jeudi 18 avril 2024

Compte rendu du dernier numéro 34 de la revue Parade sauvage daté de 2023 (partie 1 : Vénus anadyomène)

Le nouveau numéro de la revue Parade sauvage inclut un hommage à Marc Ascione. Il n'y aura pas de numéro spécial hommage, mais c'est simplement une portion du présent numéro de la revue qui lui sera consacré, ce qui était prévisible puisqu'Ascione n'était pas un universitaire (il enseignait dans des lycées si je ne m'abuse). Notons que Jean-Pierre Chambon a contribué par un article. Cela va de soi vu qu'il était le coauteur de l'article retentissant de 1973 "Les Zolismes de Rimbaud" paru dans la revue Europe, quand Chambon et Ascione avaient dix-huit ans et venaient à peine de sortir du lycée. Chambon ne publie plus sur Rimbaud depuis plus de trente ou trente-cinq ans. Et là, il publie sur le texte révélé récemment, la lettre à Andrieu. A contre-courant à l'époque, l'article de Chambon et Ascione se penchaient sur les obscénités voilées des poésies de Rimbaud, ce qui était effectivement d'un intérêt certain pour la compréhension des poèmes. Toutefois, il y a une contrepartie à ce déchaînement de lectures obscènes difficilement démontrables, ce qui était sensible dans les aspects exagérés de certaines lectures obscènes proposées jusqu'au début de la décennie 1990. Cette approche s'est pas mal tassée ces vingt-cinq dernières années, mais aucune problématisation critique n'a jamais été proposée non plus pour cadrer un peu ce genre d'apports, et c'est pour cela que j'aimerais porter un regard critique sur le présent numéro de la revue Parade sauvage qui contribue par la commémoration et les articles d'hommage à réactiver ce type d'approche. Ascione avait pas mal d'intuitions remarquables dans l'analyse de détails, mais il produisait des études peu structurées qui partaient parfois dans tous les sens (ce qui lui fermait l'espoir d'enseigner à l'université ou d'être agrégé), et il sourçait assez mal les informations qu'il disséminait et que parfois il avait peu vérifiée. J'ai déjà indiqué que l'expression : "Les Parisiens sont des Peaux-Rouges" attribuée à Bismarck n'est pas authentique et qu'il s'agit d'une déformation venue du livre anti-communard de Maxime du Camp paru en 1878 seulement. J'ai fait cette mise au point dans un article sur ce blog.
Je vais rendre compte de l'article de Christophe Bataillé sur le sonnet "Vénus anadyomène" et j'y adjoindrai la petite "singularité" sur le même sujet que Murphy livre aux pages 417-422. Je vais ensuite traiter de l'article de Gilles Lapointe sur "Le Châtiment de Tartufe" bien qu'il soit dans la partie "Varia" non concernée par l'hommage.
Je traiterai ensuite successivement des articles de Cornulier, Rocher, Murphy et Bardel sur respectivement "Les Chercheuses de poux", "Oraison du soir", "Les Douaniers" et "Being Beauteous". Je traiterai éventuellement de l'article de Chambon, puis au-delà de l'hommage des articles d'Adrien Cavallaro et d'Antoine Nicolle. je dirai peut-être un mot de l'article de Swennen sur l'affaire de Bruxelles.
Je suis assez déçu dans mes attentes. Les articles n'ont pas le niveau que j'espérais. Je m'attendais à autre chose des articles de Cornulier et Nicolle, je dois bien l'avouer.

