lundi 30 mai 2016

Pommier zutique (première partie, l'essentiel à savoir)

Une récente édition en Garnier-Flammarion réunit l'Album zutique et les Dixains réalistes. Un dossier offre ensuite la première série des Promenades et intérieurs, celle du second Parnasse contemporain publié par livraisons successives puis en volume de 1869 à 1871, ce qui est largement insuffisant. La seconde série essentielle qui a été publiée dans les revues Le Moniteur universel et Le Monde illustré en juin-juillet 1871 aurait dû systématiquement figurer à son tour dans le dossier, ainsi que l'ensemble des pré-originales de poèmes des Humbles exploités par les zutistes, ainsi que quelques autres textes de Coppée : la plaquette Plus de sang!, la nouvelle "Ce qu'on prend pour une vocation", le texte paru dans Le Moniteur universel en octobre 1871 de la pièce Fais ce que dois qui a été jouée sur scène au même moment. Il manque également deux dizains du recueil Intimités, d'autres encore. L'œuvre de Coppée n'étant pas aisément accessible, le dossier doit combler cette lacune, sans quoi la lecture des volumes parodiques est compromise. Une sélection des textes d'autres auteurs à l'origine de parodies zutiques doit également être établie dans le dossier, et pour des raisons de relations polémiques, tout ou partie du Parnassiculet contemporain pourrait être cité également.
Prenons le cas de "Vieux de la vieille !", ce poème est présenté comme la reprise de vers d'un recueil de Belmontet à deux reprises dans les notices du volume édité en Garnier-Flammarion. La notice pour "Vieux de la vieille" commence ainsi, page 197 : "Rimbaud reprend ici des vers des Poésies guerrières" et la notice pour les "Hypotyposes ex saturniennes ex Belmontet" s'ouvre sur la même idée : "Après avoir repris certains de ses vers pour forger "Vieux de la vieille !" (p. 76), Rimbaud opère ici un "collage" à partir d'emprunts à l'œuvre de Louis Belmontet."
Rimbaud n'a pas repris des vers, il a repris des cris d'ovations publiques qui ont été transcrits en majuscules au sein de discours en prose que Belmontet a fait figurer à la suite de ses vers guerriers.
Les quatre premières lignes de "Vieux de la vieille" sont des citations de passages en prose. Cela peut se vérifier aisément sur internet, puisque le recueil de Belmontet est désormais en ligne. Commençons par les deux premières lignes qui, avec leur chiasme, font figure de vers de sept syllabes.

     Aux paysans de l'empereur !
     A l'empereur des paysans !

A l'évidence, Rimbaud a souligné par sa distribution l'idée de deux propositions de sept syllabes assimilables à des vers. Cette identité résulte de la reprise des mêmes termes dans une distribution en chiasme, mais Belmontet n'a pas pensé écrire deux vers et la citation originale est présentée sur une seule ligne, à la fin d'un discours tenu lors d'une fête rurale dans le Tarn-et-Garonne, comme nous pouvons nous en rendre compte en consultant le lien qui suit (Poésies guerrières, page 162). Le texte est intitulé "Les Paysans". Il est intéressant de consulter les autres documents en prose du recueil Poésies guerrières. On relève d'autres formules en majuscules dans les textes avoisinants : "VIVE L'EMPEREUR" évidemment ou "LA GLOIRE" ou "AU PROTECTEUR DES CLASSES AGRICOLES, A L'EMPEREUR!" Même si Rimbaud n'en a rien réécrit directement, mentionnons encore ici le texte intitulé "Baptême du Prince Impérial".
Le titre "Vieux de la vieille !" dont le point d'exclamation est étrangement fétichisé dans les mentions critiques rimbaldiennes est la reprise d'une apostrophe transcrite en majuscules au début du discours du "Banquet du 20 mars 1856". Vous pouvez lire ici cette adresse "VIEUX DE LA VIEILLE," qui n'est pas en vers ((Poésies guerrières, page 171).
Profitez-en d'ailleurs pour lire tout le discours avant de revenir à la composition de Rimbaud. Or, à la fin du discours prononcé par Belmontet, nous avons droit à la lecture d'un poème de 12 vers en rimes plates qui a (involontairement bien sûr) frôlé la forme du dizain à la Coppée, poème qui a pour sujet la naissance du fils impérial. Il me semble avoir proposé en vain de l'envisager comme une source au dizain "Ressouvenir". Il suffit pourtant de comparer le premier vers de l'un et l'autre poème : "Cette année où naquit le Prince Impérial" (Rimbaud) / "Du moment que le Prince Impérial naquit," (Belmontet) pour comprendre qu'effectivement Rimbaud a joué à rabattre l'esprit cérémonieux coppéen sur celui partisan de Belmontet. Dans le même ordre d'idées, mais je n'ai pas encore pu effectuer la vérification dans de bonnes conditions, je me demande si le début du vers 3 du sonnet Les Douaniers : "Sont nuls, très nuls", n'est pas une allusion à un vers de Belmontet qui adopte précisément cette formule critique qui voue au néant mais sans force réelle. Ici, en tout cas, nous constatons bien que la parenthèse Belmontet se referme pour les rimbaldiens une fois envisagés les deux centons "Vieux de la vieille" et "Hypotyposes saturniennes ex Belmontet". Pourtant, Belmontet a déjà servi à critiquer l'esprit "cabochard" de Victor Hugo dans la lettre du 13 mai 1871. Il peut très bien doubler la dimension parodique du Vieux Coppée intitulé Ressouvenir. On constatera que des parodies de poètes médiocres tels que Amédée Pommier et Louis Ratisbonne ont la même fonction.
Or, à la suite de ces douze vers dont je parlais, deux mentions en majuscules, ce qui implique l'unisson d'enthousiasme d'un public, ont intéressé Rimbaud :

              AU MOIS DE MARS !

       AUX DEUX FILS DE MARS !

Il faut s'y reporter (Poésies guerrières, page 174). Comme il a inversé la mention originale "A L'EMPEREUR DES PAYSANS ! AUX PAYSANS DE L'EMPEREUR !", Rimbaud inverse également sa reprise du jeu de mots sur le mois et le dieu romain :

        Au fils de Mars,
        Au glorieux 18 MARS !

Cette fois, Rimbaud n'a pas repris le texte de Belmontet tel quel.
Enfin, petite hybridation, que nous pouvons comparer au mélange final de vers et acclamations du Banquet du 20 mars 1856, Rimbaud ponctue sa suite de cris en prose par la citation d'un alexandrin, d'un vers authentique du recueil de Belmontet : "Où le ciel d'Eugénie a béni les entrailles !" L'édition en Garnier-Flammarion présente la leçon erronée : "Oh le ciel d'Eugénie a béni les entrailles !" Le pronom relatif "Où" a pourtant son importance, puisqu'il fond le vers à un texte en prose. Ce "Où" est d'autant plus important que Rimbaud a corrompu lui-même le texte original : "C'est Dieu qui d'Eugénie a béni les entrailles :" qu'il aurait pu reprendre tel quel, ponctuation exceptée, sans incohérence, en rendant le vers autonome par rapport aux autres reprises de Belmontet. Rimbaud choisit également de reprendre un vers d'un poème bien en phase avec le sujet du Banquet du 20 mars 1856, un vers du poème Le Fils de l'Empire (Poésies guerrières, page 63).

Le report des deux centons de Belmontet dans l'Album zutique est quelque peu problématique. Ils semblent tous les deux avoir été écrits sur des blancs laissés auparavant sur des feuillets zutiques. Ils pourraient avoir été créés dans la même journée. En tout cas, le volume Poésies guerrières est également à l'origine d'une des citations des "Hypotyposes saturniennes ex Belmontet", l'alexandrin "Oh ! l'honneur ruisselait sur ta mâle moustache." Il s'agit d'une citation de l'ode Les deux Soldats laboureurs(Poésies guerrières page 10). Encore une fois, c'est un vers des Poésies guerrières qui ponctue un collage de citations de Belmontet.  Et il s'agit du seul vers corrompu dans la série des Hypotyposes. Ce qui est étrange, c'est que Rimbaud gomme dans les Hypotyposes le "Où" original pour l'interjection "Oh", tandis que ce pronom relatif remplace le "C'est" original de l'autre vers des Poésies guerrières cité à la fin de "Vieux de la vieille". Bernard Teyssèdre a voulu reprendre mon idée de premières compositions zutiques datables par leur distribution au fil des feuillets, mais en lui donnant un tour systématique qui n'est pas toujours défendable. C'est le cas visiblement ici. Les deux centons zutiques ont été composés en-dehors de l'Album zutique. Ils sont pour l'instant difficiles à dater précisément, voire impossibles à dater l'un par rapport à l'autre. En revanche, leur lien avec le dizain "Ressouvenir" permet d'envisager qu'ils furent des dernières contributions de Rimbaud à l'Album zutique, peut-être mêmes les deux dernières. Ce sont les deux seules créations zutiques de Rimbaud qui ne s'intègrent pas naturellement dans le corps de l'Album zutique. Le poème Hypotyposes est transcrit tant bien que mal sur une moitié droite du feuillet numéroté 22, au mépris d'une lettrine F très soignée réservée donc à une tout autre transcription. Apparemment mieux mis en page, le poème "Vieux de la vieille" a été transcrit de manière large, mais sans éviter un petit tassement à cause d'un vers avoisinant d'un dizain de Léon Valade sur un feuillet non numéroté entre les pages 8 et 10. Initialement, Valade avait transcrit son dizain en haut à gauche du feuillet, et peut-être par manque de place sur la droite au haut de la page, Rimbaud avait transcrit en bas à droite son dizain Etat de siège ? En bas à gauche, un dessin obscène sert sans doute d'illustration au poème de Valade, sans qu'il ne soit évident de déterminer si le dessin a été composé avant la transcription d'Etat de siège ou après. En tout cas, ce remplissage aux trois quarts du feuillet non numéroté 9 a favorisé l'intervention ultérieure de Rimbaud qui a glissé en haut à droite un poème court, aux lignes syllabiques brèves à l'exception d'un alexandrin. Pour moi, à partir du feuillet 7, celui qui contient la première série de deux "Conneries" par Rimbaud, la chronologie des transcriptions zutiques devient problématique. Léon Valade a essayé de redonner un principe d'ordre avec sa transcription soignée du dizain "L'Orpheline" sur le feuillet 8. Rimbaud a participé à cette reprise en mains en centrant le titre "Conneries 2e série" au verso du feuillet 8, mais il n'a reporté qu'un seul texte tout à gauche. Il s'agit d'un sonnet monosyllabique. Une très grande place a été laissée pour d'autres transcriptions sur le même principe apparemment du sonnet de vers courts. Le reste du feuillet est resté assez longtemps inemployé, puisque les deux contributions de Raoul Ponchon et Germain Nouveau n'ont pu avoir lieu que plusieurs mois après. Pour ce qui est des copies de poèmes par les zutistes de la première heure, seules les copies soignées peuvent être envisagées comme transcrites dans un ordre chronologique assez serré. Je ne trouve pas du tout prudent de dater à partir de leurs positions dans l'Album les copies de "Vieux de la vieille", du "Balai", des "Hypotyposes", pour m'en tenir à des textes de Rimbaud, deux de ces trois textes étant à peine signés : "FC" pour Le Balai, mais pas de mention "Rimbaud", aucune mention, pas même de "Belmontet" pour "Vieux de la vieille".
Le poème "Exils" (pluriel fort crédible sur le fac-similé) interpelle également. Il semble répondre quelque peu au poème "Epilogue" un faux Coppée de Valade. Les deux titres se font écho. Les deux poèmes sont l'un en-dessous de l'autre, avec un alignement sur la droite du feuillet. L'impression  donnée par le feuillet, c'est que Verlaine a transcrit son dizain "Souvenir d'une enfance bébête..." sur la colonne de gauche laissée par l'émargement initial voulu par Léon Valade, tandis que Rimbaud a transcrit un prétendu fragment de six vers qu'il aurait tiré d'une épître en vers de Napoléon III. La mention "honnête instinct", le souvenir que j'ai d'un poème de Coppée qui est une lettre d'un mobile breton à sa famille, le caractère trivial des six vers de Rimbaud, mais dans un style ampoulé lancé par le vers initial "Que l'on s'intéressa...", tout invite à penser que Exils parodie toujours la poésie de Coppée, celle cette fois des Poèmes modernes ou des pré-originales des Humbles. Dans "Epilogue", Valade épingle le Coppée politique et l'actualité de la pièce Fais ce que dois, pièce anticommunarde où un enfant est invité à ne pas fuir le pays qui demande une revanche après la défaite franco-prussienne. Les six vers intitulés Exils raillent le bonapartisme de Coppée en montrant un empereur qui fait exactement l'inverse du message de verdeur morale du héros mâle du nouveau succès coppéen. Coppée critique l'exil, mais le fidèle de la princesse Mathilde oublie que cela concerne Napoléon III réfugié en Angleterre. Le vers "Que tout honnête instinct sort du peuple débile !...." souligne les contradictions de Coppée, poète qui se sert de l'image des humbles pour vanter explicitement une vertu honnête, mais qui s'indigne de l'instinct du peuple quand il renverse tout ordre, ce qu'illustrent les aigreurs de la plaquette "Plus de sang" et du drame "Fais ce que dois".
L'ordre de transcription est déjà problématique pour ce qui est des tout premiers feuillets, puisque les transcriptions sur les colonnes de gauche sont postérieures aux transcriptions sur les colonnes de droite pour le verso du second feuillet et le recto du troisième. Mais, le soin apporté à ces copies invite à penser que les transcriptions de gauche ne sont pas tellement postérieures à celles placées sur la droite des feuillets. L'encre foncée inviterait à penser que les transcriptions de "Avril, où le ciel est pur,...", Autres propos du cercle, Vu à Rome et Fête galante sont contemporaines des transcriptions "Ventre de jade...", Intérieur matinal, Oaristys et Cabaner. Réplique au "Sonnet du Trou du Cul...", le sonnet "Avril, où le ciel est pur..." partage avec le sonnet Cabaner transcrit par Valade la signature "Camille Pelletan" et le fait de cibler le zutiste Ernest Cabaner. Le quatrain Autres propos du cercle est lui aussi attribué à Camille Pelletan, ce qui fait une série de trois. Le sonnet "Ventre de jade blanc, poli..." attribué à Heredia est un sonnet en vers d'octosyllabes recopié par l'un de ses deux auteurs, Charles Cros, tandis que le sonnet "Avril, où le ciel est pur..." est un sonnet en vers de sept syllabes du même Charles Cros. La transcription salie par l'encre trop abondante sur la plume de "Quand la danse saisit..." de Pelletan parodiant Eugène Manuel, et celle d'un dizain inachevé de huit vers de Verlaine intitulé Remembrances font envisager, ce que confortent en prime les dessins obscènes et les mentions "marque de mon doigt", que Camille Pelletan a eu droit à une journée de baptême zutique où il a favorisé les épanchements obscènes pour la plus grande joie de Verlaine, Cros, Rimbaud et Valade. Dès les premiers feuillets, nous observons une concurrence entre des projets de séries zutiques sur des schémas précis, un laisser-aller, des réponses parodiques immédiates à de premières contributions zutiques et l'envie de transcrire un poème plus ancien comme "Ventre de jade blanc, poli..."
Dans l'édition en Garnier-Flammarion, le quatrain "Lys" est présenté comme un "collage composé à partir des poèmes du parnassien Armand Silvestre". C'est inexact. Le quatrain "Lys" parodie un seul poème en vers d'Armand Silvestre, le troisième des Sonnets païens de son premier recueil Rimes neuves et vieilles (Sonnets "payens" (sic!) III, notez le vers deux parodié par Rimbaud... et Cros, et le mot "étamine" à la rime mais au singulier cette fois) Et il ne faut pas seulement préciser que ce premier recueil a eu l'honneur d'une préface de George Sand, mais encore que la romancière a qualifié Silvestre de "spiritualiste malgré lui" (Rimes neuves et vieilles, préface de George Sand, page III, avec la mention en italique "spiritualiste malgré lui") Rimbaud qui écrivait peu auparavant que cet "avenir sera matérialiste" a reconnu le titre de Molière du Médecin malgré lui. Tout le sel de la parodie se joue là avec la mention médicale moliéresque des "clysopompes". Au dix-neuvième siècle, les spiritualistes sont la plupart du temps des défenseurs de l'Eglise, ainsi que de la monarchie ou de l'Empire. La parodie du quatrain "Lys" vise encore les publications de Silvestre sous le pseudonyme de Ludovic Hans : voici les liens Second siège de Paris, le comité entral et la Commune, journal anecdotique, puis Guide à travers les ruines, Paris et ses environs. Verlaine fait allusion à ces deux publications dans sa correspondance, même s'il ne les cite pas expressément. Il me semble que depuis Jacques Bienvenu a identifié la mention "Paris se repeuple" dans une brochure Itinéraire des ruines de Paris, variante apparemment de l'ouvrage paru sous le pseudonyme de Ludovic Hans (son article "l'origine possible du titre 'Paris se repeuple' "). Nous sommes très loin du collage à partir de plusieurs vers d'Armand Silvestre, et comme dans le cas de la notice pour "Vieux de la vieille" le lecteur d'une édition courante des œuvres de Rimbaud ou de l'Album zutique ne connaîtra pas tous les éléments utiles à la correcte appréciation de la parodie zutique.

