jeudi 23 mars 2017

Autour des Conneries et sonnets en vers d'une syllabe, la superposition des cibles, et la revanche de communards parnassiens

Le sonnet en vers d'une syllabe de référence nous vient de Paul de Rességuier. Nous citerons cette pièce plus bas. Commençons par une mise au point historique. Il s'agit d'une œuvre dans l'esprit du romantisme de 1830. En prenant modèle sur les exemples encore peu connus de Chénier, Malfilâtre et Roucher, Vigny a donné la mesure (pardon du jeu de mots) d’une révolution des audaces à la césure qui a été suivie par Hugo dans son théâtre. Mais Hugo a par ailleurs travaillé à un renouveau des formes poétiques au plan des vers de chanson de quatre, cinq ou sept syllabes, voire au plan des vers courts acrobatiques de une à trois syllabes. Quelque peu en liaison avec cette pratique, la préface des Orientales a revendiqué une liberté, une fantaisie, qui sera un mot d'ordre des Jeune-France de 1830. Enfin, avec le regain d'intérêt pour la poésie antérieure au classicisme, de Ronsard à Régnier, la forme "sonnet" a connu un regain d'intérêt également. Or, en adaptant des sonnets d'origine anglaise, Sainte-Beuve a précipité la pratique de sonnets ne respectant pas la distribution classique des rimes. C’est ainsi que Gautier et Musset se sont engouffrés dans la voie des sonnets irréguliers. Nous n'en analyserons pas les raisons et les manifestations ici, mais, passé un premier temps "Jeune-France", les audaces ont reflué dans la poésie romantique des années 1830 et 1840. Une nouvelle génération de poètes, à la tête desquels nous rencontrons Baudelaire et Banville, a repris le flambeau "Jeune-France" de 1830, et une autre génération, celle du Parnasse se réclamant notamment de Banville et Baudelaire, la consolidera, en reprenant l'étendard de la "fantaisie", jusqu’à lui donner le nom d’une revue : la Revue fantaisiste. La préface aux Odes funambulesques de Banville n'est strictement rien d'autre que le discours poétique de 1830 et la reprise de la profession de foi de Victor Hugo dans sa préface des Orientales, sachant que les recueils ultérieurs d'Hugo se sont détachés de l'esprit de fantaisie des Orientales pour adopter une posture de mage romantique plus proche de Lamartine, mais aussi, et cela n’aurait pas dû passer inaperçu, du Voltaire poète qui occupait tant l'espace public au dix-huitième siècle.
Une certaine poésie burlesque a poursuivi dans la voie des poèmes en verts courts, l’un d’eux n’est autre qu’Amédée Pommier, et cela sera au cœur de son recueil nommé Colifichets. Amédée Pommier n’a pas écrit de sonnets en vers d’une syllabe, mais il a écrit deux poèmes uniquement composés de vers d’une syllabe. Il a composé également un certain nombre de poèmes en vers de deux ou trois syllabes. Car il faut bien comprendre que, dans la tradition française, les vers de une, deux ou trois syllabes forment l’ensemble des mesures acrobatiques, perçues comme indignes de la grande poésie littéraire. Il existe deux traitements possibles pour ces vers courts. Il est possible de jouer sur une alternance entre vers long et vers court, il est possible de composer exclusivement en employant un des trois types de verts courts. Pommier exploite les deux possibilités. Ce qui est intéressant, c’est qu’autant le dérèglement dans la distribution des rimes d’un sonnet et le brouillage des césures sont entrés dans une continuité historique du romantisme au Parnasse, autant la pratique des vers courts, à cause d’auteurs comme Pommier, ou à cause d’exemples de poésie burlesque parfois hostiles aux poètes, est devenue une perspective de devenir des lettres en marge de la grande histoire littéraire, en marge des grands mouvements poétiques.
