Dans le rapport de police, suite à l'arrestation de Verlaine en juillet 1873, nous découvrons un jugement littéraire étonnant au sujet de Rimbaud. L'agent salue le fait que notre poète possède la "mécanique des vers comme personne", tout en précisant ensuite que cette œuvre est soit illisible, soit repoussante pour le reste. Ce jugement, l'officier ne l'a pas formé à la lecture attentive de poèmes de Rimbaud qu'il aurait pu saisir. C'est plutôt un sonnet inversé de Verlaine qui a fait partie du dossier. Aucun manuscrit inédit d'un poème de Rimbaud ne nous est parvenu via la justice belge. En réalité, l'agent de police rapporte le contenu du message d'un informateur qui, visiblement, s'est renseigné auprès du milieu parisien qu'a fréquenté Rimbaud. Charles de Sivry serait un bon candidat. Mais ce qui a retenu l'attention, c'est l'emploi du terme "mécanique", métaphore perçue comme audacieuse. En gros, ce jugement serait pertinent dans la mesure où effectivement Rimbaud s'est posé des questions sur la versification qu'il a poussées plus loin que quiconque, mais il aurait une grossièreté de béotien. Toutefois, ce jugement concerne sans doute plus sûrement la maîtrise du vers de 1871 que les expériences provocatrices de dérèglement du vers de 1872. Enfin, ce mot "mécanique", il vient de Banville. La publication du Petit traité de poésie française était récente. Jacques Bienvenu a montré que le texte en a été publié avant l'édition en volume de 1872 qui sert de référence et que cela n'est certainement pas innocent quant à l'évolution des rimes de Rimbaud dès le début de l'année 1871 avec les lettres dites "du voyant". Ce traité s'est diffusé en 1872 dans le milieu parisien, au moment même où Rimbaud conteste les règles. Et justement, le second chapitre porte le titre suivant : "Règles mécaniques des vers". Ce rapport de police nous fait entendre qu'il a été question de ce traité dans les discussions des zutistes et Vilains Bonshommes autour de Rimbaud.
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