lundi 21 décembre 2015

Racine, Camus et Prochainement

J'ai probablement perdu pas mal de fichiers sur mon ordinateur et j'ai perdu quantité de livres sur Rimbaud. Je vais néanmoins reprendre la publication sur ce blog. J'envisage de publier un article sur le poème Mémoire. Ayant perdu ma collection quasi intégrale de numéros de la revue Parade sauvage, j'ai acheté le seul qui me manquait, le numéro 24.
Il contient une série importante d'articles sur le poème Mémoire.
L'article de Philippe Rocher est le plus proche de ma lecture du poème. Celui de revue historique des études du poème Mémoire par Alain Bardel est plus accessoire, mais j'ai perdu toutes mes photocopies des articles en anglais sur ce poème. Je ne les avais jamais encore étudiées malheureusement. Il y a aussi une étude importante de Cornulier et une plus contestable de Marc Dominicy.
Je vais revenir sur tout cela je pense, d'autant que j'ai mon mot à dire sur et la métrique du poème et l'évidente liaision de la lecture au fait récent de la Commune et tout particulièrement à deux poèmes tels que Le Bateau ivre et Voyelles.
 
Ayant travaillé sur la tragédie Phèdre de Racine, je me demande si je ne vais pas glisser une petite mise au point sur ce blog même en m'appuyant sur la citation de Rimbaud. J'ai remarqué que les commentateurs de Phèdre ne relèvent que cinq scènes d'aveux dans la pièce et ils parlent alors d'actes des aveux pour les deux seuls premiers actes. On sait que Thésée n'entre en scène qu'au milieu de la pièce, annoncé qu'il est par Oenone précisément au vers 827 d'une pièce qui en compte 1654. On considère qu'ensuite ce sont les silences et la calomnie qui conduisent Hippolyte à sa perte : silences de Phèdre, d'Aricie et d'Hippolyte lui-même.
Ceci dit, il y a tout de même un sixième aveu dans la pièce, lequel a une importance capitale : Hippolyte avoue à son père que malgré l'interdit Aricie a son cœur. IL s'agit ainsi sur les six aveux de l'unique aveu assumé devant le père et ironie de l'histoire il ne sera pas pris au sérieux par Thésée, en revanche il sera relayé auprès de Phèdre ce qui précipitera la perte d'Hippolyte, Phèdre réagissant par un silence de stupéfaction jalouse au moment où elle allait l'innocenter.
Aucun commentateur de Phèdre ne relève non plus les liens de Phèdre avec Le Cid de Corneille, alors que je pense que le récit de Théramène est un pendant au récit de Rodrigue des exploits qu'il a accomplis dans le port de Séville. Mais surtout, deux fois, Hippolyte avoue son amour devant Théramène puis Aricie quand on lui parle de "haine" et une de ses répliques est une évidente allusion au "Va, je ne te hais point" de Chimène, ce qu'aucun commentaire ne relève jamais apparemment.
 
Pour ce qui est de Camus, il y aurait beaucoup à dire, je pense en effet que le roman est artificiel et intenable en partie, mais bon j'essaie de jouer le jeu, je rendrai compte de tout cela ultérieurement, mais là encore dans tout ce que j'ai lu je n'ai jamais constaté une observation de bon sens sur la phrase finale du roman. En gros, pour que tout soit consommé, il souhaite être accueilli devant la guillotine par une foule importante qui poussera des cris de haine. Pour moi, cela le définit donc alors définitivement comme un "étranger". Etrangement, aucun commentaire ne fixe cette évidence, d'autant que les commentaires parlent d'une évolution de Meursault, ce que je trouve très discutable. IL n'est qu'apaisé après une colère encore toute récente. Cette histoire d'évolution ne tient pas la route. Je n'ai jamais vu qu'une grosse colère suivie d'un retour en calme permettait de parler de transformation d'un personnage, ça ne tient pas la route.
A bientôt. 

mardi 1 décembre 2015

L'enfant et l'aube, midi et l'homme

Tout a commencé par mes recherches sur l'oeuvre d'Albert Camus, puisque j'ai découvert la vidéo suivante qui malgré certaines maladresses m'a intéressé. Ce qui est dit par son auteur Jonathan Baillehache sur le sentiment de l'absurde dans ce roman de Camus me paraît la plupart du temps soit une réflexion circulaire tautologique qui n'arrive pas à se saisir de son objet, soit une affirmation péremptoire non argumentée et sans définition de départ. Mais c'est mieux que rien, cela fait travailler ma réflexion personnelle.


