vendredi 30 mai 2014

L'évolution de la phrase française dans les lettres

Il n'y a pas à se fâcher pour des articles généraux ou ne portant pas sur Rimbaud et son oeuvre. Moi, je m'intéresse à ce que pourrait être un cinéma d'abord proprement poétique, ensuite rimbaldien. Cela n'a rien de hors-sujet. Je m'intéresse aussi au temps long de l'histoire littéraire pour la versification, pour une meilleure approche de la question du romantisme et aussi pour une approche de la phrase française en Littérature, dans le vers ou dans la prose.
Dans le cas de la phrase française, j'ai un sujet qui me travaille et que je n'ai rencontré nulle part formulé ainsi. C'est en rapprochant Le Roman comique de Scarron du Capitaine Fracasse de Théophile Gautier que l'idée s'est définitivement installée dans mon esprit. Le français classique rebondit de verbe en verbe dans les phrases, ramassées ou non, en recourant fort peu aux adjectifs. Le français romantique va lui noyer les verbes, éventuellement les raréfier au sein de grands groupes nominaux ou adjectivaux.
Ce constat est tellement basique que je peux m'étonner de ne pas le voir figurer partout dans la littérature critique. Comme dirait Baudelaire, j'ai inventé un poncif.
Cette idée peut encore s'enrichir. On peut opposer les surcharges de la phrase au seizième siècle avec la construction rigoureuse et élégante du dix-septième. Je pense aussi que le dix-huitième a un satiné qui lui est propre et qui le différencie de la langue en prose du dix-septième, mais je n'ai pas encore les critères pour le certifier.
Enfin, il y a dans le vingtième une langue qui peut viser à une certaine beauté qui lui est propre, mais surtout le vingtième est dominé par un phénomène étrange. La syntaxe est imprécise et les mots ont eux-même un sens flou. On va construire de nouveaux adverbes sans se préoccuper de ce que rigoureusement la suffixation en '-ment" signifie, sans se préoccuper du flottement du sens dans les emplois de ce nouveau mot, etc. Le flou du sens et de la syntaxe est propre au vingtième siècle.
Voici une lecture récente que j'ai faite et qui me conforte dans l'idée que ma grande idée toute simple n'est pas connue des chercheurs en Littérature, car on voit clairement que l'auteur n'envisage pas le moins du monde cette opposition qui me paraît évidente après pas mal de confrontations entre une littérature classique du verbe et des actions et une littérature romantique du nom, de l'adjectif et de la description. Je trouve même que plusieurs énoncés sont fortement discutables, notamment les opinions prêtées aux critiques. Mais, au moins, on voit apparaître là sans doute l'idée qu'une forme d'excellence classique a réussi à trouver à se formuler pour afficher un mépris de l'adjectif, au détriment de la singularité romantique. Et le fait que Stendhal soit cité à défaut d'un quelconque autre de ses contemporains est pour le moins significatif de l'absence totale d'attention aux singularités des choix grammaticaux des écrivains en fonction des époques.

Il s'agit de l'Introduction du livre de Michèle Noailly L'adjectif en français (Ophrys, 1999) :

L'adjectif n'a pas bonne presse, en matière de style. Les critiques littéraires le jugent comme une partie du discours liée à l'expression des émotions, et donc incompatible avec une prose rigoureuse. Un chroniqueur littéraire louait récemment une oeuvre romanesque pour son "économie d'émotions, et donc d'adjectifs". Le poète contemporain Eugène Guillevic va jusqu'à affirmer : "Je n'aime pas les adjectifs." Et il est certain qu'il y a très peu d'adjectifs chez Stendhal.

Ce texte montre que mon idée n'est pas connue et en même temps il me donne des armes. Encore un pan nouveau qui s'ouvre pour de la recherche critique de premier plan.

Reportage allemand : qui a tiré à Maïdan ?

