vendredi 7 décembre 2018

Articles à venir et deux articles sur le site d'Alain Bardel

Je continue de préparer pas mal de choses sur Rimbaud.
Je rédige un article intitulé pour l'instant : "Train, vie de bohème, voyage en mer, journaux : ce qu'exprimait Rimbaud!"
J'ai d'autres projets qui sont lancés que j'ai déjà annoncés. Je vais essayer de revenir en force avec des articles de synthèse.
Une fois n'est pas coutume, je signale à l'attention deux articles nouveaux sur le site d'Alain Bardel. Je n'ai pas encore lu ces articles.
Le plus récent "Le débat critique autour des 'Corbeaux' : un cas d'école" (cliquer sur ce lien) m'intéresse, puisque je m'oppose depuis longtemps à la lecture selon laquelle le titre serait à comprendre comme une métaphore anticléricale visant les curés. Je ne l'ai pas encore lu, mais survolé, ça a l'air intéressant. Je suis surpris de voir que mon nom est volontairement écarté du débat, alors que j'y ai nettement pris part, et notamment dans des articles en version papier ou présents sur le site "Rimpbaud ivre" que la critique rimbaldienne accepte de citer. C'est une énième preuve que j'ai raison depuis le début de dénoncer une loi tendancieuse tacite du silence à mon égard. A noter qu'il y a apparemment une corruption du lien donné sur la page d'accueil, j'accède en deux clics seulement à la page désirée.
Pour "Les Corbeaux", j'ai signalé à l'attention un intertexte "Plus de sang" dans l'oeuvre de François Coppée, et là ce n'est pas la moitié d'un propos inédit, c'est de l'inédit et du décisif à part entière, mais bon...
L'autre article qui verse dans le calembour et que je n'ai pas lu non plus : Divagations rimbaldo-fouriéristes en quête d'Illuminations (cliquer sur ce lien) m'intéresse plus encore. Avant la révélation de la lettre à Jules Andrieu, j'ai bien dit que Rimbaud devait être lu en regard des vraies références intellectuelles des communards, non pas Marx, mais Proudhon, Fourier, Blanqui. C'est marrant les convergences de dates pour l'intérêt des rimbaldiens pour certains sujets. Je m'étais en particulier indigné au sujet de l'interprétation bienpensante de la première phrase du poème en prose "Solde" par Steve Murphy et Bruno Claisse, parce qu'il faut accepter les données telles qu'elles sont. La critique littéraire, c'est de dire les choses telles qu'elles sont, même quand ça dérange. Il va de soi qu'un débat public en prime time sur la première ligne de "Solde" n'est pas souhaitable dans le contexte actuel, mais ce n'est pas une raison pour masquer la réalité du discours de Rimbaud qui correspond à une époque et au milieu politique dont il était proche. C'est l'honnêteté intellectuelle qui est en jeu. En tout cas, il est grand temps de se pencher sur ces questions des références politiques de Rimbaud.
Prenons le livre Le Soleil et la Chair d'Antoine Fongaro, réunion de l'essentiel de ses articles sur les poèmes en vers de Rimbaud au cours de sa vie. Ce volume a été publié en 2009 aux éditions Classiques Garnier.
Dans le chapitre De quelques vocables, au sein d'une section sur les mots "Alme et panadif", Fongaro fait remarquer à la page 23, à propos de la mention "alme" chez Rimbaud que "[c]e mot a été rajeuni de nos jours par la plume énergique de M. Proudhon : L'alme nature ne fait jamais de mal à ceux qui lui appartiennent." La citation n'est pas de Fongaro qui l'emprunte à un volume paru en 1866 du Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle de Pierre Larousse. La publication s'est étalée de 1866 à 1876, mais pour le mot "alme" le volume a été publié en 1866 même.
Le problème, c'est que Fongaro en homme du vingtième siècle sous-évalue complètement l'intérêt de cette citation, puisqu'il enchaîne ainsi : "Mais il n'est pas besoin de supposer que Rimbaud avait lu Proudhon (qui, lui, emploie correctement l'adjectif "alme"), parce qu'il est indiscutable qu'il avait rencontré l'adjectif alme chez Verlaine [vers 17 du "Prologue" des Poëmes saturniens : "Une connexité grandiosement alme", vers 17 à nouveau mais du poème "A Clymène" des Fêtes galantes : "sur d'almes cadences"]. C'est Verlaine qui a appris à Rimbaud à employer "alme"' n'importe comment." Une note de bas de page allonge la liste des exemples verlainiens.
Verlaine est un poète affectionné par Rimbaud, donc ce lien est suffisant pour Fongaro, il n'y aurait plus rien à dire sur l'influence de Proudhon, influence double puisqu'elle a pu s'exercer à la fois sur Verlaine et sur Rimbaud. Même si on croit écarter l'hypothèse d'une lecture de Proudhon par Rimbaud, Fongaro ne fait que reporter le problème : si ce n'est plus l'origine de l'emploi par Rimbaud qui interpelle, c'est cette fois celle de son emploi par Verlaine qu'il faut de toute façon élucider'.