Au début des années 1860, à la suite de Baudelaire qui a poussé assez loin le dérèglement des rimes, et des strophes mêmes, dans les sonnets, deux recueils de la nouvelle génération parnassienne vont achever de mettre à mal l’ordonnancement des rimes dans la célèbre forme fixe héritée d’Italie : Philoméla de Catulle Mendès, et Avril, mai, juin publication anonyme de Mérat et Valade. Ces deux recueils sont importants pour apprécier l’Album zutique, et en particulier un certain nombre de sonnets de Rimbaud. Mendès a pratiqué le sonnet aux tercets sur deux rimes à la manière de Pétrarque : ABA BAB, ce que Rimbaud a repris dans un sonnet probablement peu postérieur à la période de ses contributions zutiques connues : « Oraison du soir », mais aussi dans deux sonnets qui forment avec le plus célèbre sonnet de l'Album zutique, le "sonnet du trou du cul", un ensemble anti-Mendès anti-Mérat connu sous le nom des "Immondes" (mention de Verlaine) ou sous le nom apocryphe Stupra depuis leur publication par les soins des surréalistes. Attribuable ou attribué à Rimbaud, le sonnet "Poison perdu" a pour sa part une organisation des rimes de tercets sur le mode ABB AAB, étonnamment plus rare encore que le modèle inverse AAB ABB, qui n'apparaît, à l'exception d'un sonnet de Musset, que parmi les pièces très irrégulières du recueil Avril, mai, juin de Valade et Mérat, deux membres du Cercle du Zutisme.
Il faut bien mesurer que nous ne connaissons de l'activité zutique de Rimbaud qu'un ensemble restreint de contributions dont la transcription s'étale sur à peine plus d'un mois, de la mi-octobre à la mi-novembre 1871 environ. Nous savons que Rimbaud a encore composé un sonnet "Oraison du soir" qui relève d'un registre explicitement zutique, deux des sonnets de la série des "Immondes", deux quatrains réunis sous le titre "Vers pour les lieux". Je reviendrai sur mes raisons pour le dire dans un prochain article, mais l'Album zutique était détenu par Léon Valade et Albert Mérat, s'il ne participait pas, puisque comme le dit un sonnet en vers d'une syllabe de Cabaner la guerre semblait avoir fait taire sa Muse, était présent tant aux réunions d'octobre-novembre 1871 du Cercle du Zutisme qu'aux réunions des Vivants autour de l'Album zutique en 1872. Malgré la dimension potache, les zutistes avaient une connaissance aiguisée de l'histoire et de l'évolution des formes poétiques. Les trois "Conneries" de Rimbaud s'inspirent d'ailleurs d'une autre audace de Baudelaire et Banville, les deux principaux modèles des parnassiens avant 1876 au-dessus de Leconte de Lisle et Gautier, la non alternance des rimes masculines et féminines.
Ce qui restait en marge de l'histoire du Parnasse c'était sans aucun doute une certaine pratique du vers court et notamment du vers d'une syllabe.
Or, c'est la dispute entre Verlaine et Barbey d'Aurevilly à partir de 1865 qui a précipité le retour sur scène de cet attrait singulier pour les vers courts. Verlaine, dans la revue L'Art, s'est moqué des vers d'une syllabe d'Amédée Pommier, et on comprend qu'il en faisait l'emblème d'une impertinence des réactionnaires et bonapartistes. Or, dans le Parnassiculet contemporain, Alphonse Daudet a rabattu la pratique d'une vers d'une syllabe sur les prétentions à l'innovation formelle des parnassiens et surtout sur les prétentions de Verlaine lui-même. C'est le Martyre de saint Labre.
Partant de là, et en faisant nécessairement abstraction de blagues potaches qui ne nous seraient pas parvenues de la part des membres des Vilains Bonshommes avant la guerre franco-prussienne, les zutistes ont choisi d'adopter cette forme du sonnet en vers d'une syllabe pour moquer la médiocrité poétique d'un ensemble réactionnaire impliquant Barbey d'Aurevilly, Belmontet, Amédée Pommier, Alphonse Daudet, mais aussi François Coppée, sinon Catulle Mendès et Albert Mérat. Au sein de l'Album zutique, les parodies de Ratisbonne, Belmontet et Amédée Pommier, visent en réalité deux écrivains précis, Alphonse Daudet et François Coppée. Il s'agit de les cataloguer politiquement, mais aussi de les infantiliser. Belmontet est utilisé politiquement contre Coppée, le dizain "Ressouvenir" pondu par Rimbaud permet d'établir ce lien. Coppée s'était inspiré d'un poème de Ratisbonne : "Le Fils des Armures"  (section des "Poèmes divers" du Reliquaire) réécrivait Le Général, courte pièce des Dernières scènes de la Comédie enfantine de Louis Ratisbonne. Dans l'Album zutique, les réécritures des colifichets de Pommier et Ratisbonne permettaient de laisser entendre la note infantile du poète des Amoureuses, Alphonse Daudet, ce qui est justifié dans la mesure où le Martyre de saint Labre parodie Pommier et en joue, mais aussi une même note dans la poésie pourtant plus tenue de François Coppée.