Les ukrainiens pro européens ont fait tirer des snipers sur les leurs, cela est révélé par une vidéo d'onze minutes sur la télé allemande ARD. Sur Rue89 on a droit à ce lien vidéo traduit en français. On appréciera dans les commentaires la contre-argumentation que mettent d'emblée en place les zozos. Pour rappel, on ne dépose pas un gouvernement... élu, peu avant de nouvelles élections, parce qu'il a refusé de rentrer dans l'Europe, mais parce qu'il massacre sa population, enferme et tue les opposants ou persécute les minorités. Ici, seul le refus de l'Europe est à l'origine du coup d'Etat.



Recension

Le problème de la photographie du "Coin de table à Aden" continue d'intéresser Circeto qui propose une critique de la méthode biométrique de Brice Poreau.


Je n'ai encore fait que survoler l'article de Circeto, je suis bien trop occupé à d'autres choses en ce moment.

Dans tous les cas, la question d'identification de Rimbaud sur cette photographie est définitivement réglée depuis la double identification de Lucereau et Dutrieux à laquelle ont contribué moi-même, Catherine Magdelenat, Jacques Bienvenu et André Courtial.
J'ai lancé l'humoristique affirmation selon laquelle le prétendu Rimbaud était en fait Lucereau, lequel était en réalité un peu plus à gauche sur la photographie et, plus tard, j'ai aussi publié sous le nom de "Marie Rinaldi", un nom dans le genre, que nous avions le couple Bidault de Glatigné sur la photographie.
Aujourd'hui, deux identifications sont certaines : Lucereau et Dutrieux, elles suffisent à dater la photographie de 1879 et à exclure définitivement la présence de Rimbaud.
Le travail de Brice Poreau, c'est bien, très bien ça,... sprotch !
Je pense que Jules Suel est bien lui aussi sur la photographie, que la femme est au minimum une quadragénaire et que ce serait plutôt la belle-mère de Bidault de Glatigné que la fille comme cela a été affirmé. Des experts en photographie interrogés sont formels, la femme n'est pas jeune. Enfin, le prétendu Rimbaud a de fortes chances d'être Bidault de Glatigné, profession photographe, lequel peut se faire plaisir en expérimentant un nouveau procédé tout récent, tout neuf.

Maintenant, puisqu'il est question de points et de projections, moi je n'ai pas de temps à perdre, et il ne me vient pas à l'idée de comparer la richesse de translation des points qui me fait identifier comme tout honnête passant Lucereau et Dutrieux sur cette photographie, car là il y en a de la place pour l'étude ponctuométrique, alors que la biométrie proposée fait dans l'abstraction la plus échevelée. On peut dessiner n'importe quel charabia de lignes autour de quinze points, et alors? Quand on identifie Lucereau et Dutrieux, ce sont des tonnes d'éléments qui peuvent être mesurés que je sache.
Evidemment que cette étude biométrique est de la farce la plus complète.

Je ne vais pas me gêner pour dire que quelqu'un que je ne nommerai pas a fait expertiser l'image du Coin de table à Aden par soit la police, soit l'armée (je ne me rappelle plus) et que l'identification a été rejetée dans les conclusions. Cela n'a hélas pas été publié.

Je remarque enfin que la photographie de la partie de chasse où aucun personnage n'a été identifié demeure elle admise comme authentique. Cela au nom de l'attitude renfrognée et des bras croisés.

Moi, je serais Rimbaud, je ne supporterais pas ce fétichisme où on me suppose sur une photographie qu'on s'arrache et où je ne figure même pas.
Enfin, les journalistes, ils ont le doigt sur la braguette et ils racontent n'importe quoi.
Vous vivez peut-être dans le mythe du journaliste qui, soit par conviction, soit par appât du scoop, va faire éclater la vérité, mythe cinématographique ou mythe d'une autre époque, mais c'est fini ce temps-là. Le journaliste est un exécutant à l'heure actuelle. On ne voit pas non plus en quoi sa formation générale se substituerait à une quelconque spécialisation dans un quelconque domaine de la connaissance que ce soit, ce qui est plus criant quand il obéit aux ordres et ne fait plus d'investigations.