Fongaro sous-évalue l'importance de ses découvertes à d'autres reprises. Toujours dans ce chapitre intitulé "De quelques vocables", il fait une recherche sur l'origine de l'emploi du mot "éclanche" dans "Mes petites amoureuses" et établit un lien avec le poème de Musset "Le Voyage à Pontchartrain" recueilli dans les Poésies posthumes. Le mot "éclanche" y désigne bien l'épaule de mouton prête à être mangée, etc. Et Fongaro risque d'autres rapprochements, mais ce qui m'impressionne c'est qu'il ne dit pas un mot de la forme adoptée par Musset dans son poème. Nous avons une alternance d'octosyllabes et de vers de deux syllabes avec une disposition en quatrains et un rejet du verbe "Fumait" qui fait précisément suite au vers de deux syllabes : "L'éclanche"... Ce qui s'impose d'emblée à mon esprit, c'est que le rapprochement est renforcé par le parallèle entre les formes métriques, puisque "éclanche" se retrouve dans "Mes petites amoureuses", "Fumait" résonne dans "Les Reparties de Nina", et justement "Mes petites amoureuses" et "Les Reparties de Nina" ont en commun une alternance d'octosyllabes et de vers de quatre syllabes qui est reprise à la "Chanson de Fortunio" de Musset, forme elle-même proche de celle adoptée dans "Le Voyage à Pontchartrain".
L'arrière-plan des formes poétiques est un atout non négligeable et pourtant trop négligé dans l'étude de la poésie en vers de Rimbaud. Le repérage d'une forme peut donner du crédit à une étude thématique ou lexical, une communauté de forme peut mettre en confiance le chercheur qui, au départ, n'a que des intuitions, car, petit à petit, ce qui semble un rapprochement aléatoire devient probant par accumulation d'indices. Par exemple, ce que je viens de dire ne suffit pas, mais c'est l'amorce d'une recherche où la sélection des textes à observer en priorité est facilitée, Nina ou Ninon étant, qui plus est, non pas simplement une désignation éculée de la grisette, mais un nom que Musset a contribué à populariser dans la poésie lyrique de son siècle.
Pour "alme", il faut élargir la fenêtre et ne pas s'en tenir à une émulation entre poètes. Le mot "alme" ainsi employé fait partie d'une époque qui n'implique pas que des poètes.
Prenons le poème "A la Musique". Nous savons qu'il a pour modèle un poème précis de Glatigny, poète de la bohème. Mais le motif de la bohème n'est pas une création de Glatigny. La bohème, cela renvoie à un roman de Murger, mais aussi à une origine romantique impliquant un certain comportement en société avec les bousingots, les Jeune-France, et cela implique le journalisme. Quand Rimbaud se décrit en train de fumer, mais aussi en train de méprises ceux qui fument des roses, etc., etc., nous comprenons jusqu'à un certain point la signification. Mais Rimbaud lisait les journaux. L'artiste qui méprise ceux qui fument des roses, c'est un poncif du monde du journalisme, un poncif dont un initiateur ne semble être autre que Félix Pyat, journaliste devenu communard, mais communard à un âge avancé, car il avait déjà pas mal vécu. En 2012, Jean-Didier Wagneur et Françoise Cestor ont réalisé et annoté une anthologie Les Bohèmes 1840-1870 Ecrivains - journalistes - artistes aux éditions Champ Vallon et ils ont offert un article de Pyat datant de 1834 intitulé "Les Artistes". On y trouve le modèle de la hiérarchie sociale dans les mots que déploiera Hugo dans "Réponse à un acte d'accusation", signe que cet article n'est vraiment pas passé inaperçu. Plusieurs rapprochements sont à faire entre cet article ancien de Pyat et l'oeuvre de Rimbaud : "Pour avoir inventé le clysopompe, artiste", etc., dont le mépris de l'artiste pour le bourgeois "fumant des roses". Cela prendrait du temps de retrouver la citation, mais je peux garantir qu'elle s'y trouve. Si je me trompe, c'est dans un article voisin de l'anthologie de toute façon.
J'ai plein d'autres choses à faire remonter, mais j'insiste ici sur cet article de Pyat. D'abord, ce qui a été lancé comme saillies en 1834 a tourné dans la presse et a dû devenir cliché. Ensuite, ce cliché a certainement eu les faveurs de ceux qui partageaient les convictions politiques de Pyat. Pyat lui-même a pu ressortir ses inventions ultérieurement. Enfin, quand il n'y a pas si longtemps j'ai pas mal cité le livre de Maxime Vuillaume sur la Commune, on m'a répliqué que c'était une référence peu pertinente, ce n'est pas un grand historien de la Commune, son ouvrage est pour se justifier, etc. Mais quand même, c'est un compagnon de journalisme d'Eugène Vermersch lui-même, et il ne faut jamais oublier que Rimbaud a adhéré à la Commune à travers la lecture de la presse et que les journalistes communards eurent une certaine importance dans le mouvement. Proudhon, Fourier, Blanqui, Vermersch, Andrieu, des journalistes bien précis, tout cela est encore une vaste mer à fouiller pour mieux éclairer le sens de l'oeuvre de Rimbaud.
Je prépare un article sur la question des trains et des réseaux ferroviaires. Là encore, il y a des mises au point à faire pour ne pas que nous en restions à des moitiés de mise en perspective, comme si tout avait déjà été bien balisé. Il y a encore beaucoup de choses négligées dans la portée des poèmes de Rimbaud comme de Verlaine.

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