samedi 31 août 2024

Le blog en interaction avec le nouveau commentaire de Cyril Balma sur l'Album zutique

Je cite ici le dernier commentaire fait par Cyril Balma à la suite de mon récent article "Retour sur la chronologie des contributions zutiques". Je ne le connais pas, mais je le remercie et je mets en avant un commentaire qui contient pas mal de sources dont il serait dommage de se priver. Le commentaire (que j'ai mis en ligne sous l'article correspondant) est transcrit ci-dessous en bleu, puis je reprends la main pour quelques remarques.
Pour compléter votre article, je souhaiterais revenir sur divers sujets évoqués sur le blog.


- D’abord, c’est Philippe Gille (1) qui signe Le Masque de Fer dans la rubrique des Échos du Figaro (2).

- Ensuite, j’ai retrouvé le document où Achille Jacquet dit : Zut ! (3) Il s’agit des Lettres et souvenirs d’Henri Maréchal, publié dans le Ménestrel puis en volume.

- J’ajoute aussi un pré-original d’E. Manuel : La Mère et l’Enfant (4), qui inspira l’Aumône de Valade, publié dans l’Univers illustré en août 1871. Postérieurs à la transcription du 22 ou 29 octobre dans l’Album, les Poèmes Populaire ont été publié en volume la semaine du 7 novembre 1871 (5).

- Puis deux discussions autour de Vu à Rome :
L’Odeur sacrée de L. Dierx semble être un succès tardif ajouté à la réédition des Lèvres Closes en 1894. Publiée dans le Revue Parisienne du 10 janvier 1894 (6) elle n’a probablement pas inspirée les vers de Rimbaud.
Plus convaincante est la caricature du Père Hyacinthe (7) par Mailly publiée dans le Hanneton du 12 mars 1868. D’esprit zutique (Verlaine, Valade et Mérat sont au comité de rédaction) elle s’accompagne d’une épithète faisant un rapprochement entre l’homme d’église et le nez : « Hyacinthe n’est pas un homme : C’est un nez !

- J’ai identifié un pré-orignal de Croquis de Banlieue (8) : onzième poème d’une troisième série de dizain publié les 11 et 18 mars 1873 (9) dans le Gaulois. Une fois encore la date l’exclu de la période d’activité du Zutisme (à moins d’un accès aux manuscrits).

- Enfin, la Chaumière incendiée ait été publié en plaquette en 1872 d’après ce document (10) de la bibliothèque nationale. Cela rend d’autant plus probable l’accès au texte par Rimbaud.

(1) https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6458534j/f13.item
(2) https://cths.fr/an/savant.php?id=121866
(3) https://www.retronews.fr/journal/le-menestrel/11-novembre-1911/130/998841/2
(4) https://www.retronews.fr/journal/paris-journal/15-aout-1871/4024/5317396/3
(5) https://www.retronews.fr/journal/le-constitutionnel/7-novembre-1871/22/753465/3
(6) https://www.retronews.fr/journal/la-loi/18-janvier-1894/1703/3114167/3
(7) https://www.retronews.fr/journal/le-hanneton/12-mar-1868/3374/5033554/1
(8) https://www.retronews.fr/journal/le-gaulois/11-mars-1873/37/661835/1
(9) https://www.retronews.fr/journal/le-gaulois/18-mars-1873/37/661923/1
(10) https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5444728s?rk=21459;2


Merci pour la source que j'avais perdue sur Achille Jacquet. Je vous avoue que je ne vous citerai pas comme me l'ayant fournie, puisque c'est une aide seconde et que les rimbaldiens avaient déjà eu la malveillance de me faire remercier Pakenham pour une source que j'avais trouvée par moi-même, mais je vais m'empresser de la consulter. Dans mon souvenir, c'était difficile d'aller plus loin, mais là je peux réfléchir à nouveaux frais sur la manière de rebondir.

La pré-originale de Manuel, là, c'est très important, je vous citerai et je vais fouiller tout ça.

Pour "Vu à Rome", je dois me rafraîchir la mémoire. En gros, tous les poèmes parodiques qui désignent leurs cibles ont une quantité élevée de réécritures de passages des cibles concernés. J'ai pris les recueils d'Armand Silvestre, j'ai identifié les réécritures du quatrain "Lys" et j'ai mis en avant le sonnet païen qui a principalement inspiré Rimbaud. Les parodies de Coppée, c'est une avalanche de réécritures, et j'y apporte la réflexion intelligente supplémentaire que les modèles de Verlaine sont aussi des sources. D'ailleurs, je cherche à déterminer pourquoi il y a deux fois le mot "veine" à la rime dans les dizains zutiques de Rimbaud. C'est peut-être propre à Rimbaud, il n'y a peut-être pas de source à chercher, mais sait-on jamais ? Ratisbonne, Pommier, Daudet, Verlaine, il y a une avalanche de réécritures. Il y a évidemment une réécriture aussi pour le monostiche attribué à Ricard.

Pour moi, les réticences ne valent rien, c'est évident que "Les Chercheuses de poux" réécrit du Catulle Mendès, évident que "Oraison du soir" réécrit du Baudelaire avec un peu de Catulle Mendès. C'est évident que les échos, communards qui plus est, entre "Les Mains de Jeanne-Marie", "Voyelles" et "Paris se repeuple" ne sont pas anodins. Pour "Les Corbeaux", les liens à Coppée et au "Bateau ivre" sont difficilement contournables aussi.

