lundi 15 novembre 2021

"Larme", la création du vers divin ! [Rimbaud 1872 : la césure malgré l'irrégularité partie 3/3 sous-partie 2]

La chronologie a son importance. Le premier poème en vers "nouvelle manière" composé par Rimbaud fait partie d'une suite paginée remise à Forain qui ne contient que des poèmes en vers "première manière" pour le reste. La présence du poème "Tête de faune" dans cette suite paginée invite à penser qu'il s'agit d'une création composé juste avant son éloignement de Paris pour deux mois. Le poème date donc de la fin du mois de février ou du tout début du mois de mars 1872, selon toute vraisemblance. Une nuance est tout de même envisageable. Rimbaud a pu envoyer le manuscrit à Verlaine par courrier et celui-ci le reporter dans la suite paginée. En tout cas, avant le retour de Rimbaud, Verlaine écrit à celui-ci pour lui dire que tous ses poèmes ont été mis en sécurité du côté de Forain. Je pense qu'il devait être question de plusieurs jeux de manuscrits. S'il est question de rassurer Rimbaud, c'est que Rimbaud n'a pas tout ses manuscrits avec lui, mais au moins une partie, sinon Verlaine aurait recopié "Le Bateau ivre" et quelques autres titres qu'il n'avait pas sous la main. Mais Verlaine avait sans doute aussi de son côté des manuscrits inédits. L'idée, c'est que Verlaine avait en dépôt certains manuscrits et en même temps il a composé une suite paginée. Et lorsque Rimbaud est revenu à Paris, j'imagine que Rimbaud et Verlaine ont récupéré les manuscrits remis à Forain et procédé à un échange. Je pense que c'est en mai 1872 que Rimbaud récupère les manuscrits remis à Forain, mais en profite pour faire des modifications à la suite paginée. Verlaine recopie des quatrains inédits pour "Les Mains de Jeanne-Marie", tandis que Rimbaud lui-même crée une version rallongée de deux quintils du poème "L'Homme juste". Comme Rimbaud a dû récupérer Verlaine, la suite paginée a dû être remise à Forain en contrepartie pour continuer de sécuriser des textes. Il est clair que les copies de Verlaine supposent l'existence d'autographes, tel est mon raisonnement. Le problème, c'est que les manuscrits autographes resteront dans la famille Mauté au-delà du 7 juillet 1872 et seront détruits. Je précise que malgré ses dénégations Mathilde avoue au minimum avoir eu des copies qui donc ont bien été détruites de poèmes finalement publiés comme "Voyelles" ou "Les Chercheuses de poux". Si ! La famille Mauté a détruit des tas de manuscrits de Rimbaud. C'est de la pure logique.
Mais, Rimbaud et Verlaine ont alors confié à Forain un ensemble qui avec la suite paginée contenait de nouvelles compositions toutes fraîches, les poèmes en prose des "Déserts de l'amour", dont Verlaine semble bien indiquer que la famille Mauté en possédait des copies en novembre 1872 lorsqu'il dresse la liste de biens à récupérer et aussi plusieurs poèmes en vers "nouvelle manière" : "Comédie de la Soif" (poème en cinq poèmes), "Larme", "Bonne pensée du matin" et "La Rivière de Cassis". Forain devait posséder d'autres manuscrits qui ne sont pas parvenus jusqu'à nous ou que nous n'avons pas identifiés comme provenant de Forain, puisque Maurevert qui les retrouva détenait aussi une version du "Sonnet du Trou du Cul". Quant à "Poison perdu", c'est un autre débat, je n'ai pas l'impression que Forain détenait lui-même un manuscrit de ce sonnet. Son témoignage est à prendre avec des pincettes.
Plusieurs éléments invitent à penser que le second poème en vers "nouvelle manière" de Rimbaud fut la "Conclusion" de "Comédie de la Soif". Mon idée, c'est que cet ensemble est constitué de 75 vers et qu'il est invraisemblable que Rimbaud ait peu composé en mars et en avril 1872 pour aligner comme jamais un nombre conséquent de compositions au seul mois de mai 1872. Je pense que "Comédie de la Soif" a quasi été intégralement composé en avril 1872. Les poèmes "Larme" et "La Rivière de Cassis" seraient les troisième et quatrième poèmes en vers "nouvelle manière". J'ignore dans quel ordre ils ont été composés l'un par rapport à l'autre, même si l'histoire du cheminement des manuscrits invite à placer "Larme" avant "La Rivière de Cassis" dans les éditions. En tout cas, on peut aussi dire que "Conclusion", "Larme" et "La Rivière de Cassis" sont les deuxième à quatrième compositions en vers "nouvelle manière" de Rimbaud et tous trois contemporains ils formeraient une unité d'ensemble.
Nous avons vu que tous les poèmes en vers de douze ou dix syllabes de Rimbaud en 1872 ont une césure traditionnelle, mais la "Conclusion" de la "Comédie de la Soif" est l'exception. Il invite plus volontiers à une lecture en décasyllabes de chanson aux deux hémistiches de cinq syllabes, mais il a surtout pour particularité de n'offrir aucune série qui rendrait évident le choix de l'un ou l'autre mètre. Et cela est intéressant, puisque contemporains de cette "Conclusion" de "Comédie de la Soif", "Larme" et "La Rivière de Cassis" vont révéler qu'ils n'ont pas non plus une césure évidente à imposer.