Maintenant, puisque vous voulez être informés, vous comprenez bien que dans les prochains ouvrages biographiques et iconographiques sur Rimbaud vous ne trouverez pas souvent de gens pour admettre la photographie du Coin de table à Aden. C'est tout ce qui va se passer.

Cette photographie ne m'intéresse plus. C'est du non Rimbaud qui fera de moins en moins de lignes dans les études à venir. Parler du sens de l'oeuvre, c'est mon domaine, c'est autrement porteur.

mercredi 28 mai 2014

Petite pensée...

pour les ouvriers du Donbass et pour la population russe d'Ukraine. Sûrement, s'il vit toujours, Rimbaud est avec vous contre les oligarques ukrainiens qui ont pris le pouvoir en renversant un gouvernement... élu, qui ont pris vos outils de production qui par votre histoire soviétique aidant étaient à vous et non à eux, qui croient faire payer des impôts aux soumis du sud et de l'est pour mieux les tuer, qui vous humilient et vous imposent le piège de l'Europe malgré un belle promesse d'Ukraine fédéralisée, qui tirent sur des civils et attaquent des résidences ou des écoles avec l'artillerie, mortier, qui recommencent en s'en vantant par des tatouages, tags en forme de croix, par des discours en public, qui recommencent ce qu'ils faisaient en 40-45 avec pourtant le plus sinistre allié qu'ait connu l'Histoire.

mercredi 21 mai 2014

Comparaison Sand / Rimbaud

Au lycée, la lecture de La Mare au diable de George Sand m'a paru assez décevante et ce constat de déception a souvent été renforcé par un accès aux écrits tardifs de cette romancière. Par exemple, quand j'ai découvert l'intertexte d'Armand Silvestre à l'origine du quatrain zutique Lys de Rimbaud, j'ai été confronté à la médiocrité de pensée de la préface de Sand au profit du jeune parnassien et j'ai consulté quelques pages du roman philosophique Monsieur Sylvestre qui m'ont conforté dans le sentiment d'un certain verbiage n'ayant pas réellement quelque chose à dire d'original. Même le style n'était pas au rendez-vous.
Il en va sans doute quelque peu différemment de la première période romantique de George Sand avec des romans comme Indiana ou Lélia. Je les ai achetés il y a quelques jours en librairie et je ne les ai pas encore lus. Le début du roman Lélia est pas mal du tout, dans la continuité de Byron et du Vigny d'Eloa. Lélia y est comparée à Jésus-Christ, mais à cette différence que, lorsqu'il n'est plus en majesté, Jésus reste toujours un peu au-dessus de l'humain quand il s'en tient à s'inscrire parmi nous, alors que Lélia suppose une perversité qui la met en-dessous de l'homme. Tel est le discours initial de Sténio. Lélia a des doutes sur l'existence de Dieu qui justifient alors les interrogations de Sténio. Dans le temple, on constate que le prêtre, et on penserait presque lire Dieu lui-même, baisse les yeux devant Lélia, comme si elle était une divinité supérieure encore à Jésus ou son père. Lélia répond partiellement aux questions de Sténio et elle révèle ensuite son intérêt pour un ancien forçat Trenmor...

Il y a deux versions du roman de Lélia, une originale et mieux considérée datant de 1833, et une seconde de 1839 alourdie dont l'édition s'est maintenue et fut certainement celle accessible à Rimbaud.

Maintenant, dans l'introduction, que comme d'habitude j'ai consultée par sondage en évitant de tomber dans le piège du résumé qui vous éclaire à l'avance toute l'histoire que vous espérez découvrir à la lecture, je suis tombé sur une lettre "A. F. R." (A François Rollinat) qui m'a frappée par l'étendue des comparaisons avec l'oeuvre de Rimbaud qu'elle a pu me suggérer.

