mardi 4 février 2014

Théorie de la pertinence

J'ai parlé d'inférence et de pertinence, je vais ici tenter de présenter la théorie de la pertinence, ouvrage de Dan Sperber et Deirdre Wilson
Je vais donc parler ici de quelque chose qui est issu d'un courant philosophique d'origine britannique Les dénominations ne sont pas très heureuses : philosophie analytique ou pragmatique ou phénoménologie linguistique La meilleure "phénoménologie linguistique" n'est pas reconnue et le mot de "pragmatique" pose pas mal de problèmes La philosophie analytique initiée par des gens tels que Austin consiste à philosopher en prenant plus scrupuleusement en compte le sens ordinaire des mots, les véritables constats de tout un chacun dans nos expériences ordinaires, contre une tendance trop hâtive à l'abstraction de la part des philosophes Bien que ce ne soit pas le plus connu, le livre le plus remarquable et le plus important d'Austin est Le Langage de la perception
Mais, parallèlement à cela, Austin et Grice ont souligné des aspects particuliers de la communication verbale qui ont fait apparaître tout un nouveau champ d'études pour les philosophes et pour les linguistes : celui de l'énonciation On parle alors de "pragmatique", mais il s'agit surtout de problèmes liés à l'énonciation Austin s'est ainsi rendu compte que quand nous disons "je promets", "je déclare la séance ouverte", "je baptise ce bateau le Queen Mary" ou bien le simple "oui" (lors d'un mariage) en fonction d'un cadre bien défini nos paroles sont des actes et non pas des énoncés quelconques servant à échanger des idées Il a développé cela dans son livre Quand dire, c'est faire dont le début est remarquable, la fin moins car il finit par se noyer dans trop de subtilités De son côté, Paul Grice a remis en cause une idée banale depuis au moins Aristote selon laquelle le langage est un code, ce que renforçait encore les nouveaux discours au vingtième siècle qui se sont développés à partir des influences importantes du suisse Ferdinand de Saussure, invention de la sémiologie et célèbre concept du signe comme rapport d'un signifié à un signifiant, et de l'américain Peirce, invention de la sémiotique Grice a montré que quand nous échangeons la production du sens n'est pas liée comme cela simplement à un jeu de codage et décodage, mais la conversation réussit par un ajustement des inférences au fur et à mesure de l'échange Tout le sens n'est pas donné dans les mots employés, tout le sens n'est pas régi par la construction grammaticale de la phrase

Si je dis "Il est tôt", il faut encore faire une inférence : tôt par rapport à quoi?
Si je dis "Comme cette robe réalise de miracle à ta taille?", une inférence s'impose, puisque plane un terrible sous-entendu : "tu es belle avec cette robe, mais sans cela tu fais grosse"
"Il lui parle", une inférence là aussi s'impose Les "pronoms" sont étudiés par la grammaire, mais il faut bien identifier "lui" et il"
"Je viendrai demain", il faut identifier qui parle et aussi bien déterminer les repères temporels qui ne sont pas les mêmes si nous lisons un roman, si nous avons affaire à un discours rapporté par quelqu'un ou si la phrase nous est immédiatement adressée
L'ironie, les figures de style et les métaphores posent également des problèmes d'inférence
La phrase "Il est tôt" est un exemple de sous-détermination, mais il existe aussi des cas d'ambiguïté, l'ambiguïté est un cas bien précis quand une alternative se pose à nous pour le sens: "Le grand garde la porte" Cela peut se lire de deux manières distinctes, ou bien "le grand (homme) garde la porte" ou bien "le grand garde la porte (cette femme ou cette coiffe, etc)"
L'ambiguïté relève d'un problème d'alternative Nous avons trois possibilités bien distinctes devant nous, une seule est la bonne La phrase "Elle vient" peut paraître ambiguë, si on se dit "Léocadie ou Guillemette ?", mais en réalité c'est un cas de sous-détermination qui laisse place à des tas de variantes continues
Sous-détermination (flou, vague) ou ambiguïté nous demandent de faire des inférences, mais aussi la surdétermination : une phrase a un sens précis, mais entraîne d'autres déductions ou nous impose d'autres idées
L'ironie, les figures de style et les énoncés performatifs supposent eux aussi une compréhension qui va au-delà de la simple analyse grammaticale d'une phrase, de la simple compréhension du sens à donner à chaque mot

