vendredi 26 juillet 2013

A propos des Mains de Jeanne-Marie (première partie)



Les deux études clefs sur le poème Les Mains de Jeanne-Marie viennent d’Yves Reboul et de Steve Murphy. Je n’ai jamais eu accès à la thèse de Steve Murphy de 1986, je ne connais que l’article publié dans son livre récent Rimbaud et la Commune paru en 2010. Il s’agit du chapitre 14 intitulé : « Une place au soleil : Les Mains de Jeanne-Marie ». L’étude va de la page 613 à la page 710. Elle est prolongée par dix autres pages d’appendice. L’article d’Yves Reboul a été publié vers 1991 ou 1994 plutôt. J’ai eu le volume entre les mains, je dois avoir les photocopies dans ce que j’ai empilé dans des caisses. Mais, son article, visiblement peu retouché, a été publié à nouveau dans son livre récent Rimbaud dans son temps paru en 2009, dans la même collection éditoriale des Classiques Garnier (Etudes rimbaldiennes) que le livre de Murphy un an plus tard. L’article d’Yves Reboul qui s’intitule « Jeanne-Marie la sorcière » et qui ne compte que 16 pages cette fois s’appuie sur l’étude de Steve Murphy de 1986 pour la critiquer et proposer une solution. En retour, l’article récent de Steve Murphy réagit face aux critiques en contestant partiellement le cœur de l’argumentation qui lui a été opposée. Mais, au-delà des divergences entre les deux auteurs, je considère que les deux études ne tiennent pas suffisamment compte de la construction symbolique du poème.
Il est acquis que le poème est un hommage aux femmes de la Commune, même si on peut remarquer que Jeanne-Marie est présentée comme une personne unique. Il va de soi que la date de composition indiquée sur le manuscrit par Verlaine est fiable : « Fév. 72 ». Le poème fait allusion clairement aux nombreux procès des pétroleuses qui débutèrent vers octobre, et à celui de Louise Michel en décembre. Mais je crois que cette justification à la création du poème est insuffisante. Rimbaud décrit physiquement les mains de Jeanne-Marie en insufflant un souffle moral et épique à cette vision. Il s’agit plutôt selon moi d’une réponse à la fois aux procès faits par les vainqueurs et surtout à la presse qui dressait un portrait terrible de ses pétroleuses. Je n’ai pas pu photocopier tout ce que j’ai trouvé comme articles sur le sujet dans la presse. Les numérisations sur internet coûtent cher. A la Bibliothèque Nationale, elles sont d’une mauvaise qualité incroyable en ce qui concerne les microfilms et on se défausse sur l’organisme privé qui fournit le matériel, sauf que, si ce n’était la courtoisie, on ferait bien sentir que la responsabilité du choix du fournisseur privé est alors lui aussi en cause. Je n’ai par ailleurs aucune influence sur Gallica où je relève la mise à disposition des internautes d’une « moitié » seulement de la collection du périodique Le Monde illustré, mais mes demandes réitérées pour obtenir la mise en ligne des autres volumes n’ont pas abouti. En effet, les journaux hebdomadaires sont reliés en tomes de six mois, mais, année par année, vous ne pouvez consulter sur Gallica que les journaux des six premiers mois, ou bien ceux des six derniers mois. Certaines années manquent à l’appel. Pour un rimbaldien, vous ne pouvez pas consulter les exemplaires qui vont de juillet 1871 à juin 1873 inclus, ce qui correspond à la période la plus intéressante et ce qui nous prive de deux ans d’information. Pourtant, c’est dans la presse que nous obtiendrons des éléments intéressants susceptibles d’éclairer les intentions du poète. En tête de son chapitre sur Les Mains de Jeanne-Marie, Steve Murphy donne avec raison un article de jeunesse d’Emile Zola qui décrivait sans la moindre sympathie les pétroleuses comme des furies. Cette déshumanisation est essentielle. Mais on va comprendre ici que le travail du chercheur rimbaldien ne peut se faire en un jour et qu’il faut réellement aller fouiller la presse de l’époque pour rendre plus nettement compréhensible la réplique poétique offerte par Rimbaud. Je compte un jour reprendre mon travail de synthèse à partir d’un dépouillement systématique de la presse, mais je vais montrer ici un document que je trouve remarquablement significatif de l’opposition clef que suppose le poème de Rimbaud entre les pétroleuses et les femmes pleines de blancs et de carmins. Car la description repoussante des pétroleuses n’est pas née d’une horreur soudaine liée à la Commune. Ce mépris a un soubassement culturel qui veut que les femmes du peuple ne soient pas vraiment des femmes, même si ceux qui emploient ces images de répugnance n’en ont pas toujours conscience. Voici le document relativement accessible qu’il me paraît intéressant de présenter. Il s’agit d’un extrait du livre Physiologie du mariage de Balzac. Personnellement, je n’ai jamais trouvé pertinent Balzac dans toutes les grandes considérations qui parsèment son œuvre pourtant saisissante. Le second degré n’est pas absent du passage concerné de toute façon, et donc il exclut brutalement la plupart des femmes du genre femme, comme suit (soulignements nôtres) :

