vendredi 26 juillet 2013

A propos des Mains de Jeanne-Marie (première partie)



Les deux études clefs sur le poème Les Mains de Jeanne-Marie viennent d’Yves Reboul et de Steve Murphy. Je n’ai jamais eu accès à la thèse de Steve Murphy de 1986, je ne connais que l’article publié dans son livre récent Rimbaud et la Commune paru en 2010. Il s’agit du chapitre 14 intitulé : « Une place au soleil : Les Mains de Jeanne-Marie ». L’étude va de la page 613 à la page 710. Elle est prolongée par dix autres pages d’appendice. L’article d’Yves Reboul a été publié vers 1991 ou 1994 plutôt. J’ai eu le volume entre les mains, je dois avoir les photocopies dans ce que j’ai empilé dans des caisses. Mais, son article, visiblement peu retouché, a été publié à nouveau dans son livre récent Rimbaud dans son temps paru en 2009, dans la même collection éditoriale des Classiques Garnier (Etudes rimbaldiennes) que le livre de Murphy un an plus tard. L’article d’Yves Reboul qui s’intitule « Jeanne-Marie la sorcière » et qui ne compte que 16 pages cette fois s’appuie sur l’étude de Steve Murphy de 1986 pour la critiquer et proposer une solution. En retour, l’article récent de Steve Murphy réagit face aux critiques en contestant partiellement le cœur de l’argumentation qui lui a été opposée. Mais, au-delà des divergences entre les deux auteurs, je considère que les deux études ne tiennent pas suffisamment compte de la construction symbolique du poème.
Il est acquis que le poème est un hommage aux femmes de la Commune, même si on peut remarquer que Jeanne-Marie est présentée comme une personne unique. Il va de soi que la date de composition indiquée sur le manuscrit par Verlaine est fiable : « Fév. 72 ». Le poème fait allusion clairement aux nombreux procès des pétroleuses qui débutèrent vers octobre, et à celui de Louise Michel en décembre. Mais je crois que cette justification à la création du poème est insuffisante. Rimbaud décrit physiquement les mains de Jeanne-Marie en insufflant un souffle moral et épique à cette vision. Il s’agit plutôt selon moi d’une réponse à la fois aux procès faits par les vainqueurs et surtout à la presse qui dressait un portrait terrible de ses pétroleuses. Je n’ai pas pu photocopier tout ce que j’ai trouvé comme articles sur le sujet dans la presse. Les numérisations sur internet coûtent cher. A la Bibliothèque Nationale, elles sont d’une mauvaise qualité incroyable en ce qui concerne les microfilms et on se défausse sur l’organisme privé qui fournit le matériel, sauf que, si ce n’était la courtoisie, on ferait bien sentir que la responsabilité du choix du fournisseur privé est alors lui aussi en cause. Je n’ai par ailleurs aucune influence sur Gallica où je relève la mise à disposition des internautes d’une « moitié » seulement de la collection du périodique Le Monde illustré, mais mes demandes réitérées pour obtenir la mise en ligne des autres volumes n’ont pas abouti. En effet, les journaux hebdomadaires sont reliés en tomes de six mois, mais, année par année, vous ne pouvez consulter sur Gallica que les journaux des six premiers mois, ou bien ceux des six derniers mois. Certaines années manquent à l’appel. Pour un rimbaldien, vous ne pouvez pas consulter les exemplaires qui vont de juillet 1871 à juin 1873 inclus, ce qui correspond à la période la plus intéressante et ce qui nous prive de deux ans d’information. Pourtant, c’est dans la presse que nous obtiendrons des éléments intéressants susceptibles d’éclairer les intentions du poète. En tête de son chapitre sur Les Mains de Jeanne-Marie, Steve Murphy donne avec raison un article de jeunesse d’Emile Zola qui décrivait sans la moindre sympathie les pétroleuses comme des furies. Cette déshumanisation est essentielle. Mais on va comprendre ici que le travail du chercheur rimbaldien ne peut se faire en un jour et qu’il faut réellement aller fouiller la presse de l’époque pour rendre plus nettement compréhensible la réplique poétique offerte par Rimbaud. Je compte un jour reprendre mon travail de synthèse à partir d’un dépouillement systématique de la presse, mais je vais montrer ici un document que je trouve remarquablement significatif de l’opposition clef que suppose le poème de Rimbaud entre les pétroleuses et les femmes pleines de blancs et de carmins. Car la description repoussante des pétroleuses n’est pas née d’une horreur soudaine liée à la Commune. Ce mépris a un soubassement culturel qui veut que les femmes du peuple ne soient pas vraiment des femmes, même si ceux qui emploient ces images de répugnance n’en ont pas toujours conscience. Voici le document relativement accessible qu’il me paraît intéressant de présenter. Il s’agit d’un extrait du livre Physiologie du mariage de Balzac. Personnellement, je n’ai jamais trouvé pertinent Balzac dans toutes les grandes considérations qui parsèment son œuvre pourtant saisissante. Le second degré n’est pas absent du passage concerné de toute façon, et donc il exclut brutalement la plupart des femmes du genre femme, comme suit (soulignements nôtres) :

Pour nous et pour ceux auxquels ce livre est destiné, une femme est une variété rare dans le genre humain, et dont voici les principaux caractères physiologiques.
Cette espèce est due aux soins particuliers que les hommes ont pu donner à sa culture, grâce à la puissance de l’or et à la chaleur morale de la civilisation. Elle se reconnaît généralement à la blancheur, à la finesse, à la douceur de la peau. Son penchant la porte à une exquise propreté. Ses doigts ont horreur de rencontrer autre chose que des objets doux, moelleux, parfumés. Comme l’hermine, elle meurt quelquefois de douleur de voir souiller sa blanche tunique. Elle aime à lisser ses cheveux, à leur faire exhaler des odeurs enivrantes, à brosser ses ongles roses, à les couper en amandes, à baigner souvent ses membres délicats. […] Sa voix est d’une douceur pénétrante, ses mouvements sont gracieux. […] Elle ne s’adonne à aucun travail pénible ; et, cependant, malgré sa faiblesse apparente, il y a des fardeaux qu’elle sait porter et remuer avec une aisance miraculeuse. Elle fuit l’éclat du soleil et s’en préserve par d’ingénieux moyens. […] Aimer est sa religion : elle ne pense qu’à plaire à celui qu’elle aime. […]
Ces traits, pris à l’aventure entre mille, se retrouvent-ils en ces créatures dont les mains sont noires comme celles des singes, et la peau tannée comme les vieux parchemins d’un olim, dont le visage est brûlé par le soleil, et le cou ridé comme celui des dindons ; qui sont couvertes de haillons, dont la voix est rauque, l’intelligence nulle, l’odeur insupportable, qui ne songent qu’à la huche au pain, qui sont incessamment courbées vers la terre, qui piochent, qui hersent, qui fanent, glanent, moissonnent, pétrissent le pain, teillent du chanvre ; qui, pêle-mêle avec des bestiaux, des enfants et des hommes, habitent des trous à peine couverts de paille ; auxquelles enfin il importe peu d’où pleuvent les enfants ? […]

