lundi 8 juillet 2024

Aucun châtiment de Tartufe pour notre époque ? / bonus sur "Promontoire" et le docteur Guelliot

Pas de roi est nu chez nous.



Sans surprise, il n'y aura pas de châtiment du mec con. 150 sièges de députés, il a un tel électorat qui lui reste acquis ! C'est hallucinant ! Bon, le châtiment du peuple débile va se poursuivre, l'absence de justice n'est pas totale en ce monde.
Je n'ai évidemment pas suivi les élections, je considère que ça n'a rien d'historique, c'est un parfait enlisement depuis des décennies. Puis, marrant, ce discours pour faire barrage en interne à l'extrême-droite, alors qu'à l'international faire passer les russes pour des sous-hommes et des bêtes sauvages comme à l'époque de Napoléon ça ne pose de problème à personne, accepter le "folklore" des croix et insignes de l'armée ukrainienne ou de certains de ses partis ça ne pose de problème à personne, "nettoyer ethniquement" depuis 2014 les civils d'origine russe du Donbass par des bombardements ça ne pose de problème à personne, discriminer les athlètes d'origine russe aux futurs Jeux olympiques ça ne pose de problème à personne.
Vous n'avez pas l'air de bien comprendre la situation. Oui, sur Gaza, il y a des gens qui dénoncent ce qu'il passe, mais ce qui me tue c'est que vous avez tellement été travaillé au corps que les gens de gauche sont acquis à un projet d'union européenne qui a une contrepartie de spécialisation ethnique, qui est au service d'une aliénation des peuples par les riches milliardaires, les financiers, et l'impérialisme états-unien.
La guerre en Ukraine, avec Nordstream (mais c'est vrai que dès qu'on dit Nordstream votre cerveau gèle comme un écran d'ordinateur en train de planter), c'est le fait que les riches mondialistes détenteurs du pouvoir aux Etats-Unis ont prévu de créer des lois mondiales à leur seul profit, lois qui sont, vu que ce sont des gosses mal réglés, être d'épouvantables catastrophes pour les pays à moyen terme, mais s'ils y arrivent ils ont le pouvoir sur le monde et on pourra se demander quand est-ce que ça prendra fin. La Chine et la Russie représentent les deux principales chances d'échapper à 1984 d'Orwell. On dirait que vous avez du mal à comprendre le danger. Les Brics vont former un contre-pouvoir qui va enfin mettre un terme aux avancées usurpatrices d'une législation mondiale pro-financiers et au profit exclusif des Etats-Unis d'Amérique, puisque législation mondiale amplifiant l'exercice de la force de la part de l'état mondial dominant. Et après la victoire des russes en Ukraine, des chinois à Taiwan, il faudra espérer une réaction en Occident, mais une réaction en tant que réveil, parce que là c'est un désastre. Vous avez un pète au casque, mais tous tant que vous êtes. Je ne comprends pas. Vous vous lovez dans l'idée de votre confort à conserver au point que penser qu'il est en réel danger vous vous l'interdisez, c'est automatiquement censuré. Je n'arrive pas à comprendre vos blocages cérébraux. Aucun intellectuel ne s'exprime sur le danger. Il y a des intellectuels anciens dans le jeu, des intellectuels déjà placés dans les médias et qui sont capables de dire les choses. Emmanuel Todd dit les choses, ce qui contraste avec Olivier Berruyer qui faisait des choses exceptionnelles en 2014 et 2015 et maintenant se fait complètement discret au sujet de la guerre en Ukraine. Alors, oui, on peut trouver de la contestation de cette guerre sur internet, mais l'essentiel de la population a des informations minimales et n'en fait rien : Nordstream, Nordstream, Nordstream, Nordstream, Nordstream... Des applaudissements pour un soldat douteux au parlement canadien. Vous trouvez ça intéressant pour l'avenir européen les morts dans les deux camps. Il est frais, votre avenir !
A propos du nombre de morts dans cette guerre, il serait de 50 à 60 mille hommes du côté des russes et on envisage une fourchette de 150 à 250 mille hommes en Ukraine. Mais, quelque chose cloche. Ni les russes, ni l'Otan n'ont intérêt à ce que le nombre réel d'ukrainiens morts soient révélés. C'est une information sensible auprès du grand public. Ensuite, cette projection se base sur l'idée qu'il y a un mort pour sept blessés dont deux blessés graves, et comme il n'y a pas un million d'éclopés dans les rues des villes ukrainiennes, c'est donc qu'il n'y a pas 500 mille morts. Le problème, c'est que cette statistique ne convient pas à toutes les guerres, elle ne se reporte pas ainsi mécaniquement. Ici, vous avez un nombre impressionnant d'armes qui vaporisent les corps au combat. Il y a des tonnes de vidéos sur le net pour se faire une idée. Où est la proportion un mort pour deux blessés graves et cinq légers dans ces cas de figures. On voit sans arrêt des contre-attaques ukrainiennes ou des tentatives de percée ukrainiennes où les véhicules sont détruits au milieu des champs de mines et où personne ne vient rechercher les équipages sortis à temps des véhicules. Vous croyez que les survivants portent les blessés graves, et vous croyez que les survivants font deux kilomètres sous les bombardements sans continuer d'y passer, sans y passer entièrement ? Oui, après, il y a la guerre dans les zones urbaines où la statistique peut revenir, mais ce n'est pas toujours le cas. De plus, vu qu'une partie des ukrainiens sont pro-russes et vu que plusieurs ne veulent pas aller au combat, on sait qu'il y a des bataillons ukrainiens qui tirent sur les troupes de première ligne qui refusent d'aller au combat, ce qui a fait l'objet de plaintes dans la presse ukrainienne, notamment avec cette remarque : "ils tuent plus d'ukrainiens que de russes ne sont tués en agissant ainsi."
Enfin, bref !



