vendredi 15 mars 2019

A qui sont les Yeux au rayonnement violet dans "Voyelles" ? Retour sur un article récent de Cornulier

Dans le volume n° 29 de la revue Parade sauvage paru en 2018, Benoît de Cornulier a publié un article d'une vingtaine de pages pour essayer d'élucider le mystère du regard qui sert de clausule au sonnet.
L'article commence par une mise au point sur l'état de la question avec une certaine ironie : il y a eu une "sorte de concours à la référence", ce qui n'a rien en soi que de très légitime, mais, comme le sonnet est lié à la tradition amoureuse, c'est un "concours Miss Voyelles" qui semble avoir primé. En effet, plusieurs lectures ont voulu voir les yeux d'une femme à la fin du sonnet "Voyelles", y compris des lectures bien récentes. Cornulier fait au passage un sort au rapprochement fréquent initié par Bouillane de Lacoste avec un vers du poème "Péristéris" de Leconte de Lisle, car cette pièce demeura longtemps une publication peu accessible dans une revue en 1862, elle n'a été incluse dans le recueil des Poëmes antiques qu'en 1874. Notons tout de même un biais restrictif dans l'approche de Cornulier. Il se moque avec raison des lectures qui n'envisagent qu'une femme aimée personnelle, mais l'idée d'identifier un éternel féminin, la Femme avec un F majuscule, n'est pas absurde en soi quant à ce poème. Il y a deux éléments qui font que l'horizon de cette lecture n'est pas vain. Le premier élément, c'est que la copie du sonnet par Verlaine est suivie de la transcription d'un quatrain sans titre qu'on sait relever du genre du madrigal, quatrain où nous avons un jeu sur une succession chromatique associée à un éternel féminin dont les parties du corps scandent toutes les fins de vers. Il y a aussi une certaine idée d'union sexuelle vers après vers, avec une pointe qui unit douloureusement l'Homme à cette Femme au dernier vers (Attention, dans ma vraie lecture personnelle, je n'identifie pas la Femme, mais la Déesse Raison Aube, etc.).

L'étoile a pleuré rose au coeur de tes oreilles,
L'infini roulé blanc de ta nuque à tes reins[,]
La mer a perlé rousse à tes mammes vermeilles
Et l'homme saigné noir à ton flanc souverain.

Le second élément, c'est un archétype romantico-Parnassien peut-on dire en songeant tout particulièrement au recueil Lèvres closes de Léon Dierx qui montre un poète s'effrayant du vide de l'univers et cherchant à retrouver l'espoir, à vaincre l'idée du néant, avec l'idée de la présence du regard féminin qui couve dans l'univers.
Je ne soutiens pas non plus ces lectures sur la Femme en tant qu'abstraction idéale exprimant les aspirations de l'homme dans "Voyelles", mais un sort rapide est en tout cas fait à toutes les lectures qui proposent l'idée d'une femme bien précise, genre, selon les dires de Delahaye et Pierquin "la mystérieuse fille au regard violet" qui aurait eu une intrigue avec Rimbaud, que rien n'atteste ou ne laisse penser vraisemblable.
Cornulier passe ensuite plus rapidement sur une autre thèse de lecture, celle qui confond les yeux de "Voyelles" avec l'anus, thèse de Claude-Edmonde Magny qui date de 1949 déjà et qui est un peu derrière les rapprochements de Bernard Teyssèdre dans son livre du Foutoir zutique quand il parle des points communs entre "Le Sonnet du Trou du Cul" et "Voyelles". Pour moi, il y a bien un lien entre "Sonnet du Trou du Cul" et "Voyelles", mais il est plutôt de l'ordre du passage du poème-blasphème au poème sur une vision spiritualisée du monde qui pourrait convenir à Rimbaud, je ne crois pas du tout à une lecture potache de "Voyelles". L'idée d'attribuer ces yeux à Verlaine est évoquée elle aussi rapidement en passant.
Enfin, Cornulier cite les lectures où ce regard est assimilé à une projection de Dieu. Mais, le critique exprime avec ironie sa réserve au sujet de l'assimilation à Dieu dans la note de bas de page correspondante, puisqu'il écrit, note 3 : "- Rimbaud étant un poète athée déclaré, les partisans de Dieu doivent compléter leur hypothèse référentielle par l'hypothèse que cette' évocation divine est purement ironique, parodique (c'est prêter à un riche). Il me semble qu'on peut se dispenser des deux hypothèses."