Nous pourrions citer un plus long extrait et commenter, mais, bref, il y a donc une idéologie de la femme en tant que femme qui éclaire la réaction de Rimbaud, lequel n’a pas choisi de symboliser sa Jeanne-Marie par n’importe quel élément féminin, il n’a pas choisi le sein par exemple, non il a choisi les mains. Les mains peuvent identifier une femme parmi les femmes, et Rimbaud prend le parti des femmes aux mains tannées par le soleil pour les opposer à celles qui conservent leur blancheur et qui se maquillent. Et ce fait essentiel est d’autant plus passé inaperçu des lecteurs que lorsqu’il est question de Juana les commentateurs parlent volontiers du cliché des « blanches mains » du poème Don Paez de Musset. Non, Jeanne-Marie a des « mains sombres », et des « mains fortes » qui plus est, deux caractéristiques qui la différencient de la femme distinguée, deux caractéristiques qui l’excluent même de la féminité. Elles ont une troisième caractéristique qui est la « pâleur », une pâleur qui ne sera pas l’opposé, le contraire, de la main sombre. Rimbaud pose clairement la coexistence des deux dans son premier quatrain, et nous reviendrons sur la double répétition significative : « pâles », « pâli » et « bruni », « brunit ». Or, si Yves Reboul a raison de signaler que la série interrogative s’interrompt une première fois pour céder la place à une affirmation de ce que sont les mains de Jeanne-Marie aux vers 15-16 : « C’est le sang noir des belladones / Qui dans leur paume éclate et dort », avant de repartir sur des interrogations d’un type différent, il me semble qu’il faut insister sur le fait que les trois premiers vers sont eux aussi une affirmation de ce que sont les mains de Jeanne-Marie.
Les trois premiers vers forment une phrase déclarative bien ponctuée par un simple point.

Jeanne-Marie a des mains fortes,
Mains sombres que l’été tanna,
Mains pâles comme des mains mortes.

Le poème s’ouvre par une déclaration. Jeanne-Marie a des mains qui ont trois qualités, dont deux paraissent peu féminines et la troisième inquiétante. La cause de la deuxième qualité est attribuée à l’effet du soleil. Tel est le texte et nous ne suivrons pas l’idée d’Yves Reboul qui croit voir une allusion à l’été de 1871 que ces mains de femmes auraient vécu sur les pontons. Le cumul des étés a tanné ces mains, c’est tout. La raison des mains pâles comme des mains fortes n’est pas donnée. Quant à la série interrogative, même si le premier quatrain se termine par un point d’interrogation, elle ne débute qu’au quatrième vers.

– Sont-ce des mains de Juana ?

L’idée est donc que cet ensemble de qualités passera pour le propre d’une femme espagnole populaire qui pourrait se nommer Juana, ce qui n’est pas dit par Yves Reboul et Steve Murphy malgré leurs réserves envers les travaux des prédécesseurs. Oui, Steve Murphy a raison de faire observer que Rimbaud ne dit pas que Juana possède de « blanches mains » dans son poème. L’allusion au poncif de Musset n’est pas justifiée. Mais ce qu’il faut poser, c’est que les mains tannées sont identifiées comme espagnoles, andalouses. On peut alors envisager une pique à l’égard d’écrivains tels que Gautier, qui, dans leur exotisme, célèbre des andalouses aux cheveux noirs de jais, à l’œil noir, mais aux petits pieds blancs. Mais surtout on comprend que les interrogations des vers 4 à 14 essaient d’expliquer la déclaration des vers 1 à 3, comme les interrogations des vers 17 à 24 sont à leur tour autant de sollicitations pour éclairer la déclaration des vers 15-16 :

C’est le sang noir des belladones
Qui dans leur paume éclate et dort.

En réalité, le poème dans son premier mouvement de six quatrains expose un petit nombre de caractéristiques de ces mains, caractéristiques qui interpellent et qui soulèvent un certain nombre de questions. Les vers 15-16 nous apportent de nouvelles informations. Le « sang noir des belladones » coule dans les veines de telles femmes. Et ce sang est menaçant, puisqu’il a un éclat qui compense la pâleur mortelle annoncée au vers 2 et puisque ce sang suppose une énergie latente qu’exprime clairement la postposition de « dort » à « éclate » au plan de la coordination verbale.
Ce jeu entre cinq vers d’affirmations et 19 autres d’interrogations, c’est ce qui forme la première partie du poème. La deuxième partie du poème est plus longue. La version manuscrite autographe compte 13 quatrains, donc nous avions une bipartition équilibrée de six contre sept quatrains. Vraisemblablement, ce que Verlaine ajoute a reçu l’aval de Rimbaud. Le poème a été remanié et allongé de trois quatrains, à quoi ajouter une variante qui bizarrement ne prime pas dans les éditions du poème. Mais, donc le poème compte désormais 13 quatrains, et cette fois nous avons un déséquilibre entre une première partie de six quatrains et une seconde d’une dizaine de quatrains. Selon Steve Murphy, après une suite d’interrogations rhétoriques, le poète déclare ce que ne sont pas les mains de Jeanne-Marie. Nous aurions l’opposition entre la tournure interrogative « Sont-ce… » et la tournure déclarative négative « Ce ne sont pas… » Le problème, c’est que la strophe qui débute effectivement par « Ce ne sont pas… », non seulement ne fait pas immédiatement suite au dernier quatrain d’interrogations, mais fait partie des trois ajoutées par Verlaine et donc absentes de la version autographe. Du coup, il faut reporter son attention sur le septième quatrain qui débute ainsi : « Ces mains n’ont pas vendu… » Le verbe « être » n’apparaît pas ici, mais l’auxiliaire « avoir » dans une forme composée du verbe « vendre ». Quant au quatrain « Ce sont des ployeuses d’échines… », il a une forme affirmative et non pas négative. Dans cette mesure-là, il me semble plutôt que les formes négatives des quatrains marquent l’expression d’une révolte qui dit déjà ce que sont ces « mains » de femmes révolutionnaires, puisque lorsque surgi le tour déclaratif affirmatif c’est pour poser des femmes casseuses ou ployeuses d’échines. Et au quatrain suivant, comme Yves Reboul a pu insister sur le relief important des vers 15-16 où il est question du « sang noir des belladones », nous avons deux vers qui donnent le sens profond du poème :

Leur chair chante des Marseillaises
Et jamais les Eleisons !

