Le nouveau numéro de la revue Parade sauvage vient de paraître, antidaté 2014. L'article principal de la revue est celui sur "Credo in unam / Soleil et Chair au prisme des mythes platoniciens". Il n'existait pas d'article de référence sur ce pourtant long poème de 1870, c'est désormais chose faite. L'article démontre très bien la reprise et subversion d'un modèle platonicien en ménageant une relation triangulaire entre l'exil chrétien, l'exil platonicien et l'exil du poète qui s'adresse à Vénus. Cette étude conforte aussi ce que je dis depuis quelque temps sur l'importance d'une pensée propre à Rimbaud qui s'exprime dans cette oeuvre des débuts, car elle jette un éclairage profond sur tant et tant de poèmes hermétiques ultérieurs, dont Voyelles. Pour la plupart des commentateurs rimbaldiens, Credo in unam passe pour un centon parnassien insignifiant, mais l'article souligne la finesse de composition d'une oeuvre où le dispositif platonicien et ses enjeux sont pourtant bel et bien singuliers, c'est-à-dire ne renvoient à aucun modèle antérieur connu et immédiatement perceptible.
Je n'ai pas encore lu le reste de la revue. Les autres articles importants sont d'après un rapide survol l'article de Steve Murphy sur Jugurtha et la brève de Benoît de Cornulier dans la rubrique "Singularités" : "Travail poétique d'une rime pisseuse".
On peut y ajouter l'article de Guillaume Déderen que je dois encore découvrir : "La Beauté sur les genoux. Détours carnavalesques dans Une saison en enfer". Il s'agit d'un tableau de 32 pages avec juste une page de présentation, il s'agit d'extraits de littérature chrétienne essentiellement du dix-neuvième siècle qui sont rapprochés d'expressions d'Une saison en enfer. Voilà qui peut s'avérer un bon outil travail.
Il y a enfin deux articles d'Antoine Fongaro : "Fleurs rimbaldiques" et "La Fin de Barbare".
Normalement, dans cette revue, devait figurer mon article avec les études d'Enfance I, Matinée d'ivresse et Barbare, article que j'ai mis en ligne sur ce blog, en le scindant en plusieurs parties. Les deux articles de Fongaro sont des ajouts de dernière minute, et on perd du coup la confrontation entre ma nouvelle mise au point sur Barbare et la "pénultième" de Fongaro. J'ai renoncé à publier avec les rimbaldiens, mais j'y ai été aidé.
La section des comptes rendus est très consensuelle et n'offre aucun intérêt. Il n'y a pas de contenu. Il s'agit juste de féliciter les gens d'avoir fait un livre et on brode sur quelques pages.
Il y a un article sur l'influence de Rimbaud sur Léon-Paul Fargue. Dans mon souvenir, les poèmes en prose de ce dernier sont agréables à lire, mais je ne saurais rien dire sur lui, je ne me rappelle rien de ce que j'ai lu.
Penchons-nous sur l'étude de "La Fin de Barbare". Pour "économiser la lecture des huit premiers alinéas", Antoine Fongaro renvoie à quatre études : une formelle de Michel Murat et trois qui portent sur le fond de Bruno Claisse, Yves Reboul et moi-même. Antoine Fongaro m'attribue une "communication aussi brillante que percutante", sauf qu'on va voir ce qu'il en est réellement. On précisera au passage que pour Bruno Claisse et Yves Reboul je n'existe pas en tant que critique littéraire des Illuminations, puisque je ne suis cité que pour la source du monostiche de Ricard dans toute sa production, pas même pour les intertextes de Leconte de Lisle dans Soir historique qui viennent de moi et de moi seul parce que j'ai eu le malheur un jour de lui expliquer oralement qu'il se trompait en lisant "les Normes" et non "les Nornes", lui précisant alors que Soir historique était saturé de renvois à des poèmes de Leconte de Lisle, et puisque je ne suis jamais cité par Yves Reboul, sauf une trentaine de fois dans un article pour mettre en pièces ma volonté de remettre en cause l'idée fragile que les Illuminations aient pu être écrites après Une saison en enfer en me servant de Beams comme preuve plus qu'évidente relativement aux poèmes A une Raison et Being Beauteous. Avec l'introduction de Fongaro, je peux me dire que mes mérites vont être évalués, qu'on va enfin faire le départ entre ce qu'il y a à prendre et à laisser.