Si on parlait de Rimbaud ?

Je viens de lire l'article de Florent Simonet paru dans le n°58 de la revue Rimbaud vivant en 2019. Il s'agit d'un article sur le docteur Octave Guelliot.
C'est évidemment intéressant parce qu'il possédait le manuscrit du poème "Promontoire".
En effet, l'essentiel des manuscrits des poèmes en prose des Illuminations ne s'est pas éparpillé, et il faut d'ailleurs impliquer les manuscrits des poèmes en vers de 1872 inclus dans les Illuminations à l'époque.
Sur tous les textes publiés, deux poèmes ne sont jamais réapparus : "Démocratie" et "Dévotion", ce qui est d'autant plus dommage qu'il y a une incertitude sur les noms propres de "Dévotion" : "Derceto" ou "Circeto" et "Vorighen" ou "Voringhem" par exemple. On aimerait mettre la main sur les versions manuscrites de ces deux poèmes, et puis ça aiderait à confirmer qu'il n'y a pas encore un dossier plus ample de manuscrits perdus dans la Nature. Il semble que non. Verlaine en 1895 n'a pas du tout dénoncé un tel problème, donc faisons-lui confiance.
Mais donc, quelques poèmes ont été remis à du tout-venant si on peut dire, comme c'est le cas de "Promontoire" avec le docteur Guelliot.
Ce docteur est vouzinois et il a été élève au collège de Charleville, l'année de la reprise après la guerre franco-prussienne, et donc pile au moment où Rimbaud refuse de retourner à l'école. Ils ne se sont donc pas connus, et apparemment Guelliot a pris la succession de Rimbaud en 1871 pour les prix de latin.
Guelliot ne s'intéressait à l'histoire que locale et à la littérature qu'en relation avec son terroir d'origine. Rimbaud n'y tient qu'une petite place finalement, mais il en a tout de même une.
L'article de Simonet a quelques défauts. Il prend pour argent comptant les témoignages sur Labarrière et les exemplaires annotés du Parnasse contemporain. Il reprend telle quelle l'anecdote sur le bibliothèque de Charleville, alors qu'il y a des raisons de rester réservé quant à la prétendue validité de cette anecdote fournie par Verlaine.
La base pour comprendre le poème "Les Assis", c'est que ce sont des personnages qui ont un pouvoir à conserver, sauf qu'ils sont déjà comme morts sous forme de squelettes incapables de se lever. Et Rimbaud fait des jeux de mots d'actualité significatifs sur le mot "siège", avec même l'idée de deux sièges au sens militaire, il fait des jeux de mots du côté du révolutionnaire avec le blé, l'expression "culottée". Un des axes de recherche pour les sources aux poèmes, c'est évidemment les cassures métriques de "Une Gambier / Aux dents" dans "Oraison du soir" et "genoux au dents" à cheval sur la césure dans "Les Assis". Rimbaud joue le sens d'insurrection du verbe "lever" qu'il oppose à l'embourgeoisement du possédant "assis".
Est-ce que ce bibliothécaire était monarchiste ?
A proximité de l'article de Simonet, dans la même revue donc, juste après en fait, nous avons un article de Joël Raskin où un extrait du journal Le Progrès des Ardennes est cité par Le Pilote de la Somme. Il s'agit d'un article du 14 avril 1871, il s'agit d'un éditorial de probablement Jacoby qui ne peut que gagner à être rapproché de "Chant de guerre Parisien" d'un côté et des "Assis" de l'autre. Jacoby fait remarquer ceci : "Nous sommes en République, mais tous les hommes de l'empire occupent encore toutes les places. Et c'est avec cela que M. Thiers prétend fonder la République française ! Mais c'est une amère dérision." Et il enchaîne au paragraphe suivant : "Faites une République aussi aristocratique que vous voudrez, mais, pour l'amour de Dieu, mettes des hommes nouveaux, des républicains du rose le plus tendre à la tête des administrations et n'y laissez pas les hommes honteux qui [ont] précipité la France dans l'abîme fangeux où elle se débat convulsivement."
Jacoby avait imprimé : "les hommes honteux qui a précipité..." indice qu'il pensait à Napoléon III par-dessus son raisonnement du jour.
Et dans un nouveau paragraphe, Jacoby se justifie de rapporter les décisions de la Commune, il n'approuve pas tous ses actes, mais il écrit "l'histoire sans fard, l'histoire au jour le jour". Et Jacoby refuse de donner raison au général Vinoy "contre ce qu'on appelle l'insurrection". Et je cite ce paragraphe court qui cite des responsables : "Le premier tort est tout entier au gouvernement et à l'Assemblée nationale." Et un autre alinéa court enchaîne par une telle question : "Pouvez-vous nous citer un acte viril de cette Assemblée ?" N'est-ce pas piquant à rapprocher de l'allure générale du poème "Les Assis" qui décrit une absence de virilité d'une certaine façon puisqu'il parle de squelettes qui peinent à se lever et dont le "membre s'agace à des barbes d'épis".