Portant sur le sonnet "Vénus anadyomène", l'article de Bataillé commence par une mise en perspective qui est très discutable. Il prétend que la liste de Rimbaud : "Gautier, Banville, Leconte de Lisle" définit Gautier comme un maître du Parnasse avec la nouveauté d'art pour l'art du recueil Emaux et camées au détriment de sa production romantique antérieure : "Comédie de la mort", "Espana", "Poésies diverses (1838), etc. Je ne suis pas d'accord avec cette présentation des faits.
Le romantisme a un acte de naissance avec la publication des Méditation poétiques de Lamartine en 1820 et les quatre grands romantiques sont Lamartine, Hugo, Vigny et Musset. Lamartien est né en 1790, Victor Hugo en 1802 et Alfred de Vigny en 1797. Alfred de Musset est nettement le plus jeune des quatre puisqu'il est né en 1810 et, même s'il fut précoce, il a commencé à publier quelques années après les trois autres, à la toute fin de la décennie 1820. Dans sa lettre à Demeny du 15 mai 1871, Rimbaud cite Hugo, Lamartine et Musset, il omet Vigny, à moins de voir une allusion volontaire à "La Maison du berger" dans son allusion aux locomotives incontrôlées sur les rails. Rimbaud cite ensuite Gautier, Banville, Leconte de Lisle et aussi Baudelaire. Gautier est né en 1811, mais Banville, Baudelaire et Leconte de Lisle sont nés respectivement en 1823, 1821 et 1818. Rimbaud en fait la génération des "seconds romantiques". Pour rappel, jamais personne n'a exhibé un écrit antérieur à Rimbaud avec la mention "seconds romantiques". Ce concept est parfois attribué à Gautier, lequel n'écrira son Histoire du romantisme qu'en 1872 l'année de sa mort, sauf qu'on a jamais attesté l'équivalent de l'appellation "seconds romantiques" sous sa plume. Moi, je n'ai jamais vu un quelconque écrit rimbaldien me rapporter l'information ou alors j'ai manqué quelque chose. En tout cas, Rimbaud écrase la semi-génération intermédiaire qui, au vingtième siècle, était appelée celle des romantiques mineurs. Musset en était extrait pour rejoindre les grands romantiques, mais cette catégorie regroupait la bohême du Doyenné et des proches de Gautier et Nerval, avec notamment Philothée O'Neddy et Pétrus Borel, et on y ajoutait le poète Xavier Forneret. Notons toutefois que ce concept est quelque peu anachronique à l'époque de Rimbaud. Prenons l'anthologie Les Poètes français de Crépet en 1962. Le tome 4 offre une anthologie pour l'époque romantique qui, outre Lamartine, Hugo, Musset et Vigny, inclut Charles Nodier (né en 1780), le chansonnier Béranger, des poètes considérés comme antérieurs aux romantiques Millevoye, Soumet, Casimir Delavigne, la poétesse Desbordes-Valmore, des noms moins connus Denne-Baron, Guttinguer, Jean Polonius, la poétesse alors plus vantée Amable Tastu, le poète nîmois venu de la boulangerie Jean Reboul, les frères Deschamps qui appartiennent bien au courant romantique de la décennie 1820, Sainte-Beuve qui a rejoint non sans réserve le mouvement du romantisme à la fin de la décennie 1820, puis avec Gautier et Nerval nous avons des sélections d'Arsène Houssaye, de Madame de Girardin, de Joseph Méry (qui a coécrit certaines œuvres avec Nerval), d'Auguste Barbier, de Charles Dovalle, de Victor de Laprade et de Charles Coran, de madame Ackermann, de Nicolas Martin, de Joséphin Soulary, d'Auguste Lacaussade, d'Henri Blaze et nous avons bien sûr une mention des deux lyriques Hégésippe Moreau et Auguste Brizeux et une mention d'Amédée Pommier lui-même. J'arrête là ma recension avant d'arriver à la génération de Baudelaire et Leconte de Lisle et au frère du gendre de Victor Hugo (Vacquerie, Le Vavasseur, etc.). Il n'y a aucune mention des prétendus auteurs à l'origine de la poésie en prose : Alphonse Rabbe, Maurice de Guérin, ni même de celui plus justifié d'Aloysius Bertrand. Aucune mention n'est faite de Philothée O'Neddy, ni de Pétrus Borel. On voit à quel point le tableau de l'histoire de la poésie au dix-neuvième siècle s'est altéré. En 1871, on pouvait attendre de Rimbaud qu'il cite Auguste Barbier, Hégésippe Moreau et Auguste Brizeux, voire Gérard de Nerval et Maceline Desbordes-Valmore. Il manque également le sonnet de Félix Arvers ou le sonnet monosylalbique de Paul de Rességuier. Rimbaud considère que la seconde génération romantique est moins celle de la décennie 1830 que celle de la décennie 1840 avec Baudelaire, Leconte de Lisle et Banville. Rescapé, Gautier connaît le sort inverse de Musset, alors qu'ils n'avaient qu'un an d'écart. Le premier Parnasse contemporain date de 1866 et c'est un projet lancé par la nouvelle génération avec des meneurs tels que Catulle Mendès et Louis-Xavier de Ricard. Baudelaire, Banville, Gautier et Leconte de Lisle furent sollicités en tant que maîtres, et le recueil publia des poètes aussi anciens que Joseph Autran et bien sûr Charles Coran, Auguste de Châtillon et consorts.