Par ailleurs, il y a un autre fait à observer. Dans "Tête de faune", les rimes sont encore régulières, ce qui n'est plus le cas dans "Comédie de la Soif", "Larme" et "La Rivière de Cassis". Toutefois, au plan des rimes, le dernier quatrain de "Tête de faune" est remarquable, puisqu'il joue sur la confusion entre une rime masculine et sa correspondante féminine : rime masculine en "-euil" pour "écureuil" et "bouvreuil" et rime féminine en "-euille" pour "feuille" et "se recueille". La confusion est aggravée par le choix de la consonne finale mouillée qui rend peu différente à l'oreille les prononciations de la rime masculine et de la rime féminine. Le contraste du "e" de la rime féminine est peu sensible.
Dans "Comédie de la Soif", non pas dans les décasyllabes de "Conclusion", mais dans les rimes du premier poème "Les Parents", Rimbaud a de nouveau joué sur la confusion des rimes entre elles : "sueurs", "verdures", "cœur" et "imposture". Il n'y a aucune confusion pour l'oreille, mais les graphies se ressemblent entre ces quatre mots, tandis que Rimbaud a couplé les mots au "s" final et les deux mots sans "s", par-delà l'opposition des rimes qui sont en réalité croisées. Pour le dire grossièrement, il fait une suite plate de mots en "s" et de mots sans "s" au sein de rimes croisées : "sueurs" et "cœur" entourant "verdures" qui rime avec "imposture". Ce jeu s'est poursuivi dans le second quatrain avec la suite "osiers", "fossé", "mouillé", "celliers", où la logique veut que nous identifions une rime "osiers" et "mouillé" croisée à une rime "fossé" et "celliers", sauf que les autre mots riment en "é" et que trois partagent une même consonne d'appui phonétique, le fameux yod (graphie "-i-" dans "osiers" et "celliers" ou "-ill-" dans "mouillé"). Qui plus est, Rimbaud joue sur une confusion de timbre aigu et grave entre ces autre rimes et le mot à la rime "lait" qui va rimer anormalement avec "vaches". Certes, le mot "lait" peut faire songer au mot "vaches", mais le mot "vaches" ne rime pas avec "lait" au plan phonétique. Or, le disposition graphique a de nouveau son importance et on voit bien que le dispositif des "s" du premier quatrain pour "sueurs" et "verdures" fait bien partie d'une malice sur l'organisation des rimes, puisque dans la deuxième strophe au plan graphique "ier" comme au plan du "s" final on a une distribution comme embrassée : "osiers" et celliers" encadrent le couple "fossé" et "mouillé". Apprécions également le jeu du "l" mouillé avec la succession de "yod" dans "mouillé", de suite "l" liquide et "yod" dans "celliers" et puis le "l" liquide dans "lait". Il est clair que Rimbaud a perfectionné les perfidies rimiques depuis son dernier quatrain de "Tête de faune". Tout cela s'inscrit dans une continuité. Or, la troisième strophe du poème "Les Parents" joue sur le défaut d'opposition entre "-are" et "-oire", tout comme c'était déjà le cas dans la rime plate de fin de première strophe entre "boire" et "barbares". Dans la troisième strophe, nous retrouvons l'idées de rimes croisées, puisque "armoires" et "bouilloires" entourent "rares" qui rime avec "fleurs", mais le précédent plus haut dans le même poème de la rime "boire" et "barbares" et le précédent des deux paires de rimes en "-é" confuses provoquent un nouveau trouble à la lecture, puisque nous pouvons avoir l'impression de trois mots qui riment entre eux : "armoires", "rares" et "bouilloires". Pour un lecteur du dix-neuvième siècle, "rares" ne peut pas rimer avec les deux autres mots, il sait que c'est une règle, mais la règle a été bafouée quelques vers plus haut, et ça aussi il le sait. La fin de la strophe dérive dans une espèce d'assonance approximative : "fleurs", "cimetières" et "urnes". Le principe est approximatif à cause du passage de cadence féminine "armoires", "rares", "bouilloires" à cadence masculine "fleurs" puis retour à la cadence féminine "cimetière" et "urnes". Le mot "fleurs" est le seul à cadence masculine, mais le mot "urnes" finit par fausser l'idée d'assonance. Il y a allitération dans l'absolu à cause de la présence du [R], mais la terminaison n'est plus assonancée (au sens de l'unité des fins de vers) à cause du [n] dans "urnes"'.
Les rimes sont plus sages dans le second poème de la "Comédie de la Soif", "L'Esprit", mais il y a tout de même quelque chose de l'esprit du dernier quatrain de "Tête de faune", puisque nous avons une assonance (au sens des échos entre voyelles) dans le second quatrain "Norwège", "neige", "chers", "mer", une assonance de fin de vers par la consonne "l" dans le dernier quatrain : "filleule", "folle", "gueules", "désole". Et il faut ajouter que l'organisation des rimes change à partir du troisième quatrain. Les deux premiers quatrains ont des rimes plates "Ondines"/"fine"/"azur"/"pur" et donc "Norwège"/"neige"/"chers"/"mers", mais ensuite les deux autres quatrains passent à des rimes croisées : "pures"/"verres"/"figures"/"désaltèrent" et "filleule"/"folle"/"gueules"/"désole".