Plus bas, Jacoby dit que l'insurrection a été causée par "cette absence absolue de pouvoir et d'action de la part de ceux que la nation a chargés de faire la paix et de diriger les affaires de manière à faire renaître le crédit et la confiance, et par conséquent la prospérité." Les dégâts auraient été réparés en six mois avec des mesures sages et énergiques, tandis que là une dépêche rapporte une grande victoire de Vinoy contre les insurgés entre Versailles et Paris.
Comment croire que le discours politique accentué, quoique métaphorique, du poème "Les Assis" n'est pas lié à l'actualité politique dont parle Jacoby ? C'est parfaitement sensible qu'il y a un lien.
Pour ce qui est du manuscrit détenu par Guelliot, je trouve intéressant d'observer que le manuscrit de "Promontoire" il l'aurait acquis vers 1892 et en tout cas il avait inséré le manuscrit en tête de son volume personnel de poésies de Rimbaud publiées par Vanier en 1892. Je n'ai pas vérifié, parce que je connais la date du Reliquaire en 1891 et l'édition Vanier de 1895. Donc, n'ayant pas en tête le détail des premières publications des oeuvres de Rimbaud, je vais devoir procéder à certaines vérifications.
Je rappelle que les derniers poèmes en prose des Illuminations ont été publiés en revue en 1892, avant l'édition pensée alors comme complète par Vanier de 1895, avec préface de Verlaine. Je rappelle aussi que j'ai consulté l'exemplaire annoté du Reliquaire conservé à la Bibliothèque royale de Belgique à Bruxelles, l'Albertine, et que j'en ai parlé dans un article : "Mais que sont devenus les manuscrits de 'Paris se repeuple' ?" et cet exemplaire du Reliquaire a été annoté par Vanier ou ses proches en vue de préparer l'édition des Poésies complètes de 1895. Vanier a corrigé le texte imprimé par Genonceaux à partir des manuscrits qu'il possédait. Notez que Vanier détenait la version en deux strophes du "Coeur volé" recopiée par Verlaine, puisqu'il a écrit "copie Vne" au crayon à côté de la leçon imprimée du Reliquaire. Vanier possédait une version de "Poison perdu" et au moins une version de "Paris se repeuple". D'ailleurs, pour "L'Orgie parisienne ou Paris se repeuple", les strophes inédites sont manuscrites sur l'exemplaire du Reliquaire et ces photographies sont toujours inédites, je les possède, puisque je ne les ai pas mises en ligne, et puisque jamais Murphy ni Lefrère, ni Pakenham ne se sont rendus à la bibliothèque royale de Bruxelles pour consulter les documents !
On a le sentiment que les manuscrits de "Dévotion" et "Démocratie" furent perdus en 1886, au moment de l'impression des textes dans la revue La Vogue. Mais pourquoi ces deux textes-là, les derniers transcrits, auraient été détruits et pas les autres ? Le dossier a été divisé en deux, et alors que la disparition des manuscrits de "Dévotion" et "Démocratie" dès 1886 reste une pure spéculation on a des signes tangibles qu'autour de Vanier et de l'année 1892 il y a eu une amorce de dispersion de manuscrits au compte-gouttes dans des collections parfaitement inconnues. Guelliot est une pièce importante de la réflexion qu'il reste possible de conduire à ce sujet. Cela concerne quelques poèmes en prose, mais aussi des poèmes en vers tels que "Poison perdu", "Paris se repeuple" et même d'autres encore, comme la version en deux triolets du "Coeur volé". On a une énigme au sujet de "Paris se repeuple", puisque les deux versions ont disparu, et celle utilisée par Genonceaux et celle utilisée par Vanier. Il y aurait deux disparitions successives de manuscrits de ce seul poème ou Vanier tout en préférant la version nouvelle est à l'origine de la double disparition des manuscrits de "Paris se repeuple" ? Il doit y avoir une enquête à faire qui devrait même pouvoir se resserrer sur un moment précis de l'année 1892 pour toutes ces disparitions de manuscrits.
Au fait, je reprendrai aussi l'analyse de la variation "putain" et "pudeur" pour "Paris se repeuple", quand j'aurai mis à nouveau la main sur mes photographies de l'exemplaire annoté du Reliquaire.
tttttt tttttttttt tttttttt on a vaincu Medicare
ttttt tttt
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Ah zut ! il n'est plus en état de rien faire, ni de parler plus longtemps.
Interruption de l'article.

lundi 1 juillet 2024

Saint-Cloud : "Rages de Césars" et sa remise en main à Demeny...