(Lire « ele-isons » avec une diérèse)

Dès lors, toute la fin du poème est relativement claire comparée aux images opaques qui se sont accumulées jusque-là. Le poète énonce clairement que ces femmes ne se laissent pas dominer, mais qu’elles dominent elles-mêmes. L’expression « ployeuses d’échine » avait quelque chose d’un calembour. Elles ne ploient pas l’échine, elles les font ployer, et Rimbaud a préféré l’idée qu’il ne s’agissait pas de renverser les rôles, mais de casser l’échine à ceux qui la font ployer aux autres.  Ces mains fortes deviennent celles de machines et cheval, car elles changent le monde par une révolution. Les pétroleuses étaient présentées comme des bêtes féroces. Rimbaud refuse de leur faire assumer une telle violence. Tout en étant présentée comme porteuses d’une violence révolutionnaires, non directement ces femmes, mais ces mains qui agissent « ne font jamais mal », ce qui a une signification morale dégagée par les articles de Reboul et Murphy, mais aussi malgré tout une signification physique, elles ne sont par leur Révolte des pourvoyeuses de douleur. L’agression sur les femmes nobles ou distinguées qu’un rejet d’un vers sur l’autre traduit en « Femmes / Mauvaises » est présentée au conditionnel « ça serrerait », « ça broierait ». L’opposition est alors de « mains qui ne font jamais mal » à des « mains infâmes » dont l’extrait de Balzac si nous l’avions cité plus longuement montrerait assez la position abusive qui peut leur être attribuée. Deux vers de violence semblent toutefois demeurer implacables :

L’éclat de ces mains amoureuses
Tourne le crâne des brebis !

Ces deux vers peuvent poursuivre l’opposition des Marseillaises (« mains amoureuses ») aux « eleisons » (« brebis ») en prêtant la valeur d’amour à la Révolution et non à la charité chrétienne : « eleison » étant l’expression que nous traduisons par « prends pitié » dans la liturgie de la messe. On peut penser aussi que le fait de tourner le crâne consiste aussi à avoir un effet de meneuses sur les masses. C’est à partir de là que le poète, qui a déjà salué la force de ces mains plus fortes que machines ou cheval, va donner une explication de leur aspect sombre comme de leur pâleur. Nous savions que ces mains étaient sombres par l’effet du soleil, mais le soleil devient le facteur d’amour qui donne une distinction nouvelle à ces femmes qui n’étant pas des quartiers distingués (pour citer Les Pauvres à l’Eglise) n’en ont pas moins leur bijou, un maquillage naturel apposé par le rougeoyant soleil sur leur peau, et ce rougeoiement est associé à l’amour. Et Rimbaud d’unir la pétroleuse au « Révolté fier ». Le choix du mot péjoratif « populace » précise bien les enjeux et l’opposition d’une société divisée en deux. La pâleur avait été annoncée comme comparable à un indice de mort, et l’explication nous en rapproche. La pâleur est celle de la cause héroïque embrassée. Elles ont serré des mitrailleuses, ce qui suppose un affrontement périlleux, mais ce combat à mort est en même temps un combat de vie pour les révoltés. La pâleur a ici un sens épique que ne supposait pas encore le premier quatrain. Qui plus est, ces femmes ne sont pas mortes au combat, car les deux derniers quatrains se servent de l’idée de leur emprisonnement avec de lourdes chaînes pour créer une série d’inversions hommages.

J’interromps ici mon commentaire pour l’instant.
J’ai d’autres choses encore à dire sur ce poème.
Pour moi, Gautier est un poète exceptionnel. La saveur de sa langue est extraordinaire, plusieurs de ses poèmes sont réellement de l’orfèvrerie délicate comme délicieuse et le début du Capitaine Fracasse est d’une perfection éblouissante. Mais je ne suis pas du tout convaincu que l’immense poète Rimbaud s’en soit si bien rendu compte dans ses quelques années de pratique, et, de toute façon, je ne suis pas du tout convaincu que la parodie qu’il fait du poème Etude de mains soit un hommage dans un poème aussi politiquement incisif. Gautier n’était pas favorable aux révolutions, Rimbaud bien évidemment l’épingle, et on remarquera que sa parodie de quatrains d’octosyllabes à rimes croisées rappelle une parodie d’un modèle Chant de guerre circassien de Coppée dans un poème tout aussi impliqué dans l’actualité Chant de guerre Parisien. Je constate aussi que le mot « pandiculations » est traité étrangement. Les symptômes des pandiculations ne sont pas décrits au niveau des mains, mais cela n’est pas gênant, on peut très bien imaginer des mains dont le mouvement est lié à celui des pandiculations de toute une personne. Enfin, les pandiculations sont un terme utilisé pour désigner l’hystérie féminine, ce que, selon Steve Murphy, Rimbaud ne peut pas avoir employé dans un hommage à la pétroleuse type. Mais, le mot n’est pas pris en charge ainsi, puisqu’il s’inscrit dans une interrogation rhétorique laissée en suspens. Surtout, l’allusion à l’hystérie est tout à fait pertinente dans le contexte du quatrain qui réécrit parodiquement l’expression « rêves d’impossibilités » du modèle de Gautier. Cette femme apparemment hystérique est-elle tournée vers la religion chrétienne ou bien vers la Perse ? C’est le sens littéral du poème rimbaldien et je ne vois pas en quoi cela pose problème.
Quant à Khengavar, Yves Reboul nous dit qu’il n’est pas la peine de chercher à identifier cette ville qui a une consonance perse, tandis que Steve Murphy propose un appendice à son sujet, où il est vrai que la ville est correctement identifiée. La ville est tout simplement celle de Kingavar en Perse, pas très loin de Bagdad. L’orthographe des noms exotiques variait beaucoup et à l’instar de Leconte de Lisle (sans parler du pluriel) Rimbaud n’a fait qu’ajouter un « h » à la transcription « Kengavar » qui était courante à son époque. Rien là d’illisible et d’énigmatique. La ville était nettement identifiable et elle l’est encore aujourd’hui, d’autant que les vers impliquent clairement qu’il s’agit d’une identification culturelle peu compliquée. Enfin, certains critiques plus anciens ont malgré tout cru que cette ville qu’ils n’arrivaient pas à identifier, je ne sais pas comment ils ont pu être aussi incompétents, c’était un nom de pure poésie car ils se sentaient libérés de toute référence. Mais la consonance d’un nom est toujours de l’ordre de la connotation et de la référence culturelle dans tous les cas. Rendre un mot plus vague peut le rendre plus général, moins précis, il n’en est pas moins chargé de connotations possibles. Mais ici ce n’est même pas le débat comme pour les noms inventés par Musset et Hugo : Olossone (de mémoire) et Jérimadeth. Rimbaud parle bien de la ville de Kingavar.
Et bien sûr j’entends encore parler « des diptères dont bombinent les bleuisons aurorales ». Un rapprochement avec Voyelles est en jeu.

