vendredi 20 octobre 2023

Le concept d'un recueil des "Cahiers de Douai" au programme du bac de français

Les poèmes rimbaldiens remis à Paul Demeny en 1870 sont portés au programme de l'épreuve du baccalauréat de français pour l'année scolaire en cours 2023-2024. Ils le sont sous la dénomination apocryphe, erronée et trompeuse de "Cahiers de Douai". Je n'ai pas consulté pour l'instant le bulletin officiel, mais les publications parascolaires publient l'ensemble sous ce titre et nous avons droit également à une édition en Garnier-Flammarion par Jean-Luc Steinmetz et Henri Scepi. Je ferai prochainement un compte rendu de cette édition plus savante qui ne s'adresse pas exclusivement aux lycéens des deux années à venir.
Ne pouvant tout acheter, j'ai parcouru les éditions parascolaires il y a quelques semaines en écartant rapidement tout ce qui était assez peu annoté. Je n'en ai acheté qu'une seule, celle de David Galand et Sandra Galand-Lecardonnel. Le nom Le Cardonnel rappelle incidemment un autre sujet rimbaldien... Il s'agit d'un volume publié chez Nathan dans une collection Carrés classiques Bac avec un "dossier du lycéen" et une section "Parcours associé : émancipations créatrices".
Nous avons un ensemble introductif en quatre parties : Biographie, Contexte historique et culturel, Contexte littéraire, Repères chronologiques. Pour savoir si nous avons affaire ou non à un recueil, il faut se reporter au milieu de la biographie avec la sous-partie intitulée : "Un projet de recueil ?" La réserve du point d'interrogation est heureuse, mais je vais citer des phrases de l'ensemble de la biographie pour montrer l'influence subrepticement exercée sur les jeunes enseignés. Le dossier revient sur la notion de recueil dans une brève partie obligée qui s'intitule "Comprendre l'oeuvre". Je traiterai de cette partie dans un second temps. Ensuite, je reprendrai la main en renvoyant les lecteurs à une documentation critique plus sérieuse sur la question du prétendu recueil.
La biographie a droit à un petit paragraphe d'introduction sinon d'accroche où on appréciera le choix verbal : "mettre au point". je cite :

   Quand Rimbaud met au point les poèmes des Cahiers de Douai, il est un jeune homme de seize ans, qui n'a encore publié qu'un seul poème en français.
Certaines informations sont erronées. Rimbaud a déjà publié au moins deux poèmes en français à cette époque : "Les Etrennes des orphelins" au tout début de l'année 1870 et "Trois baisers" dans la revue La Charge en août 1870, information livrée plus loin dans l'ouvrage parascolaire ce qui nous vaut une contradiction interne. Il faut ajouter à cela la publication de la traduction en vers français du début du De Natura rerum de Lucrèce avec un plagiat culotté passé inaperçu de la traduction de Sully Prudhomme. La restriction laisse sous-entendre que publier un poème, c'est bien, mais publier tout un recueil c'est mieux. Or, j'ai envie de dire que quelque part si Rimbaud pouvait éventuellement souhaiter que Demeny fasse publier des vers de Rimbaud cela pouvait relever du choix d'une ou deux pièces prélevées sur l'ensemble qui lui avait été remis. En clair, Maints détails sont tendancieux dans la rédaction de cette biographie. Rimbaud "n'a encore publié qu'un seul poème en français", cette phrase a une volonté si pas de duper du moins de conditionner le lecteur pour lui faire admettre que Rimbaud a remis un recueil à Paul Demeny. C'est une exigence de l'épreuve de ne pas mettre en doute l'autorité sacrée du jury, de l'institution qui organise le baccalauréat. L'élève sera face à ceux qui savent, il ne peut pas les prendre en défaut. Notez aussi l'immédiate appellation "Cahiers de Douai" sans aucun avertissement sur le caractère problématique du titre. Quant à la forme verbale "mettre au point", elle pose deux difficultés. Ce verbe signifie qu'il y a une élaboration, alors que nous pouvons considérer que les poèmes sont recopiés au propre, mis au propre pour rester au plus près de l'expression choisie. Il y a des variantes dans les poèmes, mais ça ne correspond pas à une mise au point en tant que telle, et surtout Rimbaud n'est pas déclaré en train de mettre au point chaque texte, mais il met au point un ensemble gonflé d'un titre "Les Cahiers de Douai".