Le lundi 19 juillet 2010, j'ai publié l'article de référence sur la question d'un recueil ou non constitué par les poèmes remis à Demeny en 1870 sur le site Rimbaud ivre de Jacques Bienvenu :


Il s'agit de l'unique article qui rassemble une argumentation poussée sur la question et une argumentation qui va implacablement au seul constat possible, ce n'est pas un recueil de Rimbaud. J'ai dénoncé aussi la genèse de cette idée qu'il s'agissait d'un recueil en pointant les critiques universitaires qui ont mis cette idée sur la table et qui, insensiblement, en ont fait une petite musique qu'on entendait régulièrement jusqu'à ce qu'elle paraisse une vérité. Le livre de 1983 de Pierre Brunel Projets et réalisations a joué un rôle décisif dans la création de ce prétendu recueil et je reviendrai prochainement sur le fait que les ouvrages parascolaires autour du baccalauréat en 2024 font des allusions discrètes aux développements de ce livre. Steve Murphy a lui-même défendu cette idée, car Steve Murphy a tendance à vouloir établir un ordre définitif de lecture de l'ensemble des poèmes, et il défend l'idée de plusieurs recueils voulus tels quels par Rimbaud, puisqu'il y a aussi un prétendu recueil de 24 pages essentiellement recopié par Verlaine et le refus d'admettre que la pagination des Illuminations, les seuls poèmes en prose, fut le fait des protes de La Vogue et non de Rimbaud. Bien que Guyaux n'ait pas une réelle importance pour élucider les difficultés posées à la lecture par les textes hermétiques de Rimbaud, il se trouve que Guyaux a raison de refuser de parler de recueil pour les poèmes remis à Demeny en 1870, pour les poèmes recopiés par Verlaine dans un dossier de 24 pages et il a raison de dire qu'il n'y a aucune architecture sensible de recueil pour l'ensemble des poèmes en prose, poèmes en prose dont la pagination manuscrite est clairement et évidemment allographe.
Il y a bien évidemment de très fortes querelles de chapelles parmi les rimbaldiens, et il va de soi que la revue Parade sauvage se rangeait plus volontiers derrière son créateur et directeur en sous-main Steve Murphy. Une apparence de démonstration à propos de la pagination de Veillées I et II servait à alimenter l'idée que la pagination des Illuminations était autographe, elle a été réduite à néant par Jacques Bienvenu, et j'ai ajouté cette preuve par les soulignements des titres et des neuf premières pages qui prouvent définitivement que les interventions sont des protes de la revue La Vogue. Michel Murat, Yves Reboul et d'autres qui n'étaient pas des militants systématiquement en faveur de Steve Murphy ont adhéré à l'idée d'une pagination des Illuminations. Or, je vous mets au défi de démenti les deux parties de l'article suivant de Jacques Bienvenu :


Ne dites pas : "on ne sait pas, balle au centre !" La pagination est allographe.
Yves Reboul s'appuie aussi sur l'idée que le dossier de 24 pages remis à Verlaine constitue un ordonnancement de recueil dans certains de ses articles. D'abord, les échos entre poèmes n'ont pas besoin de s'expliquer par un recueil, ils viennent d'une époque créatrice d'un poète qui a ses constantes, et puis j'ai donné une argumentation complète qu'aucun rimbaldien ne s'est donné la peine de contredire. L'article figure lui aussi sur le site Rimbaud ivre :