Nous pourrons revenir ultérieurement sur les parodies zutiques de Mérat, Dierx, Ricard et Coppée au plan des contributions rimbaldiennes. En ayant considéré que la pièce Exils participait d'une dynamique de raillerie à l'encontre de François Coppée, nous en arrivons enfin au noyau des trois poèmes coiffés du titre "Conneries". L'une de ces trois "Conneries" intitulée Jeune goinfre a été identifiée par Steve Murphy comme une parodie de Louis Ratisbonne, une deuxième puisque le poème L'Angelot maudit lui est explicitement attribué. Or, si j'ai identifié la réécriture du vers final de L'Heure du berger de Verlaine dans un vers de L'Angelot maudit, voilà que deux parodies par Rimbaud de Louis Ratisbonne impliquent également une touche de moquerie à l'égard de Verlaine. Le héros de "Jeune goinfre" se prénomme Paul. Les vers de Verlaine sur la "diligence de Lyon" sont eux-mêmes une création obscène inspirée d'un poème de La Comédie enfantine de Louis Ratisbonne : dans le poème Le Relais, le petit Paul a été assez habilement flatté que pour accepter de jouer le rôle d'une borne le long du chemin de fer.
Les trois "Conneries" ne sont pas accompagnées d'une fausse signature, autrement dit d'une désignation de leur cible parodique. Ceci dit, les trois "Conneries" ont une identité de forme, celle du sonnet de vers courts à la syntaxe appauvrie. Louis Ratisbonne ne correspond pas au modèle formel. Rimbaud a adopté le vers de deux syllabes dans "Jeune goinfre", celui d'une syllabe dans "Cocher ivre" et celui plus courant de six syllabes dans "Paris".
Il existe un modèle canonique du sonnet en vers d'une syllabe, le fameux sonnet de Paul de Rességuier cité dans maints traités de poésie en vers : "Fort Belle Elle Dort..." Mais, dans le cas zutique, où il est question de Verlaine et de parnassiens, la référence au sonnet monosyllabique de Daudet Le Martyre de saint Labre ne saurait manquer de s'imposer. Daudet a sous-titré son poème "Sonnet extrêmement rythmique", citation claire d'un poème de Verlaine La Nuit du Walpurgis classique.
Le Parnassiculet contemporain bien évidemment sous-titré "Recueil de vers nouveaux" est précédé d'un texte en prose "L'Hôtel du Dragon-bleu" dont nous pouvons ici commencer la lecture. Cette variante du "Club des haschischins" se veut un récit Jeune-France à la manière de Théphile Gautier, mais avec un esprit de dérision plus corrosif à l'encontre des écrivains qui se lèvent. Ce récit en prose fait en particulier allusion à l'étange balade en ville du poème saturnien de Verlaine Croquis parisien : "A quoi peut songer à cette heure, dans la rue du Four-Saint-Germain, sur les trottoirs mouillés qui étincellent aux lueurs du gaz, Si-Tien-Li, poëte chinois et mandarin de première classe ?" "toits pointus", etc. En onze courts paragraphes, ce récit tourne en dérision les réunions des ambitieux Parnassiens. Il est déjà question d'aller à l'Odéon ou de la vigilance des "sergents de ville", d'une comparaison d'un visage poudré avec  les "étamines d'un lis" avant une lecture de "Vers amoureux", de réunion en groupe autour d'un piano dans une ambiance de hachisch, de propos au sein d'un cercle et de beuveries, de la longueur d'une "fleur de digitale" (songeons à Fleurs des Illumminations), de boire à Saturne et à l'impassibilité en revendiquant abolir la réalité, et d'une vision toute caricaturale de la poésie de Leconte de Lisle qui coïncide en tous points avec le discours du héros éponyme du roman Le Petit Chose.
L'Avertissement de "l'éditeur", un homophone "Lemer" pour celui des Parnassiens, était déjà sèchement agressif. Le projet est à prendre au premier degré : il s'agit de montrer aux Parnassiens qu'il est facile d'écrire aussi médiocrement qu'ils le font. Le Parnassiculet contemporain a pour vocation de tourner en dérision un problème d'orgueil. Nulle trace d'humour quand l'éditeur parle d'apprendre aux Parnassiens qu'ils sont médiocres et que cela s'aggrave du ridicule de parler une langue étrange, le sanscrit par allusion aux poèmes hindous de Leconte de Lisle. Un mot de la préface de l'éditeur attire immédiatement l'attention "abracadabrante" (Parnassiculet contemporain, Avertissement, page 7 "abracadabrante"). Il est vrai qu'il est question de Gautier, mais j'observe que le poème Le Cœur supplicié envoyé à Izambard dans une lettre du 13 mai 1871 n'est pas simplement un poème communard reprenant l'esprit des Odes funambulesques de Banville et une forme médiévale de triolet remise à l'honneur par le même Banville. Sachant que Rimbaud a rencontré le futur zutiste André Gill à Paris, avant le 13 mai, il est étonnant de songer que le poème Le Cœur supplicié est une suite comique de trois triolets, un principe affectionné par Léon Valade, en tout cas dans la revue La Renaissance littéraire et artistique, et dans cette suite figure le néologisme "abracadabrantesques", forme de superlatif de l'adjectif "abracadabrant" qui figure au féminin singulier dans la préface au Parnassiculet contemporain, titre qui comprend lui-même un néologisme par suffixation complexe à partir de "Parnasse". Je signale ne pas trouver un instant vraisemblable que Rimbaud soit monté à Paris pour aller vivre avec Verlaine sous le toit de la belle-famille, sans l'avoir jamais rencontré auparavant. Rimbaud peut très bien avoir rencontré André Gill, Paul Verlaine et un premier cercle de poètes adeptes des blagues zutiques, malgré les événements!, en février, mars ou avril 1871.
Les poèmes du Parnassiculet contemporain sentent l'impuissance raillant ce qu'elle envie d'être. Les poèmes sont avoués en tant que sarcasmes pour servir d'excuse à leur nullité visiblement. On remarque dans Le Convoi de la bien-aimée tel vers qui, quoique ridicule, a pu inspirer Rimbaud dans Lys : "Dédaigneux des effrois issus des ouragans"[.] En 1872, une nouvelle édition du Parnassiculet contemporain contiendra neuf pièces inédites supplémentaires dont un "Epilogue" sous forme de triolet (décidément !), triolet qui par exception n'est pas trop mal rythmé.
Mais, s'il y a un poème à retenir, c'est Le Martyre de saint Labre (sonnet extrêmement rythmique) que malgré l'anonymat de la publication il nous faut attribuer à Alphonse Daudet (Parnassiculet contemporain, édition de 1872, page 27).

       Le Martyre de saint Labre
(sonnet extrêmement rythmique)

       Glabre,
       Saint
       Labre
       Teint

       Maint
       Sabre
       S'cabre
       Geint !

       Pince,
       Fer
       Clair !

       Grince,
       Chair
       Mince !