Pour nous et pour ceux auxquels ce livre est destiné, une femme est une variété rare dans le genre humain, et dont voici les principaux caractères physiologiques.
Cette espèce est due aux soins particuliers que les hommes ont pu donner à sa culture, grâce à la puissance de l’or et à la chaleur morale de la civilisation. Elle se reconnaît généralement à la blancheur, à la finesse, à la douceur de la peau. Son penchant la porte à une exquise propreté. Ses doigts ont horreur de rencontrer autre chose que des objets doux, moelleux, parfumés. Comme l’hermine, elle meurt quelquefois de douleur de voir souiller sa blanche tunique. Elle aime à lisser ses cheveux, à leur faire exhaler des odeurs enivrantes, à brosser ses ongles roses, à les couper en amandes, à baigner souvent ses membres délicats. […] Sa voix est d’une douceur pénétrante, ses mouvements sont gracieux. […] Elle ne s’adonne à aucun travail pénible ; et, cependant, malgré sa faiblesse apparente, il y a des fardeaux qu’elle sait porter et remuer avec une aisance miraculeuse. Elle fuit l’éclat du soleil et s’en préserve par d’ingénieux moyens. […] Aimer est sa religion : elle ne pense qu’à plaire à celui qu’elle aime. […]
Ces traits, pris à l’aventure entre mille, se retrouvent-ils en ces créatures dont les mains sont noires comme celles des singes, et la peau tannée comme les vieux parchemins d’un olim, dont le visage est brûlé par le soleil, et le cou ridé comme celui des dindons ; qui sont couvertes de haillons, dont la voix est rauque, l’intelligence nulle, l’odeur insupportable, qui ne songent qu’à la huche au pain, qui sont incessamment courbées vers la terre, qui piochent, qui hersent, qui fanent, glanent, moissonnent, pétrissent le pain, teillent du chanvre ; qui, pêle-mêle avec des bestiaux, des enfants et des hommes, habitent des trous à peine couverts de paille ; auxquelles enfin il importe peu d’où pleuvent les enfants ? […]

Nous pourrions citer un plus long extrait et commenter, mais, bref, il y a donc une idéologie de la femme en tant que femme qui éclaire la réaction de Rimbaud, lequel n’a pas choisi de symboliser sa Jeanne-Marie par n’importe quel élément féminin, il n’a pas choisi le sein par exemple, non il a choisi les mains. Les mains peuvent identifier une femme parmi les femmes, et Rimbaud prend le parti des femmes aux mains tannées par le soleil pour les opposer à celles qui conservent leur blancheur et qui se maquillent. Et ce fait essentiel est d’autant plus passé inaperçu des lecteurs que lorsqu’il est question de Juana les commentateurs parlent volontiers du cliché des « blanches mains » du poème Don Paez de Musset. Non, Jeanne-Marie a des « mains sombres », et des « mains fortes » qui plus est, deux caractéristiques qui la différencient de la femme distinguée, deux caractéristiques qui l’excluent même de la féminité. Elles ont une troisième caractéristique qui est la « pâleur », une pâleur qui ne sera pas l’opposé, le contraire, de la main sombre. Rimbaud pose clairement la coexistence des deux dans son premier quatrain, et nous reviendrons sur la double répétition significative : « pâles », « pâli » et « bruni », « brunit ». Or, si Yves Reboul a raison de signaler que la série interrogative s’interrompt une première fois pour céder la place à une affirmation de ce que sont les mains de Jeanne-Marie aux vers 15-16 : « C’est le sang noir des belladones / Qui dans leur paume éclate et dort », avant de repartir sur des interrogations d’un type différent, il me semble qu’il faut insister sur le fait que les trois premiers vers sont eux aussi une affirmation de ce que sont les mains de Jeanne-Marie.
Les trois premiers vers forment une phrase déclarative bien ponctuée par un simple point.