La première sous-partie met en avant que dans un contexte scolaire plusieurs poèmes de Rimbaud ont été publiés. Soit ! Nous ne pouvons affirmer qu'il s'agit ici d'une manœuvre subversive pour nous amener à croire que Rimbaud était avide de ces publications officielles et que cela doit annoncer le projet de publication d'un recueil à la fin de l'année 1870. Cependant, difficile de ne pas s'apercevoir de la manipulation douce de l'enchaînement savant entre le titre de la deuxième sous-partie de la biographique et sa première phrase : "Entrer en littérature, fuir Charleville" et "Manifestement Rimbaud cherche très tôt à faire publier ses poèmes." L'expression "fuir Charleville" pointe déjà le séjour à Douai, ce qui crée une mise en perspective implicite quand nous enchaînons par la lecture de la séquence suivante : "cherche très tôt à faire publier ses poèmes." La phrase suivante est clairement écrite dans ce but, vu l'erreur imprudente qu'elle véhicule : "Il adresse ses premiers vers en français à La Revue pour tous [...]" Je précise que les auteurs de cet ouvrage parascolaire sont tous deux des agrégés. Ils ont en principe un très haut degré de finesse dans l'expression. Or, au nom de quoi peuvent-ils dire que "Les Etrennes des orphelins" est l'expression des premiers vers français de Rimbaud. Il s'agit des premiers vers français connus de Rimbaud, ce qui n'a rien à voir avec l'idée de "premiers vers" écrits par une personne. Cette phrase nous offre un exemple d'immédiateté : le poète aurait écrit son premier poème et l'aurait immédiatement envoyé à une revue à des fins de publication, sûr que son coup d'essai a été un coup de maître. C'est cela qui est écrit en substance dans la phrase que j'ai cité plus haut. En réalité, Rimbaud a envoyé de premiers vers pour la publication, ce qui n'a pas le même sens. Et quoi d'étonnant qu'un amateur de poésies, qui a une certaine réussite scolaire, fait quelques essais chez lui qui nous demeureront inconnus, puis envoie une pièce quand il s'estime prêt ? Rimbaud est précoce, puisqu'il n'a que quinze ans et deux mois, mais pourquoi surenchérir ? Rimbaud s'adonne à la poésie, le fait de vouloir publier est une lapalissade. Ici, ça devient un argument présenté sans raison comme étonnant pour déterminer de manière spécieuse qu'il y a bien un projet de recueil derrière l'ensemble manuscrit remis en 1 870 à Demeny. Pour moi, cette argumentation n'a aucun sens. Et elle déjà celle des rimbaldiens : Murphy, Brunel, Steinmetz, etc.