Michel Murat aurait lui exécuté une "étude magistrale de la forme de cet ensemble extrêmement structuré".
Je me reporte donc aux quatre pages concernées. Il s'agit du chapitre "Barbare - Pour conclure", pages 284-287 de la nouvelle édition du livre L'Art de Rimbaud.
Le premier paragraphe est exalté, mais ne décrit pas la forme du poème. Le poème est cité in extenso avec une numérotation des alinéas, ce qui n'a rien de neuf. Il n'y a déjà plus que la matière de trois pages à éplucher.
Je commence par citer le second paragraphe :
Barbare inscrit un développement par variation dans une structure récursive, cyclique, à l'image de la syllabe redoublée de son titre. Il s'achève sur une reprise suspendue qui rappelle l'indesinenter d'Âge d'or. Il comprend deux énoncés récurrents : l'un peut être qualifié de refrain ("Le pavillon [...]"), alors que l'autre ("Douceurs") est plutôt un mot de scansion, que prolongent des répétitions partielles. La ponctuation atteint ici un degré d'originalité inégalé. Elle ne constitue pas dans le poème un facteur de récursivité, mais bien au contraire de variation. Elle va en quelque sorte à contre-courant du parallélisme : chaque signe, et chaque occurrence fait l'objet d'un emploi différencié.
En-dehors de la concision très étudiée de ce rapport, rien n'est dit d'original sur la forme du poème, l'exception étant la balance entre l'énoncé de refrain et l'énoncé de scansion : "Le pavillon" contre "Douceurs". On parlait déjà de refrain, mais sans doute l'opposition entre un refrain et un mot de scansion est-elle un propos critique inédit. Quant à ce qui est dit sur la ponctuation, on le savait déjà, on le disait déjà auparavant. La nouveauté ici, c'est la mise en vedette par le critique du procédé, lequel consisterait à répéter des mots tels quels, mais à faire varier l'ineffable de la ponctuation. Le changement de sens est en principe dans les mots, pas foncièrement dans la différence de ponctuation en somme.
Reprenons la citation à la page 285 avec le paragraphe qui fait suite à la citation intégrale du poème :
La tension entre parallélisme et ponctuation, celle-ci jouant comme principe de variation, est bien visible dans les reprises. La première occurrence du refrain (§2) est fermée par un point intérieur à la parenthèse [,] la seconde (§4) s'en différencie par l'exclamation initiale et par l'absence de point. Dans les deux cas la parenthèse reste suspendue en fin d'alinéa hors de tout cadre de phrase. La variation est rythmique autant que syntaxique, mais il s'agit d'un rythme visuel : car la voix peut marquer l'intonation basse correspondant au point, mais non la parenthèse ni le passage de ligne. La troisième parenthèse en fin d'alinéa (§7) est quant à elle précédée d'une virgule : ici la relance du rythme anticipe sur la fin de l'incise. Cependant la ponctuation interne du groupe est régulière : deux membres coordonnés, deux relatives juxtaposées. Dans le §3 dont celui-ci forme la reprise, les trois tirets créaient au contraire un semblant de parallélisme, contredit par la syntaxe : le membre central (" - qui nous attaquent [...] - ") est en fait un ajout en incise. [...]
Ce que je viens de citer est quelque peu difficile à bien lire, et il convient d'avoir le texte de Rimbaud sous les yeux.
Comparons donc les paragraphes 2, 4 et 7 ! Mon clavier ne sait plus transcrire les points-virgules, d'où mes [,] .
Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques [,] (elles n'existent pas.)
Oh ! le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques [,] (elles n'existent pas)
(Loin des vieilles retraites et des vieilles flammes, qu'on entend, qu'on sent,)
Je n'ai pas le volume Rimbaud dans son temps d'Yves Reboul, mais j'ai commenté dans mon récent article sur Barbare mis finalement en ligne sur ce blog son interprétation du point dans la parenthèse du second paragraphe. Selon Yves Reboul, le point de la parenthèse est celui d'une phrase formée par les deux premiers alinéas, et le commentaire ci-dessus de Michel Murat a ouvert la possibilité d'une telle analyse.