Jeanne-Marie a des mains fortes,
Mains sombres que l’été tanna,
Mains pâles comme des mains mortes.

Le poème s’ouvre par une déclaration. Jeanne-Marie a des mains qui ont trois qualités, dont deux paraissent peu féminines et la troisième inquiétante. La cause de la deuxième qualité est attribuée à l’effet du soleil. Tel est le texte et nous ne suivrons pas l’idée d’Yves Reboul qui croit voir une allusion à l’été de 1871 que ces mains de femmes auraient vécu sur les pontons. Le cumul des étés a tanné ces mains, c’est tout. La raison des mains pâles comme des mains fortes n’est pas donnée. Quant à la série interrogative, même si le premier quatrain se termine par un point d’interrogation, elle ne débute qu’au quatrième vers.

– Sont-ce des mains de Juana ?

L’idée est donc que cet ensemble de qualités passera pour le propre d’une femme espagnole populaire qui pourrait se nommer Juana, ce qui n’est pas dit par Yves Reboul et Steve Murphy malgré leurs réserves envers les travaux des prédécesseurs. Oui, Steve Murphy a raison de faire observer que Rimbaud ne dit pas que Juana possède de « blanches mains » dans son poème. L’allusion au poncif de Musset n’est pas justifiée. Mais ce qu’il faut poser, c’est que les mains tannées sont identifiées comme espagnoles, andalouses. On peut alors envisager une pique à l’égard d’écrivains tels que Gautier, qui, dans leur exotisme, célèbre des andalouses aux cheveux noirs de jais, à l’œil noir, mais aux petits pieds blancs. Mais surtout on comprend que les interrogations des vers 4 à 14 essaient d’expliquer la déclaration des vers 1 à 3, comme les interrogations des vers 17 à 24 sont à leur tour autant de sollicitations pour éclairer la déclaration des vers 15-16 :

C’est le sang noir des belladones
Qui dans leur paume éclate et dort.

En réalité, le poème dans son premier mouvement de six quatrains expose un petit nombre de caractéristiques de ces mains, caractéristiques qui interpellent et qui soulèvent un certain nombre de questions. Les vers 15-16 nous apportent de nouvelles informations. Le « sang noir des belladones » coule dans les veines de telles femmes. Et ce sang est menaçant, puisqu’il a un éclat qui compense la pâleur mortelle annoncée au vers 2 et puisque ce sang suppose une énergie latente qu’exprime clairement la postposition de « dort » à « éclate » au plan de la coordination verbale.
Ce jeu entre cinq vers d’affirmations et 19 autres d’interrogations, c’est ce qui forme la première partie du poème. La deuxième partie du poème est plus longue. La version manuscrite autographe compte 13 quatrains, donc nous avions une bipartition équilibrée de six contre sept quatrains. Vraisemblablement, ce que Verlaine ajoute a reçu l’aval de Rimbaud. Le poème a été remanié et allongé de trois quatrains, à quoi ajouter une variante qui bizarrement ne prime pas dans les éditions du poème. Mais, donc le poème compte désormais 13 quatrains, et cette fois nous avons un déséquilibre entre une première partie de six quatrains et une seconde d’une dizaine de quatrains. Selon Steve Murphy, après une suite d’interrogations rhétoriques, le poète déclare ce que ne sont pas les mains de Jeanne-Marie. Nous aurions l’opposition entre la tournure interrogative « Sont-ce… » et la tournure déclarative négative « Ce ne sont pas… » Le problème, c’est que la strophe qui débute effectivement par « Ce ne sont pas… », non seulement ne fait pas immédiatement suite au dernier quatrain d’interrogations, mais fait partie des trois ajoutées par Verlaine et donc absentes de la version autographe. Du coup, il faut reporter son attention sur le septième quatrain qui débute ainsi : « Ces mains n’ont pas vendu… » Le verbe « être » n’apparaît pas ici, mais l’auxiliaire « avoir » dans une forme composée du verbe « vendre ». Quant au quatrain « Ce sont des ployeuses d’échines… », il a une forme affirmative et non pas négative. Dans cette mesure-là, il me semble plutôt que les formes négatives des quatrains marquent l’expression d’une révolte qui dit déjà ce que sont ces « mains » de femmes révolutionnaires, puisque lorsque surgi le tour déclaratif affirmatif c’est pour poser des femmes casseuses ou ployeuses d’échines. Et au quatrain suivant, comme Yves Reboul a pu insister sur le relief important des vers 15-16 où il est question du « sang noir des belladones », nous avons deux vers qui donnent le sens profond du poème :