    C'est vous, dont l'âme est forte et patiente, vous dont la tête est froide, vous dont la mémoire est pleine de la science du mal et du bien ; vous, homme obscur, laborieux, résigné ; c'est vous qui êtes vertueux et qui brillez dans mes songes comme une étoile fixe parmi les vains météores de la nuit, c'est vous, homme purifié, homme retrempé, homme nouveau, dont je rêvais lorsque j'écrivis Trenmor. Par quelle liaison d'idées j'ai été de lui à vous, pourquoi j'ai oublié la distance qui vous séparait, homme réel, de ce personnage imaginaire, par des lignes fantasques et des ornements capricieux ; pourquoi enfin j'ai altéré la pureté de mon modèle en le revêtant d'un éclat puéril et d'une vaine beauté de corps, c'est ce que vous devinerez peut-être, car, pour moi, je ne le sais plus. Peut-être, en lisant avec un esprit plus tranquille ce que j'écrivis avec une âme préoccupée de sa propre douleur, retrouverez-vous dans ce dédale de l'imagination le fil mystérieux qui se rattache à votre destinée.
     Moi qui ai vécu des vies, je ne sais plus à quel type de candeur ou de perversité appartient ma ressemblance. Quelques-uns diront que je suis Lélia, mais d'autres pourraient se souvenir que je fus jadis Sténio. J'ai eu aussi des jours de dévotion peureuse, de désir passionné, de combats violents et d'austérité timorée où j'ai été Magnus. Je puis être Trenmor aussi. Magnus, c'est mon enfance, Sténio, ma jeunesse, Lélia est mon âge mûr; Trenmor sera ma vieillesse peut-être. Tous ces types ont été en moi. Toutes ces formes de l'esprit et du coeur, je les ai possédées à différents degrés, suivant le cours des ans et les vicissitudes de la vie. Sténio est ma crédulité, mon inexpérience, mon vieux rigorisme, mon attente craintive et ardente de l'avenir, ma faiblesse déplorable dans la lutte terrible qui sépare les deux jeunesses de l'homme. Eh bien ! ce calice n'est pas encore épuisé entièrement. Encore maintenant, je retrouve de ces puériles grandeurs et de cette candeur funeste, quelques heures de plus en plus rares et passagères. Magnus, avec ses irrésistibles besoins, avec sa destinée de fer et son éternel appétit de l'impossible, représente encore une douleur énergique, combattue, réprimée, que j'ai subie longtemps dans sa force et dont je ressens encore parfois les lointaines atteintes.
    Trenmor, c'est ce beau rêve de sérénité philosophique, d'impossible résignation dont je me suis souvent bercée ; quand une rude destinée me laissait un instant de relâche pour respirer et songer à des temps calmes, à des jours meilleurs.
     (...) Hélas ! qu'elles ont été courtes, mes heures de raison et de force ! Combien Dieu a été avare envers moi des consolations qu'il répand sur vous ! Combien je me suis laissé dévorer par cette soif de l'irréalisable que n'ont pas encore daigné éteindre les saintes rosées du ciel !

Je n'ai pas eu le courage ici de retranscrire l'intégralité de cette lettre aux allures de préface publiée pour la première fois je ne sais quand. Les mots clefs sont "vies", "candeur", "force", "faiblesse", "impossible".
Je ne propose aucun commentaire pour l'instant, je vais mûrir ma pensée et poursuivre mes lectures.
J'ai aussi un autre horizon de recherches. Sous l'Ancien Régime, les lettres de cachet réglaient le sort des fous, des vagabonds, de certains criminels, d'enfants perdus. La Révolution française a remis en cause la légitimité d'un tel modèle. Il a fallu affiner le cas juridique de ces divers fauteurs de troubles. Le vagabondage est un délit à l'époque de Rimbaud et depuis 1860 le discours sur la folie s'est durci par une assimilation à la perversité. L'argument de la folie a été utilisé contre les communards et leur défaite a fait de bon nombre d'entre eux des forçats en tant que tels. L'individualité du forçat, du fou, du vagabond a intéressé conjointement le romantisme et la société issue de la Révolution française. Ces motifs disponibles dans la littérature récente accessible à Rimbaud sont qui plus est traités par lui à la lumière nouvelle des événements terribles de l'année 1871.
Il faut maintenant éclairer l'emploi de ces motifs par Rimbaud en fonction du dialogue qu'ils supposent entre l'auteur et les nuances précises de son époque sur ces sujets. Il convient également de déterminer dans la prose de Rimbaud les idées prises en charge et celles qui sont citées en impliquant une distanciation critique, ce qui ne saurait se faire dans l'abandon à la lecture passive.

