vendredi 17 septembre 2021

Des "lettres du voyant" à "Alchimie du verbe", 4ème partie : de "on me pense" à "Je est un autre"

Malgré la baisse de fréquentation de l'été et le rythme soutenu de la publication, j'ai des lecteurs qui accrochent. De toute façon, je suis lu régulièrement quasi quotidiennement par quatre rimbaldiens apparemment (ils me l'ont dit, ou ils l'ont dit dans des courriels groupés, je ne vais pas mentionner leurs noms ici de toute façon), puis j'ai des fidèles énigmatiques. Et là, on sent que nous vivons des moments palpitants de l'histoire de ce blog, j'ai suspendu une réflexion capitale sur l'influence de Baudelaire en lançant cette série et elle recouvre bien évidemment autant d'importance.
Le sujet est passionnant, on va enchaîner, je mets un nouveau délai, ce ne sera que dans le prochain article que je parlerai de l'opposition entre "poésie objective" et "poésie subjective".
Je me suis rendu compte sans qu'on ne m'en fasse la remarque qu'on pouvait m'opposer "Je est un autre" à la lecture dans le dernier article du "On me pense". Et je voudrais démêler le problème sans plus attendre.
Je rappelle qu'il y a une entrée pour la formule "Je est un autre" dans le Dictionnaire Rimbaud de 2021 et je vais en parler rapidement, il y a aussi une entrée pour "poésie objective" et "poésie subjective" de la part de Jean-Pierre Bertrand dont je parlerai la prochaine fois. Et Bertrand a également concocté l'entrée "dérèglement de tous les sens" du Dictionnaire Rimbaud de 2021. Je vais lire attentivement tout cela pour la suite.
J'ai regardé la bibliographie fournie par Bardel à ses commentaires des deux lettres du voyant. Pour la lettre à Izambard, il s'arrête à des références qui commencent à dater. Pour la lettre à Izambard, il mobilise surtout Schaeffer et Murphy, ainsi que le discours d'Izambard. Il ne cite pour le troisième millénaire qu'un article d'Holly Haar et le volume de Dominique Combe paru dans la collection foliothèque en 2004. L'article de Haar, je l'ai, et j'espère que j'ai encore l'ouvrage de Combe, qu'il n'a pas été détruit, mais je ne m'en servirai pas cette fois. Bardel renvoie aussi à un ouvrage ancien de Mario Richter que je n'ai pas et à un ouvrage de Pierre Brunel que j'ai lu dans un désormais lointain passé. Pour la lettre à Demeny, la bibliographie est plus conséquente. Pour Christian Moncel, je n'ai plus rien, j'avais les textes sous ce nom et celui d'Alain Dumaine, mais je ne dois plus avoir. Le texte sous le nom de Maurice Hénaud en 2016 m'est inconnu. Bardel cite un certain nombre d'articles, mais là à côté d'Avignon et non plus à Toulouse je vais galérer à rassembler les documents. Je ne vais pouvoir en lire que quelques-uns. Le volume Rimbaud poéticien, je l'ai, je peux même en vendre des exemplaires en trop à des rimbaldiens. L'article de Maciej Zurowski (ça se lit "Matchiè[h] Jourovski"), j'aimerais bien l'avoir vu qu'il donne une source à "multiplicateur de progrès". L'article de Guyaux, je l'ai lu, mais il y a 25 ans déjà. Daniel Leuwers, je ne connais pas son édition des "lettres du voyant", mais j'ai découvert les poésies de Rimbaud dans son édition au Livre de poche, c'était un bon excité. Mais, bon, un excité, ça vous refile sa passion, c'est déjà ça.
Les articles de Bivort, Mortelette et Steinmetz, j'y renonce, celui de Mortelette, je l'ai déjà lu, c'est intéressant, mais pas pour le sujet qui nous préoccupe.
En revanche, je me demande s'il n'y a pas des réflexions intéressantes de Bobillot dans son livre Le Meurtre d'Orphée, mais je le consulterai après coup.

Bien !!!!

On retrousse les manches, et on y va !