Quand Banville publie de 1842 à 1857 Les Cariatides, Les Stalactites, etc. et Odes funambulesques, il n'appartient pas au Parnasse, pas plus que Baudelaire avec Les Fleurs du Mal et Leconte de Lisle avec ses Poèmes antiques. Le Parnasse a cherché à avoir la collaboration de Victor Hugo lui-même, Vigny et Musset étant déjà morts en 1866.
Donc, non, je ne souscris pas à l'idée de lire la mention de Gautier dans la lettre à Demeny en tant que portant exclusivement sur l'auteur d'une nouvelle poétique de l'art pour l'art à partir du recueil Emaux et camées.
La suite de l'étude de Bataillé est plus intéressante et plus prometteuse. Il insiste sur la présence des mentions de Vénus, notamment dans les premiers poèmes d'Emaux et camées, et il souligne le thème plus précis encore de la Vénus de Milo, statue retrouvée au dix-neuvième siècle vers 1830 et qui image de Vénus sortant du bain devint une idée littéraire fort récurrente dans les décennies qui ont suivi. Jean Aicard a publié bien après l'époque de Rimbaud un livre sur la Vénus de Milo et sa découverte. Toutefois, Bataillé cite plus volontiers des titres de poèmes que des poèmes eux-mêmes de Gautier, ce qui laisse fatalement le lecteur sur sa faim. Bataillé donne un contexte historique au sonnet de Rimbaud qui est très intéressant et il décrit très bien l'idée que "Vénus anadyomène" est un cadavre qui revient à la vie, sortant d'une baignoire semblable à un cercueil, qui sent terriblement mauvais, a l'air décharné et qui surprend le poète par sa capacité à se mouvoir.
Je pense que c'est à raison que Bataillé voit dans le sonnet "Vénus anadyomène" une inversion du "Poème de la femme" seconde pièce du recueil Emaux et camées, mais une citation du poème dans l'article aurait été souhaitable. Les poèmes sont très différents. Dans la logique du recueil, "Le Poème de la femme" est composé d'octosyllabes distribués en quatrains. La femme est d'abord décrite pour sa beauté de Vénus, mais le poème contient lui-même son propre contraste soudain, souligné par un changement de rythme et des éléments grammaticaux, on passe à la description d'une Vénus dont les mouvements sont ceux du plaisir sexuel et elle finit par en mourir, son lit devenant comme il est dit un "tombeau". Bataillé identifie le lien du dernier quatrain au début de "Vénus anadyomène" du lit-tombeau au cercueil-baignoire.
Malgré la différence de traitement et la quasi absence de reprises lexicales, il est aisé de comparer les mouvements de Vénus dans les deux poèmes. Gautier emploie tout de même l'expression "Vénus anadyomène" ainsi que les nom "rondeurs" et "reins" groupés dans un même vers avec "cambrant" : "De ses reins cambrant les rondeurs", les expressions "marbre de chair" et "hanche opulente". Le nom "contours" n'est pas dans le sonnet rimbaldien mais entre en résonance phonématique avec "dos court qui rentre et qui ressort", le balancement de cette dernière expression se retrouve dans le vers : "Sa tête penche et se renverse". L'image pour les seins des "globes d'argent bruni" annonce de loin en loin "Les Mains de Jeanne-Marie".
Dans le poème de Gautier, le basculement s'exprime par un appel à recouvrir sa beauté d'un voile quand est annoncé qu'elle est "morte de volupté". Notons que l'avant-dernier quatrain avec le motif des pleurs fait lui aussi songer aux "Mains de Jeanne-Marie", tandis que la prière à genoux du poète au dernier quatrain fait songer à la fin du poème rimbaldien "Ophélie" : "Et le poète dit..."
Jusque-là, l'article de Bataillé est prometteur et vu que j'ai vérifié par une lecture personnelle l'intérêt de la source j'ai déjà apporté des éléments pour en soutenir l'intérêt.
Mais la suite de l'article pose pour moi assez rapidement problème.