Poursuivons la lecture de cette "biographie". Nous avons donc une sous-partie concçue autour d'étapes d'un personnage qui cherche à se faire publier. Autrement dit, au lieu d'avoir un récit biographique supportant les aléas d'une existence, nous avons une biographie à thèse. Tout au long de l'année 1870, Rimbaud déjà publié dans des manuels scolaires académiques cherche à être publié dans des revues. Il est publié dans la Revue pour tous en janvier, il passerait à l'étape suivante en mai 1870 en envoyant trois poèmes à Banville pour qu'il lui ouvre les portes du Parnasse et le jeune ardennais fait la demande qu'il avoue comme "folle" de faire publier son poème "Credo in unam" à la fin du volume collectif en cours du second Parnasse contemporain qui, à quelques exceptions (Victor Hugo en tout cas), publiée une élite nationale conséquente des meilleurs poètes en vie à cette époque. Avec le plus grand sérieux, des rimbaldiens comme Murphy, Brunel et Steinmetz, soutiennent qu'il faut lire au premier degré cette sollicitation, et c'est cela que les professeurs de lycée vont enseigner sans aucun droit de réplique aux élèves de première dans les lycées. Chapeau bas, mes bourgeois ! Notre ouvrage parascolaire illustre bien cette étrange réalité, puisqu'on nous dit passivement que Rimbaud présente cette ambition de faire publier "Credo in unam" "comme une 'Ambition ! ô folle ! ' " Et nous avons droit à un encadré à côté qui reprend la citation exclamative de Rimbaud : "Publier des poèmes : 'Ambition ! ô Folle !" sauf que dans l'opération nous glissons de l'humour de placer le "credo" des poètes dans la bouche de cet adolescent nouveau-venu en lui offrant le prestige de clore un recueil de vers de l'élite des poètes français à la simple volonté de publier des poèmes. Rimbaud ne dit bien sûr pas que ce serait une folle ambition que d'espérer publier trois de ses poèmes dans une des livraisons du Parnasse contemporain. Ce serait déjà un peu exceptionnel, mais ça n'a rien à voir. Evidemment que pour "Credo in unam", c'était de l'humour. A la limite, c'était demander quelque chose de trop gros pour que Banville se rabatte sur une publication des poèmes, et si pas dans le Parnasse contemporain, au moins dans une revue littéraire mensuelle d'époque. Vous pensez bien que Rimbaud ne va se vendre en jouant les modestes : "Bonjour, j'ai fait quelques essais, dites-moi ce que vous en pensez, je les retravaillerai selon vos conseils, et d'ici quelques années je serai prêt, je postulerai pour être un des vôtres." Vous confondez les démarches pour devenir poète et pour devenir enseignant ! ? Peut-être que Sully Prudhomme, François Coppée et d'autres ils faisaient comme vous le dites, ils n'ont pas été Hugo, Rimbaud, Verlaine ou Baudelaire, peut-être aussi pour avoir confondu le métier de poète avec celui de fonctionnaire métro-boulot-dodo.
Et puisque la section biographique soutient une thèse "entrer en littérature", toute la relation au professeur Izambard passe à la trappe, ainsi que les textes qui lui furent remis. Izambard est pourtant dans la continuité d'un récit articulé qui va des prix scolaires qui ont été publiés au séjour douaisien chez les tantes du même professeur...
Il faut bien comprendre que c'est parce qu'Izambard, pour des raisons qu'il n'a pas données, n'a pas recueilli les productions rimbaldiennes de la fin de l'année 1870 que l'ensemble remis à Demeny est si magnifiquement mis en relief de nos jours. Mais cela passe inaperçu tant l'exigence de prouver qu'un recueil a été remis à Demeny passe avant tout. Les poèmes remis à Izambard sont bien énumérés, mais dans une construction narrative orientée. Le projet en mai d'être soutenu par Banville à des fins de publication dans une revue parnassienne aurait été interrompu par les débuts de la guerre franco-prussienne, et c'est simplement par pis-aller qu'Izambard hérite de manuscrits des nouvelles compositions de Rimbaud. La grande histoire a bon dos. On apprend tout de même que Rimbaud a pu publier un poème dans une revue le treize août, "Trois baisers", ce qui contredit les prétendues impossibilités causées par la guerre.
Enfin, nous en arrivons à la section intitulée "Un projet de recueil ?"