A suivre…

mercredi 24 juillet 2013

Les clefs pour lire Rimbaud poème par poème de Charleville à Paris 71-72




(Article à part. Style familier parfois. Il s’agit de proposer un parcours dans l’œuvre de manière à montrer que la poésie de Rimbaud a en grande partie cessé d’être énigmatique et de manière à baliser ce qui peut réclamer une mise au point prioritaire par une étude fouillée. Ce parcours me permet aussi de signaler à l’attention les études essentielles sur tel ou tel texte, et de situer aussi ma voix dans le débat critique ambiant. En revanche, je manque à mon sujet (« les clefs ») sur certains points qui méritent des études transversales comme la versification, la lecture d’Hugo, Coppée, Banville, etc., le romantisme dans l’œuvre, mais je remédierai bien sûr à tout cela. Je place cette série « Les clefs… » en tête du blog, car il s’agit d’articles de repérage et les lecteurs pourront s’en servir comme d’un guide avant de se reporter à d’autres articles plus approfondis. Cet ensemble me permet aussi de formuler rapidement un certain nombre de considérations importantes.)

Les Pauvres à l’Eglise

J’ai été obligé de me rendre à la messe tous les dimanches jusqu’à l’âge de treize ans. Rimbaud a connu cette même expérience à une époque beaucoup plus dévote que la mienne. Le poème est une revue de la société réunie à la messe. La population présente est décrite comme hypocritement religieuse ce qui permet d’offrir en miroir l’athéisme contraint de Rimbaud. Le poème a une composition rhétorique soignée avec des articulations fortes et il se ponctue par le contraste social des « Dames des quartiers / Distingués » qui, selon l’ambiguïté syntaxique de la tournure « Font baiser », accordent le baise-main à la religion qui vient d’être décrite comme « Farce » pour le peuple qui vient, lui, en mendier sournoisement les effets. Le poème est particulièrement hugolien jusqu’à cette image ludique : « Ces aveugles qu’un chien introduit dans les cours ». On rêve de retrouver une autre version manuscrite pour s’empresser de remédier à la mauvaise transcription d’un vers 17 où manque un segment de deux syllabes impossible à situer dans l’économie des hémistiches : « Dehors, le froid, la faim, l’homme en ribotte »[.]

Les Poètes de sept ans

Le choix symbolique des « sept ans » déconcerte, mais pas outre-mesure. La lecture de référence est celle de Steve Murphy dans son livre Le Premier Rimbaud ou l’apprentissage de la subversion. Je suis beaucoup plus réservé quant à celle proposée par Christophe Bataillé qui ne m’a pas paru aussi heureux que pour son article sur le poème Roman. Il me semble extrapoler quand il imagine une sociologie similaire à celle du film Rocco et ses frères de Visconti. En revanche, si Steve Murphy rabat le « livre du devoir » sur la « Bible à la tranche vert-chou », j’avoue avoir été tenté parfois d’y voir un jeu de mots entre « livre du devoir » et « livre des devoirs » comme d’autres critiques rimbaldiens. J’ai soutenu à tort ce point de vue du livre scolaire, je pense, en privilégiant des indices peu fermes et qui m’éloignaient de la trame directe des considérations du poème. En fait, le « livre du devoir » est nettement caractérisé, alors que la Bible est un exemplaire quelconque qu’introduit l’article indéfini « une », ce qui veut dire que Rimbaud n’a pas établi de connexion entre les deux mentions « livre du devoir » et « Bible ». Mais, le jeu de mots n’ayant pas à primer, le « livre du devoir » est le livre qui délivre la morale et pourrait bien finalement désigner la Bible elle-même, ou bien il s’agirait d’un manuel de morale pour la cellule familiale, l’idée d’une expression allégorique pure et simple étant peu plausible (« fermant le livre du devoir » pour « ayant terminé son sermon »). Finalement, l’idée du travail scolaire ne tient pas vraiment face aux mentions qui s’accumulent : « devoir », « âme », « livrée », « répugnances », « obéissance », « hypocrisies », « tirait la langue »,… Le poète accomplit d’ailleurs sa révolte en faisant le choix de s’enfermer dans les latrines, ce qui correspond à un refus de l’hygiène sociale dont le « livre du devoir » était le pourvoyeur. Une autre difficulté caractérise le vers 30 : « Elle avait le bleu regard, – qui ment ! » Dans l’absolu, cette phrase peut s’interpréter de deux manières différentes. Soit la mère présente un « bleu regard » à son enfant, soit la mère reçoit le « bleu regard » de son enfant, c’est tout le problème du recours à un verbe passe-partout peu chargé de sens tel que « avoir ». Ceci dit, il me semble que le sens qui s’impose le plus naturellement à l’esprit, d’autant que la qualité de langue du poème en vers le favorise, c’est celui d’une mère qui présente dans sa frayeur un « bleu regard » tactique qui permet un instant d’épanchement aux tendresses de son fils. De là, l’intérêt manifeste du décrochage énonciatif de la proposition relative à valeur de commentaire : « – qui ment ! » A l’heure actuelle, dans les écoles, il est déconseillé, si pas défendu, d’enseigner aux enfants la nuance qui distingue « proposition relative déterminative » et « proposition relative explicative ». J’ai appris cette nuance très tôt à l’école primaire en Belgique. Elle serait trop compliquée à comprendre pour les collégiens français actuels. Le poème manifeste clairement le rejet du christianisme et l’adhésion aux émeutes révolutionnaires du temps, au nom d’un principe de rébellion d’enfant démasquant la fausseté du jeu social. La fin du poème est un morceau de bravoure à la syntaxe audacieuse et aux images saisissantes dont on comprend la nature symbolique. La « prairie amoureuse » se superpose au mouvement des « foules ». Les « sombres choses » confirment la ligne de conduite adoptée et le spectacle cataclysmique final avec l’attente des flots désirés, pour parodier Chateaubriand, évoque l’éveil de l’âme à l’appel révolutionnaire en posant clairement le principe métaphorique de l’émeute populaire comme déluge renversant le vieux monde. Le poème est antidaté dans la version transmise à Demeny « 26 mai 1871 » pour commémorer la Commune dans la douleur de la Semaine sanglante, en manifestant aussi que la répression ne suppose aucun terme à l’attente rimbaldienne.
La correcte transcription du vers 33 est un point important de l’histoire des études rimbaldiennes. La présentation d’un fac-similé du manuscrit lors de la vente Jean Hugues en 1998 a révélé que Rimbaud n’avait pas écrit « rives », mais « rios ». Publiant sa thèse littéraire sur Rodolphe Darzens au même moment (1998-1999), Jean-Jacques Lefrère avait imprimé un texte de commentaire inédit de Darzens où une énumération de termes du poème contenait précisément le mot « rios ». Puis, dans sa récente Correspondance posthume, il a reporté le même texte, mais après avoir corrigé le nom « rios » en « rives ». Intrigué, nous avons obtenu des renseignements sur le document original de Darzens, qui est conservé à la Bibliothèque Rimbaud de Charleville-Mézières. Darzens a bien écrit « rives » et non « rios ». Ce point est important, car il s’est désolidarisé de l’édition du Reliquaire par Genonceaux, alors que c’est l’établissement du texte dans cette édition sulfureuse de 1891 qui a imposé la fortune de la leçon « rives » adoptée nécessairement par les éditeurs jusqu’en 1998.
En même temps, la corruption « rives » a eu l’inconvénient de laisser penser aux spécialistes de versification que Rimbaud ne considérait pas comme systématique la division en deux hémistiches de six syllabes d’un quelconque de ses alexandrins. Il existe encore à l’heure actuelle un débat sur la possibilité de composer au sein d’alexandrins classiques des trimètres (trois hémistiches 4-4-4) ou semi-ternaires (hémistiches 8-4 ou 4-8 pour dire vite) qui n’impliquent pas de césure normale à la sixième syllabe. J’ai travaillé à démontrer que ce point de vue était anachronique, faussé qu’il était par les pratiques nées à la toute fin du dix-neuvième siècle. Mais j’aurai l’occasion de traiter de ce sujet pour lui-même une autre fois. Toujours est-il que l’éviction de la leçon « rives » permet de définitivement considérer, au-delà même de Rimbaud, que les alexandrins des grands poètes du dix-neuvième siècle ont tous, d’Hugo à Verlaine, une césure systématique après la sixième syllabe. Rimbaud ne chahutera cette règle que dans les poèmes « seconde manière » de 1872 qui doivent inclure Tête de faune. Verlaine et une nouvelle génération de poètes emboîteront le pas à Rimbaud plus précisément au milieu des années 1880, sans que l’idée de compensation par un vers ternaire ou semi-ternaire ne soit la bonne pour autant. Pourtant, la mention « rives » à la césure aurait pu à la limite s’expliquer comme recours à une césure lyrique sur le modèle médiéval donné par François Villon par exemple, mais la correction « rios » élimine le débat.