Mais, du coup, j'ai cherché à connaître les autres vidéos de cet intervenant et j'ai d'ailleurs pu remarquer qu'il avait deux comptes youtube distincts, avec des vidéos distinctes.

Il y a un compte " Jonathan Baillehache " avec 14 vidéos. Certaines vidéos sont celles de divers professeurs américains de français : une sur un poème d'Hugo intitulée "L'Ombre", une sur Camara Laye et le roman L'Enfant noir, une intitulée Gil Blas Voltaire qui commence par une analyse du roman de Lesage, une sur Marie de France, et aussi un autre commentaire sur L'Etranger d'Albert Camus, mais par un certain Krell cette fois. Plusieurs autres vidéos sont des commentaires littéraires de Jonathan Baillehache lui-même. Outre L'Etranger de Camus, il y en a une sur Molière, une autre sur La Fontaine, une sur Ronsard, et enfin une sur "Aube" de Rimbaud.
Et je vais y revenir. Mais je signale à l'attention l'autre compte de cet intervenant universitaire.
Le compte porte le même nom " Jonathan Baillehache ", mais pour tomber sur ces autres vidéos je vous conseille de chercher ce nom et ce prénom sur youtube qui vous proposera alors les deux comptes. Ce second compte comporte 47 vidéos et semble abandonné depuis un ans. J'ai un peu survolé tout cela et l'auteur explique dans de premières mises en ligne son projet, puis on a une série de vidéos sur Mallarmé, Proust, Heidsieck (poète français contemporain) et Samuel Beckett.
Revenons maintenant sur la vidéo consacrée à Rimbaud. Elle s'intitule " Rimbaud " mais porte sur le poème " Aube " et elle a une belle problématique : qu'est-ce qui fait qu'un poète en adoptant les seules conventions de la prose fasse malgré tout de la poésie ?


L'intervenant veut nous montrer que le poète dérègle les exigences de la prose et il semble définir la poésie par le décalage avec les conventions du discours, ce qui ne saurait nous satisfaire pleinement.
Il est également assez frappant de voir que introduisant une lecture à haute voix du poème l'intervenant l'intitule " Aube d'été ", erreur qu'il ne commet pas à l'écrit.
Il définit paragraphe par paragraphe la progression de l'action en justifiant une lecture linéaire et revient classiquement sur le parallélisme bien connu de la première et de la dernière ligne dont les huit syllabes communes semblent inviter à y reconnaître un retour circulaire de vers à vers. Ici se confond peut-être un peu sommairement l'idée du vers et l'effet de bouclage du poème quand la dernière ligne invite à relire la première ligne du texte.