mardi 20 mai 2014

Digression grands réalisateurs de cinéma

Je cherche à cerner les plus grands réalisateurs de cinéma et en même temps ceux dont l'originalité équivaudrait à une oeuvre de grand poète.
Dans mon panthéon, l'oeuvre de Fellini domine très largement. Je pense que c'est le plus grand cinéaste de tous les temps.
Akira Kurosawa est également digne de figurer parmi les plus grands du cinéma.
En ce qui concerne le cinéma allemand, je suis plus réservé quant à la légende dorée qu'on fait à Murnau. Je trouve que les films de Murnau sont complètement niais, L'Aurore ou Le Dernier des hommes sont des récits pour enfants en bas âge. On peut parler tant qu'on veut de la qualité des images de Nosferatu : la signification d'un plan, d'une ombre d'une contre-plongée, d'un mur, d'un cadrage, des relations entre les images, de la symbolique du haut et du bas de l'image, etc., je trouve que le spectateur n'a pas grand-chose à comprendre. C'est plutôt du travail d'orfévrerie que du grand art pour moi. Il n'exprime pas quelque chose de poétique, même si Faust et Tabou ont une grâce évidente. Les films de Murnau sont plutôt des jouets avec des techniques subtiles que de la poésie esthétique ouvrant l'âme.
Fritz Lang est un grand cinéaste, Herzog aussi. Ce sont trois réalisateurs allemands que je retiens facilement. J'en ai vu d'autres.
Dans le cadre américain, il y a sans doute beaucoup de réalisateurs à citer. J'aime beaucoup le cinéma de John Ford avant la seconde Guerre Mondiale, c'est là que sont ses meilleurs films. Après la Seconde Guerre Mondiale, il y a bien encore des chefs-d'oeuvre, mais cela est d'office un ton en-dessous pour moi, y compris my Darling Clementine, Le Massacre de Fort-Apache ou La Prisonnière du désert. Puis, je pense réellement que John Wayne nuit aux oeuvres de Ford, Hawks, etc., car il n'est pas crédible en super héros. Je trouve plus crédible des héros de western-spaghetti ou bien Eastwood ou McQueen ou Brando, tous plus crédibles en héros. Je préfère en héros de western Richard Widmark, Spencer Tracy, William Holden, Herny Fonda, Kirk Douglas, qui sais-je encore? Il y a un réel problème du héros trop policé dans le premier âge d'or du western hollywoodien.
Il y a malgrté tout du sommet avec Huston, Hawks et Walsh. Huston peut partir un peu en tout sens, mais son cinéma est globalement impressionnant.
J'ai été énormément marqué par Elia Kazan dont je trouve un seul film lamentable Panique dans la rue avec Palan,ce. En revanche, je suis impressionné par Sur les quais, Amerika Amerika et encore L'Arrangement qui pour moi se rapproche de l'esprit non réaliste que j'aime tant, parmi d'autres choses que j'apprécie aussi intensément, chez Fellini.
Je suis également ébloui par Cassavettes. J'ai vu là une fournée de films prodigieux : Minnie et Markowitz (titre de mémoire), puis Faces, Une femme sous influence, Meurtre d'un bookmaker chinois, et plusieurs autres dont je n'ai pas le nom en tête pour l'instant. J'adore le jeu sur les acteurs dans les films de Cassavettes. C'est poétiquement immense. Je retrouve cette fraîcheur de révélation psychologique des personnages qu'il y a dans certains Fellini comme Il Bidone, I Vitelloni, etc.
Fellini suffit seul à me distinguer du public cinéphile, dans la mesure où il est faussement admiré par l'intellegentsia. Kazan, Cassavettes, Kurosawa sont aussi les forts marqueurs de mon profil original de personne intéressée par le cinéma.
Je pense creuser le cinéma de Herzog en fait d'originalité d'approche.
Evidemment, je ne deviendrai jamais cinéaste.
Dans le domaine japonais, d'autres réalisateurs m'ont marqué : quelque peu Mizoguchi mais sans qu'il ne soit l'égal de Kurosawa à mon sens, Ozu, Ushida, Imamura qui me plaît beaucoup en me rappelant Fellini, etc. En revanche, j'ai horreur des mangas japonais, je trouve ça gaga et con au possible.