Dans le cas de Léon Dierx, Teyssèdre prêtre-nom d'un groupe de quatre Lefrère, Pakenham, Murphy et Teyssèdre, puisque le livre n'a pas été écrit par un seul, on a tout un long développement improvisé, plutôt de Teyssèdre ou de Teyssèdre et Lefrère, et il osait dire que "Vu à Rome" s'inspirait plus de Silvestre que de Dierx. C'était idiot, je venais de prouver que "Lys" parodiait des passages précis de Silvestre, alors que jusque-là sans avoir lu Silvestre, Murphy compris, les gens prétendaient que non, que la parodie ne s'appliquait pas tant à Silvestre qu'aux Parnassiens en général.

La subtilité de "Vu à Rome", c'est que la parodie de Dierx est plus discrète. Dierx compose plutôt en alexandrins qu'en vers de huit syllabes, mais à ce moment-là sa plaquette Paroles du Vaincu faisait exception. Cela étant dit, "Vu à Rome" ne reprend pas le discours propre à cette publication, sauf à considérer une ironie sur l'idée de vaincu.

Mais, Rimbaud a donné pour surtitre à son "Vu à Rome" le recueil des Lèvres closes. C'est là qu'il faut concentrer la réflexion.

En 2009, j'avais d'abord donné dans un article une liste sommaire, pas complète de liens lexicaux. J'avais raison, c'était important, mais je semblais ne rien en faire, ne rien savoir en faire. Puis, dans une autre étude, j'ai signalé que la plaquette parue en octobre 1871 Paroles du vaincu était en octosyllabes, sauf que les textes n'ont rien à voir, ne communiquent pas entre eux. Là, des rimbaldiens comme Yves Reboul ont cru que l'affaire était pliée.

Mais non ! Il faut revenir à mon article de 2009 dans la revue Europe, compléter la liste, et il faut mettre en avant bien évidemment deux points subtils. D'abord, la revue du "nez" doit rappeler la revue des "yeux" dans "Les Yeux de Nyssia" un des poèmes les plus importants de Dierx. Et il faut évidemment jouer sur le titre Lèvres closes face aux narines de "Vu à Rome".

Après, il y a une recherche à faire du côté des discours romains, et donc de Veuillot. Il y a la rime "saint Graal" dans un poème du dernier recueil de Dierx dont se demander s'il n'est pas plus ancien.

Pour Hyacinthe, je devrai reprendre ça à tête reposée.

Je note le cas intéressant d'une plaquette "La Chaumière incendiée" publiée en 1872, un peu tard pour notre sujet tout de même.

Pour "Croquis de banlieue", c'est intéressant. La publication d'une troisième série en 1873 permet de tirer des conclusions.

Dans mon dernier article, j'ai fait un raisonnement qui réclame une intelligence maximale dans le domaine de la critique rimbaldienne. On ne trouvera pas visiblement de pré-originale de "Croquis de banlieue" avant octobre et même novembre 1871. Le découvrir en pré-originale en 1873 conforte cette conclusion.

Le coup de génie de mon dernier article, c'est de considérer que si on cherche une pré-originale pour un seul élément du Cahier rouge on va demeurer dans la frustration de ne pas trouver. Mais si on commence à constater de manière imparable que Rimbaud, Cros et Verlaine se sont inspirés de plusieurs passages du Cahier rouge (peu importe que Coppée l'ait publié tel quel ou l'ait réarrangé, trié à la publication), la frustration s'en va, puisqu'on se dit que, là, c'est plusieurs pré-originales qu'on ne retrouve pas. Donc la conclusion va de soi : Rimbaud, Cros et Verlaine ont consulté un dossier manuscrit inédit de Coppée. D'ailleurs, Coppée faisait lire ses créations à des proches et il publie "Croquis de banlieue" dès 1873, donc il ne devait pas trop cacher jalousement cette production. S'il était sollicité, il montrait ce qu'il avait. La force de mon raisonnement tient dans l'identification de "couples de soldats" pour "couples de pioupious", dans les liens entre "Croquis de banlieue" et les passages que je cite de "Olivier", dans le fait que le seul "Ressouvenir" s'inspire à la fois de "Croquis de banlieue" et des passages en question de "Olivier", et enfin il y a la longueur conséquente du récit Olivier qui exclut l'idée d'une pré-originale.

De plus, cela crée du récit, puisque Le Cahier rouge est un ouvrage un peu comparable à un Album zutique, et puisque après les parodies de poèmes publiés par Coppée dans la presse Rimbaud parodie des pièces inédites de Coppée avec "Ressouvenir". C'est fascinant tout ça ! Le jeu zutique prend une réelle ampleur.

Il y a des manifestations d'intelligence plus élevées que celle qui consiste à raisonner sur la nécessité que Rimbaud ait eu accès aux manuscrits de Coppée, mais c'est le saint Graal dans le monde de la critique littéraire universitaire.

Enfin, voilà.


Sinon, je précise au passage que je me suis emmêlé les pinceaux. Il n'y a pas de dizain zutique de Germain Nouveau, "Intérieur (d'omnibus)" est de Raoul Ponchon, et j'ai fait une erreur aussi sur le dizain obscène de Valade qui reprend "Remembrances".

Mais, bon, je ferai une synthèse à un moment donné, je vais continuer à publier des articles sur le sujet.
Ah oui, la suite sur Ricard attend toujours...




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