On le voit, c'est volontairement que Cornulier a répété lourdement à trois reprises le mot "hypothèse(s)" dans cette note de bas de page. La fin de non-recevoir est plutôt péremptoire : "Il me semble qu'on peut se dispenser..." La parenthèse ironique est problématique : "(c'est prêter à un riche)". Rimbaud étant réputé pour sa constante verve parodique, il me semble plus cohérent de montrer que la construction du sonnet "Voyelles" peut difficilement être assimilée à une pure écriture parodique, plutôt que de dire qu'on en a assez de chercher la parodie dans tout poème de Rimbaud.
La plume de Cornulier est même assez perfide dans cette courte note : l'implication de sens littéral "les partisans de Dieu" fait sourire quand on comprend que la présence de Dieu est justifiée par l'ironie antichrétienne que supposera dès lors la lecture. Pourtant, et Cornulier est obligé de l'admettre, puisqu'il va plusieurs fois reprendre les références au divin dans la suite de son commentaire, l'idée d'une allusion à Dieu est plus que pertinente : allusion au jugement dernier, mais aussi majuscules du divin, expression que j'ai déjà employé dans mes analyses du sonnet, mais expression que Cornulier utilise aussi ici, importance liturgique du violet que j'ai déjà relevée et que Cornulier relève ici aussi, idée d'un rayonnement johannique de la lumière divine très présente chez Hugo ce que j'ai massivement développé dans mes articles depuis 2003 et que Cornulier développe ici. Idée que les tercets isolent le divin, avec le rejet de l'adjectif "divins" au vers 9, premier vers des deux tercets et fin de sonnet avec majuscules du divin "Ses Yeux", cela aussi je l'ai développé, et Cornulier le développe à son tour dans la lecture qui suit, en y ajoutant une remarque sur le parallèle entre les rejets "divins" et "violet" qui encourage fortement à étudier la connotation du divin dans l'adjectif de couleur rejeté au dernier vers, pointe du sonnet.
Mais, donc, si on écarte les lectures anecdotiques et peu sérieuses (anus ou Verlaine), Cornulier renvoie dos à dos deux massifs de lectures : d'un côté, celles qui cherchent la Femme, de l'autre, celles qui cherchent Dieu.
Mais c'est là que je tique un peu. Car je suis cité à plusieurs reprises dans la suite de cet article de Cornulier, du moins je repère mon nom et la mention de quatre articles miens distincts dans les notes de bas de pages 7, 17, 26 et 52. Or, où je me situe dans cette revue critique des solutions apportées. Je n'ai pas dit que les "Yeux" appartenaient à une femme, pas même à l'éternel féminin ou à la Femme, et je n'ai pas dit non plus qu'il s'agissait du regard de Dieu.
Ma lecture, c'est qu'il s'agit du regard de la divinité, divinité féminisée avec comme illustration en amont la Vénus de "Credo in unam" et en aval les allégories de poèmes comme "Aube", "A une Raison", "Being Beauteous", etc.
Ma lecture a l'intérêt de pouvoir intégrer la charge érotique féminine du "rayon violet", de pouvoir pleinement prendre en charge les allusions à Dieu, de pouvoir délimiter un terrain où le poème a un propos sérieux tout en véhiculant ces éléments parodiques assez constants dans la poésie rimbaldienne. Cette lecture allégorique de la Raison ou de la Vénus permet de ne pas mettre en distance l'ensemble du poème en le considérant comme un charge parodique intégrale, puisqu'au contraire si le divin est de l'ordre de la seule croyance acceptée par Rimbaud nous ne devons pas nous dire que le poète se moque des associations qu'il enfile. Le poème n'est pas fumiste.
