Le sonnet en vers d'une
syllabe de référence nous vient de Paul de Rességuier. Nous citerons cette
pièce plus bas. Commençons par une mise au point historique. Il s'agit d'une œuvre
dans l'esprit du romantisme de 1830. En prenant modèle sur les exemples encore
peu connus de Chénier, Malfilâtre et Roucher, Vigny a donné la mesure (pardon
du jeu de mots) d’une révolution des audaces à la césure qui a été suivie par
Hugo dans son théâtre. Mais Hugo a par ailleurs travaillé à un renouveau des formes
poétiques au plan des vers de chanson de quatre, cinq ou sept syllabes, voire
au plan des vers courts acrobatiques de une à trois syllabes. Quelque peu en
liaison avec cette pratique, la préface des Orientales a revendiqué une
liberté, une fantaisie, qui sera un mot d'ordre des Jeune-France de 1830.
Enfin, avec le regain d'intérêt pour la poésie antérieure au classicisme, de
Ronsard à Régnier, la forme "sonnet" a connu un regain d'intérêt
également. Or, en adaptant des sonnets d'origine anglaise, Sainte-Beuve a
précipité la pratique de sonnets ne respectant pas la distribution classique
des rimes. C’est ainsi que Gautier et Musset se sont engouffrés dans la voie des
sonnets irréguliers. Nous n'en analyserons pas les raisons et les
manifestations ici, mais, passé un premier temps "Jeune-France", les
audaces ont reflué dans la poésie romantique des années 1830 et 1840. Une
nouvelle génération de poètes, à la tête desquels nous rencontrons Baudelaire
et Banville, a repris le flambeau "Jeune-France" de 1830, et une
autre génération, celle du Parnasse se réclamant notamment de Banville et Baudelaire,
la consolidera, en reprenant l'étendard de la "fantaisie", jusqu’à
lui donner le nom d’une revue : la Revue
fantaisiste. La préface aux Odes funambulesques de Banville n'est
strictement rien d'autre que le discours poétique de 1830 et la reprise de la
profession de foi de Victor Hugo dans sa préface des Orientales, sachant
que les recueils ultérieurs d'Hugo se sont détachés de l'esprit de fantaisie
des Orientales pour adopter une posture de mage romantique plus proche
de Lamartine, mais aussi, et cela n’aurait pas dû passer inaperçu, du Voltaire
poète qui occupait tant l'espace public au dix-huitième siècle.
Une certaine poésie burlesque
a poursuivi dans la voie des poèmes en verts courts, l’un d’eux n’est autre qu’Amédée
Pommier, et cela sera au cœur de son recueil nommé Colifichets. Amédée Pommier n’a pas écrit de sonnets en vers d’une
syllabe, mais il a écrit deux poèmes uniquement composés de vers d’une syllabe.
Il a composé également un certain nombre de poèmes en vers de deux ou trois
syllabes. Car il faut bien comprendre que, dans la tradition française, les
vers de une, deux ou trois syllabes forment l’ensemble des mesures
acrobatiques, perçues comme indignes de la grande poésie littéraire. Il existe
deux traitements possibles pour ces vers courts. Il est possible de jouer sur
une alternance entre vers long et vers court, il est possible de composer
exclusivement en employant un des trois types de verts courts. Pommier exploite
les deux possibilités. Ce qui est intéressant, c’est qu’autant le dérèglement
dans la distribution des rimes d’un sonnet et le brouillage des césures sont
entrés dans une continuité historique du romantisme au Parnasse, autant la
pratique des vers courts, à cause d’auteurs comme Pommier, ou à cause d’exemples
de poésie burlesque parfois hostiles aux poètes, est devenue une perspective de
devenir des lettres en marge de la grande histoire littéraire, en marge des
grands mouvements poétiques.