Rimbaud a entretenu cette superposition. Le titre "Conneries" est une réécriture et contraction des trois mots-titres de recueils d'Amédée Pommier : Colifichets (épinglé par Verlaine), Colères et Crâneries. Je passe sur l'attaque identique entre les titres "Cocher ivre" et "Conneries" pour me concentrer sur le rapprochement capital à établir entre "Jeune goinfre" et "L'Angelot maudit". Malgré l'ouvrage d'Alain Chevrier sur la "contrainte monosyllabique", les trois "Conneries" n'étaient pas identifiées en tant qu'allusions parodiques à l'oeuvre d'Amédée Pommier, à tel point que Steve Murphy avait identifié dans "Jeune goinfre" une parodie d'un poème "Le Gourmand" de La Comédie enfantine de Louis Ratisbonne. Aujourd’hui, force est de constater que malgré sa forme ramassée « Jeune goinfre » est une réécriture de plusieurs poèmes, du « Gourmand » de Ratisbonne, du « Martyre de saint Labre » de Daudet dont il reprend le rythme, l’allure syntaxique, des poèmes en vers courts d’Amédée Pommier, des exemples de sonnets en vers d’une syllabe précédemment transcrits par Léon Valade sur le corps de l’Album zutique, à quoi ajouter l’allusion fine à Verlaine. Evidemment, l’emboîtement Daudet-Pommier-Verlaine-Valade est une conséquence du foyer de référence qu’est le « Martyre de saint Labre » d’Alphonse Daudet. La seule pièce rapportée, c’est le modèle venu de Ratisbonne. Or, si Murphy a pu songer à identifier une source à « Jeune goinfre » dans l’œuvre de Ratisbonne, cela vient de ce que Ratisbonne, écrivain très connu à l’époque, étant donné sa retentissante conversion religieuse en particulier, était nommé comme cible du poème en distiques « L’Angelot maudit ». Ce poème « L’Angelot maudit » réécrit un passage de « L’Heure du berger » des Poëmes saturniens de Verlaine, ce qui conforte l’idée d’une allusion fine à Verlaine, mais pas encore à Daudet. Or, le caca au coin des bornes ne vient pas que des allusions à la colique du recueil de Ratisbonne, mais du poème « humouristique » publié en plaquette Paris d’Amédée Pommier :

Il va se trouver, sans nul doute,
Des esprits chagrins, mécontents,
Pour riposter, coûte que coûte,
A cet éloge de mon temps ;
Pour me crier : Tu le flagornes !
Pour pleurer les vieux quartiers mornes,
Et les cacas au coin des bornes,
[…]
Et les murs verts et gangréneux,
Et tout ce Paris rachitique,
Bossu, bancal, syphilitique,
Moisi, repoussant, méphitique,
Crasseux, pouilleux, rogneux, teigneux.