Mes Petites amoureuses

La strophe s’inspire de Musset (Chanson de Fortunio) et continue Les Reparties de Nina, et donc il s’agit d’une satire de la veine des poèmes à Ninon. Il faut imaginer un Musset déniaisé auteur de cette performance lyrique. Le titre est la reprise à peine altérée d’un autre de Glatigny Les Petites amoureuses et certains éléments du poème n’excluent même pas une allusion au recueil Les Amoureuses de Daudet, bien qu’une espèce de coup double me paraisse naturellement douteuse. On appréciera la forme chansonnière bien commentée par Benoît de Cornulier qui s’est penché sur la particularité du bouclage, la deuxième strophe, et non la première, revenant légèrement altérée en conclusion du poème. L’attaque contre la laideur supposée des « amoureuses » est une façon de faire tomber le masque hypocrite de la galanterie dans une révolte contre le modèle social. La phrase : « – Vous crèverez en Dieu, bâtées / D’ignobles soins ! » vaut explication de toute la débauche agressive du poème. Certains mots du poème ont posé des difficultés aux lecteurs. Pour ce qui concerne le mot « éclanches » qu’on a voulu parfois ramener aux cuisses, il n’est pas acceptable de lui chercher une autre signification qu’épaule en principe de mouton détachée du corps. Le parallélisme est clair entre deux quatrains successifs. Les « éclanches » reprennent l’idée des « omoplates [qui] se déboîtent » et les « hanches » à casser reprennent l’idée de « reins qui boitent ». La présence du mot « étoile » au vers 35 mérite elle l’attention. Le mot « fouffes » dont je peux attester un emploi dans une locution belge « Retirez toutes vos fouffes de là » veut bien dire « chiffons ». Profitant de l’occasion donnée pour révéler le sens d’un mot rare, certains critiques font proliférer des interprétations qui n’ont d’utile que le fait d’être la proposition qui aura leur cœur parce qu’ils y auront mis leur nom. Ce n’est pas très excitant comme conception de la recherche littéraire. Mais la palme revient au nom « pialats ». Je sais qu’un dictionnaire recense une définition concernant les cratères lunaires, mais elle n’a pas retenu l’attention, étant considérée jusqu’à présent comme peu convaincante. Cette découverte a-t-elle été publiée quelque part d’ailleurs ? J’y reviendrai. Le mot « pialats » figure dans la strophe de bouclage du poème, il revient donc à deux reprises, mais surtout sa première occurrence au vers 6 est surdéterminée par la prosodie du vers d’incipit : « Un hydrolat lacrymal lave », ce qui, dans la proximité du nom « hydrolats », amène évidemment à interpréter ces « pialats » qui sont « ronds » comme des quasi équivalents de « crachats » métaphorisant une pluie baveuse de pleurs, mais la syntaxe nous surprend en enchâssant « lunes (rondes) » et « pialats ronds » : « Blancs de lunes particulières / Aux pialats ronds ». Resterait à interroger l’origine du nom de famille « Pialat ». Le rapprochement avec le mot « crachats » inviterait à distinguer une forme exprimant une figure proche du pleur et du cri « pial- », « piaill- » associée à un suffixe « -ats ».