J'ai déjà commenté l'anomalie dans les mesures et l'anomalie de rime au milieu du troisième poème en soulignant que cela était préparé par le second poème "L'esprit". Mais, puisque "Larme" est une composition contemporaine de "Comédie de la Soif" et plus probablement immédiatement postérieure, que constatons-nous au plan des rimes ?
"Larme" est un poème en quatre quatrains, point commun avec le poème "L'Esprit". Or, dans "L'Esprit", le passage des rimes plates aux rimes croisées s'accompagne d'un passage de la rime masculine "ur" du premier quatrain à sa correspondante féminine dans le troisième quatrain, sauf que cette fois il s'agit de rimes croisées, mais Rimbaud rend l'altération trouble en recourant à l'assonance en [r] entre les deux rimes pourtant distinctes.
Dans "Larme", on rencontre plusieurs occurrences du verbe "boire", précisément le verbe de la rime dérangeante de fin de première strophe dans "Les Parents", rime qui génère aussi des équivoques pour la suite de troisième strophe : "armoires", "rares" et "bouilloires".
Le verbe "boire" ou ses formes conjuguées ne sont pas nécessairement à la rime dans "Larme", l'occurrence "buvais" est plutôt vers le début du vers 2, l'infinitif "boire" est répété pour sa part, mais s'il est au milieu du vers 5, il est le dernier mot à la rime du poème. Ce rapprochement est essentiel avec la première strophe de "Comédie de la Soif". Il s'agit de compositions parentes, ce qui au passage intéresse la réflexion sur le sens profond et ce qui, en même temps, nous offre une possibilité d'aplanir les difficultés des textes en les étudiant plus volontiers conjointement.
Mais ce n'est pas tout. Le dernier quatrain de "Larme" est en rimes croisées visiblement avec un état lacunaire des rimes, mais une assonance possible entre "vierges" et "coquillages" est repérable (sans oublier un renfort sémantique possible si on élargit la comparaison à "sables vierges" et "coquillages), tandis que nous retrouvons le culot nouveau de la rime "mares" et "boire". Dans l'absolu, la rime "mare" et "boire" est pertinente. Les causes sont culturelles qui interdisent cette rime. Et si nous remontons, le troisième quatrain offre lui aussi une organisation de rimes croisées avec une assonance faussée entre une correspondante sonore "auberge" et une correspondante sourde "perches". Et nous avons à nouveau une rime en [aR] refusant la tradition de singularité du digraphe "oi". Rimbaud fait rime "soir" avec "gares" narguant la règle en faisant comprendre qu'il entend une suite [aR] dans "soir".
Dans les deux premiers quatrains, Rimbaud a composé également des rimes croisées. Dans le second quatrain, il a composé une rime "Oise"/"colocase" qui implique à nouveau la neutralisation du digraphe "Oi". Rimbaud en a marre qu'on l'empêche de faire rimer des mots en "a" avec le digraphe "oi". Il trouve ça absurde et il le fait bien sentir dans ce poème. Ceci dit, son but est de provoquer, car l'autre rime croisée du quatrain ne peut s'entendre que si on prononce à la normande l'infinitif "suer". Rimbaud fait rimer "couvert" et "suer", il faut alors l'infinitif "suèr" et c'est d'autant plus perfide qu'il doit savwèr que les rimes "Oise" et "colocase" ou "soir" et "gares" ou "mares" et "boire" sont interdites au nom de l'ancien état phonétique du digraphe "oi" : "bwère", etc. Et si nous remontons au premier quatrain, nous constatons que le principe des rimes croisées est bien mis en place dès la première strophe, sauf que Rimbaud a déplacé la rime attendue à l'intérieur du vers 3. En effet, si "bruyère" et "vert" font une rime mélangeant les cadences féminine et masculine selon un principe déjà adopté par Banville dans Les Stalactites, "villageoises" rime bizarrement avec "noisetiers". Rimbaud aurait dû placer "oise" en dernière syllabe, et volontairement maladroit il fait remonter la rime à la première syllabe d'un mot de trois syllabes. Notez que dans le troisième poème de "Comédie de la Soif", le défaut de rime pour "piliers" et "amis" (avec jeu de mots sur potes et piliers de bar je présume) portait déjà sur un mot en "-iers", et cette suite "-iers" était mobilisé pour la confusion des rimes dans la seconde strophe du poème "Les Parents". Mais peu importe, la distribution en rimes croisées du poème "Larme" est incontestable et partant de là on observe correctement les corruptions.
Je rappelle qu'il existe des études des rimes dans "Larme" par Antoine Fongaro et Jean-Louis Aroui qui s'éloignent des rimes et plaident une restructuration en fonction d'assonances. Ainsi le premier quatrain aurait une assonance des vers 2, 3 et 4, et le vers 1 serait une assonance isolée en attente d'échos dans les autres quatrains. Je citerai prochainement les travaux de mes prédécesseurs.
Ici, j'affirme clairement que "Larme" est un poème conçu en rimes croisées, sauf que divers procédés faussent les rimes.
Je ne m'attarde même pas sur les problèmes de cadences et les rimes dites au pluriel (s, x ou z) avec des rimes dites au singulier.