On ne nous cache pas que Rimbaud a déjà confié par lettre à Izambard son dédain pour le recueil Les Glaneuses de Demeny. Il va de soi que lorsqu'Izambard présente Paul Demeny à Rimbaud, ce dernier va faire une contenance plus diplomatique et qu'il y a une certaine hypocrisie à remettre tous ses poèmes à Demeny sur un faux air d'égalité entre poètes. Mais, derrière cette trivialité des rapports humains, au nom de quoi les rimbaldiens peuvent, sans aucun témoignage étayé, entrer dans la tête et les pensées de Rimbaud pour affirmer que cette rencontre "avive sans doute le désir de publier un recueil" comme je le lis ici. Et cela se poursuit par le commentaire suivant : "Rimbaud passe ses journées à amender et mettre au propre ses poèmes antérieurs, et à en écrire de nouveaux".
Depuis quand l'élaboration d'un recueil est dominée par la composition de nouveaux poèmes ? Six sonnets sont datés d'octobre 1870, deux poèmes assez longs sont datés de la fin du mois de septembre : "Les Effarés" et "Roman". Parmi les poèmes non datés, combien ont été eux aussi composés en septembre ou octobre : "Ma Bohême", "Rages de Césars", "Le Châtiment de Tartufe", etc. La moitié des vingt-deux poèmes à tout le moins. Où est l'idée claire de recueil là-dedans ? Nous ignorons par ailleurs de quand datent certaines variantes. Quand Rimbaud a-t-il modifié les poèmes envoyés à Banville en mai, quatre mois avant le séjour douaisien ? La question se pose aussi pour "Vénus anadyomène" daté du 27 juillet 1870. De toute façon, au vu des manuscrits, à toutes les époques, on constate que Rimbaud modifie ses poèmes. Cela n'a rien à voir avec le fait de préparer un recueil. Puis, apprécions l'aveu maintenu dans les demi-teintes de cette introduction d'ouvrage parascolaire : "Il s'agit probablement d'un ensemble de quinze textes, souvent désigné comme le 'Premier cahier'." On nous avoue qu'un ensemble de quinze textes est appelé "Premier cahier", mais on ne nous dit pas que les quinze textes sont copiés sur des feuillets volets séparés et non paginés. Et on ne nous dit même pas que les feuillets sont parfois de nature différente, Rimbaud n'a pas tout le temps utilisé le même papier, on ne nous dit même pas qu'une partie est simplement recopiée au crayon, notamment la version remaniée de "Credo in unam", devenue "Soleil et Chair", ce poème dont on soutenait avec le plus grand sérieux que Rimbaud avait sincèrement voulu qu'il parût à la fin du second Parnasse contemporain, succès d'apothéose s'il en est.
Il n'y a pas de cahier, c'est une appellation erronée.
Evidemment, on nous relate la seconde fugue en l'associant à la confection d'un second ensemble "chez les soeurs Gindre" : "Il semble qu'il y recopie et complète un ensemble plus homogène de sept sonnets, la plupart écrits pendant la fugue même, et appelé 'Second Cahier' ". Et nous avons droit à un argument qui vient d'Izambard et qui devrait être remis en contexte : "Rimbaud n'écrit plus qu'au verso des feuilles, ayant appris qu'on préparait ainsi le manuscrit pour l'imprimeur."
Et nous avons ensuite le dépôt chez Demeny : "Rimbaud dépose ses 'Cahiers' chez Demeny. Celui-ci paraît oublier le manuscrit, mais ne le détruit pas."
Rimbaud n'a jamais parlé d'un recueil, Demeny non plus, et Izambard lui-même s'est contenté de dire que notre poète songeait à être imprimé, ce qui peut impliquer autant le projet de recueil que la publication isolée d'un poème dans une revue.
Il n'existe ni un premier cahier, ni un second cahier. Il n'existe que des copies sur des feuillets volants, avec un premier ensemble aux papiers hétérogènes et un second dossier plus homogène.