Bataillé propose de lire "lente et bête" non comme deux adjectifs, mais comme deux noms avec allusion aux poux et au fait d'être un animal. Non, c'est un abandon à la polysémie que le poème de Rimbaud ne justifie pas. Tous les lecteurs comprennent spontanément que Rimbaud a pensé et rédigé deux adjectifs coordonnés "lente et bête". Libre à Bataillé d'écrire un texte inspiré à partir du potentiel de calembour qu'il discerne, mais ce double calembour n'est pas dans le poème. Dans le même ordre d'idées, pourquoi soutenir à la suite d'un article de 1984 d'Ascione que le mot "anus" peut vouloir aussi dire "vieille femme" et que la "vieille baignoire" serait telle parce que la femme est vieille, l'a achetée quand elle était jeune et ne l'a jamais remplacée. Murphy s'empresse dans une note à la fin de la revue d'apporter d'autres éléments pour montrer que parfois "anus" veut dire "vieille femme", mais quel est l'intérêt pour commenter la fin suivante du poème de Rimbaud ?
- Et tout ce corps remue, et tend sa large croupe
Belle hideusement d'un ulcère à l'anus.
La femme qui sort de sa vieille baignoire a une vieille femme sur son corps  : c'est ça que dirait le sonnet en manière de sous-entendu ? Non ! Murphy et Bataillé perdent leur temps avec des développements qui n'ont aucun commencement d'intérêt.
Bataillé considère ensuite qu'il peut passer à un second plan d'analyse en cherchant à démontrer que Rimbaud décrit l'impératrice Eugénie, sous prétexte que le clan Napoléon s'identifiant à Jules César ils seraient des descendants de Vénus. Notons qu'Eugénie est la femme de Napoléon III et non sa mère, encore moins la mère de Napoléon Premier. Elle est la mère du prince né en 1856, rien de plus. Le lien est tarabiscoté, et les rapprochements proposés sont fondés sur des éléments dérisoires : Eugénie était considérée comme sotte, donc si "Vénus Anadyomène" est dite "bête", c'est que Rimbaud veut que son lecteur pense à Eugénie.
On passe ensuite à une représentation caricaturale d'Eugénie en prostituée lascive qui, parfois, sort du bain, avec des extraits cités qui sont anacrhoniques, puisque datés de 1871, mais peu importe qu'il y ait eu auparavant des représentations sous le Second Empire même d'Eugénie sortant du bain à la manière de Suzanne, puisque c'est le motif de Vénus qui est directement traité par Rimbaud, et puisque rien dans le poème ne cible spécifiquement Eugénie ou Napoléon III. On ne peut pas dire : "Ah vous êtes intelligent ou vous n'êtes pas intelligent à proportion de votre capacité à remarquer que le poète fait allusion à Eugénie de Montijo dans ce sonnet !" Non, sérieusement, les rapprochements sont complètement alambiqués et ne sauraient en aucun cas faire honneur à Rimbaud. Telle qu'elle est, l'argumentation ne tient pas, et plusieurs fois, pas qu'une, Bataillé fait mine de dire qu'à l'époque, les lecteurs auraient compris les allusions parce qu'ils avaient vu des caricatures, et même Izambard aurait pu comprendre la fine allusion du "27 juillet 1870". Non, personne n'a rien compris de tel pendant cent cinquante ans. Izambard qui possédait un manuscrit du poème et qui s'indignait des obscénités de Rimbaud n'a jamais rien dit en ce sens, il n'a jamais dévoilé un tel prétendu fonds politique au sonnet. La date du "27 juillet 1870", il se trouve que par coïncidence, c'est le jour où partant pour le front Napoléon III a donné les pleins pouvoirs à Eugénie. La coïncidence est dressée en évidence de la lecture cryptée du poème, date qui au demeurant disparaît du second manuscrit connu, celui remis à Demeny. Qui plus est, le poème est daté du "27 juillet 1870", donc à moins de considérer qu'il est antidaté, Rimbaud ne pouvait même pas connaître ce fait le jour même, il y avait au moins un jour de délai pour que la presse en parle. Alors, on va s'ingénier à dire qu'il est antidaté, mais cette date elle a quoi d'historique ? Le 4 septembre 1870, c'est historique, les épigraphes du "Forgeron" correspondent à des dates historiques, mais le "27 juillet 1870" pour Eugénie c'est de la malice bien compliquée pour un poème où Rimbaud ne serait même pas fichu de placer des indices qui, quand on les remarque, imposent avec évidence une lecture politique au sonnet.
Bref, je rejette la quasi-totalité de l'article, mais j'en garde comme remarquable la comparaison suivie avec "Le Poème de la femme" de Gautier.
Passons à la singularité de Murphy au sujet du mot "anus" : Murphy a publié l'étude de référence sur "Vénus anadyomène" en 1990 dans son livre Le Premier Rimbaud ou l'apprentissage de la subversion, mais malgré tout le respect que cela doit inspirer je cherche toujours à comprendre comment il est possible de passer son temps à chercher le second sens de "vieille femme" dans le dernier mot obscène de "Vénus anadyomène". Puis, j'imagine l'état cérébral que cela entraîne pour la lecture :