Les sonnets occupaient une place importante dans le premier volume du Parnasse contemporain de 1866, avec notamment une section finale consacrée à cette forme. La distribution des rimes dans les sonnets était remarquablement irrégulière. Sainte-Beuve, Gautier à ses débuts et Musset avaient montré la voie, mais les sonnets irréguliers furent à la mode dans les années 1860 avec Les Fleurs du Mal de Baudelaire, Philoméla de Catulle Mendès, Avril, mai, juin publié anonymement par Valade et Mérat. Les contributions du premier Parnasse contemporain illustraient nettement cette tendance et c'est ce qui explique l'opposition des quatrains ABAB BAAB. Il suffit de comparer les sonnets d'Heredia dans le premier Parnasse contemporain avec ceux des Trophées pour comprendre l'effet de mode prégnant à cette époque. Les rimes des tercets de Daudet sont excentriques sur le modèle du recueil anonyme de Valade et Mérat. Daudet a réussi à associer en un poème plus que concis des traits formels parnassiens saillants et des caractéristiques du "métromane" Amédée Pommier, grand adepte du vers d'une syllabe et de l'improvisation facile au mépris de la syntaxe et de la maîtrise de la langue. Pourquoi associer des traits distinctifs des Parnassiens et d'autres propres à Amédée Pommier ? Tout simplement pour railler Verlaine qui était entré dans l'arène pour défier l'orageux Barbey d'Aurevilly. En effet, en 1865, dans la revue L'Art, Verlaine avait pris la défense de Banville que conspuait Barbey d'Aurevilly en posant une question pertinente frappée au coin du bon sens : comment contester les jeux formels de Banville quand on s'enthousiasme pour les mauvais tours de prétendu acrobate du dérisoire Amédée Pommier ? Barbey d'Aurevilly ne manque pas d'éreinter Verlaine dans ses "Trente-sept Médaillonnets du Parnasse contemporain". L'argument était tellement facile et cinglant que Verlaine devait penser avoir terrassé son adversaire, et voilà que des envieux faisaient mine de ne pas considérer le problème de comparaison entre la poésie incontestablement appliquée de Banville et les bourdes maladroites d'Amédée Pommier. Verlaine aurait pu ignorer des auteurs qui ne savaient pas écrire en vers, qui n'avaient pas franchement d'inspiration même en prose et qui n'étaient pas spécialement efficaces au plan de la raillerie, mais cette suffisance parvint à la toucher et le mit hors de lui. Il s'en prit brutalement à Daudet. Avec son suffixe en "-et" qui se déclarait solidaire des "Médaillonnets" de Barbey d'Aurevilly, le discours médiocre de Daudet sentait une puissance de haine éternelle, une mesquinerie invincible. C'est une rime absente qui explique la série Médaillonnet, Parnassiculet, Daudet, Eloge de l'Âne quant au titre du premier sonnet monosyllabique de la série "Valadive". La lutte avec Barbey d'Aurevilly n'allait pas non plus sans arrrière-plan politique.
Pour persifler les goûts du connétable des Lettres, le diabolique Verlaine avait cité un des plus mauvais passages tant par sa versification que par son mauvais goût du poème Blaise et Rose d'un recueil de 1860 Colifichets, titre que Verlaine prenait au mot. "Colifichets" sous la plume de Verlaine ce n'était plus le titre d'un recueil, c'était la désignation accablante avec "enfantillages" qui affichait toute sa réprobation pour l'œuvre d'Amédée Pommier. J'ai déjà cité le texte de Verlaine. Citons cette fois le début d'un article de Barbey d'Aurevilly paru le 30 avril 1862 dans le journal Le Pays. Il y est question d'un roman La Dame au manteau rouge d'Armand Pommier, ce sera le prétexte à une mise au point personnelle sur l'importance des études physiologiques dans les romans depuis Balzac, dans la mesure où Barbey d'Aurevilly doit maintenir la supériorité de la morale et de la spiritualité sur tout matérialisme. Mais, le critique ne peut manquer de profiter de l'homonymie pour célébrer au passage son ami : "Voici un nom lourd à porter, quand on destine à la littérature, car c'est le nom d'un des premiers poètes de ce temps. C'est le nom d'un des plus vaillants poètes romantiques, qui n'a pas, lui, rendu son épée à l'Académie française, comme tant d'autres, et qui est toujours l'homme de la première heure, le clairon d'or pur que rien n'a faussé, et qui joue maintenant, dans cette misérable défaite littéraire dont nous sommes les témoins, les airs à outrance du cor de Roland à Roncevaux. M. Amédée Pommier, l'auteur des Crâneries, des Assassins, des Océanides, du Livre de sang, des Fantaisies, et qui n'a pas eu peur (il n'a peur de rien, et il a raison !) d'écrire un poème intitulé L'Enfer, après le poème terrassant du Dante, M. Amédée Pommier fera obstacle involontairement de sa réputation acquise à tout homme du même nom que lui et qui débutera dans les lettres." Barbey d'Aurevilly avait visiblement du mal à contrôler des réactions d'enfant. Ce qu'il écrit est assez déconcertant. Son admiration ne saurait se fonder que sur de la connivence au plan politique. Il est à noter qu'il sépare en deux le titre Océanides et Fantaisies. Le recueil Les Assassins cible l'idée de régicide d'après ce que j'ai lu. Le recueil du Livre de sang a en réalité un double titre comme L'Orgie parisienne ou Paris se repeuple. Ce double titre est La République ou Le Livre de sang. Il s'agit là encore d'un ouvrage à résonance politique. Mais seuls quelques titres sont cités dans cet article et si on essaie d'en rassembler quelques-uns, un fait important saute aux yeux : Colifichets, Colères, Crâneries, Fantaisies, il s'agit des modèles qui ont inspiré le titre Conneries à Rimbaud. Il a repris la première syllabe de "colères" et "colifichets", voire la consonne initiale de "Crâneries", il a repris la terminaison de "Crâneries" et "Fantaisies". Deux des "Conneries" sont bien des poèmes à vers courts, ce qui peut justifier le patronage d'Amédée Pommier : "Jeune goinfre" et "Cocher ivre", lequel titre "Cocher ivre" reprend lui aussi la syllabe initiale "Co-". Tout cela se tient. Cerise sur le gâteau, Amédée Pommier a publié en 1867 un longue plaquette de 400 pages toute en octosyllabes intitulée Paris et sous-titré Poème humouristique. Enfin, le poème L'Enfer d'Amédée Pommier permet d'établir un parallèle avec Louis Ratisbonne, un traducteur de la Divine Comédie de Dante qui s'est ensuite adonné à une poésie pour enfants en démarquant le titre de la grande œuvre qu'il avait traduite : La Comédie enfantine. L'équation Ratisbonne = Pommier permet d'envisager que "Jeune goinfre" est tout à la fois une parodie de Pommier et une parodie de Ratisbonne moquant Verlaine, sur le principe établi par Daudet dans Le Martyre de saint Labre. Le poème L'Angelot maudit contient une réécriture d'un vers de L'Heure du berger, poème saturnien de Verlaine. Et, s'il n'est pas question de "caca" directement dans l'œuvre pour enfants de Ratisbonne, le "caca au coin des rues" est mentionné dans le "poème humouristique" de Pommier intitulé "Paris".
L'Angelot maudit et les trois "Conneries" forment un tout.
Etablissons maintenant les liens intertextuels. Le sonnet "Jeune goinfre" en vers de deux syllabes possède, malgré sa brièveté, trois modèles intertextuels. Il y a bien sûr la série sur la gourmandise du petit Paul dans La Comédie enfantine de Ratisbonne, mais l'allure du sonnet se fonde sur la structure maigre du Martyre de saint Labre.  Les trois constituants détachés sur six vers : "Casquette de moire, Quuéquette d'ivoire, Toilette très noire," puissamment desservi par les assonnances en "[è]" et en "oi" correspondent à l'apposition "Glabre" du premier vers de Daudet. Les vers "Paul guette L'armoire" correspond quelque peu à la suite "saint Labre teint Maint sabre", puis avons une accélération verbale heurtée dans les deux poèmes avec une création rimbaldienne qui finit par développer une forme d'équivalence à l'histoire du "sabre" : "S'cabre, Geint ! Pince, Fer clair ! Grince, chair mince !" contre "Projette Languette sur poire, /S'apprête, Baguette Et Foire." Daudet dans "saint Labre" parodie plus nettement Pommier que Rimbaud dans "Jeune goinfre", mais la filiation formelle est là, et Rimbaud joue sur  des caractéristiques du style de Pommier quand il fait se succéder paresseusement les formes binaires des six premiers vers ou se contente de coordonner des verbes dans le dernier tercet. Le poème "Jeune goinfre" est par ailleurs sur deux rimes, ce qui justifierait un rapprochement avec "Fête galante", la parodie zutique. Valade ayant produit une suite de trois sonnets monosyllabiques, il existe un quatrième intertexte sensible pour "Jeune goinfre" ! Il s'agit du sonnet "Eloge de l'Âne" qui joue sur la distribution binaire appuyée à la façon du poème Sparte de Pommier : "Naître / Con...", ce qu'illustre au plus près le second quatrain de "Cocher ivre" : "Âcre / Loi" qui lui est visiblement en lien avec le troisième sonnet de la série de Coppée "Combat naval", quand le "Sois Sage : Bois" d'Amour maternel est en lien avec la morale du sonnet Paris. Les vignettes qui accompagnent les trois créations de Valade suggèrent que ce sont des créations plus anciennes dont le report dans l'Album zutique avait été décidé.
En vers d'une syllabe, le sonnet "Cocher ivre" reprend le modèle formel de Rességuier ou Daudet, mais il cite explicitement Pommier par ses réécritures. Le titre "Cocher ivre" est une reprise de deux passages du poème Le Progrès du recueil des Colères d'Amédée Pommier. Ce recueil est très intéressant à lire pour mieux comprendre les motivations parodiques de Rimbaud. Plusieurs vers de Pommier font d'ailleurs songer au monostiche attribué à Ricard : "L'Humanité chaussait le vaste enfant Progrès", en sachant qu'un écho de titre "L'Egoïste" fait songer que le rapprochement entre certains vers de Ricard et d'autres de Pommier n'est sans doute pas fortuit. Pommier, tout en étant obscène, se plaint du matérialisme, d'une philosophie d'Epicure confondue caricaturalement et banalement avec l'abandon à une recherche sans frein du plaisir. Pommier critique le recul de la foi et l'absence d'une valeur partagée par toute la nation française aujourd'hui divisée. Comme Voyelles de Rimbaud ou comme La Trompette du jugement d'Hugo, un poème politique de Pommier se termine par l'idée du clairon du jugement dernier. Il est intéressant de lire les poèmes de Pommier en les comparant à Credo in unam pour comprendre l'affrontement de positions opposées et irréconciliables. Le poème Paris du "métromane" dénonce plus d'une fois les excès de la Révolution, de la guillotine, de la vie républicaine non ordonnée par la foi, etc. Mais, donc, dans le poème Progrès du recueil politique Colères l'humanité est conduite par une cochère soûle (Colères, "Le Progrès", page 81, 1844) , avant que la place ne soit cédée à un "postillon ivre". C'est à l'évidence de la rencontre entre ces deux passages qu'est né le titre "Cocher ivre".

        De nos jours le progrès a pris le mors aux dents.
        Holà ho ! retenez vos chevaux trop ardents
        Perfectibilité, jeune femme un peu soûle,
        Qui conduisez le coche où l'humanité roule !
        Ce vol de dératés commence à m'effrayer ;
        Je crois qu'il serait bon et sage d'enrayer,
        Si nous ne voulons pas, pour finir la carrière,
        Choir, cu par-dessus tête, en quelque fondrière.

Je vous recommande la page sur les "progressifs" "gens impayables" qui, loin des maux fondant sur les chrétiens, vont spéculant "sur les cotons filés", inventant "dalles bitumineuses" "Réverbères de gaz", monde où "Le caoutchouc triomphe, et le clysoir annule / La seringue d'étain et l'antique canule". Ne serait-ce pas encore un intertexte de Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs, poème qui a l'air de répondre au Parnassiculet contemporain et dont le titre ressemble aux titres de chapitres du récit du Dragon-bleu. Il y aurait de Pommier d'autres passages à citer, mais je complète l'intertexte, avec cette citation du même poème :

          Laissez au moins souffler la terre du bon Dieu !
          Ne la surmenez pas, comme un postillon ivre
          Qui fouaille à tour de bras la bête qu'on lui livre ;
          Servez-vous du cheval sans l'éperonner tant ;
          Ce pauvre sphéroïde en est tout haletant.
          La matière est par vous vraiment trop tracassée ;
          Elle crie, elle geint, esclave harassée.
          [...]

Le poème sur Le Progrès est suivi d'un poème sur une catastrophe ferroviaire. Je m'en tiens à l'essentiel, à ce qui n'est pas que suggestif. Ici, la mention verbale "geint" à proximité de la mention "postillon ivre" est significative (Colères, "Le Progrès", page 87) . Cette mention verbale "geint", "geint", "geigne", relie "Cocher ivre", "Le Progrès", "Blaise et Rose" et "Le Martyre de saint Labre", ainsi qu'un poème de 78 vers d'une syllabe paru dans Le Figaro en 1878.
Le second quatrain de "Cocher ivre" est pour sa part une réécriture de vers du poème Sparte, le mot "Loi" en fait foi : "Acre / Loi / Fiacre / Choit", le verbe "Choit" est rerpis de "Choir" cité plus haut bien entendu. Mais, Rimbaud parodie encore le poème "Blaise et Rose" où Pommier ne s'inquiète plus cette fois du sort d'une femme surmenée et brutalisée. Le croisement des deux poèmes révèle l'inanité du discours critique d'Amédée Pommier, lequel n'a aucune cohérence dans le comportement, aucun esprit de suite dans ses discours. Le sonnet "Cocher ivre" moque la syntaxe chaotique de "Blaise et Rose" que je citerai avec "Sparte" la prochaine fois. Il me reste aussi à fixer quelques précisions au sujet du poème Paris, en particulier pour l'Hérissé et les "sergents de ville", ces derniers sont dans le récit en prose qui ouvre le Parnassiculet contemporain, mais encore dans le poème Politicomanie du recueil intitulé Colères, lequel recueil contient justement le poème Charlatanisme avec sa revue publicitaire. J'ai enfin une autre idée inédite pour rapprocher Pommier, Banville et le zutisme, mais comme cela m'a été communiqué en privé je ne l'écrirai pas ici in extenso si réellement la remarque est inédite.