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Dans le précédent article, j'ai expliqué que "on me pense" ne se lit pas dans son sens littéral, et qu'il faut prendre la mesure du changement de sens du seul verbe "pense".
Je disais que Rimbaud n'avait pas le bagage grammatical pour expliquer à Izambard le "On me pense". Je ne veux pas dire que Rimbaud n'est pas capable de s'expliquer autrement, ni qu'il est plus mauvais que moi. Mais, j'ai travaillé à l'école, puis à l'université, puis à partir de livres universitaires achetés pour mon plaisir personnel sur des notions grammaticales. J'ai travaillé à cerner la différence de sens du verbe "casser" de "Je casse une branche" à "La branche casse". Rimbaud aurait pu s'il s'en était donné la peine expliquer que seul le sens du verbe changeait, mais ça lui aurait pris du temps, car il n'avait aucune méthode préalable à appliquer.
Donc, je reprends : dans "On me pense", nous avons deux pronoms "On" et "me" qui sont des pronoms de base, ce n'est même pas des pronoms raffinés, il s'agit de pronoms basiques, et on comprend qu'il s'agit de mots-outils. Le "on" est un pronom personnel indéfini en fonction sujet dont l'emploi par Rimbaud demeure imprécis, et le "me" est un pronom personnel tout comme "Je", mais avec le passage d'un pronom personnel en fonction sujet "Je" dans "Je pense" à un pronom personnel en fonction objet dans "On me pense".
On le comprend, il n'y a pas une inversion de "Je pense" à "On me pense", car dans le premier cas il y a un sujet et un verbe de sens absolu, et de l'autre nous avons un sujet, un verbe et un objet. D'une phrase à l'autre le sujet "Je" est devenu objet "me", et comme Schaeffer le laisse entendre et comme je le dis explicitement, ce glissement fait écho au conflit de la poésie subjective à la poésie objective à partir d'un glissement grammatical de la fonction sujet à la fonction objet. On va dire que derrière le "Je" et le "me" il y a un "moi". Mais, dans la lettre à Demeny, il est question de la définition fausse du "Moi" et cela suppose qu'il y a une définition vraie du "moi". Et cela permet de nous amener à nous poser une question, quel est le "moi" qu'évalue Rimbaud dans "Je pense" et "on me pense" ? Et par extension, la question vaut pour "Je est un autre".
Reprenons mes conclusions de l'article précédent.
Le poète déclare qu'il ne faut pas dire : "Je pense", mais "On me pense". Ce qui est remis en cause, c'est la fonction sujet de "Je" et précisément sa fonction de producteur de la pensée. Le but de la phrase : "On me pense", c'est de dire que cette pensée n'est pas mienne, mais qu'elle me vient d'une origine active que je me méconnais. Et comme le sens de "On" et "me" ne varient pas en langue française dans "On me pense", la reformulation de Rimbaud impose d'envisager une modification du sens du verbe "penser".
Je pense : Je suis l'auteur de ma pensée, je fais l'acte de penser.
On me pense : "On", entité non définie, fait qu'une pensée m'est attribuée et que je crois mienne, que je crois avoir créée moi-même. Dans "On me pense", le verbe "penser" a un sens très voisin finalement de "fabriquer" et "créer" : on m'a fabriqué / on m'a créé, on me fabrique, on me crée, on me pense, puisque "On" met en moi une pensée qui me formate, qui devient ma formule d'existence, qui devient ce que j'exprime devant les autres.
Je garde en réserve le débat sur à quel point le "On" est plutôt une des figures du "moi", une "intelligence universelle", etc. Chaque chose en son temps, on peut progresser sur d'autres points délicats, indépendamment de celui-là.
A la fin de mon article, j'avais fait une équation en trois termes pour "On me pense": "Quelque chose" "formate la pensée" "de moi".
Mais il y a un piège quand même à la compréhension. S'il s'agit de se connaître soi-même, il y a une distance établie de moi à moi. Il y a un moi qui vais étudier un moi objet. Et à cette aune, je prends mes distances avec l'idée que le "On" soit "l'intelligence universelle", mais je ne ferai pas non plus de ce "on" un autre moi. Le moi qui étudie le "me", étudie aussi le "on", c'est un troisième larron que cet observateur. Qui plus est, il y a l'écho de "On me pense" à "Je est un autre". Dans "Je est un autre", le verbe est à la troisième personne du singulier et non à la première ! Et ce "Je" est "un autre", mais pour être autre il faut l'être par rapport à quelqu'un ou quelque chose. Je n'ai pas encore étudié ce que dit Schaeffer à ce sujet dans la lettre à Demeny, mais ce "Je", je le comprends comme le "me" formulé par le "On" dans "On me pense" et bien que dans "Je est un autre" est en fonction de sujet dans sa phrase, il est différencié du moi ultime du poète par l'identification à "un autre". "On me pense" : on façonne un moi, et ce moi est un autre que le vrai moi ! C'est ça que je comprends. "On façonne un moi car ce moi est un autre que le vrai moi." Car le but du poète n'est pas de communier avec le "On", de se confondre avec lui, mais d'identifier son vrai moi au-delà du formatage du "on".