- Et tout ce corps remue, et tend sa large croupe
Belle hideusement d'un ulcère à l'anus. (qui est une vieille femme, enfin pas la chose, l'être qui porte la chose, car la vieille femme est une prostituée vénale en fait).

Tout le monde voit bien qu'en terme de lecture ça ne ressemble à rien !
Je vais nuancer, mais avec une logique bien différente de celle de Murphy.
Murphy cite tout de même un poème de Gautier publié sous le manteau qui s'intitule Anus (la vieille femme). Si Murphy s'était contenté de constater l'homonymie "anus" d'un poème à l'autre comme clin d'oeil, je souscrirais à son enquête. Ce qui est dérangeant, c'est qu'il se sert de textes antérieurs où "anus" veut dire "vieille femme" pour soutenir que ce sens est jouable dans le sonnet de Rimbaud, ce qui n'est pas le cas, et quand la source est un poème de Gautier la preuve est là ! Sauf que Murphy hésite à affirmer ensuite que Rimbaud ait eu accès à une version de ce poème dans une publication sous le manteau.
Loin de profiter de cet argument du manque d'accès, je considère au contraire comme certain que Rimbaud a dû lire très tôt ces recueils publiés sous le manteau. J'ai même été frappé par la ressemblance de facture de vers de "Credo in unam" avec des vers priapiques d'Henri Cantel... Les recueils s'intitulaient en plus Parnasse satyrique, quand Rimbaud s'intéressait au Parnasse contemporain. Non, je suis sûr que Rimbaud connaissait le poème "Anus (la vieille femme)" de Gautier dans une édition ou l'autre. Mais loin d'en faire un argument pour lire "vieille femme" dans le dernier mot du sonnet, sans aucune logique grammaticale, sans aucune logique en discours, je considère que Rimbaud est dans l'allusion fine à la production obscène de Gautier et que le poème "Anus (vieille femme)" est une source à "Vénus anadyomène" non pas pour y lire dans une acception différente le mot "anus", mais parce qu'il y a en commun entre les deux poèmes l'amorce par le terme de comparaison "Comme...", parce qu'il y a un avant-goût du langage répugnant du sonnet rimbaldien : "tétin ravagé", "pils gris" contre "ravaudés", "col gras et gris", etc. (Rimbaud étant plus dans la retenue et le style quand Gautier privilégie l'expression vulgaire un peu hystérisée). Les séquences "Horrible étrangement" et "Belle hideusement" s'inspirent de la séquence entre deux vers : "ventre affreux, / Horrible amas de tripes molles".
Et comme la fin du sonnet se termine en présentant la croupe de la Vénus au lecteur pour qu'il se satisfasse sexuellement à la fin de sa lecture, le "Poème de la femme" offrait une fin de poème sur une mort par orgasme et "Anus (Vieille femme)" se termine par l'image du lecteur (puisque c'est sa voix qui énonce) qui se détourne pour se masturber. Steve Murphy ne dit pas du tout ce que je viens de dire, il poursuit son enquête lexicale sur anus qui veut dire "vieille femme", parce qu'il veut saluer Ascione de l'avoir envisagé en parfait érudit dans une note de 1984... 
Cela s'appelle (pardon si vous y voyez des jeux de mots) : lâcher la proie pour l'ombre.


Le poème "Anus (vieille femme)" dans la version livrée par Murphy (page 418)

Comme une redingotte anglaise
Où vingt pines ont déchargé,
Comme le vit d'un vieux qui baise,
Flotte son téton ravagé.

Comme la merde à la moustache
D'un rat qui dîne à Montfaucon,
Le foutre en verts grumeaux s'attache
Aux poils gris qui bordent son con.

Quinze couches, dix-sept véroles,
Ont couturé son ventre affreux,
Horrible amas de tripes molles,
Où d'ennui bâille un trou glaireux.

Pourtant on fout cette latrine... !
Ne vaudrait-il pas mieux cent fois
Moucher la morve de sa pipe
Dans le mouchoir de ses cinq doigts ?



Bon, prochaine étape, je vais contester la lecture de Bobby Lapointe, ah non Gille Lafeinte, ou non Gilles Lapointe, enfin je joindrai cela à d'autres commentaires d'articles pour ne pas que vous perdiez votre temps...

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