A suivre...

vendredi 27 mai 2016

Petite brève de comptoir

Dans le rapport de police, suite à l'arrestation de Verlaine en juillet 1873, nous découvrons un jugement littéraire étonnant au sujet de Rimbaud. L'agent salue le fait que notre poète possède la "mécanique des vers comme personne", tout en précisant ensuite que cette œuvre est soit illisible, soit repoussante pour le reste. Ce jugement, l'officier ne l'a pas formé à la lecture attentive de poèmes de Rimbaud qu'il aurait pu saisir. C'est plutôt un sonnet inversé de Verlaine qui a fait partie du dossier. Aucun manuscrit inédit d'un poème de Rimbaud ne nous est parvenu via la justice belge. En réalité, l'agent de police rapporte le contenu du message d'un informateur qui, visiblement, s'est renseigné auprès du milieu parisien qu'a fréquenté Rimbaud. Charles de Sivry serait un bon candidat. Mais ce qui a retenu l'attention, c'est l'emploi du terme "mécanique", métaphore perçue comme audacieuse. En gros, ce jugement serait pertinent dans la mesure où effectivement Rimbaud s'est posé des questions sur la versification qu'il a poussées plus loin que quiconque, mais il aurait une grossièreté de béotien. Toutefois, ce jugement concerne sans doute plus sûrement la maîtrise du vers de 1871 que les expériences provocatrices de dérèglement du vers de 1872. Enfin, ce mot "mécanique", il vient de Banville. La publication du Petit traité de poésie française était récente. Jacques Bienvenu a montré que le texte en a été publié avant l'édition en volume de 1872 qui sert de référence et que cela n'est certainement pas innocent quant à l'évolution des rimes de Rimbaud dès le début de l'année 1871 avec les lettres dites "du voyant". Ce traité s'est diffusé en 1872 dans le milieu parisien, au moment même où Rimbaud conteste les règles. Et justement, le second chapitre porte le titre suivant : "Règles mécaniques des vers". Ce rapport de police nous fait entendre qu'il a été question de ce traité dans les discussions des zutistes et Vilains Bonshommes autour de Rimbaud.

mardi 24 mai 2016

Bouquet de voyelles de toutes les couleurs


Les rimbaldiens cherchent les pistes littéraires, une piste scientifique c'est à bannir forcément.
Dans le cas du sonnet Voyelles, un fugitif contact personnel m'avait indiqué que le rouge, le vert et le bleu formaient une trichromie concurrente de la trichromie classique des peintres bleu, rouge, jaune que nous connaissons tous.
Cela m'avait réjoui. En 2003, j'ai affirmé que la lumière était le foyer de la raison poétique à l'œuvre dans Voyelles. J'envisageais même alors l'idée d'une aube qui se levait au fur et à mesure des voyelles, j'ai renoncé à ce raffinement depuis, mais pour citer "L'Impossible", je ne crois pas plus que Rimbaud "la lumière altérée". C'est la métaphore au cœur de sa pensée profonde de poète penseur.
Je trouvais un peu dérisoire qu'après la belle opposition du noir et du blanc Rimbaud ait délaissé un ensemble formel bien constitué, celui de la trichromie rouge jaune bleu pour une série aléatoire ouverte rouge vert bleu. Pourtant, la présence à la fin du sonnet du "violet" comme ultime couleur du prisme solaire me confortait dans l'idée qu'il y avait une unité du système des couleurs dans ce sonnet. J'avais cherché du côté des théories antinewtoniennes fumeuses de Goethe, et rien d'intéressant ne remontait. J'avais cherché du côté des écrits de Charles Cros, mais il parlait de la trichromie des peintes jaune bleu rouge.
En 2004, quelqu'un de convaincu par ce que je faisais m'a apporté la trichromie sur un plateau, et quelques années plus tard j'aurai l'étonnement de voir un professeur d'université toulousain en Lettres Modernes (et ce n'est pas Yves Reboul ou Antoine Fongaro) me sortir à nouveau lui aussi cette idée de la trichromie, ce professeur ne sachant pas alors que j'avais déjà été informé de l'idée et que j'avais déjà fait du chemin avec.
On peut lire les articles sur Voyelles. Plus d'une fois, un commentateur se déclare surpris que Rimbaud ait choisi le vert au lieu du jaune.
En réalité, il y a deux trichromies, et la trichromie rouge vert bleu est celle du scientifique allemand Helmholtz. Cette trichromie est fondée sur une étude de l'œil humain. Nous percevons des longueurs d'ondes. Au fond de l'œil, les cônes sont nos photorécepteurs. Nous avons trois types de cônes, et chacun de ces types est associé à une couleur, précisément le rouge, le vert et le bleu. Et plus fort encore, Helmholtz hésitait entre le bleu et le violet dans le dernier cas. Dans le sonnet Voyelles, le rouge demeure le rouge, le vert demeure le vert, mais le bleu cède au "viiolet". Dans le dernier vers du sonnet, le "violet" est à la fois l'ultime lumière du prisme solaire et la variable d'Helmholtz, tandis que le premier vers a une finition parfaite : la cohérence du couple noir / blanc étant complétée par la trichromie des cônes rouge vert bleu.
Ce discours scientifique était récent à l'époque de Rimbaud. Trois ans avant sa montée à Paris, les théories sur les cônes d'Helmholtz faisaient l'objet d'articles en français dans la Revue des deux mondes. Et Helmholtz travaillait encore sur le son, et des articles importants paraissaient aussi sur ce dernier sujet dans les revues françaises.
En septembre 1871, Rimbaud entre en contact avec Charles Cros. Mieux encore, Charles Cros le loge un temps, et précisément là où est son laboratoire rue Séguier. Charles Cros effectuait des recherches scientifiques, il allait bientôt mettre au point une méthode de reproduction photographique en couleurs. C'est à Paris, quelques mois après, peu de mois après avoir logé chez Charles Cros, que Rimbaud compose Voyelles.
Il semble inutile évidemment de chercher à faire parler les mots et les phrases de Rimbaud, que ce soit en lisant Voyelles, que ce soit en lisant Une saison en enfer pour leur faire réciter la pensée scientifique de Helmholtz. Le moulage couleurs-voyelles est éloquent et parfaitement suffisant. Le discours d'Helmholtz est d'époque, il est clair, il est cohérent, fondé scientifiquement. Pourquoi les rimbaldiens vont-ils s'obstiner à chercher ailleurs des pistes littéraires improbables ou qu'à ce jour ils convoitent toujours de rencontrer sans savoir où chercher ?
Au plan du dernier vers, le "rayon violet" mérite aussi une attention particulière. En général, quand on parle du rayon dans le regard d'une jeune femme, on évoque un reflet solaire qui révèle son âme. Or, dans le cas de Voyelles, les majuscules à "Ses Yeux" désignent clairement la divinité, la Raison, la Vénus, comme la nomme Rimbaud en d'autres compositions.
C'est un petit paradoxe dans la mesure où la divinité lumière aurait un rayon dans les yeux, un reflet d'elle-même, alors qu'elle est la source. Faut-il pour autant envisager la théorie grecque du rayon visuel, théorie selon laquelle pour voir nos yeux émettent eux-mêmes un rayonnement qui irait au contact des choses ? Je ne le crois pas. J'apprécie le paradoxe dans son défi tout simplement et dans l'idée très simple d'un échange réciproque entre le regard du poète témoin et le regard créateur de la divinité.
Maintenant, le discours du poète se joue à un niveau précis: "U, cycles, vibrements divins des mers virides". Je choisis de ne pas encore tout exprimer de ma pensée pour l'instant.
Je vais quand même préciser un élément qui sous-tendait déjà mon approche de 2003. Le poète emploie des voyelles et des consonnes qu'il n'a pas créées. Il emploie la grammaire et les mots d'une langue qui lui préexiste. La création du poète ne se joue pas au plan de la langue, quand il dit que le temps d'un langage universel viendra, quand il dit qu'il veut inventer un "verbe poétique accessible un jour à l'autre à tous les sens". Ce que j'ai toujours compris, c'est qu'il utilisait la langue à sa disposition, le français dans l'état auquel il est parvenu à la fin du dix-neuvième siècle, pour filtrer l'infini des flux du réel et pour dégager à partir d'un tissage articulé habile des révélations simples ayant valeur d'épopée collective (et songeons au rejet des dérisoires célébrités de la peinture et de la poésie modernes au profit du vulgaire, de l'anonyme collectif de productions dévaluées, etc.). Quand je lis le sonnet Voyelles, je ne réfléchis pas du tout sur ce que peut être le "A noir", ce qui m'intéresse d'emblée, c'est que justement la forme et le mouvement de chaque consonne soient réglés, et je m'intéresse d'emblée au tableau complet de la série formée par les vers consacrés au "A noir" par exemple, et j'y vois l'affirmation d'un principe la putrescence matricielle, et puis je vois un autre principe dans le "E blanc", le jaillissement pur, et puis ainsi de suite. Et j'y vois l'énumération de cinq principes qui permettent l'éclosion de tous ces paysages possibles que le poète se vante de posséder. Il les possède, non pas comme un collectionneur qui a accumulé, mais comme quelqu'un qui sait nommer les principes de toutes choses.
J'ai un ami avec lequel je travaille sur ces sujets compliqués, le temps d'un article à deux mains viendra. En attendant, tout ce qui précède montre assez l'étendue déjà parcourue.
Dans Une saison en enfer, outre que je ne parle pas encore de tout ce que j'y perçois d'essentiel, Rimbaud considère que la "lumière" n'est pas "altérée", d'autres choses encore, mais il relativise le pouvoir individuel qu'il s'est attribué pour parvenir au "verbe poétique". C'est à cette aune-là qu'il faut évaluer l'échec de l'entreprise du "voyant" sans considérer pour autant que toute la logique de sa pensée s'effondre.
Pour l'instant, aucun rimbaldien ne me suit dans cette voie particulière. Il est tellement plus simple de considérer le voisinage satirique, obscène ou parodique des productions zutiques, d'Oraison du soir, des Chercheuses de poux, de Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs ou des Douaniers.
Comment prêter un sens sérieux de poème-univers à Voyelles, si cette œuvre est entourée de facéties ou de fumisteries ? Sans doute quelque peu contemporain, le poème Le Bateau ivre, qui a lui aussi un humour funambulesque "extravagant" (variante verlainienne du titre d'ailleurs), ne souffre pas du même poids de discrédit.
Voilà le noyau herméneutique très abstrait que Murat, Reboul, Nakaji et tant d'autres rimbaldiens refusent obstinément d'envisager dans le cas de Voyelles. Ce serait faire du Gengoux, sauf qu'on est loin de l'ésotérisme de pacotille d'un Jacques Gengoux. Citer Pythagore, telle pensée présocratique grecque ou Epicure, ce serait là encore faire du Gengoux ? Mais que Gengoux soit mystique en citant ces sacrés morceaux de la culture grecque, cela ne veut pas dire que la "musique des sphères", telle ou telle théorie grecque soient mystiques entre les mains du poète, ou dans la tête de tel autre commentateur de l'œuvre de Rimbaud. Ce sont d'abord des motifs culturels. Et accordons à Rimbaud les valeurs apéritives de renvois culturels. Le sonnet de Cabaner, des poèmes de Baudelaire, d'autres œuvres encore prouvent qu'il y a tout lieu de penser que Rimbaud s'inspire de ses modèles, mais en artiste bien sûr, sa pensée profonde ne s'enfermant pas dans les motifs qu'il exploite.
J'ai parlé en 2003 du texte de Baudelaire sur son contemporain Hugo, texte où le principe de "l'universelle analogie" est exalté. Ce texte montre d'ailleurs clairement que Baudelaire ne s'attribuait nullement la paternité d'une théorie des "correspondances", il cite Hoffmann comme source allemande et attribue à Hugo une pratique supérieure de cet art des correspondances. Dans une conférence vidéo récente, Nakaji cite après moi ce texte décisif de Baudelaire mis en relation avec le sonnet Voyelles. C'est la seule incursion ésotérique qu'il s'autorise parce qu'elle a des cautions littéraires claires au dix-neuvième siècle. Mais, on fera observer que dans le cas d'Helmholtz nous n'avons pas une considération mystique, mais un ancrage scientifique justifiant les choix des couleurs dans le premier vers du célèbre sonnet de Rimbaud.
Quant à ce que je développe sur la pensée profonde à l'œuvre dans ce sonnet, cela tient à ma capacité à considérer que la langue créée par Rimbaud, de facto, ne relève pas d'un travail sur les constituants linguistiques, mais d'un travail plutôt de l'ordre du logos universel à partir du tissage, filtrage poétique. A la différence de tous les rimbaldiens qui m'ont précédé, je travaille d'emblée à dégager l'unité des vers formant une série, puis je travaille sur l'articulation des séries. Ce travail a pu être esquissé, mais je m'y emploie à fond pour bien plus de résultats.
Un autre point important. Le chercheur en Littérature a besoin de prouver ce qu'il avance, et il songe à un régime de la preuve similaire au cas du scientifique. C'est là qu'intervient un principe de précaution qui peut parfois manquer de pertinence.
Nous pouvons illustrer cela avec un brouillon d'Une saison en enfer. Dans la version imprimée de "Mauvais sang", le mot "outils" apparaît, mais dans la version manuscrite correspondante, nous avons le mot "autels". Le fait était connu, puisque le texte des brouillons était publié dans les éditions récentes des œuvres d'Arthur Rimbaud, et le mot "autels" était édité correctement. Mais, dans l'esprit des rimbaldiens, il est question d'une variante. Les rimbaldiens sont convaincus qu'il est plus scientifique de rester prudents et de considérer qu'il y a une leçon manuscrite "autels" et une leçon imprimée "outils" témoignage parmi d'autres de l'évolution d'une création littéraire. Il est impossible de leur faire comprendre l'absurdité de leur raisonnement et qu'au contraire le brouillon permet de clairement constater que la leçon manuscrite authentique "autels" a clairement été tracée à la main par Rimbaud, tandis que la leçon "outils" si proche formellement n'a été imprimée que par un prote, et que dans la tension qui en résulte s'impose alors l'évidente coquille d'un mot pour un autre. Avec le mot "autels", le texte de Rimbaud reprend une cohérence thématique inespérée : l'idée du sabre et du goupillon. Normalement, un lecteur intelligent renonce à la lecture ancienne "outils". Il ne se dit pas que la lecture "autels" est une nouveauté qui vient après trente ans de la lecture "outils", il se dit que la lecture "autels" est première et d'une authenticité imparable et qu'elle remet en cause une lecture à laquelle nous étions habitués parce que nous ignorions qu'une erreur s'état mise de la partie pour nous empêcher de bien lire et comprendre un texte de Rimbaud.
Ce problème se retrouve nettement dans le cas de Voyelles. Le terme "bombinent" se rencontre à la fois dans Voyelles et dans Les Mains de Jeanne-Marie, le couple "strideurs" et "clairon" se rencontre à la fois dans Voyelles et dans Paris se repeuple. A la différence de Voyelles, Les Mains de Jeanne-Marie et Paris se repeuple sont deux poèmes explicitement communards. Or, on se rencontre que le mot "bombinent" fait partie d'une image qui permet d'approfondir les liens entre le sonnet et le poème daté de février 1872, sans parler de la rime "étranges"::"anges" qui se retrouvent symétriquement vers la fin des deux compositions. Dans le cas de Paris se repeuple, un troisième mot est concerné "suprême".
Face à un réseau qui se dessine, les rimbaldiens, loin de considérer que ce sont des images familières au poète qui font sens pour lui et que par conséquent il doit bien avoir moyen d'éclairer les poèmes en regard les uns des autres, loin de cela les rimbaldiens se réfugient derrière un principe de précaution qu'ils ont l'illusion de considérer comme relevant de la sagesse du scientifique sans passion. Non, il n'y a pas de lecture communarde à envisager du sonnet Voyelles. Pour eux lecteurs il ne reste qu'une peau de chagrin dans une juxtaposition maigre de groupes nominaux, puisque tout effort de liaison suppose de faire jouer ce que nous savons de l'auteur, ce que nous savons du reste de son œuvre, et ainsi de suite, puisque tout effort de liaison demande au minimum de faire jouer les connotations. Les rimbaldiens croient scientifiques de neutraliser les connotations des mots et des images, alors que c'est le moteur même de la lecture possible de l'œuvre de Rimbaud.
Face à cela, il est extrêmement réjouissant pour moi de pouvoir dire que malgré les mentions "Belmontet", "Silvestre", "Ricard" et "Dierx", les rimbaldiens n'ont jamais identifié les intertextes de cinq poèmes zutiques : Vieux de la vieille, Hypotyposes saturniennes ex Belmontet, "L'Humanité chaussait...", Lys et Vu à Rome. Ils ont publié pourtant des articles sur ces cinq poèmes, ils ont annoté des éditions, et aujourd'hui ils se sentent enfin assez en forme pour en parler de l'Album zutique et du sens de ces cinq poèmes. Cerise sur le gâteau, le nom de Pommier se baladait, je l'avais moi-même cité en 2009. Aujourd'hui, en 2016, j'y reviens et je vais établir dans quelques jours avec un nouvel article que les trois "Conneries" ont une cible parodique semi explicite qui est Pommier, et que des passages précis de l'œuvre de Pommier sont des intertextes aux trois créations de Rimbaud. J'ai prouvé ma compétence sur huit cas zutiques simples et face à cela la communauté rimbaldienne doit avouer son échec. Du coup, il va leur être bien délicat de faire passer mes lectures de Voyelles, du Bateau ivre, des Corbeaux et de quelques autres pièces pour des délires, car c'est le traitement officiel qui m'est réservé puisque je n'ai droit de cité que pour les intertextes objectifs de Belmontet, éventuellement de Silvestre et Ricard. Le coup d'éclat sur les trois "conneries" remet bien évidemment en cause la légitimité de la majorité rimbaldienne pour déterminer ce qui est sérieux et ce qui ne l'est pas en fait de rapprochements rimbaldiens. Ils n'ont pas été compétents sur des cas simples. Où serait leur légitimité pour me juger sur les cas plus subtils ?
Je les crois vraiment en grande difficulté. Leur autorité est définitivement sapée.
Pour la pensée de Rimbaud et les lettres dites "du voyant", j'ai parlé récemment de la préface de Sully Prudhomme à sa traduction de Lucrèce. C'est sans doute là encore un point délirant de mon approche de Rimbaud selon la doxa ambiante. Combien de temps encore vont-ils pouvoir dauber un travail qui produit des résultats assez enviables ? Les universitaires sont payés en tant que chercheurs, ne doivent-ils pas des comptes au public ? Il va bien falloir l'informer ce public de certaines lectures de Rimbaud qui sont proposées sur ce blog ou dans des revues spécialisées que seule une partie des rimbaldiens lisent. Il va vraiment falloir se réveiller. Dire que je vais devoir encore débourser pour apprécier si les choses évoluent dans le cas d'un prochain Dictionnaire Rimbaud où Alain Bardel se charge de plusieurs notices parmi lesquelles celles sur Voyelles ou "L'Humanité chaussait..."
J'attends de voir ça de près.