Accroupissements

Le poème est assez curieux. Il présente le portrait caricatural d’un moine que son vaste appétit a rendu malade (« l’estomac écoeuré ») et qui, migraineux, craint encore l’éclat d’un soleil brillant lui rappelant l’idée de « chaudron récuré ». La forme « Bien tard » du début de poème est équivoque, puisque notre moine est en réalité resté au lit. Le poème décrit l’écoulement de cette journée de convalescence où, malgré le refus du soleil, il n’est plus possible de supporter le froid (« frileux », « grelottant »), et le récit ne nous épargne pas un abandon aux fonctions d’excrétion les plus élémentaires. Mais, la seconde partie du poème témoigne d’un basculement érotique entraîné par l’effet calorifique du soleil auquel les narines du moine ont enfin consenti. Le spectacle de la chambre devient une ménagerie étrange à l’image répugnante de son occupant et le réchauffement monte à ce point au cerveau du moine qu’il semble communier non plus avec Dieu, mais avec Vénus, la mention du nez, qui reprend l’idée des narines aspirant plus tôt dans la journée les rayons du soleil, permettant une équivoque obscène et blasphématoire au dernier vers : « Fantasque, un nez poursuit Vénus au ciel profond. » L’apposition de l’adjectif « Fantasque » en tête de phrase et de vers permet toutefois de maintenir le moine à distance du Credo in unam… Le poème a-t-il un prétexte dans l’actualité ? Steve Murphy pense que le « frère Milotus » pourrait désigner Louis Veuillot, défenseur de l’Eglise au gros nez vérolé qui faisait la joie des caricaturistes, mais l’identification n’est pas évidente, tandis que la portée générale du poème se comprend sans peine, en dépit d’un traitement abrupt d’un instant de vie que Rimbaud n’a pas pris la peine de clairement introduire et justifier, comme ce sera encore le cas dans d’autres poèmes, ne prenons que ne fût-ce que Les Assis comme exemple.

Chant de guerre Parisien

Il me faudra produire ma synthèse sur ce poème, mais il y a deux lectures de référence, l’article de Benoît de Cornulier repris dans son livre De la métrique à l’interprétation, essais sur Rimbaud et l’analyse de Steve Murphy reprise dans son livre Rimbaud et la Commune. J’ai développé mes idées sur la datation et la signification de la forme adoptée dans ma Chronologie des écrits de Rimbaud. On peut ajouter que l’avant-dernier quatrain, par son allusion aux « douches de pétrole » en clinique, manifeste un rejet ironique de l’institution psychiatrique, organe répressif au service du pouvoir. L’ironie à l’égard des thèses psychiatriques se retrouvera à nouveau au cœur du livre Une saison en enfer.

Le Cœur supplicié / Le Cœur du pitre / Le Cœur volé

Le titre initial invite à considérer qu’il est question de la tentation du suicide suite aux outrages décrits dans le poème. Le second insiste sur l’ironie de la pièce à cet égard. Le troisième est plus neutre tout en exposant clairement son sujet. Le poème est une suite de triolets enchâssés sur le modèle d’un poème de Banville, modèle appliqué aussi par Charles Cros (« Sidonie a plus d’un amant »). Rimbaud s’inspire bien sûr de l’exemple banvillien, ce que conforte la ressemblance prosodique entre « flots abracadabrantesques » et le titre de recueil Odes funambulesques. Ceci a retenu l’attention de Jacques Bienvenu qui s’étonne de la pratique archaïque des triolets dans le discours de nouveauté de l’une des célèbres lettres dites « du voyant ». Beaucoup de commentateurs enferment le poème dans un dégoût purement lyrique. En évitant de rappeler une énième fois une série de lectures assez sottes, le poème évoque clairement une étrange ambiance de chambrée militaire sur un bateau. Le poète se réfugie à l’arrière pour épancher sa douleur. Les mots « caporal », « troupe », « général », « pioupiesques » évoquent l’armée impériale. Le poème annonce quelque peu le bateau ivre, mais le bateau est ici le pays qui, semblant mené par les railleurs soudards de l’armée impériale, entraîne le poète empli de nausée a cherché une décision pour lui-même. Il convient de surmonter les atermoiements et de se jeter à l’eau, celle de flots qui s’identifient aisément au peuple communard à l’époque. Rimbaud se moque ici des indécisions de personnes telles qu’Izambard qui acceptent le cours des événements.

Les Assis

J’ai proposé une lecture de ce poème dans le volume d’hommage à Steve Murphy de la revue Parade sauvage. J’ai travaillé à discréditer l’anecdote verlainienne qui ramène ce poème à une simple humeur d’un moment contre un bibliothécaire. Il est vrai que ceux qui vivent sur une chaise ont de grandes chances de passer leur temps à lire, mais cette occupation est plutôt celle du public des bibliothèques et le poème a un substrat politique évident qui rend suspecte l’identification étrange proposée par Verlaine, lequel a tout l’air de vouloir détourner l’attention. Il est vrai que, tout génie qu’il est, Rimbaud a le défaut de ne pas exposer clairement ses sujets. Loin de me réjouir de cette modernité, je préfère la clarté de la poésie hugolienne sur ce point-là. Rimbaud a eu le tort de s’enferrer à composer des poèmes que lui seul comprenait spontanément. J’avais annoncé une suite à mon étude, mais je ne l’ai pas encore écrite. Mon premier article permet d’inviter le lecteur à lâcher prise avec l’anecdote du bibliothécaire, même si, éventuellement, il reste loisible d’y revenir pour cerner ce qu’elle pourrait avoir de juste. C’était un acte nécessaire pour que le lecteur s’intéresse aux enjeux réels du poème. Notre lecture prétend indiquer des intertextes précis du côté de Leconte de Lisle et de Coppée, l’important à éprouver étant l’intertexte possible de Leconte de Lisle. Notre lecture développe l’idée que Rimbaud raille ceux qui se réjouissent du second siège des Versaillais contre la Commune après le siège de Paris par les Prussiens. Nous précisons dès lors les métaphores politiques que supposent les termes clefs « sièges », « soleil » ou « blé » du poème.

Paris se repeuple

J’ai proposé de réviser l’établissement de la seconde version connue du poème L’Orgie parisienne ou Paris se repeuple dans un article publié dans le volume collectif Rimbaud « littéralement et dans tous les sens », Hommage à Gérard Martin et Alain Tourneux. Ce poème évoque le repeuplement de Paris après la Semaine sanglante, ce qui fait qu’il est légèrement antidaté dans tous les cas, puisqu’il est accompagné de la mention symbolique « Mai 1871 ». Les « Barbares » sont les communards, c’était la thèse de quelques commentateurs qu’Yves Reboul a achevée de démontrer dans son étude parue dans la revue Parade sauvage : « Barbares, boulevards et bandits ». Je prévois un article sur ce poème dans la mesure où il présente un lien intertextuel avec le sonnet Voyelles.