Reprenons donc les choses au plan scolaire. Nous distinguons la phrase simple et la phrase complexe la phrase verbale simple n'a qu'un seul verbe conjugué : "J'arrive", "Je mange une pomme", "Je parle à Eric", et la phrase complexe en a plusieurs. Pour éviter de parler de phrase dans une phrase, on dit que la phrase complexe est constituée de propositions.
Pour unir les propositions entre elles, on enseigne à l'école trois principes uniquement : juxtaposition, coordination et subordination.
La juxtaposition n'est valable qu'à l'écrit, car il s'agit d'une suite de propositions séparées par des virgules ou une ponctuation plus faible que le point. "Il va, il voyage, il revient, il repart, il tourne, il se viande." A l'oral, impossible de faire la différence entre six phrases et une juxtaposition de six propositions.
On enseigne la coordination à l'aide de sept conjonctions de coordination et de quelques adverbes. Des membres coordonnés sont au même niveau, à égalité : "Le chat et le chien", "il mange et il pète", "ce n'est ni bien, ni mal" "Il est poli, mais sauvage". La subordination suppose la dépendance d'au moins une proposition par rapport à une autre : "Je veux que tu viennes", "L'homme qui me parle est mon voisin" ! On étudie alors les conjonctions de subordination et les pronoms relatifs.
Mais il y a d'autres principes de construction des phrases complexes: la corrélation : "Tel père, tel fils" (pas le temps de réfléchir à un cas avec un verbe conjugué), l'incise des propos rapportés "dit-il" et l'insertion qui a à voir évidemment avec la parenthèse. On peut aussi parler du style direct comme on en verra un exemple plus bas.
Michel Murat dans l'extrait ci-dessus assimile les principes de l'incise et de l'insertion, puisqu'il parle systématiquement d'incise. Cela peut se comprendre, mais l'incise des propos rapportés suppose l'inversion du sujet et du verbe, et le terme incise est fortement lié dans nos têtes à l'inversion sujet-verbe et au cas des propos rapportés. Le problème que pose l'insertion, c'est que c'est une phrase autonome qu'on formule au sein d'une autre phrase. Plus précisément, on interrompt une phrase, on insère une autre phrase, puis on reprend sa phrase où on l'avait laissée.
Du coup, il peut se poser un petit problème de ponctuation des phrases placées là comme des parenthèses en suspension.
Par convention, on ne double pas la ponctuation autour d'un guillemet fermant: dans Jean dit : "Ah! Vous êtes arrivé ?" le point d'interrogation ne porte que sur le propos rapporté, mais on évite d'ajouter un point après les guillemets pour fermer la proposition principale "Jean dit quelque chose".
En fait, Rimbaud s'est tout simplement posé la question pour ses deux parenthèses et très cavalièrement il en a ponctué une et pas l'autre : "(Elles n'existent pas.)" contre "(Elles n'existent pas)". Je ne souscris donc pas aux analyses de Michel Murat et Yves Reboul en ce qui concerne la ponctuation de ces deux paragraphes, car je délimite nettement la portée de la ponctuation. Le poème est composé de quatre phrases uniquement. La première concerne les cinq premiers paragraphes et se termine par un point d'exclamation "Douceurs !" La seconde concerne les paragraphes six à huit. La troisième ne concerne que le seul paragraphe neuf. Et la quatrième s'interrompt rapidement sur des points de suspension.