L'auteur passe ensuite aux temps verbaux employés. Il va opposer le passé simple au passé composé, et il effectue quelques rappels scolaires. Le passé simple est un temps coupé du présent, alors que le passé composé établit un lien avec le présent. En adoptant une approche empirique, on apprend aux élèves, à l'école primaire, que ce qui est dit au passé composé devient vrai tout le temps, est vrai maintenant. Hier, faisais-tu ou fis-tu tes devoirs ? Oui. Hier, as-tu fait tes devoirs ? Oui, je les ai faits, oui j'ai fini. Au collège, on revient assez peu sur l'opposition entre passé simple et passé composé. On privilégie alors l'opposition entre imparfait (pour une action en cours, indéterminée dans sa durée) et passé simple (pour une action qui va du début à la fin, temps qu'on devrait appeler comme Proust le "passé défini"). De cet unique élément d'opposition entre le passé simple et l'imparfait, ressortent des tendances d'emploi que le collégien étudie par coeur. Le passé simple correspond plutôt à une action brève, l'imparfait a une action qui dure. Le passé simple correspond plutôt à une suite rapide d'actions (Il entra dans une banque, braqua un guichetier, lui mit un sac dans la main, demanda l'argent, tira en l'air et partit), l'imparfait à des actions habituelles, qui se répètent (il entrait dans une banque, braquait un guichetier, lui mettait un sac dans la main, demandait l'argent, tirait en l'air et partait, résumé de la vie d'un brigand). Le passé simple correspond plutôt au premier plan de l'action principale, l'imparfait à l'arrière-plan. Le passé simple correspond plutôt au récit pour l'action, l'imparfait à la description. Ce système d'opposition sur quatre variable n'a rien d'absolu, ainsi de la formule conclusive des contes : "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants", où le passé simple est employé pour une action qui dure. C'est ici pour d'autres raisons qu'on privilégie le côté net et sans bavure du passé simple. L'opposition fondamentale est celle d'un passé indéterminé à un passé défini. Ce qui est défini ou indéterminé, c'est le début ou la fin de l'action. Si quand vous êtes parti de chez vous, votre père dormait encore, peut-être dort-il encore à l'instant présent.
Ainsi, à l'indicatif, nous avons pour les temps simples un temps du présent, l'indicatif présent, un temps du futur, l'indicatif futur simple, et deux temps du passé, l'imparfait et le passé simple.
Or, face à ces quatre temps simples, nous avons quatre autres temps composés : le passé composé, le plus-que-parfait, le passé antérieur et le futur antérieur.
Les temps composés reposent tous sur le même principe et ils ont tous la même valeur. Comprendre le passé composé, c'est comprendre n'importe quel temps composé. Or, la valeur fondamentale d'un temps composé, c'est d'envisager l'action comme accomplie, achevée. On apprécie le résultat. Je marche, je marchais, je marchai, l'action est décrite, j'ai marché, j'avais marché, j'eus marché, l'action a laissé sa trace. La valeur fondamentale d'accompli d'un temps composé s'accompagne d'une seconde valeur qui en procède, celle d'antériorité par rapport au temps simple correspondant.