Les Sœurs de charité

C’est le seul poème en vers « première manière » pour lequel une lecture de référence manque. Je vais essayer de combler cette lacune sur ce blog.

« Oh ! si les cloches sont de bronze… »

J’ai plaidé l’authenticité de ce poème cité par Delahaye. Les rimbaldiens semblent l’avoir délaissé comme suspect, sans se rendre compte qu’il fallait à tout le moins que quelqu’un l’ait écrit, et ceci vaut pour d’autres fragments cités par Delahaye que nous ne recenserons pas ici, nous l’avons déjà fait dans notre « Chronologie ».

L’Homme juste

Dans une étude de 1984 qu’il ne m’a pas été loisible de consulter, Marc Ascione aurait suggéré qu’il pouvait y avoir dans ce poème une allusion à la proscription de Victor Hugo, puis, en 1985, dans un article de la revue Parade sauvage n°2, Yves Reboul a identifié « l’homme juste » en démontrant qu’il ne pouvait s’agir que de Victor Hugo. Une étude plus récente de Steve Murphy est revenue sur ce poème pour en préciser le sens et les implications métaphoriques. Je me demande comment l’ensemble des lecteurs pouvait identifier Jésus-Christ à un « Croyant très doux », puisqu’il semble que l’expression « l’homme juste » avait été perçue jusque-là comme une périphrase pour désigner celui-ci. J’ai déchiffré les vers qui étaient abusivement considérés comme illisibles sur le manuscrit, en publiant ensuite un article qui a été repris sur le blog Rimbaud ivre de Jacques Bienvenu, fac-similé à l’appui. Très précisément, j’ai d’abord lu sans aucune difficulté le manuscrit, à ma grande surprise, puis j’ai construit les arguments qui permettent de démontrer ce que les autres ne parviennent pas à lire. J’ai essayé de faire déchiffrer après coup les passages concernés par d’autres personnes. Personne n’y est parvenu, alors que je prétends n’avoir eu aucun mal. Les difficultés viennent de ce que le mot « daine » pour la femelle du daim n’est pas connu, qu’il aurait été plus châtié d’écrire « de chinois ou de daines » que « de chinois ou daines » et de ce que le lecteur du manuscrit semble peiner à séparer la collision des mots « ou » et « daines ». Le « ou » est à peine mal formé pour le reste. J’ai fait jouer des éléments différents dans ma démonstration : le fait qu’on ne trouvera pas facilement un adjectif masculin se terminant par « -aines » même en s’aidant d’un dictionnaire des rimes, les jeux métriques dont témoignent les tâtonnements du brouillon, la présence avec intertexte à la clef de la même rime chez un autre poète au même moment, etc. Cette lecture est souvent déformée (« d’aines », « de daines »,…) lors des recensions (quand recension il y a) et rabaissée au rang d’hypothèse, comme si la décision avait été prise de l’illisibilité à tout prix. Des gens à qui j’ai proposé l’exercice du déchiffrement et qui partent visiblement du principe que je ne suis rien sur la scène publique m’ont répondu que je croyais avoir déchiffré ce vers, philosophant sur les certitudes qui ne reviennent qu’à soi. C’est assez consternant. Il est vrai qu’il nous manque toujours les vingt premiers vers du poème, alors pourquoi s’intéresser au déchiffrement de trois syllabes ?… Quelqu’un m’a même écrit que ce déchiffrement n’expliquait pas le poème pour autant, ce qui est assez cocasse.

Les Premières communions

Plusieurs études intéressantes au sujet de ce poème, notamment de la part de Benoît de Cornulier, Steve Murphy et Jean-Pierre Chambon. Il me faudra en présenter une synthèse.

Ce qu’on dit au Poète à propos de fleurs

Une étude intéressante de Steve Murphy dans son livre Stratégie de Rimbaud. Jacques Bienvenu a proposé une thèse stimulante à ce sujet et en a développé des éléments convaincants dans plusieurs articles, dont un intitulé « Ce qu’on dit aux poètes à propos de rimes ». Il me faudra produire une synthèse pour ce long poème également, surtout dans la mesure de mes rapprochements avec le sonnet Voyelles.

[Contributions à l’Album zutique]

Sonnet du Trou du Cul (L’Idole)

Parodie à deux (Verlaine et Rimbaud) du recueil L’Idole d’Albert Mérat. Les lectures de référence sont celles de Steve Murphy et, plus récentes, de Philippe Rocher, lequel multiplie toutefois le relevé de calembours qui ne sont pas automatiquement des jeux de mots volontaires de la part des auteurs, mais une sorte de jeu avec le poème qui nous est offert pour en développer les implications à la lecture. Dans un article paru dans la revue Europe en 2009, j’ai moi-même touché un mot du positionnement des deux auteurs Rimbaud et Verlaine par rapport à leur cible Albert Mérat dont les rimbaldiens disent gratuitement qu’il a fui le cercle du zutisme puisqu’il n’a pas écrit dans l’Album, alors que sa présence est évoquée à plusieurs reprises par les autres intervenants, mais en considérant encore que ce sonnet était plutôt antérieur aux moqueries de Mérat sur l’homosexualité de Rimbaud et Verlaine que l’inverse, dans la mesure où il s’agissait d’une invention des premiers temps d’arrivée de Rimbaud à Paris. J’ai souligné par l’étude des transcriptions qu’il s’agissait du second poème retranscrit dans l’Album.

Lys

La lecture de référence est mienne. J’ai identifié les passages justifiant qu’il s’agissait d’une parodie d’Armand Silvestre.

« J’occupais un wagon… »

Steve Murphy a proposé un déchiffrement obscène très peu naturel de ce poème auquel je ne saurais souscrire. J’ai proposé une lecture fondée sur une comparaison avec un dizain antérieur de Verlaine sur le blog Rimbaud ivre.

« Je préfère sans doute… »

Je prévois un article sur les réécritures de François Coppée dans l’œuvre de Rimbaud, je proposerai alors une lecture de ce dizain, Jean-Luc Steinmetz ayant identifié le diacre dont il est question dans le texte.

« L’Humanité chaussait le vaste enfant Progrès. »

J’ai identifié plusieurs vers de Ricard qui justifiaient que ce monostiche lui soit faussement attribué. Je développerai ce point ultérieurement. Le principal vers approchant que j’ai pu découvrir a été cité dans l’édition de la Pléiade en 2009, dans la mesure où je l’avais communiqué.