Le fonds général de ces nouvelles études est anglosaxon, avec des noms anglais plus ou moins illustres à commencer par Austin et Grice, avec des noms américains plus ou moins connus également, Searle en particulier, sauf qu'Austin et Grice sont meilleurs et plus fondamentaux que Searle
Spécialiste de versification et d'un certain nombre de poèmes de Rimbaud, Benoît de Cornulier est un des premiers français à avoir publié un ouvrage relevant de ce courant anglosaxon, le livre Effets de sens, mais je ne possède pas cet ouvrage et il ne semble pas avoir persévéré dans ce domaine Je ne connais pas non plus les travaux de François Récanati ou de Catherine Kerbrat-Orecchioni
Je possède le livre de Paul Grice qui n'est pas traduit en français Studies in the way of words Je possède deux sur trois des ouvrages de Searle (Sens et expression, L'Intentionnalité) traduits en français, mais pas le premier Les Actes de parole
Je possède bien sûr Le Langage de la perception et Quand dire c'est faire d'Austin
(J'ai aussi le livre traduit en français de Lakof et je ne sais plus qui sur "la métaphore au quotidien", mais pour l'instant je ne l'ai pas trouvé pas très bon)
Et enfin je possède le livre traduit en français La Pertinence de Dan Sperber et Deirdre Wilson
La traduction de ce dernier ouvrage est rendue fiable par le fait que l'un de ces deux auteurs est français, il s'agit même du mari de Monique Canto-Sperber, directrice de l'Ecole Normale Supérieure et philosophe spécialiste de Platon
Un second ouvrage de Dan Sperber et Deirdre Wilson a été publié tout récemment, en 2012, mais seulement en anglais et je n'ai encore aucune connaissance de cet ouvrage et de son impact : Meaning and relevance, tel est le titre anglais qui devrait donc être traduit par Signification et pertinence je pense
Dan Sperber s'est opposé apparemment au départ au structuralisme et il s'est ensuite intéressé aux problèmes de cognition et a donc produit ce livre La Pertinence avec la linguiste anglaise Deirdre Wilson

L'ouvrage La Pertinence part du constat gricéen qui amène à considérer que le langage n'est pas qu'affaire de code, mais aussi d'inférences, mais il ne va pas s'inscrire strictement dans la continuité de Grice, car il propose un modèle qui rompt avec les approches des continuateurs de Grice

Les auteurs posent d'emblée qu'il n'est pas question de proposer une théorie unifiée de la communication, ni donc de chercher à expliquer la communication exclusivement par le code ou exclusivement par l'inférence
Cela n'aurait pas plus de sens que de proposer une théorie unifiée des moyens de locomotion avec la marche à pied, la voile, le train, etc
Les auteurs admettent d'emblée qu'il y a deux processus, soit le code, soit l'inférence, et qu'il n'y a pas moyen de rabattre complètement l'un sur l'autre
Il faut savoir que Searle avait prétendu montrer que les inférences mises à jour par Grice devaient pouvoir s'expliquer par la théorie du code, tandis que certains chercheurs gricéens, pas tous, prétendaient expliquer le code de la langue par une origine inférentielle
Sperber et Wilson dissocient en fait le couple classique langage et communication Pour eux, le langage n'est pas indissociablement lié à la communication, il est indissociablement lié au traitement de l'information et donc à la cognition, et leur livre est d'ailleurs accompagné du sous-titre "Communication et cognition"
Pour eux, un humain qui dirait que le langage sert à communiquer, c'est comme un éléphant qui penserait qu'un nez sert à attraper des objets
En revanche, l'avantage cognitif d'un langage perfectionné va se révéler particulièrement important dans le domaine de la communication
Si nous essayons de communiquer sans les mots, nous allons nous en tenir à des inférences très pauvres à l'aide de gestes et de positionnements du corps
Mais, en même temps, même dans la communication verbale, il reste nécessaire de pratiquer des inférences, et les inférences sont d'autant plus riches, pertinentes, productives, que nous possédons déjà un très haut niveau de traitement de l'information Du coup, même pour communiquer par inférences, il vaut mieux avoir le cerveau d'un humain que celui de tout autre animal
Maintenant, si le but des deux auteurs n'est pas de proposer une théorie unifiée de la communication, ni de compter les points entre théorie du code et théorie plutôt inférentiel, il est de proposer une compréhension des processus psychologiques qui assurent le succès d'une communication
Et il faut bien mesurer l'importance du caractère spontané de la communication (rien à voir avec la recherche scientifique), idée de réussite spontanée de la majeure partie des échanges qui favorise la recherche théorique d'un processus minimaliste
Le livre est composé de quatre chapitres