Premier quatrain : "villageoises", "bruyère", "noisetiers", "vert".
Deuxième quatrain : "Oise", "couvert", "colocase", "suer".
Troisième quatrain : "auberge", "soir", "perches", "gares".
Quatrième quatrain : "vierges", "mares", "coquillages", "boire".

Il faut réfréner le désir de privilégier les échos de voyelles ou les échos de consonnes finales sous prétexte que les rimes sont lacunaires, comme il faut réfréner le désir de voir des rimes qui traversent tout le poème. Il est sensible que les rimes sont proches pour les deux premiers quatrains avec les quatre mentions : "bruyère", "vert", "couvert", "suer", comme il est sensible que "villageoises" rime plus nettement graphiquement avec "Oise" que "colocase". Il est sensible que "auberge", "perches", "vierges" et "coquillages" forment une série quasi assonancée dans les deux derniers quatrains. Mais, il n'en reste pas moins que les rimes vont par paires et que les quatrains sont autonomes. Le seul cas troublant réel est d'ailleurs "noisetiers" au vers 3. Mais nous avons compris l'astuce. Enfin, je parlais dans le cas de "L'Esprit", second poème de la dantesque "Comédie / Enfer de la Soif", d'un glissement de la rime masculine "-ur" à la rime féminine correspondante "-ure" couvrant un changement d'organisation des rimes qui passaient de plates à croisées.
Or, dans "Larme", la rime "villageoises" et "noisetiers" est la première rime croisée de son quatrain, tandis que les rimes "Oise" et "colocase", "soir" et "gares", puis "mares" et "boire" sont les deuxièmes rimes croisées de leurs quatrains respectifs.
Tout cela a bien embrouillé les esprits, puisqu'on en est arrivés chez plusieurs critiques à privilégier l'assonance du [a] pour les trois derniers mots à la rime dans "Larme" : "mares", "coquillages" et "boire" !
Rimbaud a réussi son coup, puisque les critiques littéraires y ont perdu leur latin.

J'en ai assez dit sur les rimes. Il est évidemment plus facile de parler de l'organisation des rimes puisque les fins de vers sont repérables en tant que tels. Cela va être une autre paire de manches pour l'identification de la césure. La césure, il va falloir aller la chercher. Sur les rimes, on tout compris aux liens avec "Tête de faune" et "Comédie de la Soif" sur la continuité d'une pratique, sur son évolution, sur ses finesses. Passons donc à la question de la césure dans "Larme". Notons tout de même que, du fait de l'analyse des rimes, nous avons un renforcement de pertinence d'un rapprochement avec le cas des décasyllabes de "Conclusion" de "Comédie de la Soif". Il n'est pas vrai que Rimbaud changeait réellement de mètre quatrain par quatrain dans "Tête de faune", et il était encore sensible qu'un mètre spécifique était choisi. Dans la "Conclusion" de "Comédie de la Soif", la lecture en deux hémistiches de cinq syllabes est quasi évidente à cause notamment du vers 3 : "Les bêtes des eaux, la bête asservie", mais il n'y a toujours pas un principe de changement de mètre lors d'un changement de strophe et l'idée qui reste c'est qu'on peut hésiter entre les deux césures admises pour la longueur de dix syllabes mesurées.
Le poème "Larme" doit être envisagé comme un raffinement du procédé de brouillage métrique, mais là je vais déployer de l'intelligence de plus haut niveau.
Le réflexe du métricien est de chercher la césure ou éventuellement les deux césures à cause de la croyance dans les trimètres. Un autre principe, c'est qu'en fonction de la longueur syllabique mesurée globale on passe en revue les césures attendues, ou les plus attendues avant d'en chercher d'autres. Dans le cas de "Larme", il s'agit de vers de onze syllabes. Le vers de onze syllabes peut avoir une césure après la cinquième syllabe, cas illustré par Marceline Desbordes-Valmore, cas cité par Banville dans son tout récent traité, cas exploité par Verlaine quasi en même temps que Rimbaud dans "Il faut, voyez-vous, nous pardonner les choses..." C'est la première césure sur laquelle enquêter. Une deuxième césure à envisager est après la sixième syllabe, cas illustré par des poèmes saphiques, particuliers, mais méconnus, dans les poésies de Ronsard. Enfin, certains constats faits sur des poèmes ultérieurs de Verlaine invitent à prendre en considération une autre possibilité, celle de la césure après la quatrième syllabe. Il faut ajouter que, vu que le plus long vers sans césure, c'est l'octosyllabe, la césure ne pourra pas être après la première ou après la deuxième syllabe, ni après la neuvième ou la dixième syllabe.
La césure peut être après la troisième, après la quatrième, après la cinquième, après la sixième, après la septième ou après la huitième syllabe.
Mais, trois cas sont préférables et tendent à correspondre au milieu du poème ; après la quatrième ou la cinquième ou la sixième syllabe, comme nous l'avons dit.
Il faut ajouter qu'en général les premiers hémistiches sont plus courts que les seconds hémistiches.
Le vers de chanson de neuf syllabes méconnu de Banville, mais pratiqué correctement par Malherbe, Molière, (Quinaut ?) Scribe et bientôt Verlaine a une césure après la troisième syllabe et donc un premier hémistiche de seulement trois syllabes face à un second assez courant de six syllabes.
Le vers de dix syllabes a soit deux hémistiches de cinq syllabes, soit une succession d'un hémistiche de quatre syllabes et d'un autre de six syllabes.
Le vers rare de treize syllabes de Scarron, pratiqué par Verlaine dès le projet avorté de Cellulairement a un premier hémistiche de cinq syllabes et un second de huit syllabes.
Le vers de onze syllabes de Desbordes-Valmore et qui est recommandé par Banville a un premier hémistiche de cinq syllabes et un second de six.
Par exception, nous avons un ancien vers ronsardien avec un premier hémistiche de six syllabes plus long que le second hémistiche de cinq syllabes, mais il est comme complètement oublié.
Enfin, tout récemment, Banville a proposé un vers de neuf syllabes qui est la deuxième exception importante, puisque son premier hémistiche de cinq syllabes est plus long que le second qui n'est que de quatre syllabes. Cependant, Charles dans "Chant éthiopien" et Verlaine dans "L'Art poétique" et "Bruxelles, Chevaux de bois" lui ont préféré l'ordre inverse avec un premier hémistiche de quatre syllabes plus court que le second hémistiche de cinq syllabes.
Je me permets de considérer que cela favorise l'idée que dans le vers de onze syllabes de Rimbaud le premier hémistiche a des chances d'être plus court que le second.
Alors, tout ce que je viens de poser demande déjà un certain seuil d'intelligence, mais je vais vous offrir le niveau supérieur de l'intelligence.
En fait, il ne faut pas se contenter de penser au seul vers de onze syllabes. Le raisonnement augmente en intelligence quand on se rend compte que le vers de onze syllabes n'est pas habituel, et je rappelle qu'en mai 1872 Verlaine n'a jamais publié de poèmes en vers de onze syllabes et n'a même pas encore composé ceux des Romances sans paroles, ni du recueil avorté Cellulairement.
En clair, Rimbaud a conscience que le lecteur va chercher spontanément à identifier soit un décasyllabe, soit un alexandrin. Et c'est là précisément que ça devient intéressant.
Le vers de onze syllabes est à une syllabe du décasyllabe et à une syllabe de l'alexandrin.
La configuration de Marceline Desbordes-Valmore est-elle confondue par les lecteurs avec un vers de dix syllabes ou un alexandrin ? Pour la confusion entre le décasyllabe de chanson et l'alexandrin, Rimbaud devrait se rabattre sur la césure après la cinquième syllabe et sortir finalement la forme admise. En revanche, ce qui serait génial, c'est de créer une hésitation entre le décasyllabe littéraire avec la césure après la quatrième syllabe et l'alexandrin. Et pour cela, il y a une astuce, il suffit de placer un segment ternaire qui va suggérer le recours au trimètre et qui, surtout, va permettre de s'appuyer sur une articulation après la quatrième syllabe.
C'est ce qu'a fait Rimbaud au premier vers de "Larme". Il a exhibé un vers d'allure ternaire, avec des symétries qui la rendent évidente : "Loin des oiseaux, des troupeaux, des villageoises[.]" C'est redoutable. Je rappelle que bien évidemment l'allure ternaire est exploitée également dans le décasyllabe littéraire. Nous pourrions avoir un décasyllabe comme celui-ci : "Loin des oiseaux, des troupeaux, des villages[.]" Même si le trimètre est rarement déployé dès le premier vers d'un poème, il est vrai que la première tentation des lecteurs de l'époque était sans doute de penser qu'ils avaient affaire à un trimètre audacieusement mis en premier vers d'un poème en alexandrins. Cependant, très discrètement, derrière le jeu de rime interne entre "oiseaux" et "troupeaux", Rimbaud a placé au centre un segment de seulement trois syllabes.
D'autres vers similaires à la configuration du vers 1 apparaissent dans "Larme". Il faut souligner que c'est le cas du vers 4 : "Par un brouillard d'après-midi tiède et vert[,]" et du vers 6 : "Ormeaux sans voix, gazon sans fleurs, ciel couvert". Le rapprochement est plus évident avec le vers 6, étant donné les symétries exhibées. Après la rime en "-eaux" du vers 1, la symétrie d'emploi de la préposition "sans" devant un monosyllabe.
Les vers 4 et 6 sont tous deux ternaires d'allure, mais cette fois c'est le troisième segment qui ne compte que trois syllabes. Et les vers 1, 4 et 6 supposent tous trois une articulation sensible après la quatrième syllabe. L'idée d'une articulation nette après la quatrième syllabe s'impose significativement au premier vers du troisième quatrain, et on appréciera que cela se maintient sur la deuxième version manuscrite connue du poème :