Au début des années 1860, à
la suite de Baudelaire qui a poussé assez loin le dérèglement des rimes, et des
strophes mêmes, dans les sonnets, deux recueils de la nouvelle génération
parnassienne vont achever de mettre à mal l’ordonnancement des rimes dans la
célèbre forme fixe héritée d’Italie : Philoméla
de Catulle Mendès, et Avril, mai, juin
publication anonyme de Mérat et Valade. Ces deux recueils sont importants pour
apprécier l’Album zutique, et en
particulier un certain nombre de sonnets de Rimbaud. Mendès a pratiqué le
sonnet aux tercets sur deux rimes à la manière de Pétrarque : ABA BAB, ce
que Rimbaud a repris dans un sonnet probablement peu postérieur à la période de
ses contributions zutiques connues : « Oraison du soir », mais
aussi dans deux sonnets qui forment avec le plus célèbre sonnet de l'Album
zutique, le "sonnet du trou du cul", un ensemble anti-Mendès
anti-Mérat connu sous le nom des "Immondes" (mention de Verlaine) ou
sous le nom apocryphe Stupra depuis leur publication par les soins des
surréalistes. Attribuable ou attribué à Rimbaud, le sonnet "Poison
perdu" a pour sa part une organisation des rimes de tercets sur le mode
ABB AAB, étonnamment plus rare encore que le modèle inverse AAB ABB, qui
n'apparaît, à l'exception d'un sonnet de Musset, que parmi les pièces très
irrégulières du recueil Avril, mai, juin de Valade et Mérat, deux
membres du Cercle du Zutisme.
Il faut bien mesurer que nous
ne connaissons de l'activité zutique de Rimbaud qu'un ensemble restreint de
contributions dont la transcription s'étale sur à peine plus d'un mois, de la
mi-octobre à la mi-novembre 1871 environ. Nous savons que Rimbaud a encore
composé un sonnet "Oraison du soir" qui relève d'un registre
explicitement zutique, deux des sonnets de la série des "Immondes",
deux quatrains réunis sous le titre "Vers pour les lieux". Je
reviendrai sur mes raisons pour le dire dans un prochain article, mais l'Album
zutique était détenu par Léon Valade et Albert Mérat, s'il ne participait pas,
puisque comme le dit un sonnet en vers d'une syllabe de Cabaner la guerre
semblait avoir fait taire sa Muse, était présent tant aux réunions
d'octobre-novembre 1871 du Cercle du Zutisme qu'aux réunions des Vivants autour
de l'Album zutique en 1872. Malgré la dimension potache, les zutistes avaient
une connaissance aiguisée de l'histoire et de l'évolution des formes poétiques.
Les trois "Conneries" de Rimbaud s'inspirent d'ailleurs d'une autre
audace de Baudelaire et Banville, les deux principaux modèles des parnassiens
avant 1876 au-dessus de Leconte de Lisle et Gautier, la non alternance des
rimes masculines et féminines.
Ce qui restait en marge de
l'histoire du Parnasse c'était sans aucun doute une certaine pratique du vers
court et notamment du vers d'une syllabe.
Or, c'est la dispute entre
Verlaine et Barbey d'Aurevilly à partir de 1865 qui a précipité le retour sur
scène de cet attrait singulier pour les vers courts. Verlaine, dans la revue L'Art,
s'est moqué des vers d'une syllabe d'Amédée Pommier, et on comprend qu'il en
faisait l'emblème d'une impertinence des réactionnaires et bonapartistes. Or,
dans le Parnassiculet contemporain, Alphonse Daudet a rabattu la
pratique d'une vers d'une syllabe sur les prétentions à l'innovation formelle
des parnassiens et surtout sur les prétentions de Verlaine lui-même. C'est le Martyre
de saint Labre.
Partant de là, et en faisant
nécessairement abstraction de blagues potaches qui ne nous seraient pas
parvenues de la part des membres des Vilains Bonshommes avant la guerre
franco-prussienne, les zutistes ont choisi d'adopter cette forme du sonnet en
vers d'une syllabe pour moquer la médiocrité poétique d'un ensemble
réactionnaire impliquant Barbey d'Aurevilly, Belmontet, Amédée Pommier,
Alphonse Daudet, mais aussi François Coppée, sinon Catulle Mendès et Albert
Mérat. Au sein de l'Album zutique, les parodies de Ratisbonne,
Belmontet et Amédée Pommier, visent en réalité deux écrivains précis, Alphonse
Daudet et François Coppée. Il s'agit de les cataloguer politiquement, mais
aussi de les infantiliser. Belmontet est utilisé politiquement contre Coppée,
le dizain "Ressouvenir" pondu par Rimbaud permet d'établir ce lien.