lundi 16 mai 2016

Alcide Bava : Notes rimbaldiennes (en attendant les fruits sur le Pommier)

Dans le récent numéro 26 de la revue Parade sauvage (daté conflictuellement de 2015, quand l'édition est admise de 2016), Alain Vaillant et Michel Masson développent chacun leur tour une lecture du Cœur supplicié.
Les deux auteurs reviennent sur le néologisme "abracadabrantesques". Sans le citer, Alain Vaillant évoque l'idée de Fongaro d'une formation à partir des mots "abracadabrant" et "abracadabresque", cette dernière formation de Gautier se fonde sur le modèle de nom propre "Abracadabrès", "déformation plaisante du patronyme de la duchesse d'Abrantès".
Selon Vaillant, il ne faut pas se dépêcher d'assimiler le néologisme à l'un des trois mots "abracadabra", "abracadabrant" ou "abracadabresque".
Toutefois, dans l'article de Fongaro dont je n'ai pas la référence en tête, il y avait une idée importante, c'est que les commentaires commettaient l'erreur de se concentrer sur la formule magique "abracadabra" quand la base à cerner était la forme adjectivale "abracadabrant" qui a un sens distinct.
Ensuite, Vaillant propose d'identifier un jeu de mots obscène dans une syllabe du mot "abracadabrantesque". Il faudrait identifier le "bran" dans ce mot qui veut dire la merde. Cette considération est gratuite, c'est comme si je disais qu'il faut lire "con" dans "considération" que je viens d'écrire. C'est comme si quand une mère dit à son enfant : "Ne fais pas le fou fou. Ne va pas par là", vous reprochiez à cette mère d'apprendre à sa progéniture le mot "foufoune".
Il apparaît là une méthode de critique littéraire que je ne peux pas admettre sans autre forme de procès.
Dans sa lecture, Michel Masson revient sur ce néologisme "abracadabrantesques". Il s'intéresse au suffixe en "-esque" et veut voir autre chose dans ce néologisme qu'un superlatif si j'ai bien lu, sauf que je n'ai pas compris ce qu'il voyait d'autre en le lisant.
Je réponds juste ceci. Evidemment que c'est un superlatif sur la base "abracadabrant", comme on aurait pu avoir "abracadabrantissime". C'est aussi un suffixe qui renvoie au titre des Odes funambulesques de Banville, auteur à la source de la parodie du Cœur volé au moins au plan formel, puisque c'est Banville qui remet au goût du jour la forme médiévale ancienne du triolet.
Revenons à l'article d'Alain Vaillant. Celui-ci remarque que l'attention n'aurait pas été suffisamment portée sur la parodie du Sacré-Coeur de Jésus-Christ, ce qui peut s'entendre, mais c'est pour développer une lecture selon laquelle nous nous serions trompés en identifiant le "Je" du poème à Rimbaud (et pourquoi pas plus vaguement à un poète ?), quand il aurait fallu identifier le Christ. Selon Vaillant, Rimbaud compose un poème anticlérical où le Christ plutôt que Toto est sur un bateau et se fait sodomiser par toute une troupe de soldats.
Cela me laisse assez perplexe. Rimbaud se serait dit "Oh ! La pluie est à l'anticléricalisme aujourd'hui, je vais bien montrer ma haine de Jésus en l'imaginant dans une situation dégradante."
J'ai trouvé ça un peu farfelu.
La citation latine de la lettre à Izambard qui contient la première version connue de ce poème ne doit pas servir à identifier le Christ en victime du poète, mais bien plutôt à considérer que dans ce poème à la première personne celui qui parle identifie ce qui lui arrive à un martyre christique.
La lecture de Masson souligne pour sa part une erreur courant d'interprétation des "sursauts stomachiques". Nous lisons "sursauts stomacaux" et interprétons cela comme vomissement, quand le "stomachiques" suppose la facilitation de la digestion, et ces sursauts seraient donc ceux du rire, en remise en cause de l'idée d'un "cœur triste".
Pour le "triste cœur", Masson insiste sur l'inversion inhabituelle de l'adjectif "triste", mais il me semble que ce motif repris par Verlaine en "Triste était mon âme", me permet de rappeler un motif  romantique latent, Lamartine a plusieurs fois écrit "Mon âme est triste à en mourir" avec la note d'un dolorisme christique.
Pour ce qui est de l'évolution du titre, j'ai aussi dans l'idée que la dispute avec Izambard a joué. Cœur supplicié, puis Cœur du pitre, puis Cœur volé.
Les rimbaldiens se contentent des lettres qui nous sont parvenues, alors même que nous savons par le témoignage d'Izambard que si toutes les lettres nous étaient parvenues nous aurions un courrier plus abondant du côté d'Izambard que de Demenÿ, lequel n'est guère soupçonné d'avoir détruit une partie de sa correspondance pour la dissimuler à la postérité. Demeny a tout confié et même vendu à Darzens, tandis que nous savons qu'Izambard a eu toutes les peines du monde à confier progressivement les lettres que Rimbaud lui avaient écrites. Il faut être logique. C'est par dépit que Rimbaud écrivait à Demeny après les fins de non-recevoir d'Izambard. Mais les rimbaldiens ne se départissent pas d'une idée absurde. Dans le volume Rimbaud poéticien, Yves Reboul dans un article au demeurant intéressant sur Mérat continue d'asséner que si Rimbaud parle de la "Librairie Artistique" à Demeny c'est dans l'espoir d'y être lui-même publié. Mais comment peut-on continuer à réciter une absurdité pareille ? La situation politique est tendue, c'est la guerre civile avec l'épisode communard (17 avril), Rimbaud n'a aucun poème publié dans la presse ou peu s'en faut pour lancer financièrement un recueil. Il est adolescent et peut peaufiner son œuvre. Pourquoi veut-on qu'il n'attende pas ses dix-huit ans ? Il ne dit d'ailleurs nulle part dans la lettre qu'il faut songer à lui pour une publication et les lettres suivantes confirment cette absence d'intention immédiate. Pour publier un recueil, il faut d'ailleurs une œuvre conséquente et une sélection publiable (pensons aux cas de "Vénus Anadyomène" ou du "Châtiment de Tartufe"). Non, il n'y a pas de projet de publication avéré, et aucun tel projet n'est alors envisageable sérieusement. Demeny n'est en rien un interlocuteur privilégié, il est la queue de comète des échanges avec Izambard, et Masson relève justement dans son article que de la lettre à Izambard à celle à Demeny revient l'idée que le destinataire ne doit pas se fâcher. Qui s'est fâché ? Izambard bien sûr. Et cela conforte ma thèse que Demeny subit la correspondance de dépit face à l'incompréhension d'Izambard. C'est tellement évident et logique. L'altération du titre "supplicié", "du pitre", "volé", joue avec le contenu du poème qui est un jeu entre la tristesse et la fantaisie, avec un dosage satirique, mais aussi on sent que la mention "du pitre" accentue le côté funambulesque face à la réaction qu'a eue Izambard suite à la lettre du 13 mai.
Mais peu importe cette variation de titre.
Au moins, si Izambard ne comprenait pas grand-chose, il avait au moins compris le lien métaphorique plus que patent entre Le Cœur volé et Le Bateau ivre, et cela on ne peut pas lui enlever. Masson présente cette lecture d'Izambard comme une hypothèse incertaine à la toute fin de son article, comme pour dire que cette mise au point est encore à faire, alors même que Masson est tout à fait capable de percevoir un lien aussi discret que le retour de la forme en "ant" de "abracadabrantesques" dans "gouffres cataractants". Masson a eu en contrepartie le mérite de mettre en doute certains intertextes, en particulier le prétendu intertexte baudelairien du poème L'Albatros qui tombé de nulle part a été asséné par Mario Richter comme une évidence.
Dans Le Cœur volé, la figure de poète qui dit "moi" est victime des insultes de la troupe et ressent un viol de son cœur, un viol qui le déprave et corrompt. Il faut donc rompre avec cette troupe en se jetant à l'eau. Les flots effectueront son salut ("sauvé" "lavé"), et cela renvoie à la figure du "Bateau ivre" qui s'oppose aux "haleurs", comme le "pitre" s'oppose à ceux qui tiennent le "gouvernail" d'un autre bateau. Le "bateau ivre" lui se libère et se fait précisément laver par le "Poème de la Mer", véritable "bain", puisque deux fois la forme "baigné" revient en plus de "lava".
La Mer désigne métaphoriquement le peuple, et la tempête de éveils maritimes qui se fait Poème c'est la Commune. Le poème Le Cœur supplicié est un poème d'actualité.
Or, un autre poème contemporain Chant de guerre Parisien qui ne parodie pas que le Chant de guerre circassien de Coppée, mais toute une littérature abondante du temps de la guerre franco-prussienne en quatrains d'octosyllabes à rimes croisées qui implique Banville avec ses Idylles prussiennes et pensez-y bien l'auteur des Cuirassiers de Reischoffen et de quelques autres poèmes dont l'esprit satirique et formel a inspiré la création rimbaldienne. Les triolets du Cœur volé sont tout simplement dans la continuité de cet exercice satirique et funambulesque (est-ce da la satire, de la fantaisie ? pour citer l'introduction de ce poème dans la lettre du 13 mai à Izambard). Or, Masson après tant d'autres rappelle la série de termes militaires qui s'offrent à nous dans les triolets rimbaldiens, systématiquement au plan des rimes : "général", "troupe", "caporal", "pioupiesques". Mais Masson le fait avec une prudence circonspecte qui me paraît surréaliste. Certes, l'adjectif "général" ne désigne pas un grade à l'armée. Mais on ne va pas réapprendre ce qu'est la poésie. Rimbaud rassemble des mots pour suggérer l'idée du militaire auquel fait face ce cœur de pitre. Bien sûr que "rire général", c'est le rire de toute la troupe et que sur un second plan on voit la signification militaire suggérée. Cet aspect de la lecture s'étudie aujourd'hui dès la sixième avec les mots techniques bien lourds de dénotation et de connotation. Pourquoi les universitaires à la Sorbonne ne sont-ils pas au courant ?
Or, le "petit caporal", c'était, que nous sachions, l'oncle de Napoléon III, Napoléon Premier, et dans la société française qui mieux que l'armée peut être désignée comme nostalgique d'un Empire fraîchement tombé, un Empire dont une insulte, un des "quolibets" ou "jets de soupe", étaient d'avoir demandé aux républicains de soutenir la cause de l'Empire en juillet, on songe aux "Messieurs de Cassagnac nous reparlent de vous" en juillet.
Bon sang de bonsoir, comment n'est-il pas clair que Le Cœur volé déclare une adhésion à la Commune avec un "Comment agir, ô cœur volé ?" qui a tout d'une question rhétorique puisque cette question au troisième triolet strophe a déjà eu sa réponse dans le second triolet strophe : "flots... Prenez mon cœur..." Je parle de triolet strophe car en principe le triolet ne se répète pas en strophes, mais peu importe. Ce qui compte, c'est de constater le discours explicite du poète et cela n'a rien de compliqué.
Je passe aussi sur le fait que Vaillant puisse croire les vers de réponse d'Izambard comme l'authentique réponse d'époque du professeur, alors que les décasyllabes irréguliers montrent qu'Izambard a composé cela dans les années 1880. Je passe aussi sur les explications de Masson ou Vaillant qui pensent pouvoir expliquer facilement pour "vesprée" est remplacé par "gouvernail" ou pourquoi il existe une version verlainienne de deux strophes ? Les explications ne sont pas démontrables, cela n'engage que la foi de celui qui veut les croire. Il est plus pertinent d'envisager l'idée de direction et de gouvernement dans la nouvelle leçon "gouvernail".