Leur chair chante des Marseillaises
Et jamais les Eleisons !

(Lire « ele-isons » avec une diérèse)

Dès lors, toute la fin du poème est relativement claire comparée aux images opaques qui se sont accumulées jusque-là. Le poète énonce clairement que ces femmes ne se laissent pas dominer, mais qu’elles dominent elles-mêmes. L’expression « ployeuses d’échine » avait quelque chose d’un calembour. Elles ne ploient pas l’échine, elles les font ployer, et Rimbaud a préféré l’idée qu’il ne s’agissait pas de renverser les rôles, mais de casser l’échine à ceux qui la font ployer aux autres.  Ces mains fortes deviennent celles de machines et cheval, car elles changent le monde par une révolution. Les pétroleuses étaient présentées comme des bêtes féroces. Rimbaud refuse de leur faire assumer une telle violence. Tout en étant présentée comme porteuses d’une violence révolutionnaires, non directement ces femmes, mais ces mains qui agissent « ne font jamais mal », ce qui a une signification morale dégagée par les articles de Reboul et Murphy, mais aussi malgré tout une signification physique, elles ne sont par leur Révolte des pourvoyeuses de douleur. L’agression sur les femmes nobles ou distinguées qu’un rejet d’un vers sur l’autre traduit en « Femmes / Mauvaises » est présentée au conditionnel « ça serrerait », « ça broierait ». L’opposition est alors de « mains qui ne font jamais mal » à des « mains infâmes » dont l’extrait de Balzac si nous l’avions cité plus longuement montrerait assez la position abusive qui peut leur être attribuée. Deux vers de violence semblent toutefois demeurer implacables :

L’éclat de ces mains amoureuses
Tourne le crâne des brebis !

Ces deux vers peuvent poursuivre l’opposition des Marseillaises (« mains amoureuses ») aux « eleisons » (« brebis ») en prêtant la valeur d’amour à la Révolution et non à la charité chrétienne : « eleison » étant l’expression que nous traduisons par « prends pitié » dans la liturgie de la messe. On peut penser aussi que le fait de tourner le crâne consiste aussi à avoir un effet de meneuses sur les masses. C’est à partir de là que le poète, qui a déjà salué la force de ces mains plus fortes que machines ou cheval, va donner une explication de leur aspect sombre comme de leur pâleur. Nous savions que ces mains étaient sombres par l’effet du soleil, mais le soleil devient le facteur d’amour qui donne une distinction nouvelle à ces femmes qui n’étant pas des quartiers distingués (pour citer Les Pauvres à l’Eglise) n’en ont pas moins leur bijou, un maquillage naturel apposé par le rougeoyant soleil sur leur peau, et ce rougeoiement est associé à l’amour. Et Rimbaud d’unir la pétroleuse au « Révolté fier ». Le choix du mot péjoratif « populace » précise bien les enjeux et l’opposition d’une société divisée en deux. La pâleur avait été annoncée comme comparable à un indice de mort, et l’explication nous en rapproche. La pâleur est celle de la cause héroïque embrassée. Elles ont serré des mitrailleuses, ce qui suppose un affrontement périlleux, mais ce combat à mort est en même temps un combat de vie pour les révoltés. La pâleur a ici un sens épique que ne supposait pas encore le premier quatrain. Qui plus est, ces femmes ne sont pas mortes au combat, car les deux derniers quatrains se servent de l’idée de leur emprisonnement avec de lourdes chaînes pour créer une série d’inversions hommages.