Quand j'ai fini mes tartines, je pars à l'école
Quand j'avais fini mes tartines, je partais à l'école
Quand j'eus fini mes tartines, je partis à l'école
Quand j'aurai fini mes tartines, je partirai à l'école
J'aurais fini mes tartines, je partirais à l'école
Après avoir fini ses tartines, aller à l'école
Etc.

Au collège, il ne me semble pas qu'on revienne réellement sur l'enseignement des valeurs des temps composés. On remarque essentiellement à la marge que l'indicatif passé simple a disparu du langage courant, nous ne l'employons plus dans la vie de tous les jours : il a été remplacé par le passé composé.
Il y a en effet un point de rencontre entre ces deux temps. Le passé simple décrit une action de son début à sa fin, le passé composé décrit une action en partant de sa fin, alors que l'imparfait n'offre pas le même point d'articulation début ou fin de l'action.
Passé simple et passé composé sont deux temps verbaux aptes à rythmer la progression d'un récit apparemment. On verra plus loin que le passé simple a un meilleur rendement que le passé composé, qu'il est plus pertinent dans un récit. Mais si le passé composé a évincé le passé simple, c'est qu'il offre une relation avec le présent. Or, dans nos échanges quotidiens, quand nous parlons d'un fait passé, la plupart du temps, cela intéresse le présent. Le passé composé donne à un récit une forme de bilan ou une forme de bloc par rapport auquel se positionner moralement, etc. "Ton fils, il a cassé la porte !", etc.
En revanche, dans un texte littéraire, et à plus forte raison lorsqu'il est question d'un monde imaginaire, le conte de fées, la relation au présent du lecteur ne s'impose pas, et le passé simple a ainsi aisément survécu en tant que temps littéraire soutenu, en tant que temps verbal du passé à l'écrit. Les emplois oraux du passé simple sont rarissimes et relèvent alors de l'effet de style.
Le commentaire de Jonathan Baillehache s'appuie sur ces éléments définitoires des valeurs des temps verbaux. Toutefois, il considère comme étrange et comme un dérèglement l'emploi du passé composé et du passé simple, ce que je ne ressens pas et ce qui partant ne me convainc pas : "J'ai marché, ..., et les pierreries regardèrent."
La rencontre des deux temps verbaux dans une même phrase est-elle franchement anormale ? Je n'ai pas fait de recherches à ce sujet, mais je ne la perçois pas du tout comme un dérèglement (pardon de la citation trop voyante).
Effectivement, on peut se fonder sur cette rencontre pour observer comme le fait ce commentateur la tension entre le passé composé d'union du locuteur à son univers et le passé simple d'un univers fictionnel. Ce flou, cette superposition, cela se défend bien, mais l'étrangeté grammaticale je m'en méfie. Dans tout ce que nous avons dit plus haut sur le passé composé et le passé simple, à aucun moment n'apparaît une caractérisation telle que la cohabitation des deux temps soit exclue.
D'ailleurs, dans le roman L'Etranger d'Albert Camus, célèbre pour son emploi du passé composé, il y a des passés simples ! Et je ne crois pas que Camus ait médité le décalage des passés simples par rapport à la dominante des passés composés.
Le commentaire de l'effet de sens dans l'analyse de Baillehache reste toutefois pertinente, c'est ici le principal.
Et, puisqu'il est question du passé composé d'Albert Camus, j'en profite ici pour rappeler que sa célèbre première phrase : "Aujourd'hui, maman est morte", est au passé composé. Ici, "morte" n'est pas un adjectif comme dans "une personne morte", mais un participe passé : "il est né tel jour, il est mort tel autre", "il est mort aujourd'hui même". Pourtant, l'analyse verbe d'état suivi d'un attribut du sujet doit parfois pouvoir se défendre. Voilà un cas qui se présente dans le poème de Rimbaud : "L'eau était morte." Ici, je perçois d'emblée la structure attributive et non un indicatif plus-que-parfait. Ma lecture se fonde sur la qualité d'objet du nom "eau", "morte" étant métaphorique, et sans aucun doute sur la forme du verbe "était". Je lirais "l'eau est morte", ma lecture grammaticale serait cette fois plus hésitante.
Rimbaud n'ignorait pas les distinctions d'emploi du passé simple et du passé composé. "Après le Déluge" est au passé simple pour figer une sensation, une révélation, la prose liminaire d'Une saison en enfer est au passé composé car le bilan engage le présent de celui qui parle.
Dans L'Etranger de Camus, l'emploi du passé composé n'est d'ailleurs pas ici lié à un récit au passé : " Aujourd'hui, maman est morte", le récit est au présent. En réalité, dans le récit de Camus, le passé composé ne doit pas cacher une façon maladroite de décrire l'action présente avec un temps de retard.
Cela est sensible dans une répétition de la première page même du roman. Meursault évoque le présent, il vient de recevoir un télégramme et doit partir. Il dit : "je prendrai l'autobus à deux heures", puis poursuit ses réflexions, mais au début du troisième paragraphe il écrit : "j'ai pris l'autobus à deux heures", ce qui nous impose de penser que d'un paragraphe à l'autre, peu importe la différence entre le temps de la lecture et le temps qu'il faut pour faire les actions du récit, le narrateur a pris l'autobus. Cela crée une béance entre les phrases, puisque d'une phrase à l'autre il peut s'en passer des choses. Cela crée aussi une narration cahotée particulière. Le passé composé établit une distance avec l'action, on la considère rétrospectivement, sinon avec un temps de retard, mais du coup la progression chronologique n'est pas claire.
Fermons la parenthèse.