Vu à Rome

La lecture de référence est mienne, je l’ai donnée, tardivement par rapport à d’autres de mes analyses concernant l’Album zutique, sur le blog Rimbaud ivre. J’ai identifié les intertextes dans l’œuvre de Léon Dierx et j’ai souligné la très probable allusion croisée à un poème du Reliquaire de François Coppée.

Fête galante

Il existe quelques articles sur ce poème qui ne semble pas poser de problème de compréhension particulier.

Jeune goinfre

La lecture de référence a été donnée par Steve Murphy dans la revue Rimbaud vivant. Son étude a été reprise dans le volume du même auteur Stratégie de Rimbaud. L’intertexte de Louis Ratisbonne a alors été identifié.

Paris

Nous notons deux articles de référence, un de Steve Murphy dans son livre Stratégie de la Commune et un autre d’Yves Reboul repris dans son livre Rimbaud dans son temps.

Cocher ivre

Il n’existe pas d’étude de référence quant à ce poème. Nous avons toutefois indiqué la raison « zutique » de la présence abondante de sonnets en vers d’une syllabe dans l’Album zutique. Voir notre article « A propos de l’Album zutique » dans un numéro spécial Rimbaud de la revue Europe en 2009.

Vieux de la vieille !

Le texte d’annotation dans l’édition de la Pléiade en 2009 vient de moi. J’ai découvert les citations composant ce poème dans le recueil Poésies guerrières de Belmontet. L’étude de référence que j’ai publiée figure dans un numéro de la revue Histoires littéraires que je ne possède pas.

Etat de siège

Je reviendrai sur ce poème dans un article sur Coppée et Rimbaud.

Le Balai

Même remarque que pour le poème précédent. Bernard Teyssèdre a proposé, dans son livre Rimbaud et le foutoir zutique, de commenter le point le plus énigmatique de ce poème à la lumière du sonnet de Verlaine et Valade La Mort des cochons qui figure à proximité. Les « sœurs mortes » seraient les « règles éteintes ».

Exil

Steve Murphy a proposé une étude de ce poème et j’ai rassemblé des extraits de presse à son sujet, on verra plus tard.

L’Angelot maudit

Steve Murphy et Benoît de Cornulier ont proposé des lectures importantes de ce poème dans le volume collectif La Poésie jubilatoire. J’ai pu identifier la réécriture d’un vers du poème L’Heure du berger de Verlaine.

« Aux livres de chevet… »

Il convient désormais de se reporter à mon article publié sur le blog Rimbaud ivre « Du nouveau sur l’Album zutique : en parcourant Le Moniteur universel ». Une étude plus poussée suivra.

Hypotyposes saturniennes ex Belmontet

J’ai identifié les passages cités dans l’œuvre de Belmontet et la notice même dans l’édition de la Pléiade en 2009 est de moi. La lecture de référence se trouve dans un numéro de la revue Histoires littéraires. Bernard Teyssèdre a voulu refaire cette étude, mais il a tort sur les points sur lesquels il décide de diverger, notamment quand il croit que Rimbaud a plutôt lu le recueil Les Nombres d’or qu’un exemplaire plus récent et plus disponible des Lumières de la vie.

Les Remembrances du vieillard idiot

Michael Pakenham a souligné l’importance du poème Angelus comme intertexte, j’ai souligné celle de la nouvelle de Coppée Ce qu’on prend pour une vocation et Bernard Teyssèdre a pris en considération un long poème avoisinant de Cabaner. Je reviendrai sur ce texte. Une étude de Steve Murphy peut retenir également l’attention.

Ressouvenir

Une rime vient d’un poème de Coppée, sauf que nous ignorons où le poème de Coppée a pu être publié avant que Rimbaud ne compose sa parodie. Une lecture a été proposée par Steve Murphy et notre étude sur Belmontet dans la revue Histoires littéraires nous est l’occasion d’un autre rapprochement.

Le Bateau ivre

La lecture de référence est nôtre. Il s’agit de l’article Trajectoire du Bateau ivre paru dans la revue Parade sauvage n°22. Un complément est apporté par l’article Ecarts métriques d’un Bateau ivre publié dans les Cahiers du centre d’études métriques de Nantes, article très particulier qui est consultable sur internet et qui est aussi une histoire globale de la versification française et une histoire de l’alexandrin rimbaldien. De nouveaux éléments ont été signalés à l’attention dans l’article du blog Rimbaud ivre : « Du nouveau sur l’Album zutique : en parcourant Le Moniteur universel ». Je ne suis pas d’accord avec la lecture proposée par Steve Murphy dans la continuité de mon article, alors inédit, de 2006. Je proposerai bientôt sur le blog une synthèse aussi claire que possible de mes apports au sujet du Bateau ivre.

Les Douaniers

L’étude de référence est celle d’Yves Reboul dans son livre Rimbaud dans son temps. Nous allons y revenir.

Oraison du soir

Plusieurs articles sur ce sonnet, mais nous proposerons sur ce blog notre propre commentaire.

Les Chercheuses de poux

Deux études à conseiller sur ce poème, celle de Steve Murphy dans son livre Le Premier Rimbaud ou l’apprentissage de la subversion et celle d’Yves Reboul (Rimbaud dans son temps), lequel minimise toutefois certains aspects comme l’intertexte de Catulle Mendès.

Les « Immondes » (titre apocryphe Stupra)

J’y reviendrai.

Voyelles

La lecture de référence est mienne, je vais revenir abondamment sur ce poème dans les articles à venir du blog, sachant que des études sur des poèmes tels que Paris se repeuple, Ce qu’on dit au Poète à propos de fleurs et Les Mains de Jeanne-Marie auront pour fonction de participer à la compréhension du sonnet Voyelles auprès des lecteurs.

« L’Etoile a pleuré rose… »

L’étude de référence est celle d’Yves Reboul qui l’a publiée dans la revue Rimbaud vivant, puis reprise dans son livre Rimbaud dans son temps.

Tête de faune

Je vais donner ma lecture sur ce blog.

Vers pour les lieux

J’y reviendrai.

Les Mains de Jeanne-Marie

Les deux lectures de référence viennent de Steve Murphy (Rimbaud et la Commune) et Yves Reboul (article repris dans Rimbaud dans son temps). Je vais proposer une étude qui partira de la relecture de ces deux articles.

Les Corbeaux

La lecture de référence est nôtre, mais elle s’étale sur plusieurs articles. Le premier a été publié dans la revue Rimbaud vivant, les autres figurent sur le blog Rimbaud ivre.