Dédié à Pakenham, rimbaldien qui m'écrivait parfois pour saluer mes articles.
Le poème Le Bateau ivre fait le récit allégorique de l'adhésion du jeune Rimbaud à la Commune de Paris en 1871. Les Parisiens étaient qualifiés de barbares, peaux-rouges, sauvages dans la presse, quand les insurgés s'identifiaient eux à une mer révolutionnaire, selon une métaphore cliché qui s'était amplifiée depuis la Révolution française et André Chénier sous la plume de Victor Hugo.
Les noyés mentionnés à deux reprises sont selon toute vraisemblance des héros martyrs du rêve communard. En se sacrifiant, ils rejoignent le "Poëme De la Mer", ce qu'explique l'image de leur descente "à reculons". Mais leur accumulation va également jouer un mauvais tour à la tempête. Le massacre final de la Semaine sanglante a mis un terme à l'épopée.
Les derniers quatrains du Bateau ivre sont consacrés à l'amertume du poète qui a suivi la répression sanglante.
Or, parmi les indices de la lecture communarde du poème, j'ajouterais le "bateau frêle" lâché dans une flache par un enfant.
Pourquoi ?
Un des événements les plus connus de la Commune de Paris est l'incendie des Tuileries. Peut-être est-ce ce "ciel rougeoyant comme un mur" du poème, bien que la thèse d'un mur où sont fusillés les insurgés soit plus cohérente ? En tout cas, depuis le dix-neuvième siècle, il existe une pratique bien connue des enfants qui consiste à faire naviguer de petits bateaux ou petits voiliers sur les bassins du jardin des Tuileries. Cette activité existe encore aujourd'hui, elle s'est perpétuée.
Dans Le Bateau ivre, la "flache" est qualifiée de "noire et froide", elle se veut donc un contre-modèle à l'endroit apprêté et charmeur, et par conséquent il s'agit d'un très bel exemple de repoussoir aux bassins du jardin dessiné par Lenôtre.
Deux liens : observez sur le premier la photographie du jouet voguant dans des eaux d'égout.
Nota Bene : un volume collectif en hommage à Pakenham vient de paraître, il fait plus de 600 pages et contient des articles variés sur Rimbaud, Verlaine, Corbière et quelques autres. Un article de Philippe Rocher y rappelle une origine au Zutisme qui m'intéresse beaucoup : un vers du poème Mirecourt de Banville où "Pommier te dira : Zut" ! Cela concerne la suite à venir de mon étude sur Pommier.
Voici le lien : Le Chemin des Correspondances et le champ poétique, A la mémoire de Pakenham, Classiques Garnier
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