Il n'est pas prouvé que Rimbaud ait remis un premier dossier en septembre et un second en octobre. L'éditeur de la Pléiade, André Guyaux, pense que tous les poèmes ont été remis lors du seul second séjour d'octobre. Et il y a des arguments qui peuvent aller en ce sens. Le premier ensemble est hétérogène et les pliures invitent à penser que Rimbaud a remis les poèmes en plusieurs fois au fur et à mesure du recopiage, ce qui n'est pas compatible au demeurant avec l'idée d'un recueil puisque du coup Demeny pouvait mélanger les parties successives qui lui étaient transmises ! Surtout, le poème "Rages de Césars" qui, avec "Le Châtiment de Tartufe", est déjà à rapprocher, au plan des thèmes abordés et au plan de la forme du sonnet, de l'ensemble des sonnets généralement datés d'octobre, sans oublier que de mémoire ils ne sont transcrits eux aussi qu'au recto, a pour singularité d'évoquer un incendie au palais impérial de Saint-Cloud, ce qui voudrait dire que le poème a été composé quelques jours après l'information dans la presse de l'incendie le 14 octobre du palais de Saint-Cloud le 14 octobre. Et après tout, Rimbaud a pu n'apporter ses poèmes à recopier que lors du second séjour...
De toute façon, l'état de recueil n'est pas avéré, il est contredit par les pliures des manuscrits et l'hétérogénéité des papiers utilisés. L'argument de n'écrire qu'au recto n'a pas à être pris comme une information imposant d'évidence la constitution d'un recueil prêt à l'imprimerie. Il a déjà été fait remarquer que plusieurs manuscrits étaient signés ce qui est contradictoire avec l'élaboration d'un recueil. L'ensemble n'est pas paginé, et enfin nous retrouvons un propos imprudent dans l'emploi du verbe "compléter". Les six sonnets datés d'octobre et le sonnet "Ma Bohême" complètent l'ensemble de ce que nous connaissons des poèmes remis à Demeny en septembre et octobre 1870. Au plan strict, ces sept poèmes ne font que s'ajouter à un ensemble de quinze poèmes. Le verbe "compléter", il a un sens en français dont on ne peut pas abuser.
Faute de temps, je ne peux pas terminer cet article maintenant, je ferai une deuxième partie sur la partie "Comprendre l'oeuvre" de cet ouvrage parascolaire dans les jours qui viennent.
Je voulais publier quelque chose pour la date anniversaire du 20 octobre.

Pour précision, j'ai une grande légitimité à parler de ce problème de recueil.
J'ai publié sur le blog "Rimbaud ivre" plusieurs articles sur les dossiers de poèmes de Rimbaud en m'attaquant à plusieurs reprises aux prétendus projets de recueils qu'on prétend identifier.
Sur le sujet qui nous occupe, mon article "La Légende du Recueil Demeny" avait été signalé à l'attention, en tout cas par Alain Bardel, au moment du lancement du blog "Rimbaud ivre" de Jacques Bienvenu. Cet article a aussi l'intérêt de citer les sources, et notamment un article capital de Steve Murphy qui plaidait pour l'identification d'un "Recueil Demeny", j'ai contesté à pied l'argumentation.
J'ai contesté également l'idée d'assimiler la suite paginée remise à Verlaine, puis Forain et Millanvoye, à un recueil.
J'ai contribué à démentir l'idée d'un recueil élaboré des poèmes en prose des Illuminations en participant au travail de Jacques Bienvenu sur le sujet, lequel m'a cité pour un argument décisif qui a démontré que la pagination des manuscrits des poèmes en prose n'était pas de Rimbaud. Dans le Dictionnaire Rimbaud des Classiques Garnier, Michel Murat n'a pas reconduit l'affirmation selon laquelle la pagination était de Rimbaud.