A cette aune, le but n'est pas de découvrir l'autre du "Je". "Je est un autre" : cela ne veut pas dire que le poète veut devenir cet autre, cela veut dire que le "Je" n'est pas le vrai moi et qu'il faut le mettre à distance, ce qui est différent du point de vue du sens, et ce qui nécessitait une bonne mise au point.
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Pour finir, j'ai consulté rapidement l'article "Je est un autre" de Samia Kassab-Charfi dans le Dictionnaire Rimbaud de 2021.
Il y a beaucoup de formulations universitaires dans cet article, et certaines formulations me semblent agréger des référents variés qui amène à une interprétation instable de la phrase rimbaldienne. Il y a plein de formulations que je ne comprends pas bien qui s'accumulent : "la possible schize qui se dessine" (je n'ai jamais employé le mot "schize" de ma vie), "l'accès à une vérité qui ne se complaît dans le portrait réaliste ni dans le mensonge archaïque de la reconduction patrimoniale" (je ne comprends rien à l'idée du "portrait réaliste", idée qui paraît simple mais qui ne l'est pas, donc je ne comprends pas, et qu'est-ce que la "reconduction patrimoniale" ? Je comprends où ça va, mais objectivement la formule pose problème, ça tombe comme un cheveu sur la soupe, je préfère que je ne comprends rien à ce que je lis, parce qu'il me faudrait ma propre dissertation pour donner du sens à "reconduction patrimoniale"), "atermoiements identitaires" (je transpire encore, je ne comprends pas clairement de quoi ça parle). Je ne comprends pas la liaison d'un "splendide aboutissement" qui est "transgression de la morne réalité" et qui peut être assimilé à la "découverte" des "archipels sidéraux" du "Bateau ivre". Je ne comprends rien. Qu'est-ce qu'une "extravagance identitaire vécue comme une révélation" ? Je ne sais pas. Oui, je comprends vaguement des choses, je connais le texte de "Mauvais sang" qui est cité, mais tout cela c'est de la bouillie d'échos. Qu'est-ce qu'une "ipséité fractale" ? Je n'en sais rien du tout, et je suis très paresseux, je n'essaie même pas de faire jouer le sens des deux mots. Le "métissage", je peux l'impliquer dans "Mauvais sang", mais dans un commentaire de "Je est un autre" ? Que veut dire "bouillonnement de la seule foi en l'altérité" ? Je n'en sais rien. C'est quoi cette application de l'idée d'un "dépaysement total" par "l'altération du 'je' originel" ? Je ne comprends pas. Je vais citer pour finir des passages qui semblent indiquer que dans "Je est un autre" est formulée une aspiration à être cet autre. Au tout début de la notice, pages 404-405, il est écrit ceci :
   Cette affirmation en forme d'équation fonde l'un des postulats les plus spectaculairement novateurs de la poétique rimbaldienne. [...] [La lettre du 15 mai] signe la nécessité de souligner la présence d'un autre Moi dans le Moi connu : non comme irruption contingente et aléatoire, mais comme déplacement effectif de la centralité, de l'unicité monolithique du moi.
Et sur la seconde colonne de texte de la page 405, au début d'un nouveau paragraphe, l'autrice émet l'interrogation rhétorique suivante :
   Comment ne pas souligner aussi que le "est" de "Je est un autre" célèbre l'avènement solennel d'un engendrement, bien plus alchimique qu'organique ? Cet autre a fort à voir avec le locuteur qui s'écrie dans "Mauvais sang" [VI] : "Vite ! est-il d'autres vies ?", [sic ! pas de virgule après un point d'interrogation] suggérant alors comme nouvel absolu le caractère relatif de toute présence énonciative univoque. [...]
Je ne vais pas m'aventurer dans un commentaire de développements qui spontanément ne me parlent pas : "suggérant alors comme nouvel absolu le caractère relatif de toute présence énonciative univoque." En revanche, je cerne un discours inverse au mien sur le "Je est un autre" et je cerne aussi des affirmations que je ne partage pas.