Tel, j'eusse été mauvaise enseigne d'auberge. (manuscrit Forain)

Effet mauvais pour une enseigne d'auberge. (manuscrit sans titre)
Seule la version contenue dans "Alchimie du verbe" chahute cette idée de mesure pour ce vers.
Le vers 14 favorise aussi nettement l'identification d'une césure après la quatrième syllabe :

Le vent, du ciel, jetait des glaçons aux mares... (manuscrit Forain)

Le vent de Dieu jetait des glaçons aux mares (manuscrit sans titre)
Je me doute que les lecteurs vont protester : il ne suffit pas de relever les quelques vers qui se moulent idéalement dans ce choix de césure.
Néanmoins, il y a la réalité tangible de l'allure ternaire exhibée par le premier vers, et les vers 4 et 6 font des rappels tranchés du fait, tandis qu'entre les vers 1, 4 et 6 seule l'inflexion après la quatrième syllabe se maintient, puisque dans les vers 4 et 6 la deuxième inflexion est forcément déplacé d'une syllabe (vers 1 après la septième, vers 4 et 6 après la huitième). L'idée est donc que le poème a une césure après la quatrième syllabe, et la deuxième inflexion n'est pas à prendre en compte au plan métrique.

Mais, je vous offre maintenant tout le déploiement intelligent du raisonnement en vous apprenant que Rimbaud a médité sur le fait qu'en général les vers n'ont qu'une seule césure et donc deux hémistiches tandis que le rythme peut être ternaire comme l'attestent les jeux sur le trimètre.
Et l'intérêt de "Larme" est précisément d'être un poème dont chaque vers a une allure ternaire qui n'a rien à avoir avec la métrique et vers après vers du coup l'allure ternaire est à chaque fois ternaire, et c'est sans doute cela qu'inconsciemment vous admirez quant à la prosodie de ce petit chef-d'œuvre. Pour vous le faire sentir, je souligne chaque vers en trois membres :

Loin des oiseaux, des troupeaux, des villageoises,
Je buvais, accroupi dans quelque bruyère
Entourée de tendres bois de noisetiers,
Par un brouillard d'après-midi tiède et vert.