Chapitre 1 La Communication
Chapitre 2 L'Inférence
Chapitre 3 La Pertinence
Chapitre 4 Aspects de la communication verbale

Le premier s'intitule La Communication Il s'agit de déterminer comment les êtres humains communiquent entre eux, ce qui suppose une mise à l'épreuve des deux modèles, celui du code et celui des inférences
Il s'agit de montrer les insuffisances d'une approche par le code, puis d'une approche inférentielle Il s'agit aussi de dénoncer des outils conceptuels inadéquats des prédécesseurs, comme la thèse selon laquelle la communication réussit parce que les protagonistes qui échangent partageraient un même savoir, la thèse dite du "savoir mutuel"
Mais ce qui importe, c'est la théorie gricéenne L'idée que la réussite de nos échanges verbaux soit liée à des inférences est neuve et le modèle gricéen n'est pas satisfaisant pour trois raisons visiblement
Premièrement, Grice propose un ensemble de maximes qui permettraient aux gens quand ils échangent de pratiquer les bonnes inférences, maximes qui impliquent déjà l'idée de pertinence Mais, du coup, Grice tend à faire comme si ces maximes étaient des tables de la loi bien présentes à l'esprit des gens qui échangent entre eux, ce qui pose problème étant donné le nombre de maximes qu'il propose et étant donné qu'une bonne partie du raisonnement consiste à traiter des cas de non respect de ces maximes

Voici d'ailleurs un rendu de ces neuf maximes de Grice qu'il faut relier à un "principe de coopération":

Maximes de quantités
1 Que votre contribution soit aussi informative que nécessaire
2 Que votre contribution ne soit pas plus informative que nécessaire

Maximes de qualité
1 Ne dites pas ce que vous croyez être faux
2 Ne dites pas ce que vous n'avez pas de raisons suffisantes de considérer comme vrai

Maxime de relation
Soyez pertinent

Maximes de manière
1 Evitez de vous exprimer de manière obscure
2 Evitez l'ambiguïté
3 Soyez bref
4 Soyez ordonné

Deuxièmement, la méthode de Grice ne permet pas de comprendre les processus psychologiques mêmes qui font que la communication réussit Cette réussite demeure présupposée par le cadre théorique L'approche gricéenne va consister à dire qu'on arrive à telle élucidation du sens par l'application de telle maxime, par exemple, ce qui n'est pas décrire ce qu'il peut bien se passer, et, comme cela a été dit dans le premièrement, le problème est évidemment plus criant quand dans une conversation une maxime n'est pas respectée, puisqu'une personne peut mentir et être perçue en train de mentir éhontément, etc

Troisièmement, et là, il me faut encore travailler pour apprécier correctement le problème, Grice ne poserait pas de manière satisfaisante le problème de l'explicite et de l'implicite d'un énoncé

De toutes les maximes de Grice, Sperber et Wilson retiennent essentiellement la maxime de la pertinence et ils essaient de montrer qu'elle est suffisante à condition de bien la formaliser

La communication inférentielle suppose un émetteur et un récepteur
L'émetteur doit établir la communication de manière ostentatoire pour que son intention soit claire, ce qui a mène à une rédéfinition, on parlera de communication ostensive-inférentielle
Les auteurs distinguent alors l'intention communicative et l'intention informative