Ne pouvant tout traiter à la fois, je reviendrai dans un autre article sur ce lien intertextuel. Ce qui m’intéresse ici, c’est la liaison critique qui permet de retrouver Daudet et Pommier tant dans « L’Angelot maudit » que dans « Jeune goinfre », en complément des relations aux vers de Verlaine et Ratisbonne. Or, un dernier trait m’intéresse. La disposition en distiques de « L’Angelot maudit » est remquable. Le poème compte quatorze vers, ce que j’estime une allusion discrète au sonnet. Rimbaud aurait très bien publier « L’Angelot maudit » sous la forme d’un sonnet de rimes plates en octosyllabes. D’ailleurs, s’il l’avait fait, il aurait regroupé les distiques par deux pour les quatrains, ce qui signifie qu’aucun problème de rythme ne serait posé, tandis que le découpage pour les tercets aurait souligné la reprise osée « disparaît » :: « paraît » au sein de l’avant-dernier distique. Mais, allons plus loin. 14 vers en rimes plates, c’est faire allusion soit à la forme distique, soit à la forme sonnet, en se moquant à nouveau de « la forme à Coppée », qui n’est qu’une suite de cinq rimes plates identifié à la forme dizain, quand le véritable dizain historique est une forme précise et articulée faisant fusionner un quatrain ABAB à un sizain CCDEED. Il me semble dès lors relever une allusion formelle à l’œuvre de Coppée qui confirme la superposition grinçante des cibles bonapartistes dans une relation ambiguë à l’œuvre des parnassiens et de Verlaine, superposition déjà mise en place par le « Martyre de saint Labre » de Daudet au sein du Parnassiculet contemporain. Loin de railler Verlaine, Rimbaud superpose un Verlaine tel que perçu par Daudet. Songeons que les citations de Belmontet confirment ce jeu particulier de superposition des cibles bonapartistes à une vision dépréciée du Parnasse et de Verlaine avec le système d’accompagnement : « Hypotyposes saturniennes ex Belmontet » et « archétype Parnassien », ne réécrivent pas qu’un titre antique « Hypotyposes pyrhonniennes ex Sextus Empiricus », et ne font pas que prononcer le dépassement à venir du mouvement parnassien, ce sont des réécritures du Parnassiculet contemporain : « archétype Parnassien » est en écho à « Parnassiculet contemporain » ou à la raillerie de Daudet parodiant Verlaine « sonnet extrêmement rythmique », et la mention « saturniennes » assure une liaison Belmontet-Verlaine qui prolonge la liaison Pommier-Verlaine opérée perfidement par Daudet. Voilà de quoi remettre en cause notre perception dépréciative spontanée de la mention « archétype Parnassien ». Voilàaussi qui nous invité à sérier des réseaux de critiques parodiques distincts dans l’Album zutique et dans un certain nombre de pièces qui peuvent s’en rapprocher : un axe Mendès-Mérat se dessine, un axe Daudet-Belmontet-Ratisbonne-image biaisée de Verlaine et du Parnasse avec un saupoudrage de Coppée et un axe parallèle Coppée-Belmontet-Ratisbonne, avec encore un axe Coppée particulier, et aussi un axe Silvestre-Dierx qui demande d’approfondir la réflexion sur la raison parodique de l’attribution de « Vu à Rome » à Léon Dierx. Ajoutons aussi le débat entre Ricard et Pommier que suppose le monostiche rimbaldien : « L’Humanité chaussait le vaste enfant Progrès ».
Revenons donc enfin au cas des sonnets en vers d’une syllabe.
Il nous suffira de citer tous les sonnets de ce type dans le corps de l’Album zutique. Nous aurons à citer en vis-à-vis les exemples antérieurs de Paul de Rességuier et d’Alphonse Daudet, mais aussi les longs poèmes en vers d’une syllabe d’Amédée Pommier. Nous allons le faire, mais en établissant un mode de soulignement pour mettre en relief les reprises de mots d’un poème à l’autre, justification imparable d’un réel travail de réécriture. Cela permettra d’envisager le cas du long poème en vers d’une syllabe publiée dans Le Figaro en 1878, poème attribué ironiquement à Baudelaire, mais sans que cela ne doive nous leurrer, car nous pourrons établir par les reprises de mots que ce poème s’inspire des performances de l’Album zutique, sachant que la Revue du Monde nouveau témoigne d’une reprise des relations entre zutistes et auteurs du Parnassiculet contemporain : échanges reprenant du moins entre Cros, Valade et Arène, avec à l’arrière-plan le cas Maurice Rollinat, pré-Félicien Champsaur.
