lundi 7 avril 2014

Un peu de culture dans la modernité (Une saison en enfer)

Je propose ici un petit lot de rapprochements pour mieux éclairer le sens d'Une saison en enfer.

Pour la fin du livre "il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps", je pense inévitablement à un esprit sain dans un corps sain et à ses emplois repris par le christianisme. Dans l'absolument moderne, la phrase ultime n'en est pas moins classique comme des vers de tragédie :

A vous sur qui le Ciel, déployant ses trésors,
Mit un si digne prix dans un si digne corps!

Quand Rimbaud écrit : "Sur tout joie pour l'étrangler j'ai fait le bond sourd de la bête féroce" et ensuite "pour m'étouffer", là encore on songe à la Littérature classique et à des images fréquentes dans la tragédie : un héros de Corneille doit parfois étouffer tel sentiment qui se lève, par exemple Sabine femme d'Horace doit étouffer le sentiment pour sa patrie et devenir romaine, dans la guerre qui déchire Albe et Rome. On trouve des vers exprimant l'étouffement de tout sentiment naissant repéré en soi dans les tragédies de Corneille.

J'ai d'autres idées, mais je le laisse s'échapper, alors je profite du blog comme bloc-notes.
Une autre à laquelle j'attache de l'intérêt, c'est cette histoire de trésor confié au début du livre Une saison en enfer.
Dans L'Education sentimentale, Frédéric Moreau a un échange, plutôt vers le début du roman, avec son ami Deslauriers, lequel offre une réplique où il est question de ce "trésor" et d'un autre élément, là je ne l'ai déjà plus en tête, qui fait penser au passage d'Une saison en enfer. Il s'agit du trésor romantique de la sensibilité et du coeur, en fait. Cela inscrit nettement l'oeuvre de Rimbaud dans la continuité de son siècle et en plus dans un lieu commun des jeunes de son siècle.

Je préciserai une autre fois.
Je remarque également que Rimbaud joue d'un savant mélange entre le langage soutenu et le langage familier. A plusieurs reprises, dans les phrases négatives, il fait sauter le discordantiel "ne", ne conservant que le forclusif "pas", parfois en conservant pourtant une étonnante allure en style : "L'éternité serait-elle pas perdue pour nous?"
On fait à Céline honneur de l'invention d'un style dans le roman qui imite le parlé, mais j'ai l'impression que les procédés les plus forts sont déjà dans Une saison en enfer.
Pour ce qui est de la négation, Céline supprime bien sûr la forme "ne", y compris quand cela est imperceptible à l'oreille : genre "On arrive pas", etc.
On dira qu'il n'y avait pas besoin de Rimbaud pour appliquer un tel procédé, mais il se trouve qu'il y a d'une part l'antériorité de Rimbaud, d'autre part je me demande si les deux titres Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit ne sont pas tous les deux des variations sur le titre Une saison en enfer, des réflexions à partir de... Là, je lisais récemment Mort à crédit en tiquant sur des possibilités de reprises rimbaldiennes bien camouflées, mais je dois reprendre cela en prenant des notes par écrit
Je trouve également que le style parlé chez Céline a un côté corset mécanique fondé sur des très peu de jeux réels finalement.

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