Je suis également reconnu comme le spécialiste de l'Album zutique, ce qui veut dire que j'occupe une place unique parmi les rimbaldiens, je suis à la fois un philologue important, mais je suis le seul à avoir imposé une parole d'expert sur chacun des dossiers de poèmes de Rimbaud : ensemble remis à Demeny, ensemble Forain-Millanvoye, Album zutique et Illuminations. Ni Murphy, ni aucun autre rimbaldien n'a cet honneur. J'ai également permis de corriger une coquille du texte imprimé du livre Une saison en enfer :  "autels" et non "outils", grâce au brouillon correspondant. J'ai déchiffré deux vers prétendus illisibles de "L'Homme juste" avec une démonstration sans appel, j'ai identifié deux textes rimbaldiens comme des montages de citations de Belmontet et j'ai réattribué un poème de Verlaine qui était devenu rimbaldien à son auteur d'origine, grâce à la mise en avant d'un argument hiérarchique supérieur et inattaquable, la signature d'origine à l'encre "PV" qui prouve que Rimbaud a recopié un poème de son ami. J'ai aussi publié un article majeur sur "Paris se repeuple" où j'ai souligné des lacunes de l'édition philologique de Steve Murphy des Poésies en 1999 chez Champion. Et enfin, j'ai aussi signalé à quel point les citations inédites de vers par Delahaye avaient toutes chances d'être authentiques.
Sur le seul terrain philologique, à part Steve Murphy, il n'y a aucun rimbaldien actuel qui en a fait autant que moi.

1 commentaire:

  1. J'ai acheté quelques autres volumes parascolaires des "Cahiers de Douai". Je vais pouvoir continuer ma grande recension. J'ai aussi repéré un biliolycée de 2017 des Poésies de Rimbaud qui réunit les "Cahiers d e Douai" et les Illuminations avec une anthologie du reste.
    Je prends le volume établi par Julie Chaintron des Cahiers de Douai. C'est la collection Les classiques pédago au Livre de poche. Vous avez une page de titre "Un auteur, un contexte, une oeuvre" : quelle est la définition du mot "oeuvre" pour les poèmes remis à Demeny en 1870 ?
    Je dois encore éplucher ce volume.
    J'ai pris aussi les Cahiers de Douai dans la collection classicolycée chez Belin Gallimard. Le dossier est fait par une agrégée de Lettres modernes, Elsa Rouvière. On a une introduction "Pour entrer dans l'oeuvre", dont la première phrase est admirable pour l'emploi du futur de l'indicatif : "Lorsqu'il recopie les poèmes qu'il a écrit quelque temps auparavant et qui constitueront les Cahiers de Douai." Outre que la mention "quelque temps auparavant" est problématique au sujet de Roman, Les Effarés, Rages de Césars, les sept sonnets avec six datés d'octobre, et quelques autres pièces, c'est quoi cet emploi du futur ? Le recueil n'est pas constitué au moment du recopiage ? Je ne comprends pas.
    Admirables aussi sont les certitudes de l'enseignante : "[Arthur] rassemble dans deux liasses distinctes ses créations [...] Les manuscrits sont ensuite confiés à Paul Demeny, un poète et éditeur de Douai, en espérant qu'il pourra les publier." Au fait de Demeny un éditeur facile, mais à la limite ça passe, mais ce "en espérant qu'il pourra les publier" cela veut dire que Rouvière a accès à une lettre de Rimbaud à Demeny interdite de publication : "Ho, tu vas publier mon recueil de poèmes remis il y a un mois ou il faut que je vienne te botter les fesses." Le contenu sensible de la lettre explique qu'elle ne soit pas rendue publique.
    Sérieusement, on a des lettres de Rimbaud à Demeny en 1871 qui ne parlent jamais d'un projet de recueil avorté. Izambard dit du séjour douaisien de Rimbaud que le fait de ne copier les poèmes qu'au recto pour l'imprimerie prouve qu'il a envie d'être publié, mais jamais Izambard ne parle d'une démarche en ce sens. Izambard, un adulte, parlait avec Demeny et même bien au-delà de 1870, il le saurait si Rimbaud avait demandé d'éditer un recueil...
    Enfin, j'ai l'édition GF de Scepi et Steinmetz et le volume Etonnants classiques chez Flammarion.
    Je vais faire de la bonne mise au point, moi...

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