Nous reprendrons également un autre aspect du problème. En 1872, les « Vivants » Ponchon, Nouveau et autres ont repris des éléments des « Conneries » de Rimbaud pour les traiter dans des parodies des dizains de Coppée, ou dans des parodies de Ratisbonne, ce qui entraîne une hybridation des projets parodiques qui échappent sans doute un peu à la cohérence visée du moins par Rimbaud. Surtout, nous allons montrer que les réécritures ne concernent pas que les vers d’une syllabe. Par exemple, dans l’unique poème en vers d’une syllabe d’Arthur Rimbaud « Cocher ivre », outre que le titre vient de poèmes en alexandrins d’Amédée Pommier, la mention « Clame » n’est pas reprise d’un vers d’une syllabe antérieur. J’ai pu croire que c’était une allusion aux vers courts du poème « Marine » des Poèmes saturniens, point intéressant qui pouvait expliquer la raillerie de Daudet confondant Verlaine à un nouveau Pommier acrobate. En réalité, le dissyllabisme de « Jeune goinfre » est un fait exprès : Rimbaud veut montrer qu’il a lu les poésies d’Amédée Pommier et qu’à proximité des vers d’une syllabe de Sparte ou Blaise et Rose il a remarqué les essais en vers de deux syllabes concurrents, et justement quand ensuite Rimbaud suit Valade et Daudet au plan essentiel du sonnet en vers d’une syllabe il reprend le verbe « Clame » précisément à un poème en vers de deux syllabes d’Amédée Pommier : « Grand Être, / Qu’on sent, / Ô Maître / puissant, / Roi juste, / Auguste / Et bon, / A l’âme, / Tout clame / Ton nom ! » Il s’agit après les vers de trois syllabes d’un poème intitulé L’Egoïste d’un extrait du poème « Pan », et cerise sur le gâteau c’est à ce poème en vers de deux syllabes que Valade a lui-même repris le mot « onde » à la rime du troisième sonnet en vers d’une syllabe de sa série initiale au recto du cinquième feuillet de l’Album zutique, « Combat naval », ce qui conforte l’idée d’un parallèle complet de Valade à Rimbaud : « Jeune goinfre » face à « Eloge de l’âne », « Paris » face à « Amour maternel » et « Cocher ivre » face à « Combat naval ».
Reste le cas particulier de « Paris », les « sergents » sont mentionnés à trois reprises au moins dans le poème publié en plaquette Paris de Pommier, mais l’expression même de « sergents de ville » apparaît dans au moins un autre recueil du même Pommier. Mieux encore, si Rimbaud insiste sur le pédicure « Galopeau », c’est que la figure du « pédicure » en général est épinglée dans le même poème « humouristique » Paris de Pommier. Ici, une analyse formelle est ici nécessaire. Le vers de six syllabes n’est pas inexistant du tout dans la tradition littéraire française. Ce n’est pas un vers acrobatique et ce n’est pas un vers de chanson comparable aux vers de cinq ou sept syllabes. Le vers de six syllabes est entre le vers de chanson et le vers littéraire en quelque sorte. Ceci dit, il s’identifie à une moitié d’alexandrin. Le sonnet d’hexasyllabes est une moitié de sonnet en quelque sorte, telle est la provocation formelle. A cela, il convient d’ajouter que le sonnet « Paris » est une façon de dire « Zut », mais en prenant ironiquement la voix de Pommier : le « Soyons chrétiens » se retourne en « Zut » à Pommier évidemment. Et la série de noms propres de « Paris » reprend quelque peu les 14 mentions de noms propres de « Propos du Cercle », ce « Cercle du Zutisme » au cœur de Paris, l’Hôtel des Etrangers, malgré son nom, est situé le long du Boulevard Saint-Michel, dans un quartier de la rive gauche très marqué par la répression de la semaine sanglante. Même si Rimbaud n’a pas connu le texte de l’ouvrage Mes cahiers rouges de Maxime Vuillaume, la citation suivante fera assez entendre le caractère communard latent édifiant de la vignette de l’Hôtel des Etrangers contenue dans l’Album : « Au coin de la rue Racine et de la rue de l’Ecole-de-Médecine, les deux barricades qui défendaient l’entrée du boulevard Saint-Michel sont éventrées. Au fond du fossé une mitrailleuse a roulé, écrasant un cheval blanc blessé, dont on voit l’échine sanglante. Sous cette ruine, le cadavre d’un fédéré de taille géante, la face aplatie sous la roue de l’affût. » Le mot « Zutisme » sortant de la fenête de l’hôtel à l’angle de ces deux rues avait bel et bien un certain air de défi !

A suivre…

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