La lecture de Cornulier va se rapprocher en partie de notre démarche, sauf qu'au lieu de voir le contre-évangile dans la célébration d'une divinité de substitution, Cornulier pense que le poète se voit lui-même comme celui "qui sera Dieu", et pour appuyer cette thèse nous avons donc une citation du poème "Crimen amoris" de Verlaine où le Rimbaud en satan adolescent affirme une telle prétention "je serai celui qui sera Dieu". Toutefois, même si ce n'est pas sans complicité avec sa cible Rimbaud qu'il a écrit cela, Verlaine ironise dans "Crimen amoris" et Rimbaud ironise exactement de la même façon dans "Conte", quand nous avons le vis-à-vis entre le Prince et son Génie. Il me semble donc bien que l'identification du poète à Dieu est réservée au registre ironique. En plus, j'ai beaucoup de mal avec cette lecture d'un poète qui exhiberait narcissiquement un pouvoir d'invention où associer des mots et des idées le ferait se prendre pour Dieu : c'est tellement dérisoire que j'ai du mal à imaginer Rimbaud jouer à ça. La divinité qu'il crée, il n'y croit pas, mais elle est le pôle des valeurs spirituelles qu'il va défendre, et plusieurs poèmes montrent bien que Rimbaud a tout au long de sa carrière poétique procéder de la sorte. Il a créé une Vénus, une Raison, une Aube, un Being Beauteous qui est une mère de beauté, il a imaginé une divinité "Elle" avec laquelle s'opèrent des ébats essentiels du côté du soleil polaire, sachant qu'il y avait toute une mystique polaire dans la littérature de son siècle, il faut songer aux premières pages du Juif-errant d'Eugène Sue, à des romans ou nouvelles de George Sand comme L'Homme de neige en 1869 et Voyage au pays du cristal, à certains poèmes barbares de Leconte de Lisle, peut-être aussi aux Aventures d'Arthur Gordon Pym de Poe, etc. Le poème "Fairy" fait aussi partie de toute cette famille de créations allégoriques rimbaldiennes et il y a bien sûr une variante masculine célèbre avec le poème "Génie" qui adopte clairement un régime contre-évangélique où justifier pleinement la distinction proposée par Murphy d'un poème qui a un registre parodique, sans être une parodie pour autant.
La lecture proposée par Cornulier me paraît beaucoup moins se dégager comme une possibilité intéressante de lecture quand on envisage l'ensemble de l'oeuvre du poète. Je dégage à grand peine l'incrustation pronominale du poème "Enfance II" avec renfort des italiques : "Les talus le berçaient." La variation de première à troisième personne dans "Aube" : du "je" à "l'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois", se fait sur un fond de poème allégorique qui favorise déjà autrement mieux le rapprochement avec les yeux et le rayon violet de "Voyelles".
Dans "Voyelles", il faut rappeler que le déterminant possessif "Ses Yeux" entre nécessairement en conflit avec le "je" du second vers : "Je dirai quelque jours vos naissances latentes". Il me semble extrêmement cavalier d'imaginer ici un glissement pour se désigner soi-même de la première à la troisième personne. Ce serait en tout cas à fortement étayer. Par ailleurs, les yeux ne sont pas mis en relation qu'avec un seul front studieux. Si la mention "Ses Yeux" signifie que le poème se clôt sur le regard d'un seul être, le pluriel "fronts studieux" implique une communauté de personnes, ce ne sera donc pas un retour du poète sur lui-même, de son front à ses yeux.
Il existe d'ailleurs une autre lecture récente que celle de Maire-Paule Berranger où les yeux de "Voyelles" sont assimilés au regard créateur du poète. Cette idée a été rapidement développée dans une étude parue dans la revue Parade sauvage, étude qui étudiait Credo in unam au prisme des mythes platoniciens. Les grecs n'avaient pas de théorie définitive sur la propagation de la lumière et une de leurs thèses était celle du rayon visuel, dont certains prétendent qu'elle prédominait vraiment parmi les savants grecs, ce qui ne me convainc pas du tout, mais peu importe ici. Je pense que tout le monde étant jeune avons connu ces moments étranges où on se demande comment la lumière se propage. On lit un livre, les lettres viennent à nous, mais elles restent sur la page, quelle infinité de matière y a-t-il dans les lettres pour qu'elles ne s'usent pas rapidement ? Et quand je ferme le livre, est-ce que je les protège contre l'usure, ces lettres appelées par mon regard ? Bref, trêve de délires amusants, il se trouve que les grecs pensaient que le regard émettait un rayon qui allait à la rencontre des choses et qui revenaient instantanément rapporter ce qu'il avait vu aux yeux. Je trouve ça assez farfelu, peu digne des grecs et du rasoir d'Occam. En tout cas, l'emploi du mot simple "rayon" ne saurait être ramené mécaniquement à la théorie du "rayon visuel", on a un emploi basique du mot "rayon" dans le poème de Rimbaud et s'il peut sembler étrange qu'un oeil envoie un rayon, sans parler du reflet, il s'agit bien évidemment de l'idée d'étincelle divine des êtres, l'oeil est un peu une fenêtre vers l'âme, un soupirail du feu spirituel, et on a donc soit un regard dans un triangle qui émet une lumière divine dans des représentations iconographiques de la présence divine, soit nous avons le jaillissement d'étincelles du regard de différents profils d'humains qui ont un idéal, une exaltation, etc.