Coppée s'était inspiré d'un poème de Ratisbonne : "Le Fils des
Armures" (section des "Poèmes divers" du Reliquaire)
réécrivait Le Général, courte pièce des Dernières scènes de la
Comédie enfantine de Louis Ratisbonne. Dans l'Album zutique, les
réécritures des colifichets de Pommier et Ratisbonne permettaient de laisser
entendre la note infantile du poète des Amoureuses, Alphonse Daudet, ce
qui est justifié dans la mesure où le Martyre de saint Labre parodie
Pommier et en joue, mais aussi une même note dans la poésie pourtant plus tenue
de François Coppée.
Rimbaud a entretenu cette
superposition. Le titre "Conneries" est une réécriture et contraction
des trois mots-titres de recueils d'Amédée Pommier : Colifichets
(épinglé par Verlaine), Colères et Crâneries. Je passe sur
l'attaque identique entre les titres "Cocher ivre" et
"Conneries" pour me concentrer sur le rapprochement capital à établir
entre "Jeune goinfre" et "L'Angelot maudit". Malgré
l'ouvrage d'Alain Chevrier sur la "contrainte monosyllabique", les
trois "Conneries" n'étaient pas identifiées en tant qu'allusions
parodiques à l'oeuvre d'Amédée Pommier, à tel point que Steve Murphy avait
identifié dans "Jeune goinfre" une parodie d'un poème "Le
Gourmand" de La Comédie enfantine de Louis Ratisbonne. Aujourd’hui,
force est de constater que malgré sa forme ramassée « Jeune goinfre »
est une réécriture de plusieurs poèmes, du « Gourmand » de
Ratisbonne, du « Martyre de saint Labre » de Daudet dont il reprend
le rythme, l’allure syntaxique, des poèmes en vers courts d’Amédée Pommier, des
exemples de sonnets en vers d’une syllabe précédemment transcrits par Léon
Valade sur le corps de l’Album zutique,
à quoi ajouter l’allusion fine à Verlaine. Evidemment, l’emboîtement
Daudet-Pommier-Verlaine-Valade est une conséquence du foyer de référence qu’est
le « Martyre de saint Labre » d’Alphonse Daudet. La seule pièce
rapportée, c’est le modèle venu de Ratisbonne. Or, si Murphy a pu songer à
identifier une source à « Jeune goinfre » dans l’œuvre de Ratisbonne,
cela vient de ce que Ratisbonne, écrivain très connu à l’époque, étant donné sa
retentissante conversion religieuse en particulier, était nommé comme cible du
poème en distiques « L’Angelot maudit ». Ce poème « L’Angelot
maudit » réécrit un passage de « L’Heure du berger » des Poëmes saturniens de Verlaine, ce qui
conforte l’idée d’une allusion fine à Verlaine, mais pas encore à Daudet. Or,
le caca au coin des bornes ne vient pas que des allusions à la colique du
recueil de Ratisbonne, mais du poème « humouristique » publié en
plaquette Paris d’Amédée Pommier :
Il va se trouver, sans nul doute,
Des esprits chagrins, mécontents,
Pour riposter, coûte que coûte,
A cet éloge de mon temps ;
Pour me crier : Tu le flagornes !
Pour pleurer les vieux quartiers mornes,
Et les cacas au coin des bornes,
[…]
Et les murs verts et gangréneux,
Et tout ce Paris rachitique,
Bossu, bancal, syphilitique,
Moisi, repoussant, méphitique,
Crasseux, pouilleux, rogneux, teigneux.
Ne pouvant tout traiter à la
fois, je reviendrai dans un autre article sur ce lien intertextuel. Ce qui m’intéresse
ici, c’est la liaison critique qui permet de retrouver Daudet et Pommier tant
dans « L’Angelot maudit » que dans « Jeune goinfre », en
complément des relations aux vers de Verlaine et Ratisbonne. Or, un dernier
trait m’intéresse. La disposition en distiques de « L’Angelot maudit »
est remquable. Le poème compte quatorze vers, ce que j’estime une allusion
discrète au sonnet. Rimbaud aurait très bien publier « L’Angelot maudit »
sous la forme d’un sonnet de rimes plates en octosyllabes. D’ailleurs, s’il l’avait
fait, il aurait regroupé les distiques par deux pour les quatrains, ce qui
signifie qu’aucun problème de rythme ne serait posé, tandis que le découpage
pour les tercets aurait souligné la reprise osée « disparaît » :: « paraît »
au sein de l’avant-dernier distique. Mais, allons plus loin. 14 vers en rimes
plates, c’est faire allusion soit à la forme distique, soit à la forme sonnet,
en se moquant à nouveau de « la forme à Coppée », qui n’est qu’une
suite de cinq rimes plates identifié à la forme dizain, quand le véritable
dizain historique est une forme précise et articulée faisant fusionner un quatrain
ABAB à un sizain CCDEED. Il me semble dès lors relever une allusion formelle à
l’œuvre de Coppée qui confirme la superposition grinçante des cibles bonapartistes
dans une relation ambiguë à l’œuvre des parnassiens et de Verlaine,
superposition déjà mise en place par le « Martyre de saint Labre » de Daudet
au sein du Parnassiculet contemporain.