Par exemple, pour moi, "Je est un autre" n'est pas une équation. Dans "Génie", il y a des équations à partir du verbe "être" et d'attributs du sujet : "Il est l'affection et le présent...", etc. Ici, nous avons un article indéfini "un" et une séquence pronominale résolument ouverte : "Je est un autre". S'il était écrit : "Je est l'autre". Là, j'admettrais l'équation, mais pas pour "Je est un autre". C'est un premier point.
Ensuite, les emplois du mot "autre" créent une chaîne problématique dans le discours de Kassab-Charfi. Il est question d'un "autre Moi" face au "Moi connu" dans la première citation que j'ai faite et il est question, au sein d'une citation de Rimbaud lui-même, des "autres vies" auxquelles aspirer dans la seconde citation de l'autrice que je viens vous soumettre.
En clair, l'idée, c'est que le "Je" est un "autre" fascinant, un aimant qui nous attire, une autre vie possible. Remarquons déjà l'écart sensible entre le singulier du "Je" et le pluriel "vies" dans la citation faite du livre Une saison en enfer. Alors, certains me diront qu'après tout rien ne sert de pinailler. Qu'on comprenne que le "Je" est l'autre auquel aspirer comme le fait Kassab-Charfi, ou qu'on comprenne comme moi je le fais que ce "Je" est un autre qu'on doit au contraire rejeter et dépasser, il sera toujours question d'une dialectique opposant un "moi" à dépasser et un "moi" auquel aspirer. En clair, on peut lire la même phrase de manière contradictoire et arriver aux mêmes conclusions sur ce que développe Rimbaud comme discours d'ensemble.
Il me semble tout de même que dans "Je est un autre", le "Je" est mis à distance en tant que "Il" à cause de la conjugaison du verbe "être" qui est sous la forme "est", Rimbaud n'ayant pas écrit "je suis un autre", mais cela n'est sans doute rien comme objection. En revanche, il me semble aussi que le "Je" reprend les emplois antérieurs de "Je pense" phrase fausse et "On me pense" phrase plus exacte. A cette aune, je perçois "Je est un autre" comme une phrase de rejet de ce type de "Je". Rimbaud veut le vrai "Je", pas celui qui est un "autre". Quand on dit "Je", on croit qu'on parle de soi, eh bien non vient de nous dire Rimbaud, donc dans "Je est un autre" il est question du faux "Je". Et même si malgré le contre-sens on croit pouvoir retomber sur nos pattes grâce à la vertu de symétrie qui fait qu'on réarrange la compréhension comme on veut, puisque soit on dira "Je est un autre que je rejette", soit on dira "Je est un autre auquel j'aspire" et dans les deux cas un "moi" aspirera à être autre, mais quand même dans la tension entre les deux modèles j'ai quand même l'impression que l'idée de rejet souligne mieux les implications critiques de la lettre qui accentue le faux de croire le "Je" sujet, qui accentue l'idée de se connaître soi-même. Dans "On me pense" et "Je est un autre", le moi du poète ne se situe pas, ne se cite pas. Le poète veut découvrir l'informulé de son vrai moi. Et il va chercher à s'inspecter, à s'éprouver, à se connaître, sans perdre de vue que la poésie qu'il écrit, s'il n'est pas réfléchie et comprise, court le risque d'être subjective et placée sous le signe de la fausse signification d'un moi qui se croirait illusoirement auteur. Et dans tout ce qu'écrit Kassab-Charfi nous relevons des métaphores de chansons rimbaldiennes qui ne sont pas clairement comprises, les "archipels sidéraux", il faut commenter ce que c'est déjà ! Kassab-Charfi définit une course à l'altérité également, alors que ça ne me semble pas le sujet exact de la lettre à Izambard, ni de la lettre suivante à Demeny. Pour moi, ce n'est pas le sujet. La connaissance de soi n'est pas une course à l'altérité.
Apparemment, je soulève donc un gros lièvre, l'interprétation exacte de la formule : "Je est un autre", qui semble être compris dans le milieu rimbaldien comme exaltante et course à l'altérité, et moi j'envisage d'autres possibilités, soit une lecture exaltante mais qui ne veut pas dire l'altérité pour l'altérité, car on peut aspirer à être "autre" pour enfin être soi-même, et ce n'est pas le même débat déjà, mais ici je souligne la continuité grammaticale du texte dans l'emploi de pronoms de première personne, et je souligne l'idée que dans "Je est un autre", le "Je" désigné n'est pas le "Je" inconnu, mais le faux "Je" qu'on cite à tout va.