Que pouvais-je boire dans cette jeune Oise,
Ormeaux sans voix, gazon sans fleurs, ciel couvert.
Que tirais-je à la gourde de colocase ?
Quelque liqueur d'or, fade et qui fait suer.

Tel, j'eusse été mauvaise enseigne d'auberge.
Puis l'orage changea le ciel, jusqu'au soir.
Ce furent des pays noirs, des lacs, des perches,
Des colonnades sous la nuit bleue, des gares.

L'eau des bois se perdait sur des sables vierges
Le vent, du ciel, jetait des glaçons aux mares...
Or ! tel qu'un pêcheur d'or ou de coquillages,
Dire que je n'ai pas eu souci de boire !

On peut discuter le découpage ternaire pour deux ou trois vers, en préférer un autre ou passer à quatre membres, mais on voit bien qu'il y a une sorte de constante d'allure ternaire sur tout le poème avec des variations plaisantes. Du coup, on lit une prosodie du ternaire et non plus une métrique binaire, c'est ça l'astuce qu'il y a derrière le métrique.
J'ai encore plein de choses à dire, mais je peux m'arrêter là pour l'instant, le temps que les lecteurs digèrent parce qu'évidemment c'est du très haut niveau. C'est l'un des plus grands moments de l'histoire de toute évidence ! Et je ne connais aucun métricien qui vous explique ainsi le secret métrique de "Larme" en révélant toutes les astuces subtiles qu'il y a derrière...

9 commentaires:

  1. Scoop n°1 : voici comment est traité le cas du poème "Larme" dans l'entrée qui lui est consacrée dans le Dictionnaire Rimbaud de 2021. L'entrée est rédigée par Jean-Pierre Bobillot, métricien auteur du livre Le Meurtre d'Orphée, et poète. Sans la bibliographie, la notice tient sur une page. Deux paragraphes décrivent les trois versions et disent sur le vers : "de plus en plus radicalement anti-métrique", ce qui est forcément vrai, sauf que c'est dans un cadre sans idée de césure forcée, et "hendécasyllabes privés de toute rime régulière et de toute scansion dominante". Le 3e paragraphe parle d'un "auto-engendrement textuel", ce qui ne veut rien dire, et le texte est livré au seul constat qu'il y a un jeu de reprises tout le long du poème des combinaisons possibles de phonèmes "oise" et "eaux" du mot "oiseaux", jusqu'aux dégradations : "Oise", "villageoises", "noisetiers", mais "colocase", "bois", "voix", etc. Et une série "age" prend le relais : "villageoises", "orage", etc., et il est affirmé, ce qui ne va pas de soi que dans la variante "à genoux", il faut aussi lire la présence supposée voulue de cette séquence "age". Les jeux sur les phonèmes ne sont pas commentés au plan du travail sur les rimes, sur l'allure ternaire des vers, sur le marquage d'une éventuelle césure en lecture forcée, mais ils sont simplement le fait d'un poème où "tout est dysphoriquement modalisé" dans le paysage décrit. Des rapprochements sont faits avec "Chanson de la plus haute Tour", "Mémoire", ce qui est bien, mais pas un avec "Comédie de la Soif", ce qui était pourtant la priorité parmi les rapprochements à faire.

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  2. Scoop n°2: pas encore retrouvé l'article de Fongaro, mais j'ai le volume de 2009 sur Rimbaud au concours de l'agrégation en 2010 (Clefs concours, Atlande). Il a été préparé par Steve Murphy pour l'interprétation et par Georges Kliebenstein pour le travail du texte, partage habituel de la tâche dans cette série, mais Murphy s'est réservé tout de même la partie sur la Versification. Dans le cas de "Tête de faune", Murphy renvoie à l'étude de Philippe Rocher en disant qu'elle "a permis de saisir la logique" et pour une "autre étude de versification consacrée à un texte spécifique", Murphy cite mon article "Ecarts métriques d'un Bateau ivre" publié dans les Cahiers du centre métrique nantais dirigé par Cornulier (mais pas cité dans le dictionnaire 2021). Or, ma lecture de "Tête de faune" remet complètement en cause la lecture de Rocher, d'ailleurs issue d'une hypothèse formulée dans Théorie du vers de Cornulier en 82. Le travail de Rocher n'est pas mauvais, mais je prétends qu'il est dépassé par une remise en perspective et pas assuré dans ses conclusions évidemment. J'ai montré que la lecture à césure traditionnelle se défendait mieux que les deux autres dans les second et troisième quatrains, donc aucune nécessité d'en changer. Notons que Murphy ne traite pas "Tête de faune" parmi les pièces "nouvelle manière", ce qui n'est pas logique.
    Murphy prétend aussi que Cornulier a montré que Rimbaud n'avait besoin que d'affaiblir la césure dans les vers de 1872 alors qu'il faisait des vers faux pour les vers de une à huit syllabes. D'abord, Cornulier ne parle pas simplement de césure affaiblie, il ne les reconnaît pas en tant que telles. Ensuite, il y a le problème du "ia io iaio" dans "Juillet".
    Pour "Larme", Murphy ne cite pas Fongaro, mais l'étude qui a suivi d'Aroui dans Parade sauvage n° 13. Il parle de "huitains rimiques", c'est différent de ma lecture en quatrains de rimes croisées plus haut.
    Pour les vers de onze syllabes de quatre poèmes, Murphy se contente de dire que Rimbaud n'a pas repris les hémistiches de cinq et six syllabes comme Verlaine et Desbordes-Valmore. Malgré des commentaires plus poussés, les poèmes "Qu'est-ce" et "Mémoire" ne sont pas l'occasion de proposer une lecture forcée en alexandrins.