Mais, j'aurais une autre idée à soumettre. Dans la lettre à Banville du mois d'août 1871, Rimbaud a signé le poème qu'elle contient du nom "Alcide bava". Alcide, cela veut bien sûr dire "fils d'Hercule", et fait remarquable le "bava" reprend l'idée du cœur qui bave du pitre. Or, "Alcide", n'est-ce pas avant tout le nom des Hercules de foire ? Signer "Alcide bava", c'est redire à Banville la question posée à Izambard : "est-ce de la satire ? c'est de la fantaisie toujours".
Le poème Ce qu'on dit au Poète à propos de fleurs est lui aussi une fantaisie satirique dans la continuité de Chant de guerre Parisien et du Cœur volé. La complexité de ce poème envoyé à Banville vient de ce que, en faisant allusion à l'actualité, le poète dénonce dans une production tantôt satirique tantôt ironique aussi bien la "vieillerie poétique" considéré comme "vieillerie politique" et les impasses d'un chant naïf du progrès, essentiellement technique et scientifique, lui-même expression d'une idéologie politique dont se méfie Rimbaud. Autrement dit, Rimbaud fait parler un "Alcide bava", qui prend la défense de la poésie moderne, en dénonçant les "lys" d'une poésie dépassée d'Ancien Régime, mais progressivement son propre discours révèle ses propres limites cocasses.

Note : au fait, dans la lettre à Demeny du 17 avril 1871, Rimbaud parle de l'actualité "du 25 Février au 10 Mars", alors que sa lettre du 17 avril répond à une lettre du 16 avril et que dans cette lettre toujours Rimbaud précise qu'il travaille au Progrès des Ardennes depuis le 12 avril.
Je me demandais s'il n'y avait pas une petite altération, histoire de ne pas être ennuyé. Peut-être faut-il y a lire "du 25 mars au 10 avril", ce qui présenterait sa troisième fugue comme effectivement contemporaine de la Commune. Sinon, sa présence à Paris sous la Commune serait donc postérieure au 15 mai.

samedi 14 mai 2016

Prochainement...

Je vais vous parler d'Amédée Pommier. Vous ne connaissez pas ses Colifichets, ses Colères et ses Cneries qui s'entassent en Conneries dira Rimbaud. C'est l'auteur de Paris, une autre conneri', car c'est un "poème humouristique" selon le sous-titre qui nous aligne sur 400 pages des octosyllabes suant d'ennui, où il glorifie Napoléon III, parle de cacas dans les coins, dénonce la Terreur, la guillotine, donne des conseils bien chrétiens sous forme d'impératifs de quelques syllabes, il donne des énumérations, souvent de noms, il décrit Paris à toutes époques. C'est un recueil de l'année de l'Exposition universelle de 1867. Et attendez la suite, je n'ai pas encore tout lu....

Mmh,le progrès, charlatanisme et politicomanie... plus Sparte.

Houlalalalalala.....


J'ai d'autres articles à lancer, je réfuterais bien les lectures des "Corbeaux" et du "Cœur supplicié" d'Alain Vaillant. Je ferais bien un petit article sur la dissimulation allégorique de l'opposition à l'Empire en commentant l'Enterrement à Ornans de Courbet. D'autres choses encore...

Article zutique libre en prévision d'un retour sur le sonnet "Paris" et quelques voyelles

On le voit, l'actualité du blog(ue) est exceptionnelle, avec coup sur coup la caractérisation du sonnet Poison perdu comme poème zutique, ce que j'avais depuis longtemps élaboré, sauf que je n'avais même pas pensé à faire le rapprochement avec les sonnets monosyllabiques et surtout celui du "Martyre de saint Labre" de Daudet. Surtout, ce qu'il y a d'exceptionnel, c'est que j'avais laissé traîner l'exploration des œuvres d'Amédée Pommier, et là je viens d'établir quelque chose dont il faut bien mesurer toutes les conséquences. Les poèmes en vers d'une syllabe d'Amédée Pommier sont des intertextes précis des deux "Conneries" : "Jeune goinfre" et "Cocher ivre". C'est un événement, car les trois "Conneries" n'étaient pas suivies de la fausse signature d'un auteur parodié et si Steve Murphy avait indiqué un intertexte de "Jeune goinfre", cela donnait l'illusion que la recherche d'un texte démarqué n'avait plus lieu d'être pour ce sonnet, tandis qu'on pouvait douter de la nécessité d'identifier la parodie d'un poème précis soit pour "Cocher ivre", où minimalement j'avais proposé une allusion à "Marine" des Poèmes saturniens, soit pour "Paris". En même temps, dans l'optique de prêter aux poèmes zutiques une valeur littéraire plus élevée, les sonnets zutiques passaient pour des essais formels ambitieux, surtout "Paris".
En découvrant les intertextes de Pommier derrière "Jeune goinfre" et "Cocher ivre", j'identifie "Conneries" en tant que réécriture du titre "Colifichets" et remet en cause l'idée d'expériences formelles subtiles de Rimbaud au sein de l'Album zutique. Et enfin, du coup, j'ouvre la voie à une recherche d'un intertexte pour le sonnet "Paris" du côté d'Amédée Pommier. Et, surprise, Alain Chevrier en a justement proposé un, et cette proposition est évoquée ensuite par Bernard Teyssèdre dans son livre Arthur Rimbaud et le foutoir zutique. Mais, le lien n'est présenté que de manière hypothétique, et il faut que je retourne voir cela de plus près.
Je précise qu'en revanche dans son livre La Syllabe et l'écho (que je viens d'acheter) Chevrier ne parle à aucun moment de l'article de 1865 où Verlaine renvoie à la tête de Barbey d'Aurevilly l'admiration pour les vers d'une syllabe de Pommier, ce que j'ai mis en avant en 2009, et ce que désormais Chevrier signale à son tour à l'attention dans deux numéros de la revue Parade sauvage, signe que mon idée a fait tilt. Mais malgré cela, Chevrier n'a pas identifié les rapprochements intertextuels qui concernent "Jeune goinfre" et "Cocher ivre" comme je viens de le faire sur ce blogue.
Toutefois, parmi les livres que je viens d'acheter, il se trouve le tout nouveau numéro 26 de la revue Parade sauvage. Je n'en ai lu encore que les "singularités" et un seul article, précisément l'article d'Alain Chevrier intitulé " Le 'Paris' zutique de Rimbaud est-il la parodie d'un poème de Valade ?" Dans cet article, Chevrier pense qu'un poème de Valade publié en septembre 1872 dans la revue La Renaissance littéraire et artistique ne s'inspirerait pas du sonnet zutique de 1871 de Rimbaud qu'est "Paris", mais que ce serait au contraire la création de Valade "Réclames gratuites" qui, plus ancienne, serait le modèle du poème de Rimbaud. Le problème, c'est que sur les cinq quatrains du poème de Valade, deux d'entre eux s'expliquent par des renvois à l'actualité de l'année 1872. C'est Chevrier lui-même qui nous l'indique en commentant le poème de Valade. Il faudrait alors établir que le poème est plus ancien, mais qu'il a été remanié. Pour l'instant, il est plus simple de considérer que Valade a repris l'idée du sonnet "Paris" de Rimbaud.
Il y a d'ailleurs d'autres approximations dans l'article de Chevrier, lequel revient encore une fois sur les sonnets en vers d'une syllabe, mais pour considérer que c'est Germain Nouveau qui a lancé l'idée de la parodie de cette forme dans l'Album zutique, avant que Valade ne s'y confronte, puis Rimbaud. J'ai relu plusieurs fois le passage tant cela m'a surpris. Cela doit être une inadvertance, Chevrier ignorerait la mise au point bien connue, ancienne et décisive de Michael Pakenham qui a établi que Nouveau n'était arrivé à Paris que bien après l'épisode zutique de septembre-novembre 1871, et qu'il avait rempli des blancs laissés dans l'Album zutique, ce qui donnait l'illusion qu'il y avait contribué en même temps que Rimbaud, Verlaine et d'autres.
Mais donc, pour l'instant, j'ai une piste, le poème "Charlatanisme" du recueil Colères de 1844, modèle de juxtaposition de slogans publicitaires en vers.
Alors, je vais quand même citer un passage de cet article de Chevrier, parce que quand j'aurai effectué les mises au point, on verra la distance.
Donc, à la page 115 et à la suite d'une citation in extenso du poème "Charlatanisme", Chevrier écrit ceci :

     La question nous paraît se déplacer : si Rimbaud n'a pas parodié directement le poème publicitaire d'Amédée Pommier, Valade ne l'a-t-il pas fait pour le sien propre, d'autant qu'il y a toutes chances pour qu'il ait parodié métriquement, en reprenant aussi ses vers monosyllabiques, une des spécialités du "Métromane"(note de bas de page : renvoi à son livre La Syllabe et l'écho).
     Amédée Pommier n'était pas un inconnu pour Verlaine et par voie de conséquence pour Rimbaud. Le temps n'est pas si lointain où Verlaine avait polémiqué à propos de cet ami de Barbey d'Aurevilly dans un article de  L'Art (2 novembre 1865), où il citait en se moquant des vers monosyllabiques extraits de ses Colifichets, jeux de rimes (1860) (note de bas de page : renvoi au texte de Verlaine dans l'édition de la Pléiade des Œuvres en prose complètes).