Je ne souscris donc pas à la thèse du rayon visuel, Rimbaud n'est pas un montreur de théories caduques ou anciennes. Mais je n'adhère pas non plus à l'idée d'aller chercher à cette idée de regard qui rayonne une justification compliquée des thèses réputées personnelles au poète sur le poète voyant, même si effectivement le poème va du premier mot à la rime "voyelles" au mot "Yeux", en sachant que le radical "voy" de "voyelles" pour "voix" est identique au radical "voy" de "voyant" pour "vue", ce qui unirait superbement les deux plans vue et ouïe. Les remarques sont intéressantes, mais le mot "voyant" n'apparaît pas dans "Voyelles", il a bien une relation étroite entre les deux sens de l'ouïe et de la vue, avec l'idée que la lumière est une parole, mais comme mon article de 2003 l'atteste cela ne mobilise pas l'idée du poète qui produit lui-même la transformation de soi en voyant.
Pour l'essentiel, les éléments de lecture dans l'article de Cornulier sont déjà présents dans mes articles. Dans mon article "Consonne" de 2003, je citais les passages sur l'alphabet des grandes lettres d'ombres, je disais que le recueil Les Contemplations fourmillait de passages où les métaphores de la lumière comme parole témoignaient d'une approche métaphorique inspirée des textes mystiques attribués à saint Jean, évangile et apocalypse, et que c'était une constante métaphorique hugolienne que reprenait Rimbaud dans "Voyelles" et dans bien d'autres de ces poèmes, et j'estimais qu'une fois qu'on voyait cela des pans entiers de l'oeuvre de Rimbaud devenait instantanément autrement compréhensible.
Helmholtz est également cité dans l'article de Cornulier, on appréciera les remarques sur l'intensité du violet, et le fait que Cornulier insiste lourdement sur le fait que Rimbaud a dû s'intéresser aux théories sur la lumière et la couleur à son époque, surtout en fréquentant Charles Cros, l'auteur d'un mémoire sur un tel sujet appliqué à la photographie. Il faut d'ailleurs préciser que Rimbaud pouvait connaître Helmholtz grâce à la Revue des Deux-Mondes qui était autrement lue et réputée à l'époque et dans laquelle madame Fillon n'écrivait pas encore d'article pour boucler ses fins de mois. A l'époque", la Revue des Deux Mondes, c'était quelque chose pour un savant, un écrivain, un poète... Non, la pensée de Helmholtz n'était pas inconnue à l'époque, et il y a eu cette fameuse nouveauté des trois couleurs primaires au plan optique, trois couleurs qui sont le rouge, le vert et le bleu, mais Helmholtz hésitait entre le bleu et le violet pour la dernière des trois couleurs primaires. J'ai déjà signalé ce fait dans mes articles sur "Voyelles", mais j'ai signalé aussi depuis que Marie-Paule Berranger, auteur d'un ouvrage para-universitaire sur Rimbaud de qualité dans les années quatre-vingt-dix, auteur cité dans le présent article de Cronulier dont je rends compte, avait relayé une information intéressante. Dans l'un de ses nombreux tomes du Mythe de Rimbaud, bien avant moi, Etiemble avait déjà indiqué la piste des trois couleurs primaires de Helmholtz en soulignant cette coïncidence du glissement du bleu au violet. Le passage est cité dans le livre Douze poèmes expliqués de Rimbaud de Berranger (ou Béranger). J'ai lu des ouvrages d'Etiemble dont son livre Le Sonnet des Voyelles et un volume Rimbaud, avec ou sans Yassu Gauclère, je ne sais plus, mais je ne me suis jamais farci tous ses volumes du Mythe de Rimbaud, mais pour tous ceux qui sont dérangés par le fait de devoir me citer, il faut donc savoir qu'Etiemble a depuis longtemps évoqué la piste de Helmholtz pour les couleurs de Voyelles, comme Gengoux a souligné dans son livre La Pensée poétique de Rimbaud les liens entre les couleurs dioptriques de "Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs" et les couleurs du sonnet "Voyelles".