Rimbaud n'a jamais parlé d'un recueil, ni le premier Verlaine dans sa lettre où il parle poèmes mis en sécurité par Forain, ni le second Verlaine quand il parle de poèmes détruits par Mathilde à l'époque des Poètes maudits, ni le dernier Verlaine. La pagination, ça ne veut pas dire automatiquement qu'on a affaire à une organisation en recueil. Et compter les vers des poèmes, ce n'est pas quelque chose qu'on fait exclusivement quand le recueil est terminé, que tous les poèmes prévus pour ont été composés. Surtout, Verlaine met une liste de poèmes non encore recopiés. Le projet est dans une phase intermédiaire de rassemblement des compositions susceptibles d'être publiées. Il ne faut pas tout mélanger. Et donc cette affirmation d'un ordre de défilement intangible des compositions n'a aucun sens.
Mais, dans le cas, du "Recueil Demeny", mon article étant très long, il était souhaitable qu'il soit définitif. Or, s'il est clair qu'il n'existe pas de recueil de 1870 remis à Demeny, et d'ailleurs j'observe qu'Adrien Cavallaro nie l'existence du recueil, Bataillé au sein de l'équipe de Parade sauvage l'évoque avec scepticisme, et cette fois elle n'est pas défendue par Yves Reboul. Jean-Jacques Lefrère exprimait un doute dans sa biographie en 2001, bien que celle-ci ait été rédigée en partenariat avec Murphy, et cela dix ans avant que je ne mette les points sur les i.
Bref, il n'y a peu de gens parmi les rimbaldiens qui croient au "Recueil Demeny", en-dehors de Pierre Brunel et de Steve Murphy. André Guyaux n'y a jamais cru et l'a toujours dit, et il a raison. C'est logique.
Donc, là, le choix d'un prétendu recueil Cahiers de Douai est un vrai problème pour l'avenir non pas des études rimbaldiennes, mais pour l'avenir d'une meilleure connaissance des œuvres de Rimbaud auprès du grand public.
Et donc mon problème, c'est que si j'ai bien montré par les pliures des manuscrits notamment que les poèmes avaient été remis au fur et à mesure à Demeny, qu'ils avaient été remis par petits paquets, j'en suis resté à l'idée que les poèmes avaient été remis en partie lors du premier séjour et qu'une second ensemble était l'apport exclusif du second séjour. Et dans cet ordre d'idées, Rimbaud avait recopié au crayon Soleil et Chair, et qu'il avait parlé de sauf-conduit pour son premier retour à Charleville à la fin de septembre.
Guyaux dans son édition des Œuvres complètes de Rimbaud ne donne pas toute mon argumentation poussée, mais il affirme encore que tous les poèmes ont été recopiés et remis lors du seul second séjour. Dans mon article, je notais même que c'était assez comique que celui qui ne croyait pas au recueil parlait d'un don en une seule fois, tandis que les tenants du recueil envisageaient une remise en deux temps, sachant que lors du don de 15 poèmes en septembre (selon cette hypothèse) Rimbaud n'aurait pu avoir aucune idée claire de ce qu'il allait inventer ensuite, puisque plusieurs poèmes d'octobre parlent d'une fugue belge postérieure au séjour douaisien.
Et pas si longtemps que ça après la publication de mon article, je me suis dit que Guyaux avait peut-être la bonne intuition. Bien que ce ne soit pas un recueil et bien que Rimbaud ait remis les poèmes par petits groupes au fur et à mesure qu'il les transcrivait, il a pu recopier l'ensemble lors du seul séjour d'octobre.
En tout cas, il serait bon d'en débattre et de creuser le sujet.
Je commence par poser des indices qui donneraient raison à Guyaux.
Rimbaud dit dans sa lettre à Demeny qu'il a remis ces poèmes lors de "son séjour" à Douai. Certes, il en a fait deux, mais il emploie tout de même le singulier. Il est clair que j'ai éludé la difficulté en me contentant de dire que Rimbaud évitait de rappeler les heurts et parlait d'un seul séjour.
Ensuite, pourquoi Rimbaud n'aurait pas recopié à l'encre les poèmes précédemment laissés à Demeny au crayon ? "Soleil et Chair" et pour partie "Le Forgeron".
Ensuite, "Roman" et "Les Effarés" sont datés l'un du 29 septembre de mémoire et l'autre du 22 septembre, mais ils sont sur un papier commun, et le dernier "Roman", bien que décrivant le cadre douaisien (les "parfums de bière", entreprises brassicoles signalées  à l'attention par Bataillé dans son article sur ce poème) et sans doute un Demeny de 28 ans ramené à 17 par son amour avec une jeune fille dix ans plus jeune que lui, le dernier "Roman" dis-je serait daté quasi du jour du départ du premier séjour et coïnciderait avec la transcription au crayon qui concerne "Le Forgeron" pour partie, "Soleil et Chair" et le mot laissé en l'absence chez lui de Demeny, avec un "bonne chance" qui ferait bizarrement écho au persiflage amoureux des "dix-sept ans" en âme de Demeny dans la pièce du jour. J'ai dans un coin de la tête que "Les Effarés" et "Roman" furent remis ensemble comme un couple de compositions douaisiennes du premier séjour mais remis lors du second séjour. Je sens que ça cloche d'affirmer qu'ils furent remis lors du premier séjour.
Ce n'est pas tout.
Il n'existe aucune étude graphologique pour déterminer si tels poèmes ont été recopiés en septembre, tels autres en octobre. Et dans son témoignage Rimbaud tel que je l'ai connu, Izambard ne parle pas d'un recopiage pour le premier séjour, mais d'un recopiage lors du second séjour. Et Izambard va jusqu'à dire que Rimbaud se plaignait de manquer de papier.
Izambard n'a reçu aucun lot de poèmes pour sa part. Il avait des copies plus anciennes de quelques poèmes, mais Izambard n'avait aucune copie des poèmes de septembre et d'octobre commis par Rimbaud.
Pour moi, la logique semble bien la suivante.