Dans le domaine italien, j'ai bien sûr horreur de Pasolini qui ne sait pas du tout filmer. Il n'a aucune grâce, strictement aucune. J'aime bien Ettore Scola, tout particulièrement Nous nous sommes tant aimés. J'aime bien Antonioni malgré son fort dépouillement. Il a quelque chose qui m'attire dans certains films.
Là, j'ai pris une autre direction avec Dario Argento. Ce n'est pas un cinéaste de premier plan, mais j'ai pu observer des techniques remarquables dans ses films qui me donnent envie de créer un code de cinéma non réaliste et fort expressif. Suspiria est visiblement son chef-d'oeuvre formelle et narratif. C'est un film d'épouvante, d'horreur. Inferno est son répondant symétrique. Il contient plein de scènes très belles encore, mais la fin est désastreuse.
Ennio Morricone a composé la musique des premiers films d'Argento, c'est alors remarquable, mais ceux qui ont remplacé Morricone dans Inferno ou Ténèbre nous font basculer dans l'extrême mauvais goût des années 80, ce qui peut suffire à faire que les films n'aient plus rien d'artiste dans l'émotion du spectateur, ce qui est bien dommage.
J'aime bien des techniques de réalisation dans Inferno ou dans Ténèbre, mais en revanche le plan long avec mouvement de caméra à l'extérieur de la maison, passage d'un étage à l'autre et liaison des scènes en une séquence est pourri de chez pourri. Il n'exprime rien et je ne vois pas pourquoi ils s'y appesantissent dans le documentaire en complément au dvd.
J'ai pas mal apprécié les polars inquiétants, genre italien du "giallo", que sont L'oiseau au plumage de cristal et Le Chat à neuf queues avec Karl Malden.
J'ai vu plusieurs films avec l'acteur Richard Widmark et je suis tombé sur un film de Richard Brooks Le Sergent la terreur. Il paraît que c'est un grand réalisateur et il est visible que ce film mal intitulé en français fait partie des sources à la première partie de Full Metal Jacket. Mais contrairement au commentateur du dvd Patrick Brion je ne crois pas du tout que Richard Brooks soit un grand réalisateur.
J'ai vu aussi des films du réalisateur Dmytyrk L'Homme aux colts d'or et La Lance brisée. Effectivement, les scénarios sont exceptionnels et on se plaît à suivre de tels films. Je ne m'y attendais pas en voyant la ridicule image d'Henry Fonda sur la jaquette du dvd.
Je creuse aussi les Robert Aldrich, j'aime bien.
Et j'ai enfin vu le premier film de Stanley Kubrick Fear and desire. Kubrick l'avait fait interdire. En effet, il a quelques maladresses. Le jeu de la femme attachée est trop poético-scénique que pour être appréciable, mais les défauts sont surtout dans le scénario. L'enchaînement n'est pas vraisemblable. On voit qu'il cherche déjà ses moyens avec notamment la séquence intéressante des voix en traitement off qui se superposent à un rythme désordonné et agressif, cacophonique, créant une tension que ne reflète pas l'apparence d'ordre et tranquillité des images du groupe en train de progresser dans sa marche.
Voilà, je n'ai pas tout cité en fait de réalisateurs appréciés, mais je ne me vois pas là boucher les trous. Je me laissais aller.
Mon idée, c'est de méditer la possibilité d'un cinéma hautement poétique à la Rimbaud quand les impératifs financiers de l'industrie du film sont si pesants, quand le réalisme est dans cet art si prégnant au détriment des modalités poétiques de l'énonciation visuelle, et quand même la prestation poétique peut avoir d'autres voies que rimbaldiennes. D'ailleurs, Fellini n'est pas rimbaldien, mais je sens simplement qu'il y a une orientation poétique qui s'impose à Fellini comme à Rimbaud qui me permet quand même de dire que Fellini est plus dans la poésie que les autres cinéastes, et une poésie cohérente, pas une poésie déliquescente ou de surface.
Je cherche à identifier les codes poétiques dans les films, même si je n'en réaliserai jamais aucun. Je sais que ma réticence à l'égard de Murnau va choquer les critiques, mais c'est vrai que son cinéma développe un horizon de significations nettement insuffisant.