Il n'y a pas de fin de phrase à la fin du deuxième paragraphe, et je considère d'un effet complètement nul à la lecture la présence ou non de ce point délimitatif dans l'une ou l'autre parenthèse. Qu'on mette un point ou non, la parenthèse est la même "Elles n'existent pas", la délimitation est assurée par des signes de ponctuation qu'on appelle justement au pluriel des parenthèses. Il n'y a aucune ambiguïté là-dedans et Rimbaud a simplement hésité sur un point de présentation formelle accessoire. La différence entre les paragraphes deux et quatre ne tient que dans la présence ou non d'une interjection "Oh!", et pas du tout dans la ponctuation. Et si on relit le commentaire de Michel Murat, on est en droit de se demander de quoi il parle quand il écrit : "tension entre parallélisme et ponctuation", "La variation est rythmique autant que syntaxique, mais il s'agit d'un rythme visuel". Tout cela n'a pas de sens. Et j'observe bien chez Murat l'erreur d'analyse qui se retrouve dans celle de Reboul : "La première occurrence du refrain (§2) est fermée par un point intérieur à la parenthèse". Le point est considéré comme portant sur l'ensemble du refrain, ce qui enferme le commentaire dans des élucubrations peu compréhensibles : "la voix peut marquer l'intonation basse correspondant au point, mais non la parenthèse ni le passage de ligne", sachant que pourtant tout le monde lit aisément ce poème sans aucun problème d'intonation déconcertant.
Je ne vais pas citer la suite de l'analyse sur la reprise "Douceurs", je remarque que l'auteur ne relève pas la symétrie de la reprise "Le pavillon", "Oh ! Le pavillon" avec "Douceurs !", "Ô Douceurs!"
Une partie de la page 286 est consacrée à définir la progression du texte à l'aide de notions grammaticales modernes. L'auteur résume cela en soulignant quatre principes à l'oeuvre qu'il numérote : reprise et variation à distance, apposition, démultiplication, complexification de la structure. A cheval, nous avons un paragraphe qui n'est pas le premier sur la reformulation "les feux à la pluie du vent de diamants" et le caractère dynamique de la préposition "à". Le dernier paragraphe est fait de généralités qui élargissent le propos mais qui se détachent du travail d'analyse proprement dit.
Pour moi, ces quatre pages ne sont en aucun cas une analyse formelle du poème.
Car il y a une approche toute scolaire à faire de sa composition. Un bon commentaire de ce poème doit clairement poser que les paragraphes 1, 3 et 7 forment trois couples précis avec la reprise du refrain aux paragraphes 2, 4 et 10. Le texte démarre par la reprise de cette seule cellule : les paragraphes 1 et 2 sont repris dans les paragraphes 3 et 4. Et cette forme articulée va encadrer la suite du texte, puisque le refrain clôt le poème, quoique sous une forme abrégée, et que la reprise du paragraphe 7 structure nettement la composition, puisque du coup deux paragraphes s'insèrent à chaque fois entre le paragraphe de reprise de 1 et 3 et le paragraphe de reprise de 2 et 4 : 1,2,3,4,7,10. Apparaissent les couples 5-6 et 8-9. Tout cela n'apparaît pas dans le commentaire de Michel Murat, ni dans la plupart des commentaires de ce poème qui ont été publiés. Pourquoi ? Il ne s'agit pas de structuralisme, il s'agit d'une composition harmonieuse fondée sur des règles d'élaboration simples.
On peut apprécier alors comment l'insertion des paragraphes 5-6 justifie le basculement de la parenthèse de "(Elles n'existent pas)" à "(Loin des...)". Le déni de réalité bascule d'un pôle à l'autre, c'est le cas de le dire.
Je précise que personnellement et en accord avec la progression orgasmique du texte le "Elles n'existent pas" ne veut pas dire que les fleurs et mers n'ont pas de réalité, mais cette parenthèse signifie un manque d'existence auquel les douceurs volcaniques vont remédier.