Rimbaud a été emprisonné à Mazas, mais il n'avait pas tous ses poèmes avec lui. Il est retourné à Charleville avec Izambard à cause des sommations de sa mère, et quand il a fugué là il a pris tous ses poèmes avec lui pour s'ouvrir les voies de la presse à Charleroi, et puis à Bruxelles, et il s'est enfin rabattu sur Douai. Et il a eu du temps pour écrire. Demeny taquinait la jeunette de dix-sept ans et Rimbaud était logé chez les demoiselles Gindre, puis Rimbaud avait été hébergé à Bruxelles où il a dû avoir quelques heures pour s'occuper de poésie. En clair, à Douai, en octobre, lors du seul second séjour douaisien, Rimbaud a eu tout le temps de coucher sur le papier sept nouvelles compositions, en l'occurrence les sept sonnets dits du "cycle belge", puis il a pu recopier "Les Effarés" et "Roman" pour Demeny, et il a remanié tous ses anciens poèmes et il a remis des copies de ces compositions révisées à Demeny. En revanche, quand Izambard est arrivé, il était en porte-à-faux, il venait d'essuyer les colères de la mère après la première fugue, il s'était engagé à retrouver l'énergumène, et donc il n'était sans doute pas disposé à réceptionner de nouvelles compositions de Rimbaud. En septembre, si Rimbaud recopiait ses poèmes pour l'un, Demeny, pourquoi ne les recopierait-il pour l'autre ? Pourquoi en octobre Izambard se plaindrait ainsi du papier dépensé pour le recopiage de sept poèmes seulement ? Et si Izambard s'est plaint que Rimbaud ne copiait ses poèmes que sur un seul côté des feuillets, pourquoi aurait-il échoué à imposer ses vues à l'enfant Rimbaud qui lui était déjà redevable ? Izambard n'était pas d'humeur à recevoir des poèmes et Rimbaud devait compter les lui remettre ultérieurement, mais de plus le manque de papier faisait que seul Demeny en profiterait, mais ce fut un recopiage de 22 poèmes, sans que projet de recueil il y eut, puisqu'Izambard dit que Rimbaud pense à la publication de ses poèmes, sans jamais parler de recueil, preuve que pour Izambard Rimbaud pense surtout au prélèvement d'un poème pour une revue au départ. Ou bien Rimbaud s'il invente un recueil par la suite peut se dire qu'il n'a plus à envoyer tels poèmes par la poste. Izambard lui dit que le papier coûte cher, mais la poste aussi ça coûte cher.
Sur le mot au crayon laissé à Demeny, Rimbaud se demande si celui-ci va lui écrire, ce qui veut dire que Rimbaud est de plus en plus mal vu. Or, en septembre, il est sorti de prison après une fugue, et ça se passe encore bien avec Izambard qui le ramène chez sa mère. En octobre, il s'est imposé chez les soeurs Gindre, il récrée un problème. En septembre, son passage à Douai était un début de résolution. Et peut-être qu'au fur et à mesure que Rimbaud remettait ses poèmes à Demeny, paquet par paquet, il voyait bien que Demeny était embarrassé par ce cas de seconde fugue, comme il voyait qu'il était fermé : "Vous m'écrirez, Pas ?" ça ne ressemble pas à un auteur qui parle à son éditeur garanti. Je dis ça, je dis rien. Il reste à déterminer si le "sauf-conduit" est logique pour octobre et pas nécessaire pour septembre. En septembre, Izambard ramenait Rimbaud, mais en octobre la justice s'en mêlait...
Et, de fil en aiguille, le problème devient de plus en plus intéressant.
Finalement, on ne peut même pas dire, faute d'avoir étudié la question, si les sept sonnets du "cycle belge" ont été écrits avant ou après les quinze autres poèmes de 1870 remis à Demeny. Et c'est là qu'une autre question tombe : il y a peut-être d'autres poèmes plus tardifs que nous ne l'avons cru parmi les quinze autres. Et justement, il y a le cas de "Rages de Césars".
Parce que vous allez me dire que pour l'instant tout est fragile, mais dans le cas de "Rages de Césars", il y a deux articles d'analyse de détail du sonnet qui sont sortis en même temps, en même temps car dans deux ouvrages distincts de l'année 1991. Steve Murphy a publié une étude du poème dans son volume Rimbaud et la ménagerie impériale, tandis que Marc Ascione a publié une note de la longueur d'un articulet dans l'édition du centenaire Oeuvre-Vie d'Arthur Rimbaud conçue par Alain Borer.
Et si les intuitions d'Ascione ne sont pas toujours fiables (il croit à tort qu'il y a une obscénité au dernier vers de "Ma Boh[è]me" ou il mobilise à tort un extrait anachronique et faux du livre anticommunard de Maxime Du Camp féroce en mai qui date de 1878 Les Convulsionnaires, le mot de Bismarck "Les Parisiens sont des Peaux-Rouges" étant dans Maxime du Camp et pas du tout dans la presse et dans les faits historiques de l'année 1871), Ascione a dit quelque chose de sensé quand il fait remarquer que le château de Saint-Cloud est parti dans un incendie prussien le 14 octobre 1870, et donc le "fin nuage bleu" ferait référence à cette incencie.
Et là, c'est un point aveugle important des études rimbaldiennes. Jusqu'au récent livre d'hommage à Marc Ascione, jamais (à part moi, puisque je l'ai déjà clamé) un rimbaldien n'a souligné l'importance de l'argument de l'incendie de Saint-Cloud quant à la datation du sonnet "Rages de Césars". Cet argument a des conséquences sur l'interprétation qu'on peut avoir du don des poèmes à Demeny par Rimbaud, sur l'ordre des transcriptions, et à partir du moment où on maintient que le dossier a été remis à Demeny pour partie en septembre ça veut dire qu'implicitement on considère que la lecture proposée du "fin nuage bleu" par Ascione est nulle et non avenue. Murphy ayant publié sa lecture la même année, il n'en fait aucun cas. Donc on a un point aveugle des études rimbaldiennes, puisque jamais personne ne s'est intéressé au problème béant que pose l'hypothèse d'Ascione publiée en 1991.
Evidemment, pour refouler la référence à l'incendie du 14 octobre 1871, il existe un biais : il s'agirait d'insister sur l'importance de Saint-Cloud auparavant et notamment dans le cadre du 18 brumaire, puisque le coup d'état de Napoléon Bonaparte le 18 brumaire implique la référence à Saint-Cloud qu'il occupe le 19. J'ai l'ouvrage de Stendhal Vie de Napoléon sous la main, je relève ceci au chapitre 18 :