samedi 17 mai 2014

Concerts des Flamin' Groovies à Paris, Toulouse, Montpellier...

CADUC, concerts annulés.


Les Flamin' Groovies (dont trois d'antan : Jordan, Wilson et Alexander) joueront le 16 juin au Saint des Seins, dans l'intimité comble d'une salle rock de la place Saint-Pierre à Toulouse, 18 euros l'entrée. A Paris, c'est déjà complet, ils jouent aussi à Montpellier. Allez les voir pourquoi? Parce que c'est l'occasion de voir jouer en vrai Slow death ou Shake some action, et pour les autres qui ne connaissent pas l'occasion de comprendre pourquoi c'est une légende. Et demandons-leur encore de jouer un titre Loney, genre "well she's my second cousin"...

  Voici donc en extrait une chanson antidrogue à moitié crédible...


Ils refont le paysage urbain à Toulouse. Ils ont dégommé les trottoirs, le vieil asphalte, pour faire de la rue Alsace-Lorraine un grand axe piétonnier. Du Capitole, on se rend la place San Pedro en  quasi ligne droite en suivant l'enfilade des rues Romiguières et Pargaminières devenue aérée et piétonne par évanouissement des trottoirs, le sol n'étant plus qu'une même surface plane sans voitures garées, ce qui sert joliment la beauté de structure et couleur des bâtiments.
Seule mauvaise touche, ils ont construit d'immenses escaliers blanc rosé absolument pourraves le long de la Garonne. C'est encore un concepteur urbain à la con qui vous aligne les photos passées du pont et qui vous apprend que le futur c'est l'infini des lignes, la puissance de déferlement d'une foule absente. Là ils ont dénaturé Toulouse pour un concept de ville universitaire américaine.
Heureusement, il reste la Daurade pour lire au bord de l'eau.
Avant-hier, splendide majesté des Pyrénées rayonnantes de leur blancheur de neige au loin depuis la Daurade ou depuis le Pont-neuf ou depuis un coin de table au café des Artistes où Rimbaud s'est fait prendre en photo dans l'édition de poche tenue à la main par Alain Bardel qui lui échangeait son amitié entre les lignes. Peu de gens les remarquent les Pyrénées à cet endroit, à part un petit vieux qui dit "c'est quand même pas les Pyrénées?". Je l'ai récompensé pour son attention en lui confirmant le fait et en citant les Mémoires d'outre-tombe d'un Chateaubriand qui en a parlé.