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  3. Scoop n° 3 : dans le volume collectif Rimbaud, des Poésies à la Saison dirigé par André Guyaux (Classiques Garnier, 2009), encore une fois en prévision de l'agrégation pour l'année 2010, Laurent Zimmermann a publié l'article suivant : "Proposition pour une lecture de Larme", je vous cite le début de l'article : "Si les études rimbaldiennes ont largement rendu compte de Larme sur le plan de l'analyse formelle, en particulier avec l'ouvrage de Michel Murat, ce poème est pourtant toujours demeuré mystérieux du point de vue du sens [...]" L'auteur se détourne des questions formelles, il cite le livre de Bernard Meyer, incontournable pour l'interprétation des poèmes de 1872 à cause de sa méthode pas efficace pour deviner, mais efficace pour contrôler ce qui est valable ou pas à la lecture. Et enfin l'article offre une comparaison systématique avec "Elévation" de Baudelaire. Mais pas une seule fois, "Comédie de la Soif" n'est cité.

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  4. Scoop n°4, dans le volume Rimbaud, des Poésies à la Saison, je vous ai épargnés des citations de l'article de Dominique Billy "L'Alexandrin de Rimbaud" et de Brigitte Bufard-Moret sur les césures au doigt mouillé vers par vers dans "Jeune ménage" et quatrain par quatrain dans "Tête de faune".
    Je n'ai pas encore pu mettre la main sur un Parade sauvage n°13 (je ne sais plus ce qui a détruit ou pas par les eaux). Mais j'ai plusieurs trucs dans les mains dont l'article de Fongaro. Il l'avait initialement publié dans "Matérieux pour lire Rimbaud", mais il l'a repris dans son volume Le Soleil et la Chair, 2009.
    Au fait, pourquoi il n'y a pas eu livre d'hommages à la mémoire de Fongaro, vous voulez dire que pour moi quand je mourrai il n'y en aura pas ?
    L'article tient en trois pages et demie. Le point de départ a été une étude de Forestier sur les rimes de Rimbaud où pour "suer" Forestier privilégie la rime avec "noisetiers" pour dire vite, sinon "suer" demeure sans répondant. Forestier daube la rime authentique du poème : "si l'on admettait de rapprocher, par improbable, couvert et suer, selon une prononciation dite "distinguée" de l'époque classique : celle qui permet à Racine la rime "cher/arracher" (Bajazet) et à Voltaire "fer/bergers" [sic pour le "s"]."
    En clair, Forestier a compris, mais il refuse de comprendre et toute une critique métrique du poème "Larme" est née pour nier la solution.
    Bravo ! Il fallait le faire !
    Admirez comment Fongaro avance en une phrase trois arguments (i, ii, iii) décisifs pour prouver la lecture sauf que c'est dirigé par l'expression du scepticisme : "Et il n'est pas impossible que le sarcastique Rimbaud se soit moqué de la rime dite "normande" (fréquente chez Corneille (i) beaucoup plus que chez Racine), d'autant plus qu'on trouve à la rigueur un exemple aux vers 14/15 du poème [Juillet] (ii) sans compter [les échanges potachiques des lettres de Verlaine, Delahaye et Rimbaud (iii)]."
    Monsieur n'est pas sûr. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?
    Et donc avant Aroui, Fongaro crée l'idée des huitains, d'une structure des rimes non quatrain par quatrain, mais par groupe de deux quatrains en reliant "vilalgeoises" et "Oise", "vert" et "couvert", "noisetiers" et "suer". On n'y gagne rien puisque "bruyère" et "colocase" sont laissés de côté. Et Fongaro avoue s'être refusé à faire rimer une cadence féminine "bruyère" avec une cadence masculine "vert". Et Fongaro fait de même pour les deux derniers quatrains en couplant : "auberge" et "vierges", "gares" et "mares" et pour le coup la cadence masculine "soir" avec la cadence féminine "boire" qui maintenant est moins choquante et rentre dans le tableau, alors que "bruyère" et "vert" avait le mérite au moins d'être dans le même quatrain. Fongaro laisse de côté "perches" et "coquillages".
    Voilà, dites merci à Forestier, Cornulier et Aroui pour toutes les considérations farfelues sur la rime. Bobillot n'a pas été clair sur la rime dans son entrée de dictionnaire.
    Je rappelle cruellement qu'au début de son article Fongaro soulignait "une volonté d'égarer son lecteur". Ben, justement, ces échos certes voulus entre les quatrains c'est les déclencheurs d'égarement. Fongaro a été dupé en voulant régulariser le brouillage ou brouillard des rimes. Il a lâché la proie pour l'ombre et n'a pas su reconnaître des quatrains de rimes croisées tout simplement. Il n'a pas non plus l'astuce pour "villageoises" et "noisetiers", la rime remontant à l'intérieur du mot et du vers.