J’interromps ici mon commentaire pour l’instant.
J’ai d’autres choses encore à dire sur ce poème.
Pour moi, Gautier est un poète exceptionnel. La saveur de sa langue est extraordinaire, plusieurs de ses poèmes sont réellement de l’orfèvrerie délicate comme délicieuse et le début du Capitaine Fracasse est d’une perfection éblouissante. Mais je ne suis pas du tout convaincu que l’immense poète Rimbaud s’en soit si bien rendu compte dans ses quelques années de pratique, et, de toute façon, je ne suis pas du tout convaincu que la parodie qu’il fait du poème Etude de mains soit un hommage dans un poème aussi politiquement incisif. Gautier n’était pas favorable aux révolutions, Rimbaud bien évidemment l’épingle, et on remarquera que sa parodie de quatrains d’octosyllabes à rimes croisées rappelle une parodie d’un modèle Chant de guerre circassien de Coppée dans un poème tout aussi impliqué dans l’actualité Chant de guerre Parisien. Je constate aussi que le mot « pandiculations » est traité étrangement. Les symptômes des pandiculations ne sont pas décrits au niveau des mains, mais cela n’est pas gênant, on peut très bien imaginer des mains dont le mouvement est lié à celui des pandiculations de toute une personne. Enfin, les pandiculations sont un terme utilisé pour désigner l’hystérie féminine, ce que, selon Steve Murphy, Rimbaud ne peut pas avoir employé dans un hommage à la pétroleuse type. Mais, le mot n’est pas pris en charge ainsi, puisqu’il s’inscrit dans une interrogation rhétorique laissée en suspens. Surtout, l’allusion à l’hystérie est tout à fait pertinente dans le contexte du quatrain qui réécrit parodiquement l’expression « rêves d’impossibilités » du modèle de Gautier. Cette femme apparemment hystérique est-elle tournée vers la religion chrétienne ou bien vers la Perse ? C’est le sens littéral du poème rimbaldien et je ne vois pas en quoi cela pose problème.
Quant à Khengavar, Yves Reboul nous dit qu’il n’est pas la peine de chercher à identifier cette ville qui a une consonance perse, tandis que Steve Murphy propose un appendice à son sujet, où il est vrai que la ville est correctement identifiée. La ville est tout simplement celle de Kingavar en Perse, pas très loin de Bagdad. L’orthographe des noms exotiques variait beaucoup et à l’instar de Leconte de Lisle (sans parler du pluriel) Rimbaud n’a fait qu’ajouter un « h » à la transcription « Kengavar » qui était courante à son époque. Rien là d’illisible et d’énigmatique. La ville était nettement identifiable et elle l’est encore aujourd’hui, d’autant que les vers impliquent clairement qu’il s’agit d’une identification culturelle peu compliquée. Enfin, certains critiques plus anciens ont malgré tout cru que cette ville qu’ils n’arrivaient pas à identifier, je ne sais pas comment ils ont pu être aussi incompétents, c’était un nom de pure poésie car ils se sentaient libérés de toute référence. Mais la consonance d’un nom est toujours de l’ordre de la connotation et de la référence culturelle dans tous les cas. Rendre un mot plus vague peut le rendre plus général, moins précis, il n’en est pas moins chargé de connotations possibles. Mais ici ce n’est même pas le débat comme pour les noms inventés par Musset et Hugo : Olossone (de mémoire) et Jérimadeth. Rimbaud parle bien de la ville de Kingavar.
Et bien sûr j’entends encore parler « des diptères dont bombinent les bleuisons aurorales ». Un rapprochement avec Voyelles est en jeu.

A suivre…

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