J'observe que quand Chevrier évoque l'article de Verlaine, la note ne renvoie pas au livre La Syllabe et l'écho. Je l'ai entre les mains ce volume de 2002, je n'y trouve à aucun moment la référence à cette réponse de Verlaine à Barbey d'Aurevilly où les vers de Pommier sont cités. Cette référence, je l'ai apportée dans un article paru en 2009. Depuis, c'est la deuxième fois que Chevrier publie un article où il développe cette idée comme si son livre de 2002 lui donnait autorité pour reprendre ce que j'ai développé en 2009.
J'avais pourtant demandé des explications la première fois.
Donc, je viens de citer un article dont la publication est toute fraîche. Sans parler de l'attribution erronée d'une antériorité à Germain Nouveau, je remarque que si Chevrier a le mérite d'attirer l'attention sur un intertexte du sonnet "Paris", il n'en reste pas moins que le titre "Conneries" n'a pas été cerné comme une réécriture de deux titres de recueils d'Amédée Pommier, "Conneries" reprend tout à la fois "Colifichets" et "Colères", avec la même amorce à chaque fois en "co". Le titre "Conneries" est essentiel, puisque si "Jeune goinfre" et "Cocher ivre" sont des parodies des verts courts de Pommier, et pas seulement de la forme, je viens de préciser les rapprochements intertextuels inaperçus jusque-là, et si "Paris" est la reprise du procédé de "Charlatanisme", le titre "Conneries" réunit donc bien trois parodies d'Amédée Pommier.
Et cela a échappé à Chevrier puisque la première phrase de la citation que je viens de faire montre que selon lui Rimbaud ne parodie pas Pommier, mais Valade qui a parodié Pommier. Donc, le titre "Conneries" ne fait pas sans pour Chevrier.
Alors, je me doute bien qu'un Alain Bardel ne recensera pas le présent article polémique. Mais j'en ai un peu marre. Moi, sur mon blogue, je le dis ouvertement devant tous que le milieu rimbaldien a de sérieux torts à mon égard, et pas seulement sur l'Album zutique avec les épisodes Teyssèdre et consorts. C'est vertigineux ce qui se passe et j'en ai énormément ras-le-bol. Je n'y participe plus à la revue Parade sauvage, parce que je suis indigné par tout ce qui se passe.
Je vais m'y atteler à l'article sur le sonnet "Paris" et bien sûr que Rimbaud informé dès la période septembre-novembre 1871 des polémiques autour du Parnassiculet contemporain, de Daudet, de Barbey et d'Amédée Pommier, a lu les œuvres de Pommier et les a parodiées en une série de trois poèmes sous le titre Conneries. Je vais faire la mise au point en espérant aller plus loin. En revanche, l'idée que le poème de Valade publié en 1872 soit un intertexte ne m'a pas convaincu à cause des deux anachronismes. Cela reste néanmoins intéressant à observer de près.
Alors, je découvre que la direction de la revue Parade sauvage a changé. Denis Saint-Amand et Robert St. Clair ont remplacé Yann Frémy et Seth Whidden. Ils signent un avant-propos qui m'a amusé ("année terrible", "l'ami cher", "Il ne s'en ira pas..."). Et évidemment il y a une publication d'actualité à noter qui concerne Denis Saint-Amand, c'est un volume en Garnier-Flammarion, une édition de l'Album zutique et des Dixains réalistes par Denis Saint-Amand et Danie Grojnowski, Saint-Amand pour l'Album zutique et Grojnowski pour les Dixains réalistes. Comme il s'agit de volumes collectifs, trois noms d'auteurs ont été retenus et ils sont suivis de trois points de suspension : Rimbaud, Verlaine, Cros...
Il faut quand même préciser les choses. Avant que ne soient révélées mes découvertes des citations authentiques de Belmontet dans les Hypotyposes saturniennes ex Belmontet et Vieux de la vieille dans les notes de l'édition des Œuvres complètes de Rimbaud dans l'édition de La Pléiade, Daniel Grojnowski avait publié un livre La Muse parodique que je connais mal qui reprenait pas mal de poèmes zutiques, mais pas tous, dans une anthologie plus vaste. Il y avait aussi une édition bon marché de l'Album zutique (Edition des Cendres). Mais cela s'arrêtait là. Après la révélation sur Belmontet, bien des articles et travaux sur l'Album zutique ont été lancés.
Il y a eu le volume collectif La Poésie jubilatoire auquel j'ai participé, le livre de Bernard Teyssèdre écrit probablement avec l'aide de Jean-Jacques Lefrère vu la reprise de coquilles de la biographie parue en 2001 chez Fayard dans Le Foutoir zutique, avec l'aide encore d'autres rimbaldiens avec lesquels je communiquais régulièrement à l'époque. Il y a eu divers articles de moi, d'autres rimbaldiens : Whidden, Rocher, Saint-Amand, Chevrier, etc., maintenant ce volume en Garnier-Flammarion. Le titre La Poésie jubilatoire lie le projet de Seth Whidden et donc de la revue Parade sauvage au volume du Foutoir zutique où apparaît le titre de sous-partie "Le sexe jubilatoire". Chevrier a fait la recension du livre de Teyssèdre pour la revue Histoires littéraires du préfacier Lefrère du donc Foutoir zutique. On tourne bien en rond.

Alors, je vais faire le bilan parodique.

La chronologie des compositions dans l'Album zutique, je l'ai publiée avant Bernard Teyssèdre dans un volume de la revue Rimbaud vivant, et puisque Teyssèdre a signalé avoir été aidé par Lefrère, Pakenham et Murphy pour composer son ouvrage, je précise que j'avais précisé ce fait à divers rimbaldiens avant même de publier, mais dans tous les cas l'antériorité de publication, JE L'AI.

J'ai aussi l'antériorité pour ce qui est d'avoir cerné que sur le feuillet, contenant le fameux "Sonnet du trou du cul", les deux poèmes transcrits par Rimbaud sur la colonne de droite l'ont été avant ceux reportés par d'autres dans la marge initialement laissé à gauche, une remarque qui vaut pour le feuillet suivant. J'ai alors établi que les trois premières transcriptions furent Propos du Cercle, Sonnet du Trou du Cul et Lys, mais aussi que le sonnet à deux mains de Pelletan et Cros est une démarcation du "Sonnet du trou du Cul", tandis que "Autres propos du Cercle" de Valade est un quatrain qui démarque "Lys" de Rimbaud, ce qui a grandement valeur d'accueil du prodige étonnant à Paris.
J'ai ensuite établi une triple convergence : publication en un volume réunissant toutes les livraisons du  second Parnasse contemporain durant l'été 1871 ce qui inclut la première série de Promenades et intérieurs de Coppée en même temps qu'une publication d'une nouvelle série de Promenades et intérieurs dans la revue Le Monde illustré au début de juillet. J'ai longtemps cru être le premier à avoir fait cette découverte avant de m'apercevoir que Pakenham avait signalé cette publication en revue au tout début des années 1970, mais l'intérêt était retombé. Et j'ai montré que les réécritures de vers de Corneille dans l'Album zutique venaient justement d'un vers de Corneille cité à proximité de la série de Coppée publiée dans Le Monde illustré. Sans parler d'un scoop latent pour les amateurs de Coppée, car il me semble avoir repéré une publication précoce de sa part dans Le Monde illustré, bien avant même la publication du Reliquaire en 1867 (c'était une nouvelle et c'était vers 1863 je crois), en-dehors de ce détail futile, Coppée a publié également dans Le Monde illustré plusieurs pré-originales des Humbles dont certaines en alternance avec des écrits anticommunards de Paul de Saint-Victor, l'auteur fin 1871 du volume au titre que j'ose croire significatif pour les rimbaldiens Barbares et bandits. Là encore, Pakenham m'avait devancé de trente ans, mais peu importe, et enfin j'ai signalé une nouvelle publiée en deux fois qui s'intitule "Ce qu'on prend pour une vocation", nouvelle qui m'a suggéré une idée pour Une saison en enfer mais je ne la formule pas pour l'instant, et cette nouvelle je l'ai présentée comme un intertexte coppéen évident des Remembrances du vieillard idiot. L'expression "vieillard idiot" est à l'évidence une déformation du nom "Victor Hugo", idée qui a au moins été envisagée par Jacques Roubaud, et justement corrompre "Victor Hugo" en "vieillard idiot" c'est rappeler à Coppée son titre "Ce qu'on prend pour une vocation" : on se croit Victor Hugo et on n'est qu'un vieillard idiot, même si dans les faits à l'époque c'était Hugo la personne âgée et non Coppée. Surtout, j'insistais sur la chute de la nouvelle qui a une formule à l'impératif que Rimbaud CITE clairement : "et tirons-nous la queue!", puisque la nouvelle de Coppée finit ainsi "et souhaitons-nous tous deux bon courage." Cela n'a convaincu personne, ni Teyssèdre, ni Denis de Saint-Amand. Qu'est-ce que vous voulez que je dise après ça ? C'est exactement la même situation dans le cas de "Voyelles". Je pourrai expliquer toute ma vie que si les expressions rares "bombinent" "strideurs des clairons" reviennent dans deux poèmes communards de Rimbaud et dans un poème sur la mort au combat de Philothée O' Neddy, c'est que "Voyelles" parle de la Commune, tant que les gens n'auront pas un éveil intelligent, je serai congédié en un "celui-là pense que..., c'est son délire". Moi, je ne peux plus rien à un moment donné. Enfin bref, revenons à notre sujet, j'ai parlé de triple convergence, car j'ai encore signalé, et là je suis le premier à l'avoir fait, les poèmes publiés par Coppée dans la revue Le Moniteur illustré, avec donc plusieurs pré-originales des Humbles et aussi le texte même de la pièce anticommunarde jouée en octobre 1871 Fais ce que dois. Cette découverte a d'ailleurs permis de résoudre un problème intertextuel, puisque Steve Murphy avait remarqué qu'un hémistiche du dizain Le Balai "et ne vaut pas qu'on rie" était la réécriture d'un hémistiche "et dont il faut qu'on rie" d'un poème de Coppée publié dans Les Humbles un an plus tard. Comme je suis généreux, j'ai aussi plusieurs fois répété que si dans "Ressouvenir" comme cela a été relevé la rime "redingote(s)"-"gargote(s)" avec une variation de singulier au pluriel était une reprise parodique par Rimbaud d'une rime de Coppée, le poème de Coppée n'a été publié en recueil qu'ultérieurement. Il convient donc de rechercher la pré-originale de ce poème dans l'une ou l'autre revue. Cela n'est sans doute pas insurmontable pour un chercheur à Paris. J'ai essuyé une réponse selon laquelle il était absurde de chercher à tout prix à justifier parodiquement cette coïncidence de rime. Elle est super ma vie de rimbaldien, j'ai droit à de ces échanges... L'Album zutique contient d'ailleurs une parodie du poème Eugène Manuel La Mère et l'enfant, une parodie par Valade initulée L'Aumône, son étrangeté comique en fait un chef-d'oeuvre de l'Album zutique. Mais où Valade a-t-il lu ce poème ? Dans un recueil ou dans la presse en tant que pré-originale ?
Mais, venons-en au vif du sujet. Dans l'Album zutique, voici le détail des contributions de Rimbaud, détail de contributions... parodiques...

"Sonnet du trou du cul", pour compléter le recueil L'Idole d'Albert Mérat. Sonnet à deux mains de Verlaine et Rimbaud (je ne trouve pas logique l'expression "sonnet à quatre mains" pour un écrit à deux)

Lys quatrain déclaré en tant que parodie d'Armand Silvestre

Vu à Rome pour compléter Les Lèvres closes de Léon Dierx

Fête galante pour compléter un recueil à peu près du même nom de Verlaine

Deux dizains enchaînés pour continuer les Promenades et intérieurs de Coppée, avec à leur suite un monostiche attribué à Louis-Xavier de Ricard.

Trois Conneries en deux parts: "Jeune goinfre", "Paris", "Cocher ivre"

Vieux de la vieille !

Etat de siège ? dizain, donc Coppée est ciblé, mais présence d'un titre

Le Balai dizain donc Coppée est ciblé, mais présence d'un titre

Exil. Fragment en vers qui fait parler Napoléon III

L'Angelot maudit poème qui déclare cibler Louis Ratisbonne

Un dizain déchiré, Coppée ciblé, mais impossible de travailler dessus pour moi.