   Le 18 brumaire (9 novembre 1799) dans la nuit, Bonaparte fit convoquer subitement, et par des lettres particulières, ceux des membres du Conseil des Anciens sur lesquels il pouvait compter. On profita d'un article de la Constitution qui permettait à ce conseil de transférer le Corps Législatif hors de Paris, et il rendit un décret qui, le lendemain 19, indiquait la séance du Corps Législatif à Saint-Cloud, chargeait le général Bonaparte de prendre toutes les mesures nécessaires à la sûreté de la représentation nationale, et mettait sous ses ordres les troupes de ligne et les gardes nationales. Bonaparte, appelé à la barre pour entendre ce décret, prononça un discours. Comme il ne pouvait parler des deux conspirations qu'il déjouait, ce discours n'a que des phrases. Le 19, le Directoire, les généraux, et une foule de curieux se rendirent à Saint-Cloud. [...]
Mais cela se passe mal à Saint-Cloud, les députés crient : "A bas le dictateur", et Napoléon doit sortir tant sa vie est menacée par les députés, puis Stendhal déclare que le récit entre alors dans les incertitudes de la légende, et je tiens à citer la suite du récit stendhalien, parce que c'est étonnamment parallèle au développement produit dans "Rages de Césars" :

[...] On prétend que Bonaparte, entendant le cri terrible de Hors la loi, pâlit et ne trouva pas un seul mot à dire pour sa défense. Le général Lefèvre vint à son secours, et l'aida à sortir. On ajoute que Bonaparte monta à cheval, et, croyant le coup manqué à Saint-Cloud, galopa vers Paris. Il était encore sur le pont, lorsque Murat parvient à le joindre et lui dit : "Qui quitte la place, la perd". Napoléon, rendu à lui-même par ce mot, revient dans la rue de Saint-Cloud, appelle les soldats aux armes et envoie un piquet de grenadiers dans la salle de l'Orangerie. Ces grenadiers, conduits par Murat, entrent dans la salle. Lucien, qui avait tenu bon à la tribune, reprend le fauteuil et déclare que les représentants qui ont voulu assassiner son frère sont d'audacieux brigands, soldés par l'Angleterre. Il faut décréter que le Directoire est supprimé, que le pouvoir exécutif sera remis entre les mains de trois consuls provisoires : Bonaparte, Sieyès et Roger-Ducos.
Finalement, deux autres consuls seront nommés avec Bonaparte, tandis que Stendhal a refusé de renoncer à cette rumeur dans son récit, il répond "Non" à une note de Vismarra.
Rimbaud n'a pas pu avoir connaissance de l'incendie de Saint-Cloud avant son récit dans la presse, le 15, voire le 16 ou le 17 octobre, et au passage cela limite aussi le nombre de publications à dépouiller. Le sonnet "Rages de Césars" serait une composition plus tardive que les sept sonnets du "cycle belge". Evidemment, avec mauvaise foi, on dira que "Rages de Césars" n'a pas rejoint "L'Eclatante victoire de Sarrebruck" pour faire une série de sonnets, mais en réalité on doit se poser la question des aléas de la composition d'ensemble de ce dossier manuscrit. Le sonnet "Ma Bohême" n'est pas daté comme le sont les six autres sur un même papier. Les sonnets "Le Châtiment de Tartufe" et "Rages de Césars" forment un binôme, et on peut se demander si ces deux sonnets ne furent pas les deux derniers que Rimbaud ait composé parmi les vingt-deux pièces remises à Demeny. Ils sont très proches de "L'Eclatante victoire de Sarrebruck" dans l'idée. On sent encore une fois que l'idée de recueil avec une série de sonnets à part est contradictoire avec des rapprochements transversaux, l'ensemble a d'autres sonnets et l'isolement de "L'Eclatante victoire de Sarrebruck" par rapport au "Châtiment de Tartufe" et "Rages de Césars" n'a pas le sens commun.
Or, l'anecdote sur le dix-huit brumaire donne du sens à la saillie finale de "Rages de Césars", mais c'est aussi l'affirmation d'un statut de consul quand pour Napoléon III on parle de César en titre. Et Ascione rappelle que dans Les Châtiments de Victor Hugo Napoléon III est une caricature pour faire expier à l'oncle son dix-huit brumaire. Et je suis loin de perdre mon temps à croire que Rimbaud se moque de Victor Hugo dans "Le Châtiment de Tartufe", lecture qui n'a ni queue ni tête. L'important, c'est l'acrostiche Jules Cés...ar relevé par Murphy et le binôme formé par "Le Châtiment de Tartufe" et "Rages de Césars". Or, l'incendie de Saint-Cloud est un second châtiment. Qu'est-ce qui part en fumée au bout de la cigarette ? parce que le "fin nuage bleu", il n'est pas là pour faire smart, et ce n'est pas un jeu de mots anodin avec "Saint-Cloud" cité au premier hémistiche du même vers final.
Il y a eu la défaite de Sedan, et donc tout part en fumée, mais l'incendie de Saint-Cloud c'est la consommation symbolique. La guerre franco-prussienne a perdu l'Empire avec Sedan le 2 septembre qui nous vaut une proclamation de la République le 4, mais ce sont les prussiens poursuivant cette guerre qui ont encore fait partir en fumée le symbole de l'accession au pouvoir impérial de Bonaparte. Saint-Cloud, c'est le symbole de l'accession au rang de consul et donc d'empereur du clan Bonaparte. C'est ce château même qui est parti en fumée le 14 octobre, et Rimbaud l'évoque avec un jeu de mots pour dire que le rêve impérial part en fumée dans un sonnet "Rages de Césars" où Napoléon est prisonnier des prussiens à Wilhelmshöhe. Ce serait une coïncidence ? Rimbaud aurait écrit son sonnet avant le 14 octobre et c'est l'histoire qui donnerait un sens à un jeu de mots auparavant assez gratuit du sonnet rimbaldien.
Puis j'observe les ressemblances frappantes avec la rumeur rapportée par Stendhal, la répétition "L'Homme pâle", certes en partie reprise aux Châtiments, fait écho que Bonaparte ait pu pâlir en s'entendant appeler "Hors la loi" par des députés qui l'attrapaient par le col à la manière du méchant dans "Le Châtiment de Tartufe". Il est question de "souffler la Liberté" ce qui reprend des passages précis du recueil satirique hugolien, mais ce qui correspond aussi à un coup d'état comme l'était le dix-huit brumaire en quelque sorte. Il y a le nom de "Hors-la-loi", le proverbe de Murat, et là un nom mystérieux qui tressaille sur les lèvres... Il y a un regret et un sentiment de mort. Il est question d'un "Compère en lunettes", Emile Ollivier en principe, et puis on a ces deux vers sur l'occasion qui a viré au fiasco avec le fin nuage bleu qui sort du cigare en feu comme aux soirs de Saint-Cloud.
Rimbaud se sert des Châtiments, mais il connaît aussi les versions historiennes diffusées à son époque du 18 brumaire, et il s'en sert pour écrire une inversion qui fait contraster l'accession au pouvoir de Bonaparte et toute la déchéance militaire de Napoléon III dans le coup de poker de la guerre franco-prussienne...
Alors, je sais que l'argument suivant ne vaut pas grand-chose en principe, mais le 25 novembre le journal le Progrès des Ardennes a publié un récit en prose "Le Rêve de Bismarck" (sans doute réarrangé et censuré par l'éditeur Jacoby lui-même) lequel a un sous-titre "(Fantaisie)" qu'il partage exclusivement avec un poème composé visiblement en octobre "Ma Bohême", et Rimbaud y reprend des éléments du sonnet "Rages de Césars" : "Sous sa tente, pleine de silence et de rêve, Bismarck [...] médite ; de son immense pipe s'échappe un filet bleu. / Bismarck médite. Son petit index croch chemine [...] il tressaille [...] Bismarck médite. [...] le bonhomme a tant rêvé, l'oeil ouvert [...] Cachez, cachez ce nez ! [Note : citation à nouveau d'un vers de Tartuffe] [...]