L'inférence n'est pas purement déductive et la communication par inférences n'est pas infaillible, il faut étudier qui plus est d'une part le cas de l'émetteur qui doit s'appliquer à communiquer et être compris, puis le cas du récepteur qui doit identifier la volonté de communiquer et comprendre
Le formalisme de la notion de pertinence est le suivant La pertinence fait jouer deux ordres de comparaison : premièrement il y a une politique du moindre effort, deuxième une politique du maximum d'effets
Il faut comprendre que la pertinence est affaire de degré, quelque chose est plus ou moins pertinent, et cette pertinence ne peut pas être quantifiée Nous pouvons dans la comparaison dire ce qui est le plus ou le moins pertinent, mais nous ne pouvons pas quantifier la pertinence En même, nous ne pouvons pas toujours tout comparer, car on prend en considération à la fois qu'il est question de comprendre sans fournir un effort important et en même temps d'en tirer le maximum d'implications intéressantes
Ainsi, quelqu'un qui produit un message va avoir tendance à nous demander le moindre effort possible pour être compris et en même temps il va vouloir que nous en fassions un maximum de profit, et de tels présupposés favorisent la compréhension dans la communication, car notre cerveau va se jeter sur les idées qui viennent le plus naturellement à l'esprit et aussi retenir rapidement celle qui donne du sens, et non pas une idée insignifiante
Il y a en quelque sorte émulation de la pertinence selon deux axes précis : moindre effort et max d'effets
Mais cela ne peut être clair que dans un cadre précis
A tout moment, nous avons un champ d'idées en tête, d'hypothèses pour reprendre le mot employé par Sperber et Wilson La communication va consister à agir sur ces mondes enchevêtrés d'hypothèses dans le temps de la conversation et au fur et à mesure de l'échange
Il est question d'agir avec le moindre effort et le plus d'effets sur nos champs d'hypothèses en introduisant une hypothèse nouvelle qui impose une modification à nos champs d'hypothèses qui n'ont rien de stable et permanent, et l'échange se poursuivant l'interaction est continue, les modifications progressives dans nos états mentaux
Nous savons que nous pouvons nous concentrer sur plusieurs choses à la fois, ce qui permet des combinaison intéressantes, mais la théorie de la pertinence s'appuie aussi sur un concept très important qui est celui de bloc encyclopédique
Le bloc encyclopédique ne doit pas être confondu avec la définition d'un mot dans un dictionnaire, ce qui nous ramènerait au code Il se trouve que les mots sont accompagnés de représentations et que certaines interférences sont productrices de sens Dans une conversation, vous demandez à quelqu'un s'il va bien et il vous répond qu'il a roulé toute la journée, l'idée de fatigue ne s'impose pas par les mots mais par inférence Or, dans cet exemple très simple, on voit bien que la réponse est appropriée et plus intéressante que si l'homme se contentait de réplique "je suis très fatigué" Nous avons une réponse qui débouche sur une information riche, précise et nuancée La réponse ouvre des voies Elle relève d'un moindre effort pour communiquer un maximum, et cette pertinence passe par des blocs "encyclopédiques" qui font que dans la communication nous basculons très rapidement à des ordres de considération élargis Si quand on propose d'aller au restaurant, un enfant répond, je veux aller "Chez Pinocchio", le gain informatif n'est pas de préciser simplement le nom du restaurant, il suppose aussi un goût pour ce que nous savons qui est servi chez ce restaurateur (des pâtes, de la sauce tomate, de la cuisine italienne), ou pour ce qu'il manifeste (de la culture italienne, un cadre convivial) Le bloc encyclopédique suppose des rapports diffus enrichissants, ce qui le différencie de la simple définition de mot dans un dictionnaire C'est les passerelles qui sont intéressantes dans cette idée d'inférences favorisées par les blocs "encyclopédiques" Et là pour le coup nous approchons bien d'une description des processus psychologiques guidés par les concepts d'inférence et de pertinence
Il y a d'autres choses dans le livre La Pertinence dont je ne rends pas compte ici (les attitudes propositionnelles, etc) et il y a notamment cette question de l'explicite et de l'implicite sur laquelle les auteurs prennent leurs distances avec Grice, ce sur quoi je travaille actuellement mais en m'appliquant à confronter les points de vue et les travaux, ce qui prend du temps
Dans les dernières sections du quatrième chapitre, la théorie de la pertinence est mise en application pour montrer qu'elle peut contribuer à l'analyse du style, des actes de paroles, des échanges ironiques
Ce dernier chapitre s'intéresse également aux ambiguïtés : "La petite brise la glace", ce qui permet de s'interroger sur notre manière de reconstituer la forme propositionnelle d'une phrase
Je vais finir ma présentation sur un détail intéressant
Les linguistes ont plaqué parfois sur la forme grammaticale une division en thème et propos qui n'est pas grammaticale
En général, le sujet d'une phrase est le thème et tout ce qui est sous la dépendance du verbe son propos
Cela marche assez  bien dans la plupart des cas
La Lune (thème) est un satellite de la Terre (propos)
Le satellite de la Terre (thème) est la Lune (propos)
Cette subdivision est liée à une autre présupposition selon laquelle le thème est ce que nous savons déjà et le propos l'information nouvelle
Le problème, c'est qu'il y a des contre-exemples et que les grammairiens se sont empressés de réajuster en considérant que parfois le thème n'est pas au début de la phrase ni en fonction sujet, etc, etc
Mais cette subdivision en thème et propos est une méthode empirique pour déterminer l'information clef d'un énoncé
La théorie de la pertinence va plutôt s'intéresser à une autre idée exploitée en linguistique qui est celle de focus
Dans la phrase "Suzanne est allée voir le match de FOOTBALL", les majuscules montrent que l'information importante était de préciser quel type de match, sinon quel match allait voir Suzanne, c'est la discrimination "football" qui importait
Mais, grammaticalement, la phrase pouvait répondre à plusieurs types de questions : "Qu'a fait Suzanne?" "Où est allée Suzanne?" "Qu'est allée voir Suzanne?" "Quel match est allée voir Suzanne?"
Les auteurs s'intéressent alors à l'enchâssement des plans informatifs avec donc un avant-plan et plusieurs arrière-plans
Dans le cas présent, l'information clef arrive en fin de phrase avec un enchâssement d'arrières-plans à avant-plan, mais il arrive aussi que l'information d'avant-plan soit donnée avant la fin de la phrase, ce qui n'est pas sans conséquence au plan cognitif
Cela m'intéresse dans le cas des vers de Rimbaud : "A, noir corset velu des mouches éclatantes / Qui bombinent autour des puanteurs cruelles", car pour moi l'information d'avant-plan est clairement le mot "corset", mais la relation des lecteurs est confuse à ces vers qui une fois l'information "corset" reçue donne une importance plus grande à tout ce qui s'enchaîne de "velu" jusqu'à "puanteurs cruelles"