Loin de railler Verlaine, Rimbaud superpose un Verlaine tel que perçu par
Daudet. Songeons que les citations de Belmontet confirment ce jeu particulier
de superposition des cibles bonapartistes à une vision dépréciée du Parnasse et
de Verlaine avec le système d’accompagnement : « Hypotyposes
saturniennes ex Belmontet » et « archétype Parnassien », ne
réécrivent pas qu’un titre antique « Hypotyposes pyrhonniennes ex Sextus
Empiricus », et ne font pas que prononcer le dépassement à venir du
mouvement parnassien, ce sont des réécritures du Parnassiculet contemporain :
« archétype Parnassien » est en écho à « Parnassiculet
contemporain » ou à la raillerie de Daudet parodiant Verlaine « sonnet
extrêmement rythmique », et la mention « saturniennes » assure
une liaison Belmontet-Verlaine qui prolonge la liaison Pommier-Verlaine opérée
perfidement par Daudet. Voilà de quoi remettre en cause notre perception
dépréciative spontanée de la mention « archétype Parnassien ».
Voilàaussi qui nous invité à sérier des réseaux de critiques parodiques distincts
dans l’Album zutique et dans un
certain nombre de pièces qui peuvent s’en rapprocher : un axe Mendès-Mérat
se dessine, un axe Daudet-Belmontet-Ratisbonne-image biaisée de Verlaine et du
Parnasse avec un saupoudrage de Coppée et un axe parallèle Coppée-Belmontet-Ratisbonne,
avec encore un axe Coppée particulier, et aussi un axe Silvestre-Dierx qui
demande d’approfondir la réflexion sur la raison parodique de l’attribution de « Vu
à Rome » à Léon Dierx. Ajoutons aussi le débat entre Ricard et Pommier que
suppose le monostiche rimbaldien : « L’Humanité chaussait le vaste
enfant Progrès ».
Revenons donc enfin au cas
des sonnets en vers d’une syllabe.
Il nous suffira de citer tous
les sonnets de ce type dans le corps de l’Album
zutique. Nous aurons à citer en vis-à-vis les exemples antérieurs de Paul
de Rességuier et d’Alphonse Daudet, mais aussi les longs poèmes en vers d’une
syllabe d’Amédée Pommier. Nous allons le faire, mais en établissant un mode de
soulignement pour mettre en relief les reprises de mots d’un poème à l’autre,
justification imparable d’un réel travail de réécriture. Cela permettra d’envisager
le cas du long poème en vers d’une syllabe publiée dans Le Figaro en 1878, poème attribué ironiquement à Baudelaire, mais
sans que cela ne doive nous leurrer, car nous pourrons établir par les reprises
de mots que ce poème s’inspire des performances de l’Album zutique, sachant que la Revue
du Monde nouveau témoigne d’une reprise des relations entre zutistes et
auteurs du Parnassiculet contemporain :
échanges reprenant du moins entre Cros, Valade et Arène, avec à l’arrière-plan
le cas Maurice Rollinat, pré-Félicien Champsaur.