Vu le témoignage de Delahaye qui raconte tout le contenu de ce texte alors inédit, incoonu, en envisageant des développements plus conséquents sur l'enivrement et qui dit que le poème n'a pas été retenu pour publication, je n'ai guère de doute sur le fait que la médiocrité qu'on ressent à la lecture vienne pour partie de sa dénaturation par les retouches de Jacoby. Delahaye parle d'un Rimbaud dépité de ne pas avoir été publié, et ne dit pas que cela a été rattrapé, j'en conclus que Delahaye a un souvenir déformé, mais qu'il se souvient d'une réelle déception de Rimbaud. Le texte a été réécrit. C'est évident !
Néanmoins, il en reste des éléments authentiques. Les rapprochements avec "Le Rêve de Bismarck" ne s'inventent pas, ni les premiers échos de Verlaine : "imperceptiblement" depuis le "tremblote" des "Effarés".
La composition ne peut pas dater du 25 novembre, elle est antérieure de quelques jours, soit qu'on pense que Jacoby l'a remaniée, soit qu'on pense qu'elle a été refusée dans un premier temps. Et bref, comme par hasard, les échos au "Châtiment de Tartufe", "Ma Bohème" et "Rages de Césars" favorisent l'idée que les trois sonnets furent les derniers composés pour Demeny, et non pas pour deux d'entre eux des compositions de septembre.
Alors, oui, bon, vous allez dire : "mais on n'a pas le droit de dire que Rimbaud quand il reprend des idées à un poème c'est qu'il a écrit les deux poèmes l'un à la suite de l'autre, et moi je ne veux pas que "chers corbeaux délicieux" soit rapproché dans le temps pour "Les Corbeaux" prétendument en mars et "La Rivière de casssis" en mai. Rimbaud peut très bien avoir écrit "Les Corbeaux" en septembre à Londres et s'être rappelé sa belle formule de mai et avoir envoyé ça à la Renaissance littéraire et artistique pour publication immédiate. Et gnagnagni et gnagnagna."

Ok, faites avec les intuitions que vous avez ! Qu'est-ce que je peux changer à vos natures ? Rien, après tout !