écrit à Delahaye était bien de l'ordre de la frustration et non de l'ordre d'une dispute ouverte et déclarée avec les rédacteurs de la revue, ce que confirmerait assez la correspondance d'époque de Verlaine avec Blémont; puisqu'elle est pacifique.
Nous constatons qu'un poème "Oraison du soir" a été remis à Valade et un manuscrit autographe meilleur que la copie Verlaine était possédé par Blémont qui l'a déposé dans sa "Maison de la Poésie" au premier tiers du vingtième siècle environ.
Il existe des énigmes. Pourquoi "Oraison du soir" chez Valade et "Voyelles" du côté de Blémont ? Les deux manuscrits n'étaient-ils pas joints au départ, voire joints aux "Corbeaux" ? A-t-on retrouvé tous les manuscrits rimbaldiens du côté de Blémont et Valade ? Les trois poèmes avaient-ils été remis ainsi à des fins de publication ? Cela n'est pas envisageable pour le scatologique "Oraison du soir", ce qui expliquerait la distribution finale entre Blémont et Valade. Seul "Voyelles" pouvait être publié, après "Les Corbeaux", mais Blémont n'a pas donné suite apparemment. Pour quelles raisons : faute de feu vert, lettre de reproche de Rimbaud après la publication des "Corbeaux", etc. ? Nous n'en savons rien. Remarquons tout de même que les sonnets "Oraison du soir" et "Voyelles" datent éventuellement de la toute fin de l'année 1871, et plus probablement des tout premiers mois de l'année 1872, ce qui a l'intérêt encore une fois de plaider pour une datation ancienne des "Corbeaux" : janvier, février ou mars 1872 ! Cela permet aussi de considérer que le poème "Les Corbeaux" a des rimes et des octosyllabes réguliers, avec juste une excentricité de strophe, un schéma retourné des rimes de sizain, parce qu'il correspond à une époque précise des pratiques de Rimbaud. Or, nous avons un lien intertextuel par les rimes entre "Les Corbeaux" et "Le Bateau ivre" : "crépuscule embaumé" pour "soir charmé", "papillon de mai" face à "fauvettes de mai" et un écho complémentaire entre "Mât perdu" et "bateau perdu". Sachant que le poème "Le Bateau ivre" a dû être composé à Paris soit à la fin de l'année 1871, soit au début de l'année 1872, contrairement à la légende de sa récitation au dîner des Vilains Bonshommes du 30 septembre 1871 qu'aucun témoignage n'appuie, pas même celui du réputé peu fiable Delahaye qui suppose juste sans autre raison que sa propre mise en valeur de témoin que le poème a été composé avant la montée à Paris, sachant cela donc, nous pouvons considérer que nous avons un nouvel argument très fort pour dire que "Le Bateau ivre" et "Les Corbeaux", où il est à chaque fois question de la mention "hiver", ont été composés durant l'hiver 1871-1872. Jacques Bienvenu, dans un article où il a travaillé sur des poèmes d'Hugo parus dans Le Rappel dont nous avions nous-même signalé qu'ils n'avaient pas encore été exploités par la critique rimbaldienne, a fait remarquer précisément que la mention "l'autre hiver" du "Bateau ivre" laissait supposer que le poème était composé par conséquent en hiver et évoquait la fin de l'hiver précédent dans lequel a débuté l'insurrection communaliste le 18 mars. C'est de manière similaire que dans la mention "morts d'avant-hier", les rimbaldiens considèrent depuis longtemps qu'il y a une allusion aux morts de la guerre franco-prussienne qui ménage exprès l'idée de morts d'hier plus récents lors de la semaine sanglante. Là encore, nous observons une même forme d'allusion chronologique dans "Le Bateau ivre" et "Les Corbeaux" : "l'autre hivier" et "morts d'avant-hier". Cela fait beaucoup de rapprochements et points convergents (nous n'avons même pas donné tous nos arguments), et cela permet de considérer que "Les Corbeaux" est à l'évidence une composition des premiers mois de l'année 1872.
Prochainement, une confrontation des lectures du poème "Les Corbeaux".
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