Repassons à l'étude d'Antoine Fongaro, il s'étonne de quelques interprétations étonnantes du premier alinéa : "Bien après les jours et les saisons, et les êtres et les pays," en dénonçant les lectures qui envisagent qu'ainsi le poème se pose comme étranger à la réalité. Fongaro a raison de le faire, mais sa réponse laisse pantois : "En fait, ce premier alinéa accentue l'écart entre le moment où est écrit le texte et l'existence passée de l'auteur." On se demande si Fongaro a réellement mon étude qu'il présente comme "aussi brillante que percutante". Dès mon article de 2004, je disais clairement que le poète se rapprochait du pôle, qu'il s'éloignait des latitudes européennes, et donc des cycles avec jours et saisons, des pays avec leurs frontières et du monde des humains. Le fait de savoir lire est décidément la chose la moins bien partagée du monde. Par ailleurs, dès 2004, je m'opposais aux lectures sur les "vieilles fanfares d'héroïsme". Fongaro rejoint la cohorte ultra majoritaire qui pense que Rimbaud critique son passé de retraites et flammes, alors que dans le premier alinéa il nous dit clairement qu'il a rejeté les êtres et les pays, alors que le mot "fanfares" a un sens très clair de parade militaire au dix-neuvième siècle. Fongaro pense que Rimbaud a adoré les "fanfares d'héroïsme". Mais, une personne de plus qui se trompe, ça ne donnera toujours pas raison à la masse de ceux qui ont tort. La construction "Remis des vieilles fanfares d'héroïsme" veut clairement dire que le poète se sentait agressé et l'identification de la signification militaire est justifiée un peu plus loin par le recours au verbe "attaquent". Qu'est-ce qui attaque le coeur amoureux dans Being Beauteous ? - Le monde ! Quand on se dit "Remis de ses noces", on ne parle pas d'un mal intérieur, on se remet de tout ce qui nous a agressé le corps lors des noces. Le poète veut ici se remettre de ce qu'il a vécu parmi les êtres et les pays. Et pour l'accueillir, la nature arctique va se revêtir d'un "nouveau corps amoureux", car bien évidemment les oeuvres du poète se font écho entre elles, ont de la correspondance pour citer un mot qui plaît tant aux amateurs de poésies. Et c'est logique qu'il en soit ainsi.
Maintenant, Fongaro entend malgré des contresens aussi graves sur la signification des huit premiers alinéas se réserver l'explication des deux derniers. On remarquera que l'auteur a voulu imiter le principe de répétition du poème commenté, mais qu'il a fait du mauvais Lautréamont : "Tous les commentateurs de Barbare que j'ai lus (mais je n'ai pas lu tous les commentateurs de Barbare), à l'exception notable de Michel Murat, ont parlé d'extase à propos de ce texte." Ce leitmotiv revient un certain nombre de fois dans son texte, et il n'est évidemment pas très objectif, mais je ne vais pas me pencher sur le sujet, je ne doute pas que le rimbaldisme est un moyen puissant de se construire des convictions sur soi-même et sa singularité et que c'est le sens de toute la vie de rimbaldisme de quelques-uns. La reconnaissance est essentielle, encore qu'elle ne profite qu'aux castes, mais mon intérêt pour Rimbaud me fait préférer la mise au point et la vérité. Antoine Fongaro a absolument envie qu'on ne parle pas d'extase quant à ce poème et une note essaie de me ménager, je n'aurais employé le mot "extase" qu'une seule fois.
Selon Fongaro, l'alinéa neuf est bien bavard pour une extase, oui mais l'alinéa 10 ne l'est pas, il se finit en silence ému. La fin du poème est orgasmique, les larmes blanches désignent bien sûr le sperme. Fongaro est d'accord avec cela, ou peut-être parce qu'il y voit un angle d'attaque obscène pense-t-il qu'il faut exclure l'idée d'extase, comme si elle ne pouvait être sexuelle. D'ailleurs, Fongaro avoue que si le neuvième alinéa n'est pas une extase c'est du moins qu'il ne l'est pas "au sens strict du terme" : on appréciera la pirouette. Il admet en revanche qu'il y a une extase muette dans les points de suspension. Bref !
Enfin, à la fin de son article, Fongaro envisage un jeu subtil sur le sens latin du mot "barbare", qu'il illustre avec un extrait d'Ovide, celui d'étranger qu'on ne comprend pas, et cela prouverait que "Rimbaud avait pleinement conscience de l'exceptionnelle originalité de son génie."
Moi, je m'intéresse pas au fait qu'on me dise que ma lecture est brillante ou percutante, ce qui m'intéresse c'est ce qu'on en fait et qu'on finisse par s'accorder sur le sens à donner à chaque poème, chaque passage d'une oeuvre. Là, il y a franchement de quoi être désespéré, alors que Fongaro fait malgré tout partie des personnes ayant le plus contribué à une meilleure compréhension du texte rimbaldien.
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