Dizain sans titre "Les soirs d'été..." Coppée ciblé, corruption du prénom "Francis" comme pour la nouvelle publiée dans Le Monde illustré, cette nouvelle "Ce qu'on prend pour une vocation" que les rimbaldiens pour rien au monde n'envisageraient en intertexte des "Remembrances du vieillard idiot".

Poème déchiré sur le principe des "bouts-rimés" dont seuls les bouts-rimés nous sont parvenus. A part le cas des rimes pour un rapprochement avec Oraison du soir, je ne peux pas travailler sur ce débris.

Dizain sans titre "Aux livres de chevet..." Coppée ciblé

Hypotyposes saturniennes ex Belmontet

Les Remembrances du vieillard idiot

Ressouvenir avec "redingotes"::"gargotes"

Bref, si nous écartons les deux poèmes déchirés (dont un dizain donc Coppée), nous avons 20 poèmes dont 8 sont des parodies déclarées de Coppée, 7 dizains et un poème plus long.
Sur les 12 autres poèmes, plusieurs sont accompagnés du nom de la cible : Mérat, Silvestre, Dierx, Verlaine, Ricard,Ratisbonne, Belmontet. La cas du fragment intitulé "Exil" est plus délicat, il s'agit d'une épître fictive de Napoléon III, mais la parodie pourrait être celle d'un autre poète du genre de Belmontet.
Seules les trois "Conneries" n'étaient pas accompagnées du nom précis d'une cible.

Cela fait trois quarts de siècle au moins que nous connaissons l'Album zutique. Toutefois, avant 2009, la connaissance des intertextes coppéens était encore fort lacunaire, fût-ce pour les seules compositions de Rimbaud.

Pour le reste, les seuls intertextes identifiés étaient les poèmes de Verlaine pour la parodie Fête galante, les sonnets du recueil L'Idole d'Albert Mérat, si ce n'est que la recherche de détail s'est encore peaufinée à ce sujet ces toutes dernières années, et les poèmes de La Comédie enfantine pour L'Angelot maudit et Jeune goinfre, découverte que nous devons à Steve Murphy et qui a pour conséquence d'identifier le texte ciblé d'un des rares poèmes sans cible déclarée.
Chevrier avait proposé un intertexte "Charlatanisme" pour "Paris", mais elle est passée inaperçue et demeurée hypothétique.

En 2009, j'ai révélé que les "Hypotyposes" et "Vieux de la vieille" étaient à quelques corruptions près d'authentiques citations tirées des ouvrages de Belmontet, et non pas des citations.
En 2009, toujours, si André Guyaux peut dire qu'un vers de Verlaine est réécrit dans L'Angelot maudit, c'est parce que je lui ai communiqué dans un fichier zutique où je ne traitais pas que des centons de Belmontet.
Il est intéressant de constater alors la double intertextualité Verlaine + Ratisbonne, la double référence va concerner d'autres poèmes justement comme "Jeune goinfre" et "Vu à Rome".
Toujours en 2009, si André Guyaux cite un modèle chez Ricard au monostiche "L'Humanité chaussait le vaste enfant Progrès", c'est parce que je lui ai fourni dans le même fichier zutique cité plus haut.
Dans la mesure où il existe des querelles de chapelles entre rimbaldiens, il y aura des articles de Bruno Claisse et de Bernard Teyssèdre préciseront que cette découverte sur Ricard n'est pas de Guyaux, mais me la réattribueront, Teyssèdre plutôt en note de fin d'ouvrage. Ce qui est comique, c'est que Claisse ne m'a pas cité quand il a exhibé un intertexte de Leconte de Lisle pour Soir historique qui venait de moi, tandis que Teyssèdre qui me cite beaucoup mais quasi exclusivement en notes de fin d'ouvrage ne dit jamais un mot sur mon antériorité pour la chronologie des contributions zutiques, alors même qu'il recense bien l'article concerné dans sa bibliographie.
Enfin bref.

Donc, en 2009, il ne restait plus qu'à peaufiner les recherches, et il demeurait surtout à identifier les passages d'Armand Silvestre et de Léon Dierx parodiés par Rimbaud.
En réalité, j'aurais déjà pu communiquer l'intertexte de Silvestre à André Guyaux en 2009. C'est une découverte que j'avais déjà faite à cet instant-là. Je ne sais pas pourquoi je ne lui ai pas communiqué. Je pourrais également parler des autres éditions nouvelles, refaites, mises à jour de Rimbaud, par Pierre Brunel, Jean-Luc Steinmetz, Forestier, etc., mais l'édition de La Pléiade a une valeur de référence, donc on s'aperçoit que les textes ciblés par Lys et Vu à Rome étaient inconnus en 2009. Pour Lys, Guyaux écrit : "l'argument qui en fait ici la cible du parodiste n'a jamais pu être précisé." C'est vraiment marrant que je n'ai pas mis ça dans le fichier que je lui ai envoyé, je l'ai toujours ce fichier puisque c'était une communication par courriels interposés. Puis dans la note page suivante, page 881, pour Vu à Rome, là mon fichier a été exploité, puisqu'il est question des mots du poème Vu à Rome qui sont dispersés dans l'œuvre de Dierx.
Evidemment, depuis 2009, j'ai publié ces deux résultats.
Pour Armand Silvestre, je l'ai publié dans deux articles en 2010. un dans Rimbaud vivant, un dans le volume collectif La Poésie jubilatoire. Je me demande à quoi aurait ressemblé le livre de Bernard Teyssèdre sans mes articles de 2009 et 2010. C'est une partie considérable de son ouvrage qui aurait été réduite à la portion congrue ou qui aurait pris une toute autre orientation : Lys, Vieux de la vieille, Hypotyposes et le monostiche de Ricard, sans parler de la chronologie des compositions qui donne le corps de son ouvrage. Mieux encore, pour Vu à Rome, parodie déclarée de Léon Dierx, Teyssèdre explore plusieurs pistes, mais reprenant mon résultat sur Lys il travaille à proposer une relation intertextuelle de Vu à Rome à je ne sais plus quels vers d'Armand Silvestre. Cela m'a laissé bien perplexe.
Dans le cas de Lys, donc j'ai cité le poème en vers ciblé, rime à la clef "étamines", mais aussi la préface de George Sand et les deux livres anticommunards publiés sous le pseudonyme de Ludovic Hans. J'en ai ramené des choses. Je pense que j'ai débloqué la situation pour Bernard Teyssèdre qui n'arrivait pas à écrire le début de son livre, ça l'a tellement ému qu'il en a écrit des pages sur ma découverte sur "Lys", c'était la première réaction de non indifférence à ma découverte, c'était le premier qui s'enthousiasmait. Il traite ce quatrains des pages 148 à 154 de son livre, mais il va y revenir dans un dossier de compléments page 634. Il me cite bien sûr pour la découverte, mais dans les notes à la toute fin de l'ouvrage. Moi, je n'hésite pas à considérer que si ce que je fais est importante je dois être cité au moins une fois dans le corps du texte lui-même. Les gens ne lisent pas nécessairement les notes de bas de page, la bibliographie ne formule que les titres des articles. Je ne vois pas pourquoi je ne suis pas cité, alors que tous les autres rimbaldiens, des plus connus aux plus obscurs, le sont eux cités dans l'ouvrage, parfois plus de dix ou quinze fois sur une page. Il y a une différence de traitement. Teyssèdre n'a daigné me citer dans le corps du texte que pour les pages qu'il a pu écrire sur Belmontet. Pour les rimbaldiens, je suis le découvreur des centons de Belmontet. Dans le récent volume en Garnier-Flammarion, je n'existe également que dans la bibliographie et dans les notes de bas de page, mais dans le corps du texte. Dans la recension pour la revue Parade sauvage du numéro spécial Rimbaud de la revue Europe, je suis le seul contributeur passé sous silence par Bertrand Degott, alors que j'y ai publié un de mes articles sur l'Album zutique. C'est dans cet article de la revue Europe que j'explique entre autres choses la raison de la prolifération de sonnets à verts courts, et c'est dans la revue Parade sauvage qu'à deux reprises Chevrier publie ensuite en la reprenant à son compte ma découverte sur l'origine des sonnets monosyllabiques. J'ai demandé des explications que je n'ai jamais eues, parce que l'impression que ça donne c'est qu'on tait volontairement mon nom.
Alors, précisons bien les choses.
Je n'ai pas encore travaillé sur le "Sonnet du Trou du cul", mais donc il y a 12 poèmes pour lesquels identifier une cible autre que Coppée. Les deux centons de Belmontet, Lys, Vu à Rome, le monostiche de Ricard,  "Cocher ivre", j'ai découvert les intertextes, ça fait six poèmes sur douze. Sur "Jeune goinfre", je partage avec Steve Murphy, cela fait du six et demi sur douze à moi tout seul pour parler vite. J'ai identifié un vers de Verlaine dans L'Angelot maudit, je partage là encore de la découverte avec Steve Murphy, j'approche donc du 7 sur 12 à moi tout seul.
Pour "Paris", Chevrier a probablement découvert l'intertexte, mais il n'en est pas sûr, il pense que l'intertexte est plutôt un poème de Valade. Je n'ai pas découvert l'intertexte, mais j'arrive pour la mise au point.
J'en ai ras-le-bol de voir qu'on attribue mes idées à l'un ou à l'autre, qu'on ne me cite pas. Les rares fois où on me cite, c'est de manière condescendante ou pour laisser entendre que je me trompe, que je délire, c'est le cas sur "Voyelles" notamment. Visiblement, Yoshikazu Nakaji et Yves Reboul ne font aucun cas de ma lecture du sonnet, sauf que je demande à quel article rimbaldien précis autre que l'un des miens Yoshikazu Nakaji a repris la notion de "l'allégorie universelle" et la mention appuyée d'un article de Baudelaire sur les qualités de voyant de Victor Hugo. Dans l'article d'Yves Reboul sur "Voyelles" dont la lecture est insoutenable, le modèle des allusions à Hugo vient là encore de mon article publié dans le numéro 19 de la revue Parade sauvage.
Je viens d'acheter le volume Rimbaud poéticien d'actes d'un colloque rimbaldien à Venise, où Michel Murat cite le présent blogue pour contester la lecture de "Voyelles" proposée par Yves Reboul, sauf que Michel Murat ne dit pas un mot de ma lecture fouillée du poème, il ne cite pas non plus étrangement les articles de la revue Rimbaud vivant. Michel Murat semble s'inquiéter des allusions à l'ésotérisme dans ma lecture de "Voyelles". Non, mais il faut arrêter le cirque. L'ésotérisme des philosophes grecs antiques, de l'école pythagoricienne, c'est de la culture, ça n'a rien à voir avec un quelconque ésotérisme contemporain. Je ne parle d'ailleurs de ce sujet ésotérique qu'à la marge dans mon article et enfin les poètes comme Hugo et Rimbaud exposent explicitement leurs cadres métaphoriques ésotériques. Il faudrait ignorer cela sous peine de passer pour quelqu'un qui croit que Rimbaud a pu avoir des révélations mystiques. Mais où va-t-on ?
Ma lecture du sonnet est liée à la Commune, parce que comme j'ai un cerveau qui fonctionne bien quand je vois que "bombinent" se trouve dans Les Mains de Jeanne-Marie et qu'une série "suprême", "strideurs", "clairon" se trouve dans Paris se repeuple j'en infère logiquement que ce sont des termes métaphoriques liés à une représentation intime de la Commune. Et, j'identifie alors les "puanteurs cruelles", le "sang craché", et je ne me dis pas bêtement que pour les "pâtis d'animaux", la lecture communarde ne va pas marcher, alors il faut y renoncer.
Il y a un minimum d'intelligence à avoir quand on lit de la poésie.
Qu'ont gagné les rimbaldiens à refouler les évidences ? Pour l'Album zutique, pour s'en tenir à la série des poèmes non reliés à Coppée, on a du 7 à 12, autant dire du 7-0. Pour "Voyelles", "Le Bateau ivre", c'est pareil.

Pour ce qui est de Vu à Rome, mon article se trouve sur le blogue de Jacques Bienvenu Rimbaud ivre. J'y identifie les réécritures du texte de Dierx et j'ajoute un intertexte inattendu, le poème liminaire du Reliquaire de François Coppée. Il y a des cas de double intertextualité dans les poèmes zutiques : Dierx et Coppée, Ratisbonne et Pommier, Daudet et Pommier, Ratisbonne et Verlaine, etc. Mais tout cela s'imbrique et prend sens au plan d'ensemble.

Allez, finissons sur un détail. La phrase de Sivry à sa sortie de Satory, le mot transcrit est "rabic", corruption orthographique de "rabique". Il s'agit d'une forme zutique pour l'adjectif "rageur" en quelque sorte. Pascal Pia suivi par d'autres a voulu hésiter entre "rabic" et "ubic", et comme il est question de doigt partout chez les zutistes, le mot "ubic" aurait une pertinence. Non ! Il est écrit clairement "rabic". Le début du "r" est mangé par le vol de la plume et le "a" est parfaitement lisible.

Allez bye.
David Rabic.