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  5. Scoop n° 5, encore un ouvrage lié au fait que Rimbaud ait été mis au programme de l'agrégation en 2010, il s'agit du collectif Rimbaud, l'invisible et l'inouï, coordonné par Arnaud Bernadet, qui n'est pas un rimbaldien, il est inexistant en critique rimbaldienne, c'est un verlainien pur jus. L'ouvrage est labellisé CNED et PUF, Henri Scepi y a participé, ainsi que Steve Murphy, et aussi Jean-Pierre Bertrand qui est connu, mais moi je ne le connais pas trop en fait.
    Il y a une partie sur la versification qui est faite par Gérald Purnelle, je n'en ai jamais entendu parler ailleurs que dans cet ouvrage, et ce qu'il écrit est une bouillie de lecture mal digérée de Cornulier. Je me demande même à quelle vitesse et dans quelle urgence il a écrit ses 13 pages : il y a trois poèmes en vers de onze syllabes (Larme, Michel et Christine, "Est-elle almée ?") il faut y ajouter "les vers impairs de 'La Rivière de Cassis' " Oui, c'est écrit comme ça !Ces vers de 11 syllabes sont déclarés tout aussi "amétriques" que les précédents (les vers de 10 et 12 syllabes du printemps et de l'été 72 en gros). Il est affirmé que "l'hendécasyllabe n'a aucune tradition", ce qui est à tout le moins à bien nuancer (Desbordes-Valmore, traité de Banville, si pas Verlaine au même moment que Rimbaud écrivant "Larme").
    Je vous épargne les relevés proposés pour "Qu'est-ce" et "Mémoire", il y a trop de contradictions théoriques dans le discours.
    Il y a une étude de Scepi sur les vers de 72 mais qui étudie tous les poèmes à la fois, donc je laisse ça de côté, et puis une étude grammaticale de Bertrand Degott du poème "Larme". Oui, il y a un exercice débile au CAPES et à l'agrégation qui prétend étudier stylistiquement une oeuvre ou un extrait en s'interdisant le commentaire du sens. Je trouve ça affligeant ! Je n'ai jamais compris la logique. Il faut être taré, on étudie le style, mais on s'interdit d'en tirer toutes les conséquences. Un truc de fous furieux !
    C'est un exercice pour voir si vous savez faire un effort de rétention. C'est sûr que les futurs enseignants faut pas qu'ils aient envie d'uriner pendant une heure ou deux de cours. Je pense qu'on va tester leur réticence avec l'exercice de stylistique, je ne vois que ça.
    Mais, bref ! L'étude de Degott étudie le rendement des temps verbaux dans "Larme" sans qu'il ne soit question d'interpréter le poème, donc je passe.

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  6. Je ferai une nouvelle série de scoops lors de la prochaine mise en ligne d'une sous-partie de ma grande revue métrique.
    Il n'y a pas d'étude du poème "Larme" dans le volume 12 poèmes de Rimbaud de Maire-Paule Berranger. La note page 1139 de Yasuaki Kawanabe dans l'Oeuvre-Vie du centenaire de Borer ne parle ni des césures, ni des rimes, ni du lien à "Comédie de la Soif". J'ai le livre de Bernard Meyer dans les mains, mais je vais prendre le temps de relire ce qu'il écrit sur "Larme". J'ai Théorie du vers à côté de moi, Le Meurtre d'Orphée doit être pas loin non plus. J'ai une édition de Brunel au Livre de poche. Je vais vous étaler le dossier.

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  7. Scoop n° 6 : Jean-Luc Steinmetz de Clinchamps avait publié une édition en trois volumes chez Garnier-Flammarion, il y a eu une refonte en seul volume avec très peu de changements dans les notes. Dans l'édition des Oeuvres complètes de Rimbaud chez GF en 2010, la notice sur "Larme" ne dit rien des rimes et pour les vers, il s'agit juste d'identifier un vers rarement usité dont Desbordes-Valmore a donné l'exemple dans "Rêve intermittent d'une nuit triste". Aucun rapprochement avec "Comédie de la Soif" non plus.
    Dans l'édition de Brunel au Livre de poche (il y a soit une édition en plusieurs volumes, soit le gros volume regroupant tout), en 1999 (Pochothèque), je crois que l'autre édition en plusieurs volumes est de 1998, donc dans cette édition, aucun rapprochement dans les notes de bas de page avec "Comédie de la Soif", rien sur les vers et les rimes, cas à part du mot "colocase". Et rien sur la forme dans la notice consacrée au poème, aucun rapprochement toujours avec "Comédie de la Soif".

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  8. Scoop n°7 en cherchant à trouver l'article d'Aroui directement, je tombe sur l'article en ligne suivant publié dans la revue Poétique. Article qui critique les affirmations d'Aroui mais finit par s'engluer lui-même. Je ne l'ai encore que survolé, mais il passe à côté de l'analyse en rimes croisées. Daniela Rossi, Sur l'évolution de la poétique rimbaldienne, de "Larme" à "Alchimie du verbe" (marrant ça ressemble à mon titre de série mis en attente).

    https://www.cairn.info/revue-poetique-2010-2-page-233.htm

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  9. Scoop n°8, un article en ligne de Gouvard, il faut s'inscrire pour le télécharger, mais sans inscription on peut le lire en ligne. On appréciera les premières lignes où il est considéré comme acquis que Cornulier, Bobillot et Murat ont montré que Rimbaud avait fini par écrire des vers sans mètre. ????????? On le sait qu'il y a eu Le Dormeur du Val, puis Larme, puis Mouvement et enfin Marine. Je n'ai pas compris. Des vers sans césure, est-ce cela que Gouvard voulait dire ?

    https://www.academia.edu/35525920/Remarques_sur_la_versification_de_Rimbaud

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