Un ami m'a dit que lui il aime le rock si on peut amener l'instrument sur une barricade, autrement ce n'est pas qu'il n'aime pas, mais ça ne l'intéresse pas. Donc il n'écoute pas trop ce qui se fait au piano.
Quand même, et Penniman? De la fenêtre où il joue, sa voix et sa musique portent jusqu'aux barricades, non?

lundi 5 mai 2014

Remembrances et onanisme

Je ne m'occupe pas de Rimbaud ces moments-ci, mais j'ai toujours bien un petit quelque chose en réserve.
Un des axes de recherche, c'est la poésie en vers mineure de son siècle. Le sujet de la "soeur de charité" a été plus d'une fois traité tout au long du dix-neuvième siècle, que ce soit dans ces toutes premières années, à l'époque du romantisme triomphant, à l'époque parnassienne, dans les années d'écritures du jeune Rimbaud, mais c'est un sacré travail que de toute retourner à ce sujet pour apprécier la veine souterraine à laquelle peut quelque peu se rattacher le poème de Rimbaud.
Les Soeurs de charité, c'est le seul poème en vers qui n'ai pas un commentaire important dans l'oeuvre de Rimbaud. Si ça continue, c'est un trois quart demeuré de la théorie du genre qui va laisser un article de référence sur ce poème. Décidément, il va falloir que je m'en occupe.
En revanche, au sujet des Remembrances du vieillard idiot, le poème a quelque chose de frappant. L'Album zutique contient plusieurs dizains parodiques à la manière de Coppée, dont un bon nombre d'Arthur Rimbaud lui-même, et puis tout d'un coup on tombe sur ce long poème à rimes plates qui est signé François Coppée, ce qui confirme qu'il en est la cible satirique. Pourtant, le titre lui consonne volontairement avec le titre et le nom d'auteur : Les Contemplations de Victor Hugo, comme l'a déjà mentionné à tout le moins Jacques Roubaud. Les Remembrances du vieillard idiot, ce titre permet de cibler Hugo par la consonnance et en même temps il rappelle une autre parodie de Coppée, le bref poème Remembrances de Verlaine lui-même compris dans l'Album zutique. Le mot de remembrances permet l'équivoque, la superposition masturbation-remémoration.
Evidemment, une parodie de Coppée sous la forme d'un long poème en rimes plates impose de regarder dans l'oeuvre antérieure qui comporte non pas encore le recueil pourtant déjà annoncé dans la presse Les Humbles, mais le recueil Poëmes modernes. Et Michael Pakenham a cerné le parallèle entre l'obscène parodie de Rimbaud et la pièce Angelus de Coppée. J'ai signalé pour ma part que la nouvelle Ce qu'on prend pour une vocation est un intertexte clef dont certains passages font l'objet de réécritures par Rimbaud, notamment la fin "et tirons-nous la queue!" Mais, l'idée d'un Coppée nostalgique et onaniste est hissée au rang de vrai portrait type satirique qui revient à plusieurs reprises, ce que l'on observe encore dans le dizain de Verlaine "L'Enfant qui ramassa les balles..." avec le vers final et la rime finale "Habitude".
Evidemment, étant donné les scènes masturbatoires présentes dans l'oeuvre de Rimbaud, les rimbaldiens n'ont pas manqué d'opérer le rapprochement avec les préoccupations hygiénistes et les écrits du docteur Tissot. Je n'ai pas encore consulté ce genre d'ouvrages en fait, mais il y a un truc plus énorme encore à ce sujet qu'il faut connaître.
En 1809, un docteur Petit a envoyé aux Jeux floraux de Toulouse un long poème en rimes plates où précisément un jeune personnage s'abandonne à l'onanisme et tout le poème, éducatif, fustige la conduite coupable avec sensiblerie. Le héros a pour nom Eugène. Et il me semble que Les Remembrances du vieillard idiot, c'est précisément le croisement littéraire d'Angelus, Ce qu'on prend pour une vocation et ce poème bien évidemment refusé car impossible à citer aux jeux floraux de Toulouse en la très chaste année 1809.
Il me semble que la société des poètes farceurs ne pouvait pas ignorer ce célèbre antécédent et que son souvenir vivait de sa vie propre dans les discussions de comptoir zutiques ou autres.
Le poème dont même le nom dérangeait l'illustre académie s'intitulait : Onan, ou le Tombeau du Mont-Cindre.
On le trouve sur la toile, car là je ne sais pas copier/coller à partir d'un portable MacIntosch.