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J'espère quand même à un moment donné que vous avez averti la bibliothèque nationale de France pour leur expliquer qu'il y avait ici un blog rimbaldien qui abondamment développait des raisonnements de première importance qu'il était nécessaire de conserver dans l'intérêt de la meilleure connaissance de Rimbaud par le public, parce que vous constatez bien que de manière rhétorique je fais des mises au point redoutables. Si vous ne le voyez pas, je ne sais pas ce que vous voyez. On peut ne pas être d'accord, ça arrive même de trouver pendant longtemps quelque chose d'évident qui finit par être faux. Mais, là, vous avez une argumentation qui n'est pas difficile à suivre et à reprendre point par point. Il se passe quelque chose, oui ou non, pour une meilleure compréhension de Rimbaud ?

A suivre...

1 commentaire:

  1. Je vais faire une 5e partie complément sur "On me pense" et "Je est un autre" en confrontant les deux lettres. Dans la lettre à Demeny, le "on me pense" disparaît au profit de l'idée du bois qui se croit violon et au profit de l'idée de la pensée chantée et comprise.
    Un autre point important, le glissement du "on" de "on devrait dire : On me pense". Ce glissement entraîne à des commentaires touffus.
    J'ai pensé aussi à une glose de "On me pense" par une tournure factitive : "on me fait penser", mais je reviendrai sur toutes les nuances compliquées du "On me pense".
    On a vu en tout cas que l'entrée "Je est un autre" défend l'idée d'altérité à tout va qui n'est en réalité que "poésie subjective". Il va de soi qu'il faut en revenir à la poésie objective voulue par Rimbaud.
    Dernière idée importante : dans la lettre du 13 mai, il faut bien voir que nous avons une réécriture du "cogito ergo sum". Rimbaud dit "c'est faux de dire "cogito" ("Je pense") puis d'en conclure "je suis", "Car Je est un autre". Le "car" de Rimbaud est placé là pour faire pendant au "ergo" du modèle. Ne dites pas Je pense mais On me pense car Je est un autre, est un correctif au "cogito ergo sum" de Descartes, confirmée par la mention "ergotent" le 13 mai et l'idée de "fausse définition" du "Moi" le 15 mai. Izambard rappelle qu'il a fait lire à son élève des passages de Montaigne sur le poète inspiré, figure donc du voyant venue de l'Antiquité, et le mot "inspiration" est persiflé dans son mode chrétien en tête du livre Une saison en enfer. Enfin, Rimbaud n'a certainement pas lu de philosophe allemand, mais Kant a une diffusion indirecte, une célébrité en France, et le couple "objectif"/"subjectif" déjà mobilisé en partie par Descartes vient de lui et était véhiculé par Gautier notamment à propos de l'art moderne. Et au début de Alchimie du verbe, Rimbaud fait un sort aux célébrités de la peinture moderne.
    Il faudrait peut-être se soucier un peu plus de sa lecture de Descartes et Montaigne, et repérer où il a lu le couple "objectif" et "subjectif".
    L'article "Je est un autre" du Dictionnaire Rimbaud, c'est de la bouillie d'échos en mode poésie subjective, on en est là après 100 ans d'accès à la lettre du 15 mai, 90 ans pour l'autre lettre. Il y moyen de faire mieux.

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