L'idée des trois couleurs primaires de Helmholtz a un autre intérêt.
Dans un alphabet, on place toutes les lettres qui servent à écrire dans une langue en principe. Passons sur les signes de ponctuation, les blancs et les divers accents, on a donc les briques qui servent à construire tous les mots et donc toutes les phrases dans une langue donnée. Les cinq voyelles ont été seules retenues comme libre émission de la voix dans l'air, mais on a l'idée des cinq briques. Du coup, je trouve naturel de penser que les cinq couleurs pourraient être les cinq briques de la vision, et après l'opposition noir / blanc, ou on en reste à un ensemble dioptrique décousu qui ne fait pas sens : rouge, vert, bleu, ou on envisage la suite des trois couleurs primaires : rouge vert et bleu, qui complète donc le système d'opposition noir et blanc pour composer toutes les couleurs, toutes les variations, toutes les visions. Au vingtième siècle, ce sont ces trois couleurs primaires qui vont être exploitées dans le domaine de la photographie et de la télévision. Ces trois couleurs primaires sont importantes en optique car elles représentent des longueurs d'ondes de la lumière et nous avons dans nos yeux des bâtonnets et des cônes qui recomposent toutes les couleurs à partir de l'opposition noir / blanc : lumière contre absence de lumière et de la complémentarité des trois notes fondamentales d'ondes plutôt liées au rouge, au vert et au bleu.
Pour moi le premier vers de "Voyelles" n'a aucun sens si le système ne ferme pas cinq briques contre cinq briques. C'est pareil avec les nombres. Notre système est bouclé en fonction des dizaines. Du coup, nous avons dix chiffres qui permettent de se représenter tous les nombres, cas à part des racines carrées et du i, cas à part peut-être aussi de l'infini. Il y a d'autres signes mathématiques, mais les chiffres de 0 à 9 permettent de représenter toutes les fractions, et les décimales ne sont probablement rien d'autre que des fractions déguisées qui donnent l'illusion d'unités plus petites que l'unité et qui donnent l'illusion que 0,5 ou 1/2 a plus de réalité qu'un tiers, parce qu'en base dix on a l'infini du 0,3333333...
Nous connaissons le violet, l'orange, le brun, le jaune, mille nuances de couleurs, mais en optique les briques c'est le rouge, le vert et le bleu, avec le noir et le blanc. Si des animaux voient plus d'ondes de couleur que nous les humains, faut-il croire qu'ils voient des couleurs inconnues de nous ou bien qu'ils voient les mêmes couleurs mais selon une représentation spectrale décalée et plus fine ? Je n'en sais rien, je ne me suis jamais penché sur de tels sujets. Mais cette facétie permet de revenir à l'énigme des "Yeux" dans "Voyelles", parce que Ces "Yeux" font la création et peuvent la création. C'est pour cela qu'il me paraît délicat de passer de l'idée d'un regard divin, chrétien ou antichrétien, à un regard de poète humain qui ambitionne d'être un voyant. Si Rimbaud se prend pour Dieu, j'attends de voir ce qui fait sens dans son discours, j'attends de voir en quoi ce n'est pas ridicule. Il y a un truc que je ne comprends pas. Si Rimbaud était là, il serait détesté d'à peu près tout le monde, comme cela a été le cas de son vivant, mais là, avec la sécurité conférée par sa mort, on a une admiration où on finit par l'accepter en Dieu. Il serait l'être allégorique féminin qui marche sur les flots dans "Beams", poème conclusif des Romances sans paroles de Verlaine. Moi, quand je lis le poème, j'identifie une allégorie mixant du divin et du féminin, je m'arrête à ce repère et j'approfondis ma méditation du poème en fonction de ce repère, je n'ai pas ce truc osé de forcer la lecture pour envisager que le poète parle de lui-même ou de son compagnon poète, si rien dans le texte ne m'y convie expressément.

Complément :

Dans le même numéro de la revue Parade sauvage, Benoît de Cornulier a publié une petite étude complémentaire sur "Voyelles". Cette note porte sur les vapeurs et les tentes dans les associations du "E blanc". Moi et Murphy étions les seuls si je ne m'abuse à lire la présence de la Commune dans "Voyelles", il faut désormais ajouter Cornulier.... Je reviendrai sur cette question ultérieurement....