Il est évident pour moi qu'une approche formalisée des problèmes de pertinence à la lecture me permettra d'aider les gens qui n'ont pas des facultés d'inférences aussi développées que les miennes, ce qui fait pas mal de monde, d'entrer enfin dans la lecture du sonnet Voyelles
En plus, cela me permet d'améliorer une qualité particulière que je possède au plus haut niveau, mais trop confusément encore à mon goût

2 commentaires:

  1. Je ferai d'autres sujets ultérieurement sur implicite/explicite, ironie, métaphore et actes de parole
    La séparation entre implicite et explicite n'est pas envisagée au même "niveau" par les gricéens et par les auteurs Sperber et Wilson, cela concerne quelque peu le prolème classique de l'encodage des prépositions et conjonctions qui finissent par avoir plusieurs sens précis dans le dictionnaire alors qu'il n'y a qu'un mot "si" ou qu'une conjonction "et", le sens spécifié est lié au contexte, mais est-ce de l'implicite ou de l'explicite ? Faut-il différencier d'un côté implicitation et explicitation et de l'autre explicite et implicite, de façon à pouvoir parler de degré d'explicite? C'est un peu subtil
    Point très subtil également, la critique de l'intérêt des actes de parole pour la pragmatique, car une bonne partie des énoncés performatifs (Quand dire c'est faire d'Austin) se rangent dans deux catégories dont l'une même n'a de pertinence qu'en regard d'institutions extérieures aux questions linguistiques (promesse comme baptême sont institutionnels) Mais les actes de parole ont un intérêt pour les attitudes propositionnelles (question, ordre, assertion)
    J'ai moi-même une autre voie de perplexité quant au livre d'Austin Quand dire c'est faire j'y reviendrai sans doute

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  2. Pour la métaphore et l'ironie, les auteurs Sperber et Wilson montrent qu'il n'y a pas de solution de continuité entre des énoncés ordinaires et des figures de style, les processus sont les mêmes et sont très généraux Il n'y a pas de différence de processus entre arrondir l'heure, arrondir un prix et formuler une hyperbole
    L'idée de figure de style est problématique parce qu'elle isole des phénomènes comme distincts de processus d'échange ordinaires, mais en même temps elle empêche de voir une autre division entre d'un côté des processus ordinaires et la métaphore qui poussent les implicitations d'un énoncé à partir de sa forme littérale, et de l'autre des procédés d'échos ou d'ironie qui supposent qu'on cite le discours de quelqu'un d'autre
    Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, l'ironie ce n'est pas dire le contraire de ce que l'on pense, mais formuler quelque chose qui pose problème, crée une tension et obligé à un réajustement, c'est le sens antique originel de l'ironie définie dans les ouvrages sur les figures de style, mais les universitaires, les linguistes, les rimbaldiens et les gens de tous les jours m'envoient balader quand je le dis ou me daubent superbement
    Evidemment, le livre La Pertinence abonde dans mon sens en montrant que l'ironie est fondée sur l'écho du discours d'un ou de plusieurs autres, mais mis en tension par notre attitude ou le contexte
    Et les auteurs ne manquent pas de citer un exemple où il ne saurait être question d'entendre l'inverse de ce qui est dit: deux rois après la bataille savourent leur victoire, l'ironie ne suppose pas le contraire: déplorent leur défaite, mais il y a deux discours de victoire, ce qui pose problème, c'est là qu'est l'ironie, dans ce défaut logique que souligne la simple citation de deux discours de rois

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