Reprenons le commentaire vidéo mis en lien ci-dessus du poème de Rimbaud.
L'enseignant entend désigner à l'attention d'autres dérèglements des conventions de la prose. Il propose alors une étude des déterminants définis et indéfinis qui n'a aucune chance de convaincre. L'article indéfini dit-il c'est "une, une, des", et les articles définis seront "le, la, les". Le problème, c'est qu'il existe aussi des articles partitifs et des articles contractés (préposition plus article). Or, la forme "des" qu'il présente comme un article défini est en réalité une forme contractée pour un article non pas indéfini, mais défini : "front des palais" ° front de les palais.
L'intervenant est convaincu que l'emploi de l'article défini "l'" pour "L'eau était morte" est incorrecte. Mais, en réalité, ce n'est pas l'article qui pose problème. Rimbaud n'aurait pas dû écrite "une eau était morte" pour retrouver la correction grammaticale convenable en prose. En réalité, dans le commentaire, tout ce qui reste, c'est qu'effectivement, le poète introduit sans grande précision un élément dans son poème : "l'eau du bois", 'l'eau du lac" ? Mais je ne vois pas en quoi cela remet en cause les conventions de la prose. Le commentateur essaie de donner à sa remarque stylistique une portée générale qu'elle n'a pas.
Ici, l'intervenant glisse de plus en plus sur la pente dangereuse de l'étonnement moderne devant la poésie. Dès qu'il y a de l'implicite, le lecteur a le droit de tout imaginer et ce serait ce bricolage qui serait la poésie.
Car en s'intéressant encore à la relative indétermination des pronoms, de manière invraisemblable, le critique dont j'ignore s'il est américain se permet d'envisager l'hypothèse que le "il" de la dernière ligne ne serait pas un pronom impersonnel, mais la reprise pronominale de "l'enfant".
Cette lecture complètement forcée a longtemps été le nec plus ultra de la critique littéraire au vingtième siècle. Cela domine peut-être encore aux Etats-Unis ou ailleurs dans le monde, mais il me semble qu'en France les universitaires en sont revenus depuis les années 90 sinon depuis les années 2000. C'est surtout le grand public qui reste pris dans de tels rets.
Ceci dit, la lecture de Baillehache, si insoutenable soit-elle, a le mérite accidentel de lire positivement la ligne finale du poème : l'enfant était le midi après être tombé au bas du bois avec l'aube qu'il a embrassée.
Toutes les lectures de ce poèmes sont négatives. La féerie ne serait qu'un rêve qu'évacue le midi final. J'ai immensément combattu cette lecture vaine et j'ai publié un article sur le poème dans un numéro spécial Rimbaud de la revue universitaire Littératures en 2006. J'y posais que la dernière ligne faisait partie du récit, mais que la première le dominait en en dégageant la leçon : "J'ai embrassé l'aube d'été." La conclusion est dans la première ligne, nul échec de l'illusoire ici.
Baillehache s'étonne comme beaucoup de commentateurs de l'article défini pour la mention "l'enfant". On ne sait pas qui est cet enfant. Personnellement, je n'ai aucun mal à considérer qu'il s'agit d'un glissement de "je" à "l'enfant". Il s'agit d'une modalisation tout à fait banale non explicitée : "l'enfant que j'étais". Les critiques s'acharnent à créer de l'hermétisme en refusant sinon mettant en doute les lectures qui vont de soi. Or, comme l'aube est la naissance du jour, l'enfant est la naissance de l'homme.
Et j'y reviens donc à nouveau comme j'y reviendrai sans cesse sur l'affirmation claire nette et précise que la phrase "Au réveil, il était midi" manifeste un triomphe poétique. En se saisissant de l'aube, le poète est devenu adulte et il a sublimé les potentialités de l'aube pour faire d'elle-même un soleil.


" Aube " et "Le Dormeur du val" sont deux des poèmes les plus cités, les plus aimés, les plus commentés de Rimbaud, mais tous deux souffrent d'un contresens limpidement répandu qui veut que le soleil n'ait aucune valeur symbolique supérieure. "Au réveil, il était midi", ce serait l'équivalent d'un "circulez, il n'y a rien à voir", "Il dort dans le soleil", cela s'effacerait devant l'horreur qu'on éprouve devant la guerre : "il a deux trous rouges au côté droit", comme si la note de résurrection de l'un de "ses millions de Christs aux yeux sombres et doux"n'avait pas de sens ici, comme si Rimbaud serait réduit à un indécrottable romantique jugeant mal de son oeuvre en exprimant la conviction d'une Nature berçant le corps martyr qui repose en son sein dans un bain liquide de lumière qu'accentue l'ensemble du sonnet de 1870.
Dans la série des vidéos d'enseignement sur youtube, qu'il me suffise d'évoquer ces autres exemples de commentaires du poème "Le Domreur du val" où la seule vue poétique est de dénoncer la guerre. C'est un contresens et c'est un contresens officiel qui a force de loi ! Pourquoi ?


Pour commencer à lire Rimbaud, il faut commencer par réviser ses préjugés à la lecture de deux de ses poèmes les plus célèbres. Quand ce message sera passé, je serai un peu moins désespéré.