Nous reprendrons également un
autre aspect du problème. En 1872, les « Vivants » Ponchon, Nouveau
et autres ont repris des éléments des « Conneries » de Rimbaud pour
les traiter dans des parodies des dizains de Coppée, ou dans des parodies de
Ratisbonne, ce qui entraîne une hybridation des projets parodiques qui
échappent sans doute un peu à la cohérence visée du moins par Rimbaud. Surtout,
nous allons montrer que les réécritures ne concernent pas que les vers d’une
syllabe. Par exemple, dans l’unique poème en vers d’une syllabe d’Arthur
Rimbaud « Cocher ivre », outre que le titre vient de poèmes en
alexandrins d’Amédée Pommier, la mention « Clame » n’est pas reprise
d’un vers d’une syllabe antérieur. J’ai pu croire que c’était une allusion aux
vers courts du poème « Marine » des Poèmes saturniens, point intéressant qui pouvait expliquer la
raillerie de Daudet confondant Verlaine à un nouveau Pommier acrobate. En
réalité, le dissyllabisme de « Jeune goinfre » est un fait exprès :
Rimbaud veut montrer qu’il a lu les poésies d’Amédée Pommier et qu’à proximité
des vers d’une syllabe de Sparte ou Blaise et Rose il a remarqué les essais
en vers de deux syllabes concurrents, et justement quand ensuite Rimbaud suit
Valade et Daudet au plan essentiel du sonnet en vers d’une syllabe il reprend
le verbe « Clame » précisément à un poème en vers de deux syllabes d’Amédée
Pommier : « Grand Être, / Qu’on sent, / Ô Maître / puissant, / Roi
juste, / Auguste / Et bon, / A l’âme, / Tout clame / Ton nom ! » Il s’agit
après les vers de trois syllabes d’un poème intitulé L’Egoïste d’un extrait du poème « Pan », et cerise sur le
gâteau c’est à ce poème en vers de deux syllabes que Valade a lui-même repris
le mot « onde » à la rime du troisième sonnet en vers d’une syllabe
de sa série initiale au recto du cinquième feuillet de l’Album zutique, « Combat naval », ce qui conforte l’idée d’un
parallèle complet de Valade à Rimbaud : « Jeune goinfre » face à « Eloge
de l’âne », « Paris » face à « Amour maternel » et « Cocher
ivre » face à « Combat naval ».
Reste le cas particulier de « Paris »,
les « sergents » sont mentionnés à trois reprises au moins dans le
poème publié en plaquette Paris de
Pommier, mais l’expression même de « sergents de ville » apparaît dans
au moins un autre recueil du même Pommier. Mieux encore, si Rimbaud insiste sur
le pédicure « Galopeau », c’est que la figure du « pédicure »
en général est épinglée dans le même poème « humouristique » Paris de Pommier. Ici, une analyse
formelle est ici nécessaire. Le vers de six syllabes n’est pas inexistant du
tout dans la tradition littéraire française. Ce n’est pas un vers acrobatique
et ce n’est pas un vers de chanson comparable aux vers de cinq ou sept
syllabes. Le vers de six syllabes est entre le vers de chanson et le vers
littéraire en quelque sorte. Ceci dit, il s’identifie à une moitié d’alexandrin.
Le sonnet d’hexasyllabes est une moitié de sonnet en quelque sorte, telle est
la provocation formelle. A cela, il convient d’ajouter que le sonnet « Paris »
est une façon de dire « Zut », mais en prenant ironiquement la voix
de Pommier : le « Soyons chrétiens » se retourne en « Zut »
à Pommier évidemment. Et la série de noms propres de « Paris »
reprend quelque peu les 14 mentions de noms propres de « Propos du Cercle »,
ce « Cercle du Zutisme » au cœur de Paris, l’Hôtel des Etrangers,
malgré son nom, est situé le long du Boulevard Saint-Michel, dans un quartier
de la rive gauche très marqué par la répression de la semaine sanglante. Même
si Rimbaud n’a pas connu le texte de l’ouvrage Mes cahiers rouges de Maxime Vuillaume, la citation suivante fera
assez entendre le caractère communard latent édifiant de la vignette de l’Hôtel
des Etrangers contenue dans l’Album :
« Au coin de la rue Racine et de la rue de l’Ecole-de-Médecine, les deux
barricades qui défendaient l’entrée du boulevard Saint-Michel sont éventrées.
Au fond du fossé une mitrailleuse a roulé, écrasant un cheval blanc blessé,
dont on voit l’échine sanglante. Sous cette ruine, le cadavre d’un fédéré de
taille géante, la face aplatie sous la roue de l’affût. » Le mot « Zutisme »
sortant de la fenête de l’hôtel à l’angle de ces deux rues avait bel et bien un
certain air de défi !
A suivre…
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